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La diplomatie au XVIIème siècle
Parce que le XVIIème siècle fut un temps de guerres, ce fut aussi celui d'intenses négociations
dans l'ensemble de l'Europe.
I. Les souverains entre eux
1. La volonté politique
Les États étant pour la plupart des monarchies héréditaires, les décisions en matière
internationale étaient prises au nom du souverain. Elles étaient élaborées par les princes,
lorsqu'ils en avaient la volonté et les capacités, avec l'aide d' un nombre restreint de ministres
et de conseillers car le secret faisait partie du jeu diplomatique. Par-là, ces ministres avaient
un rôle prépondérant : en Espagne, le favori ou valido l'emportait sur le Conseil d'État, ainsi le
duc de Lerma sous Philippe III, ou Olivarès sous Philippe IV. En France, les cardinaux
premiers ministres définirent la politique extérieure sous Louis XIII, et Louis XIV jusqu'en
1661 : Mazarin continua la politique de Richelieu. Ensuite Louis XIV prit ses décisions
après avoir consulté le conseil d'en haut. Le domaine des affaires étrangères était confié à un
secrétaire d'État qui lisait au roi les dépêches des agents à l'étranger et préparait les réponses.
Les titulaires de ce département furent peu nombreux sous Louis XIV : Loménie de Brienne,
Hugues de Lionne, Arnauld de Pomponne, Colbert de Croissy, de nouveau Arnauld de
Pomponne, enfin Colbert de Torcy. Au début du règne, le secrétaire d'Etat à la Guerre,
Louvois, le maréchal de Turenne, et le contrôleur général des finances, Colbert, donnèrent
aussi leur avis et proposèrent parfois à Louis XIV des politiques alternatives voire
contradictoires (Paul Sonnino). A la fin du règne, le contrôleur général et secrétaire d'Etat à la
Guerre, Chamillart,n'hésitait pas à intervenir dans les négociations dont le responsable était
Colbert de Torcy (John C. Rule).
A Vienne, Léopold Ier, à partir de 1665, remplaça le poste de premier ministre par la
conférence secrète (Jean Bérenger) . Pour les affaires extérieures et le choix des diplomates,
une petite guerre était engagée entre la Chancellerie d'Empire (Reichshofkanzlei) -le
Chancelier était l'Electeur de Mayence et seul le vice-chancelier était à Vienne- et la
Chancellerie autrichienne (Hofkanzlei) créée en 1620. Le président du conseil de guerre avait
aussi à s'occuper des relations avec les Turcs, mais lorsqu'il s'agissait d'une personnalité
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comme le prince Eugène de Savoie, son rôle était grand dans les choix politiques. Ainsi, au
temps de Joseph Ier, ce fut l'ami d'Eugène, Wratislaw von Mitrowitz, chancelier de Bohême,
qui définit la politique étrangère. En Angleterre, deux Secrétaires d'Etat se partageaient la
routine des affaires étrangères, l'un pour le Nord, l'autre pour le Sud. Le souverain avait dans
ses prérogatives la conduite de la politique extérieure mais il avait à tenir compte de l'opinion
du Parlement qui décidait de l'impôt. Guillaume III sut non sans mal imposer ses vues à partir
de 1688 et après sa mort sa politique fut poursuivie par le Grand Trésorier Godolphin et son
allié, le commandant en chef des armées anglaises, le duc de Marlborough, avec le soutien des
Whigs, jusqu'au triomphe des Tories en 1710. Mais l'Acte d'Etablissement de 1701 décida
qu'après Guillaume et sa belle-soeur Anne, le souverain ne pourrait plus s'engager dans un
conflit extérieur sans le consentement du Parlement. Dans les Provinces-Unies, les Etats
Généraux décidait en dernier ressort de la politique étrangère qui était examinée par le Comité
des Affaires secrètes et la correspondance diplomatique passait par les mains du greffier des
Etats généraux, mais le personnage clef était le Grand Pensionnaire de Hollande - Johan de
Witt perdit la vie lorsque Louis XIV se lança contre les Provinces-Unies, Anthonie Heinsius
fut le collaborateur dévoué et le continuateur de Guillaume III, stathouder et roi d'Angleterre.
Mais les députés des Etats-généraux devaient faire leur rapport aux instances provinciales
pour les grandes décisions, comme la guerre et la paix.
Derrière les ministres, une bureaucratie se mit en place au cours du XVIIe siècle avec des
commis, des secrétaires, des interprètes, des spécialistes du chiffre : les premiers commis en
France, les under secretaries à Londres,les Referendare à Vienne. Si les missions de prestige
leur étaient fermées en raison de leur origine sociale (bourgeoisie ou petite noblesse), ils
pouvaient être employés dans des négociations officieuses ou au cours de congrès comme
plénipotentiaires, voire s'élever dans la hiérarchie gouvernementale. Les juristes étaient
nombreux dans les négociations en Allemagne.
Colbert de Torcy s'efforça, pour la France, de conserver et de classer les documents
ayant trait aux pays étrangers, constituant des archives spécialisées, comme une mémoire de
l'Etat, et il recommanda aux postes importants comme Rome d'en faire autant. Le département
des affaires étrangères s'attacha aussi des écrivains chargés de défendre la politique française
(l'académicien La Chapelle, l'abbé Legrand, l'abbé du Bos). Mais de tels propagandistes
existaient aussi auprès des autres gouvernements : Lisola ou Leibniz pour l'Empereur, Swift et
Defoe à Londres.
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Lorsque le futur cardinal Dubois s'imposa au Régent et devint Secrétaire d'Etat aux affaires
étrangères, il s'appuya sur une équipe d'experts : Saint-Prest, garde des archives, Godefroy, le
généalogiste Clérembault, le polémiste Legrand, De l'Isle, premier géographe du roi...
2. Les rapports entre souverains
Les monarques ne se rencontrèrent plus guère au XVIIe siècle ce qui renforça le rôle et l'éclat
de leurs représentants. La guerre de Trente Ans favorisa encore quelques négociations
directes, surtout entre princes allemands , ainsi Jean-Georges de Saxe et Georges-Guillaume
de Brandebourg en 1630 à Annaburg puis à Zabeltitz. Louis XIII et Charles-Emmanuel de
Savoie se rencontrèrent en Avignon en 1622, Christian IV de Danemark et Gustave-Adolphe
de Suède en 1629 à Ulfsbäck. De telles cérémonies devinrent rares. Louis XIV vit encore
son futur beau-père Philippe IV sur l'île des Faisans, mais au cours de son règne il ne
rencontra guère que des princes en exil, Jacques II Stuart, chassé par la Révolution anglaise de
1688, ou les deux Electeurs, de Cologne et de Bavière, bannis de l'Empire pendant la guerre
de Succession d'Espagne. Le tzar de Russie, Pierre, fit deux grands voyages en Europe et
multiplia au contraire, lors de son second périple, les rencontres avec ses "collègues"
monarques, selon l'expression de Ragnhild Hatton. Un cas particulier doit être signalé.
Comme Charles II d'Angleterre ne faisait pas confiance à l'ambassadeur français à Londres,
Colbert de Croissy, il demanda que sa soeur, Henriette d'Angleterre, belle-soeur de Louis XIV
fût chargée de négocier le rapprochement entre la France et l'Angleterre ( traité de Douvres,
1er juin 1670). Un traité secret était ainsi dissimulé par une visite familiale.
L'idée s'était donc imposée qu'un souverain ne devait pas quitter son territoire, à moins
qu'il entreprît quelque guerre (que l'on songe aux périples de Gustave-Adolphe et de Charles
XII de Suède) ou qu'il fût contraint à l'exil. Des princes voyagèrent pourtant, simplement
parce que leurs territoires étaient dispersés : Guillaume III entre Londres et La Haye,
l'Electeur de Saxe, devenu Auguste, roi de Pologne, entre Varsovie et Dresde. Le Grand
Electeur Frédéric-Guillaume de Brandebourg imposa sa présence dans ses domaines
dispersés, aussi bien à Berlin qu'à Clèves ou à Königsberg.
En cas d'urgence, les ministres n'hésitaient pas à se mettre sur la route. Le chancelier de
Suède, Axel Oxenstierna,vint en France au printemps 1635 pour négocier directement avec
Louis XIII et Richelieu (traité de Compiègne, le 28 avril). Une fois la négociation bien
avancée entre la France et l'Espagne, et le mariage de Louis XIV avec l'Infante Marie-Thérèse
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accepté, le traité des Pyrénées fut discuté directement par Mazarin et Luis de Haro, sur la
Bidassoa, à égale distance d'Hendaye et de Fontarrabie. De même, au pire moment de la
guerre de succession d'Espagne, Louis XIV envoya son ministre Torcy à La Haye pour
discuter avec le Grand Pensionnaire Heinsius, mais la rudesse des préliminaires conduisit à
l'échec. En 1712, le Secrétaire d'Etat anglais, Henry Saint-John, devenu vicomte Bolingbroke,
se rendit en France pour accélérer la négociation franco-anglaise. Il eut des discussions en tête
à tête avec le marquis de Torcy pour régler les questions difficiles, mais il fut reçu avec
distinction par Louis XIV et fêté par la société parisienne. Il ne tarda pas à revenir en France,
cette fois comme exilé. Notons que Marlborough de son propre chef décida d'aller rencontrer
Charles XII de Suède en 1707 à Altranstädt alors que ce souverain s'était installé en Saxe : il
s'agissait de l'écarter de l'empire et de la guerre occidentale et de l'encourager à s'engager
contre la Russie - ce fut sa perte.
II. Le négociateur
1. Les réseaux diplomatiques
Les puissances européennes avaient donc recours de plus en plus à des représentants
permanents. Cette permanence était encore une nouveauté au XVIIe siècle. En novembre
1661, Louis XIV avait pour l'Italie des ambassadeurs à Rome, à Venise, à Turin; des résidents
à Florence, à Gênes et à Raguse; pour la Suisse, un ambassadeur permanent qui résidait à
Soleure; dans le Saint-Empire, simplement un résident auprès de la Diète, mais aussi en
Bavière, en Saxe, en Hesse-Cassel, à Hambourg et même à Strasbourg. A Vienne, il n'existait
qu'un poste de résident car on aurait fait passer l'ambassadeur de France après celui
d'Espagne, et à cette date le poste n'était pas occupé. Des ambassadeurs étaient prévus à La
Haye, à Londres, à Madrid, à Lisbonne, au Danemark, en Suède, en Pologne et à
Constantinople. C'est sans doute l'une des diplomaties les plus présentes du temps. Les
puissances européennes n'avaient pas forcément les moyens d'entretenir de tels réseaux : en
1662, le personnel étranger comportait le nonce, un ambassadeur extraordinaire d'Espagne, un
autre de Danemark, un autre de Savoie, des ambassadeurs ordinaires pour Venise, la Hollande
et Malte. Mais s'y ajoutaient des "ministres du second ordre" qui représentaient des princes,
des villes, italiens ou allemands (C.G. Picavet).
Une hiérarchie existait entre les "diplomates" (ce terme générique n'était pas alors utilisé) qui
correspondait à la hiérarchie théorique des souverains en Europe . Le diplomate officiel
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n'avait pas le même "caractère" - ambassadeur, envoyé ou résident - selon l'importance du
souverain ou de la république auprès duquel il serait accrédité, selon le dessein politique
aussi, selon son origine sociale enfin. Si la mission était temporaire, elle était qualifiée d'
"extraordinaire". Le "caractère" était précisé dans la lettre de créance qui authentifiait la
mission et qui serait présentée au souverain ou aux institutions souveraines à l' étranger.
L'envoyé était alors protégé par le "droit des gens" qui lui assurait des immunités. Il ne
pouvait être arrêté : un envoyé russe, ainsi emprisonné à Londres parce qu'il y avait fait des
dettes, faillit conduire Pierre le Grand dans le camp de la France (juillet 1708) : la reine Anne
et le Parlement durent prendre une loi qui préservait les "privilèges des ambassadeurs et autres
ministres publics des princes étrangers" et même de leurs domestiques, et une ambassade
d'excuses fut envoyée auprès du czar. Néanmoins, les ambassadeurs n'étaient pas toujours
protégés contre les mouvements de foule : après la fuite de Jacques II Stuart, en décembre
1688,des Londoniens mirent le feu aux chapelles des ambassadeurs catholiques. Dans des
pays au pouvoir faible, comme à Rome ou à Madrid, ces immunités suscitaient autour de la
maison de l'ambassadeur des quartiers où règnait l'impunité, mais ces scandales finirent par
disparaître à la fin du siècle. Dans ses voyages, l'ambassadeur était protégé par son statut
même; mais pour traverser des territoires contrôlés par des ennemis, il prenait la précaution
d'obtenir un passeport. L'octroi de tels saufs-conduits devenait un véritable chantage
diplomatique : les Français qui partaient pour Nimègue attendirent longtemps les leurs, et
Mesnager, négociateur officieux, n'en obtint pas en 1709. Sans doute parce qu'il n'avait pas
de "caractère" officiel, le prince Guillaume de Fürstenberg fut enlevé lors de la conférence de
Cologne en 1674 par des Impériaux et l'Empereur aurait engagé son procès si le prisonnier
n'avait pas été protégé par son statut de prêtre et par le Saint-Siège.
Lorsque la négociation primait sur la représentation, l'agent n'avait pas forcément de caractère
officiel, même s'il avait des "pleins pouvoirs" pour signer un accord - il était ministre
plénipotentiaire. En 1711, Torcy crut sur parole l'abbé Gaultier qui lui proposait la paix de la
part du gouvernement anglais et le poète Prior ne fut envoyé en France qu'avec un simple
billet d'une seule phrase signé de la reine Anne.
Une organisation permanente de négociateurs coûtait cher et elle se disloquait en
partie dès qu'un conflit éclatait. Mais l'influence politique d'un souverain ou d'un Etat se
marquait d'abord par cette présence diplomatique et, en retour, ces réseaux étaient d'autant
plus efficaces que la puissance du pays en question était impressionnante -forces armées,
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marine développée, volonté politique cohérente, ressources financières importantes- et qu'elle
permettait au diplomate de parler haut et fort.
Au début du XVIIe siècle, l'Espagne marqua ainsi la vie européenne de son empreinte
:Zuniga fut ambassadeur à Bruxelles, Paris et Vienne avant de devenir premier ministre,
Onate fut très actif à Prague et à Vienne, conclut en 1617 un pacte de famille entre les
Habsbourg de Vienne et ceux de Madrid,enfin soutint l'action de Ferdinand de Styrie,
Gondomar gagna l'amitié de Jacques Ier et lui fit espérer le mariage de son fils avec une
infante espagnole, un parti pro-espagnol fut longtemps présent à Paris autour de Marie de
Médicis et le marquis de Mirabel resta douze ans en France de 1620 à 1632 alors que les
relations franco-espagnoles étaient un enjeu fondamental de la diplomatie européenne (Michel
Devèze).
De même, alors qu'il méditait une guerre contre la Hollande, après la paix d'Aix-la-Chapelle,
Louis XIV eut des agents très actifs dans toute l'Europe pour isoler les Provinces-Unies. Le
chevalier de Grémonville avait signé avec l'Empereur un traité secret de partage de l'héritage
espagnol dès le 19 janvier 1668, puis obtint un traité secret de neutralité le 1er novembre
1671; Colbert de Croissy fut chargé de rompre la Triple Alliance à Londres; Robert de Gravel
réussit à gagner l'électeur de Bavière par le traité du 16 février 1670 ; Saint-Romain tenta de
mettre le roi de Portugal parmi les ennemis des Hollandais; Verjus de Crécy conclut des
conventions avec de nombreux princes allemands, l'électeur de Cologne, l'électeur de Trèves,
le duc de Neubourg; Arnauld de Pomponne , puis Courtin, obtinrent un traité avec la Suède le
11 avril 1672 (Louis André, Paul Sonnino). A côté de ces représentants officiels, le prince
Guillaume de Fürstenberg, né allemand mais naturalisé français, ami de Lionne, frère des
principaux ministres de Bavière et de Cologne, multiplia les intrigues et les voyages pour
préparer l'agression française (Max Baubach, John T. O'Connor).
Lorsque les Turcs menacèrent Vienne en 1683, la diplomatie autrichienne envoya partout des
émissaires pour demander des secours : Kaunitz en Bavière et en Saxe, Berka au Brandebourg
et au Danemark, Martinitz à Rome, Mansfeld quitta Paris pour Madrid et Waldstein se rendit
en Pologne.
Pendant la guerre de succession d'Espagne, la diplomatie anglaise fut omniprésente
avec des diplomates de talent comme Methuen au Portugal ou Stepney à Vienne.
Progressivement, la plupart des postes majeurs (La Haye, Bruxelles, Lisbonne, Vienne,
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Berlin, Hanovre et l'Espagne) furent tenus par des officiers, dont certains étaient très liés au
duc de Marlborough comme si la diplomatie tombait sous la coupe des autorités militaires.
La victoire des tories aux Communes mit fin à ce système au moment où Londres engageait
des négociations bilatérales avec Versailles (H.L. Snyder).
2. Ambassades itinérantes et ambassades solennelles
Des ambassadeurs itinérants parcouraient aussi l'Europe: ceux des petits princes qui ne
disposaient pas d'un réseau permanent de diplomates, mais aussi ceux des grandes puissances
dans les moments de tension internationale (le cardinal d'Estrées en Italie avant le
déclenchement de la guerre en 1700-1701), dans le dessein de créer une coalition (le
maréchal de Tessé, en Italie toujours, en 1708 ) ou pour marquer une présence
politique(comme les pérégrinations de Lord Peterborough en Italie et en Allemagne à la fin de
la guerre de Succession d'Espagne).
Les tâches des ambassadeurs et des négociateurs étaient multiples. Lorsque les relations se
renouaient entre deux grandes puissances après une guerre, des ambassades solennelles
marquaient cette réconciliation. Confiées à des personnages de grande naissance, elles étaient
entourées de faste. Une suite nombreuse de gentilshommes, des carrosses superbes, des
cadeaux symbolisaient ce dialogue nouveau. Une entrée solennelle dans la capitale et une
audience privée, puis publique de l'ambassadeur par le souverain étaient les passages obligés.
La tradition fixait le détail de ces cérémonies qui étaient de vastes mises en scène et tout
manquement pouvait signifier une insulte. La peinture et la gravure permettaient de de
rappeler et de diffuser de tels événements. Néanmoins, avec le temps, la tendance fut peut-être
à simplifier ces actes publics entre les nations occidentales -on se plaignit des frais engagés
par le duc d'Aumont à Londres en 1713, mais les ambassades de l'Empereur auprès du Grand
Seigneur conservèrent cette part de démesure après la grande frayeur de 1683 ( Klaus
Müller). De telles ambassades extraordinaires marquaient aussi les événements familiaux des
dynasties souveraines : pour l'avènement d'un souverain allié, pour une naissance ou pour une
mort. De telles ambassades extraordinaires étaient destinés aussi à faire impression sur des
nations étrangères ou à imposer une médiation : Louis XIII envoya le bâtard de Charles IX, le
duc d'Angoulême, en Allemagne en 1620. Le duc obtint la signature du traité d'Ulm le 3
juillet entre le duc de Bavière et le margrave d'Ansbach, mais il échoua à Vienne: l'accord eut
comme conséquence de laisser Ferdinand libre d'intervenir contre la Bohême révoltée. Des
médiations furent souvent proposées au XVIIe siècle. Le pape et son représentant Fabio
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Chigi, et Venise furent médiateurs à Münster. Le pape de nouveau et son représentant
Bevilacqua et Charles II d'Angleterre le furent à Nimègue, et la Suède à Ryswick. la France
aurait aimé que l'Angleterre fût médiatrice à Utrecht car elle aurait abandonné ainsi
clairement la coalition contre les Bourbons. Elle joua ce rôle, avec la France cette fois, pour
imposer la paix dans le Nord de l'Europe après la mort de Charles XII et face à l'Espagne, au
temps d'Alberoni. Tantôt la médiation était une intervention d'une grande puissance qui
imposait son arbitrage, tantôt c'était celle d'une autorité morale qui proposait ses solutions au
nom d'une unité supérieure, tantôt c'était un moyen pour une puissance modeste ou neutre
d'intervenir sur la scène internationale.
3. L'ambassadeur, un honnête espion
Les ambassadeurs ordinaires, les envoyés ou les résidents avaient des tâches plus terre à terre.
Représentant leur souverain et ses sujets, ils s'occupaient des éventuels litiges, frontaliers ou
commerciaux, défendaient les intérêts de leurs compatriotes, obtenaient des passeports. Ils
s'efforçaient de connâitre le pays dans lequel ils vivaient, en étudiant la personnalité du
souverain, le jeu des institutions nationales, les principaux ministres, les forces politiques, les
cabales de cour, les partis lorsqu'ils existaient comme en Angleterre, les forces sociales, les
ressources financières, les forces militaires. Il s'agissait d'informer le souverain lointain, mais
il fallait être aussi prudent car l'ambassadeur ne devait pas être soupçonné d'espionnage. Le
comte d'Avaux était en Hollande au moment de la révocation de l'Edit de Nantes. Il réussit,
grâce à la trahison d'un réfugié, à collecter des informations sur les protestants qui quittaient
la France (Jacques Solé) Après son départ, il conserva des amis dans les Provinces-Unies et
au début du XVIIIe siècle il utilisait encore ces relations pour tenter de négocier avec les
Hollandais. L'information était collectée à des échelons différents : à Londres Gondomar, le
représentant espagnol, était doublé par des agents plus discrets, Van Male et William
Sterrell(Carter). Les Secrétaires d'Etat anglais surent constituer une agence de nouvelles pour
alimenter leurs lettres de nouvelles dont ils avaient le monopole. Pierre Jurieu, le polémiste
protestant de Rotterdam, attaqua avec vigueur le royaume que la Révocation de l'édit de
Nantes lui avait quittée. Il sut dans le plus grand secret tisser un réseau d'informateurs dans
les ports de guerre français. Ce réseau fut découvert, mais fut néanmoins reconstitué. Le duc
de Marlborough confia la collecte de renseignements à Adam de Cardonnel, son secrétaire, lui
aussi un Français réfugié. Et son réseau d'informateurs s'alliait à celui du Hanovre, puisque
cette Maison devait bientôt succéder à celle des Stuart à Londres.
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Il apparaît aussi que les souverains laissaient volontiers à des généraux, à des
voyageurs, à des consuls, voire à des aventuriers le soin de tisser leurs propres réseaux de
renseignements : la confluence et la confrontation de telles sources permettaient d'étayer une
information.
Le diplomate était tenté d'exercer des pressions par une habile propagande : la rédaction de
textes politiques et leur diffusion étaient des auxiliaires utiles pour convaincre l'opinion
publique. L'académicien La Chapelle publia de 1702 à 1709 de fausses Lettres d'un Suisse
pour défendre la politique française dans la guerre de Succession d'espagne. Poussin, agent à
Londres, essaya de gagner à la France le célèbre économiste Charles Davenant, mais cette
intrigue fut découverte (Joseph Klaits). L'abbé de Pomponne, ambassadeur de France à
Venise, avait réussi à s'emparer des papiers du secrétaire d'un diplomate savoyard : ces
documents furent publiés en Suisse pour montrer les intrigues des ennemis de Louis XIV.
L'information débouchait sur la désinformation ou la propagande.
4. La place des gratifications
Les diplomates essayaient d'influencer le souverain auprès duquel ils étaient accrédités
en s'introduisant près de lui et de ses conseillers, mais aussi ils tentaient de séduire la société
en donnant des fêtes ou en participant aux travaux des académies ou des cercles d'érudits :
Spanheim, représentant de Brandebourg à Paris en fut le meilleur exemple . Leur principale
préoccupation était de découvrir les moyens d'obtenir l'alliance, au moins la neutralité, du
prince. Dans la perspective d'une guerre prochaine, les grandes puissances offraient des
subsides qui permettaient aux princes d'acquérir plus d'indépendance vis à vis des institutions
qui consentaient à l'impôt, "Diètes" ou "Etats" le plus souvent. Charles II d'Angleterre voulut
ainsi se débarrasser de la tutelle du Parlement en obtenant des secours de son cousin Louis
XIV. Ces offres d'argent étaient aussi un moyen de lever des armées ou de réparer des placesfortes. La première mission de William Temple à l'étranger en 1665-1666 était destinée à
assurer à l'évêque de Münster, le très belliqueux Bernard de Galen, les sommes promises par
l'Angleterre pour combattre la Hollande (K.H.D.Haley). Il fallait aussi connaître les hommes
qui pouvaient être achetés. Ainsi la France et l'Angleterre multiplièrent les gratifications en
Suède à la fin du XVIIe siècle parce que la personnalité du roi laissait plus de pouvoir à ses
conseillers.Les sommes engagées des deux côtés furent à peu près équivalentes (Ragnhild
Hatton). Les princes du XVIIe siècle pensaient volontiers que l'argent, avec la Providence,
était l'instrument le plus efficace. En réalité, les subsides étaient acceptés, voire sollicités,
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lorsqu'ils correspondaient à la ligne politique choisie qu'ils soutenaient sans la transformer. De
tels versements avaient aussi des effets pervers. Les sommes importantes versées par Louis
XIV à Ernst August de Hanovre lui donnèrent assez de poids dans l'Empire pour que
l'Empereur décidât de lui conférer la dignité électorale en 1692 et d'acheter ainsi sa fidélité
politique (Andrew Lossky).
5. Les alliances matrimoniales et les successions
Une autre préoccupation était de nouer des alliances matrimoniales : le rapprochement, même
éphémère, entre deux pays se marquait par des mariages. Toute la diplomatie du XVIIe siècle
est scandée par de semblables projets. Ce furent tantôt des succès, souvent sans lendemain -le
mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche,lorsque l'influence espagnole s'accentua sous la
régence de Marie de Médicis, de Louis XIV avec Marie-Thérèse d'Espagne pour sceller le
traité des Pyrénées, du Grand Dauphin avec une princesse bavaroise pour marquer l'alliance
avec l'Electeur, du duc de Bourgogne avec la fille de Victor-Amédée II de Savoie que l'on
détacha ainsi d'une coalition contre la France. Tantôt ce furent des échecs -le prince de
Galles, Charles, futur Charles Ier, et le duc de Buckingham eurent beau se rendre à Madrid, le
mariage espagnol était impossible. Ces liens familiaux n'empêchaient nullement les conflits
entre Etats, mais ils évitaient qu'une guerre contre un parent eût comme visée finale la ruine
totale du pays ennemi. Et la politesse familiale, malgré les combats, maintenait des canaux de
communication, toujours utiles pour négocier (Andrew Lossky).
Les liens familiaux rendaient aussi les successions difficiles lorsqu'une dynastie s'éteignait. La
succession de Clèves-Juliers, la succession de Mantoue à deux reprises furent l'occasion de
tensions majeures au début du siècle. La succession palatine -de la branche protestante de
Simmern à celle catholique de Neubourg en 1685- servit de prétexte à Louis XIV pour
réclamer la part de sa belle-soeur, la Palatine, et, à terme pour ravager le Palatinat. La
succession d'Espagne préoccupa les cours européennes lorsqu'il apparut que Charles II
n'aurait pas de descendant. Une intense activité diplomatique à partir de la paix de Ryswick
tenta de trouver une solution par des "partages". Au début du XVIIIe siècle, en pleine guerre,
la succession de Neuchâtel mobilisa les multiples prétendants et finalement le roi de Prusse
obtint la principauté.
Dans certains cas, les diplomates étrangers étaient tentés d'intervenir dans les affaires
intérieures : lors d'une élection pontificale malgré les règles du conclave -Urbain VIII passa
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pour plutôt favorable aux intérêts français-;lors de l'élection d'un prince ecclésiastique -Louis
XIV ne parvint pas à faire élire son protégé Fürstenberg comme archevêque de Cologne face à
Joseph-Clément de Wittelsbach en 1688; lors de l'élection du roi en Pologne où les principales
puissances avaient leurs favoris -l'abbé de Polignac connut une disgrâce en 1697 pour s'être
trop engagé en faveur du prince de Conti et n'avoir pas réussi à confirmer son élection. Et il
suffit d'évoquer d'un mot le rôle des ambassadeurs français à Madrid lorsque le petit-fils de
Louis XIV monta sur le trône d'Espagne.
L'ambition des princes était aussi d'obtenir un rang nouveau dans la hiérarchie des souverains
européens : pendant la guerre de Trente Ans, Maximilien de Bavière obtint le titre d'Electeur
par son engagement radical aux côtés de l'Empereur; le duc de Hanovre devint à la fin du
XVIIe siècle le neuvième électeur dans l'Empire; l'électeur de Brandebourg, Frédéric III, par
sa fidélité aux Habsbourg, devint "roi en Prusse" sous le nom de Frédéric Ier. A Utrecht,
l'Angleterre donna à son fidèle allié, Victor-Amédée II de Savoie, la couronne de Sicile, alors
que la France ne put obtenir la problématique couronne de Sardaigne pour son allié bavarois.
III. La négociation
Le principe au XVIIe siècle était de négocier sans cesse, en temps de paix comme en temps de
guerre. La paix permettait aux puissances qui en avaient les moyens de s'affirmer et de
préparer des affrontements. La guerre était l'occasion de confronter les forces de l'ennemi et
de préparer l'ordre politique futur. Toutes les virtualités étaient explorées, ce qui explique que
certains traités n'aient été connus qu'au XIXe siècle lorsque les archives furent ouvertes,
comme le traité entre Louis XIV et Léopold Ier sur la succession d'Espagne en 1668.
Simplement, ils avaient été pour un temps une possibilité, et les circonstances n'avaient pas
permis que ces actes fussent rendus publics.
1. La négociation pendant la guerre
Lorsqu'une guerre éclatait, la diplomatie n'interrompait pas son travail. Néanmoins la rupture
n'était pas sans danger. Lorsque Victor-Amédée II de Savoie quitta en 1703 l'alliance
française, l'ambassadeur de Louis XIV, Phélypeaux fut gardé sous haute surveillance et
quelque peu humilié, jusqu'à ce qu'il soit échangé contre l'ambassadeur de Savoie en France.
Les manœuvres des diplomates suédois en faveur des jacobites, les partisans de Jacques
Stuart, conduisirent George Ier, à la fois roi de Grande-Bretagne et électeur de Hanovre, à
demander l'arrestation de Gyllenborg à Londres et de Görtz aux Provinces-Unies en 1717. Le
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prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne, ayant intrigué contre le Régent fut reconduit à
la frontière.
Pour la diplomatie, il s'agissait d'abord de détacher une puissance ennemie de ses alliances :
ainsi pendant la guerre de Succession d'Espagne la Savoie et le Portugal qui s'étaient d'abord
engagés aux côtés de Louis XIV passèrent dans le camp des alliés contre la France. La
promesse de concessions territoriales était un argument convaincant. Des efforts étaient aussi
entrepris pour affaiblir l'ennemi de l'intérieur en suscitant ou soutenant des complots princiers,
comme ceux du frère de Louis XIII, Gaston d'Orléans, des oppositions nobiliaires,comme
celle de Cinq-Mars contre Richelieu, des soulèvements de provinces (les alliés tentèrent de
soulever la Franche-Comté et de soutenir les camisards pendant la guerre de succession
d'Espagne), voire des mouvements "nationaux" -Louis XIV aida les Mécontents de Hongrie
au temps de Thököly avant 1683 ou de Rakoczi au début du XVIIIe siècle.
La recherche de la paix passait par des négociations secrètes. Elles étaient permanentes
malgré les combats. Les propositions étaient portées par des officiers,des religieux, des
peintres, comme Pierre-Paul Rubens (L.P.Gachard) ou Roger de Piles (B. Tesseydre), par des
médecins comme Helvétius, des marchands ou d'anciens marchands comme Mesnager. La
France, pendant la guerre de Succession d'Espagne, multiplia les tentatives du côté des
Hollandais. En vain. Finalement l'Angleterre envoya en France un simple prêtre, Gaultier, qui
était demeuré à Londres, puis la négociation fut prolongée par le poète Mathieu Prior et par
Mesnager.
2. Les congrès
Lorsqu'un accord se dessinait entre les principaux belligérants, la négociation devenait
publique, et d'abord dans le cadre de congrès. L'assemblée des électeurs à Ratisbonne en 1630
donna l'exemple de ces vastes réunions politiques, puisque des représentants de France,
d'Espagne, d'Angleterre, de Venise et de Toscane y affluèrent. On y traita des affaires
italiennes comme des affaires allemandes, du sort de Wallenstein comme de l'Edit de
restitution, et la précipitation des négociateurs français -ils signèrent un traité que Louis XIII
refusa de ratifier- mit en péril Richelieu lui-même le 11 novembre 1630.
Les négociations de Westphalie marquèrent le désir de réorganiser toute l'Europe, de
lui donner des frontières et des principes stables et elles n'occupèrent pas moins de 179
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négociateurs, dont la moitié de juristes. Elles commencèrent en août 43 pour se terminer en
octobre 1648. Bien d'autres congrès se réunirent, ainsi celui de Nimègue (fin 1676-début
1679) ou d'Utrecht (1712-1714).L'efficacité de ces rassemblements diplomatiques étaient
souvent remises en cause : les négociations pendant la guerre de la ligue d'Augsbourg furent
engagées dès 1694-96 entre Callières pour la France et Dijkvelt et Boreel pour les puissances
maritimes. Callières et Dijkvelt se retrouvèrent comme plénipotentiaires au congrès de
Ryswick, mais les dernières difficultés furent réglées après des réunions directes entre
Boufflers, général français, et Portland, le favori de Guillaume III. En 1714 aussi, la paix
entre l'Empereur et Louis XIV fut signée par les deux généraux en chef devenus négociateurs,
le prince Eugène de Savoie et le maréchal de Villars. Ces réunions diplomatiques étaient
toujours l'occasion de rappeler tous les litiges européens et jouaient aussi le rôle de tribunal
international.
Une fois les traités signés, il fallait qu'ils fussent ratifiés par les souverains et l'échange des
"instruments" (originaux) des ratifications donnait lieu à de nouvelles cérémonies. Le serment
y tint longtemps une place comme ce fut le cas pour les traités de Westphalie (Peter Barber).
3. Les conditions du travail diplomatique
Le négociateur recevait à son départ des instructions qui lui faisaient le tableau du pays où il
était envoyé (personnalité du monarque, principaux ministres, traditions politiques) et qui
fixaient la ligne de conduite qu'il devait suivre. Certaines instructions étaient très amples et
dessinaient toute la politique d'un Etat pour l'avenir, ce fut le cas de l'instruction du 30
septembre 1643 pour les diplomates français en Wesphalie : préparée par Richelieu, elle fut
reprise par Mazarin et traitait de toutes les tensions en Europe. Mais les instructions étaient
au contraire parfois ambiguës, imprécises ou incomplètes, ce qui permettait à un
gouvernement de mener un double jeu diplomatique ou, au besoin, de démentir ses propres
négociateurs.
Le diplomate entretenait avec sa cour une correspondance régulière, souvent chiffrée - des
chiffres remplaçaient les mots selon un code prévu. Sous Louis XIV, l'usage fut établi d'une
double rédaction : une lettre très soignée et sérieuse pour le roi, une autre plus libre et
spontanée pour le secrétaire d'Etat. Ces correspondances étaient souvent interceptées et des
spécialistes tentaient de les déchiffrer. Ainsi la poste de Celle, dont le duc était un ennemi de
Louis XIV et qui se trouvait à un point stratégique vers les pays du nord, était chargée d'ouvrir
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la correspondance française et permettait de connaître les intentions de Louis XIV en pleine
guerre de la ligue d'Augsbourg. L'interception de documents étaient l'occasion de mener des
opérations de propagande imprimée. Les dépêches de Ferdinand II annonçant le transfert de la
dignité électorale pour Maximilien de Bavière furent utilisées par Camerarius dans la
Cancelleria hispanica.
Ces échanges de correspondances demandaient le travail de secrétaires et des fuites étaient
toujours possibles. D'où le souci de former et de rémunérer des secrétaires d'ambassade
efficaces et fiables. Dans le système anglais, ils se formaient au service d'un ambassadeur,
souvent leur parent, avant de prendre la tête d'une mission. En France, le marquis de Torcy
eut l'idée de constituer une académie politique, en 1712, qui formerait des spécialistes de la
négociation et dont le directeur fut Saint-Prest, le gardien des archives.
Au retour de mission, certains négociateurs rédigeaient, selon la tradition vénitienne, des
relations détaillées qui étaient de brillants essais politiques destinés à éclairer leurs
successeurs, mais aussi à amuser leur souverain. L'érudit Spanheim, représentant prussien à
Paris, a laissé ainsi un relation de son séjour en France. De nombreux diplomates anglais
n'hésitèrent pas à se faire analystes et historiens en publiant des "accounts" (comptes rendus)
de leurs ambassades.
4. Les enjeux internationaux
Les questions religieuses furent en grande partie à l'origine de la guerre de trente ans. L'Eglise
avait traditionnellement son réseau de représentants, les nonces, mais elle s'appuyait aussi sur
l'organisation internationale des ordres et des congrégations religieuses. Les jésuites furent
des acteurs essentiels pour la reconquête catholique dans les états autrichiens et en
Allemagne. Ce n'est pas un hasard si Lamormaini, le confesseur de Ferdinand II, et Contzen,
le confesseur de Maximilien Ier de Bavière, eurent une influence politique pendant la guerre
de Trente Ans : à Ratisbonne en 1630, la ligne de Lamormaini triompha puisque l'Empereur
se rapprocha des électeurs catholiques et sauva l'Edit de Restitution (R.Bireley). La
diplomatie française s'appuya plutôt sur les capucins, en particulier au Levant : l'un d'eux, le
Père Joseph fut l'un des principaux conseillers de Richelieu et un négociateur essentiel en
Europe (Gustave Fagniez). Les calvinistes avaient aussi tissé un réseau de relations politiques
et intellectuelles autour de Heidelberg, qui explique en partie l'aventure de l'Electeur palatin,
du roi d'un hiver (R.J.W. Evans).
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Mais l'affrontement entre protestants et catholiques laissa la place aux conflits entre
Etats : Richelieu, cardinal, s'appuya non sans réticence sur des princes protestants dans sa
lutte contre les Habsbourg. La politique anti-protestante de Louis XIV et la révocation de
l'edit de Nantes réchauffèrent le zèle des ennemis protestants du Roi de France et le calviniste
Guillaume d'Orange fut leur champion. Mais dans les coalitions contre la France, il y eut des
princes catholiques, et d'abord l'Empereur, qui laissa dans les traités de Ryswick (1697), mais
aussi de Baden (1714) quelques dispositions défavorables aux réformés dans l'Empire.
Pourtant l'idée s'imposait que les discussions de foi étaient des affaires intérieures et qu'elles
devaient être, malgré des déclarations solennelles, soigneusement esquivées dans les
négociations.
Néanmoins l'Europe avait conscience d'une unité qui était celle de la religion chrétienne face à
l'Islam, représenté surtout par la puissance ottomane, mais aussi par les pirates barbaresques
de la Méditerranée. Lors de l'offensive turque, cette unité se reconstitua partiellement dans
l'idée d'une croisade dont la paix de Carlowitz fut le terme.
Si les questions territoriales, féodales, dynastiques faisaient appel à des connaisssances et à
des arguments juridiques, le besoin se fit sentir à la fin du siècle de mieux maîtriser les
questions commerciales. Le Board of trade and plantations à partir de 1696 en Angleterre, le
conseil de commerce en France à partir de 1700 devaient permettre l'émergence de
spécialistes des colonies et du commerce dans le cadre des négociations internationales.
Nicolas Mesnager, ancien marchand, député de Rouen au conseil de commerce, négocia en
Espagne, en Hollande, en Angleterre et fut à Utrecht le troisième plénipotentiaire de Louis
XIV après un maréchal de France et un futur cardinal. John Drummond était un marchand
anglais bien intégré en Hollande : il sut habilement représenter Harley, le Grand Trésorier
anglais, face à Heinsius, à un moment critique de l'alliance anglo-hollandaise. Mais il ne
parvint pas à obtenir une fonction officielle dans la négociation autour du congrès d'Utrecht
(Ragnhild Hatton). Le rôle croissant des consuls et la collecte des informations économiques
répondaient à une même nécessité.
L'essentiel des discussions internationales tournait autour des questions politiques.
La diplomatie devait surtout tenir compte des craintes que la prépondérance d'une puissance
faisait naître en Europe. Au début du XVIIe siècle, la monarchie espagnole et ses théoriciens
politiques rêvaient encore d'une domination de la Terre et l'engagement de la France dans la
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guerre en 1635 s'expliqua surtout par la volonté de rompre l'encerclement du pays par
l'alliance des Habsbourg. A son tour, Louis XIV, par ses initiatives belliqueuses, fit renaître
le spectre de la monarchie universelle que la propagande de ses ennemis utilisa contre lui pour
construire des coalitions.
La pratique quotidienne avait à prendre en compte des "prétentions" sur des territoires, nées
de vieilles querelles, parfois d'origine féodale ou familiale, parfois d'origine religieuse ou
ethnique. Ces prétentions n'étaient jamais oubliées, mais étaient réaffirmées de guerre en
guerre, de congrès en congrès.
Pour se garantir contre la France, la diplomatie inventa la notion de "barrière". il en fut
question sur le Rhin et dans les Alpes, mais une seule fut mise en place, dans les Pays-Bas
espagnols, puis autrichiens à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle : des garnisons
hollandaises s'installèrent dans des places-fortes sur un territoire qui ne dépendait pas des
Provinces-Unies - il fut espagnol puis autrichien.
Des hommes d'Etat et des juristes rédigèrent des traités de droit international pour tenter de
donner des règles à l'affrontement militaire . C'est un véritable code que publia Grotius en
1625, le De jure belli ac pacis . La réflexion chercha à perfectionner les techniques
diplomatiques : Callières publia en 1716 son manuel du parfait ambassadeur : De la manière
de négocier avec les souverains. Enfin des écrivains cherchèrent à préciser les conditions
pour assurer la paix à l'Europe, voire au monde : l'abbé de Saint-Pierre en est un bon exemple
avec, en 1713, son Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe.
Finalement la théorie d'un équilibre européen sur le continent prévalut au XVIIIème
siècle et fut le choix majeur de la diplomatie anglaise, avec l'émergence de puissances
intermédiaires comme le Piémont et la Prusse.
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