Blog Lycées de banlieues http://lyceesrp.canalblog.com/# Ph. Duret L'OBTENTION DU DROIT DE CITÉ A ATHÈNES Extraits de Démosthène, Contre Néaira 88 Je veux maintenant produire le témoignage du peuple athénien pour montrer quel intérêt il porte aux cultes en question et quelle a été sa vigilance en cette matière. Le peuple athénien, qui est souverain dans la cité, qui peut faire ce que bon lui semble, a estimé que c'était une faveur si belle et si respectable d'être naturalisé Athénien, qu'il a établi des lois auxquelles il est obligé de se conformer lui-même quand il veut faire un nouveau citoyen. Ce sont ces lois qui sont aujourd'hui outragées par Stéphanos et par ceux qui ont contracté de tels mariages. 89 La lecture en sera pour vous édifiante ; et vous saurez comment ces gens-là ont avili les plus beaux et les plus nobles dons que vous puissiez accorder aux bienfaiteurs de la cité. Il y a d'abord une loi imposée au peuple : il lui est interdit de faire Athénien quiconque n'aura pas mérité, par d'éminents services envers Athènes, de devenir citoyen ; en outre, une fois que le peuple a consenti et octroyé ce privilège, il faut, pour que celui-ci ait force de loi, qu'il soit confirmé à l'assemblée suivante par six mille Athéniens au moins votant au scrutin secret. 90 Les prytanes sont chargés de placer les urnes et de remettre les jetons de vote au fur et à mesure des entrées, avant que les étrangers ne pénètrent et que les barrières ne soient enlevées. Il faut que chacun juge en toute indépendance et dans son for intérieur si celui dont il s'apprête à faire un citoyen est digne de la faveur qu'il va recevoir. Ce n'est pas tout : une accusation d'illégalité est ouverte à n'importe quel Athénien contre le nouveau citoyen : il est permis d'aller devant les juges pour faire la preuve qu'il ne mérite pas cette récompense et qu'il a été naturalisé en violation de la loi. 91 De fait, alors que le peuple, trompé par les discours de ceux qui le sollicitaient, avait octroyé cette faveur, il est arrivé qu'une accusation d'illégalité se produisit et vint devant le tribunal : on a vu démontrer que le bénéficiaire n'était pas digne de la récompense ; et le tribunal la lui a retirée. Il y a dans le passé de nombreux cas qu'il serait oiseux de rapporter ; mais il y en a un dont vous vous souvenez tous : Pitholas de Thessalie et Apollonidès d'Olynthe ayant été faits citoyens par le peuple, le tribunal révoqua ce privilège ; 92 Le fait n'est pas tellement ancien que vous puissiez l'ignorer. Vous voyez à quelles règles excellentes et rigoureuses est subordonné l'octroi de la cité; mais il y a encore une loi qui s'ajoute à toutes celles-là, et qui a pleine autorité; tant le peuple était attentif, pour lui même et pour les dieux, à ce que les sacrifices accomplis au nom de la cité soient irréprochables : en effet, la loi interdit expressément qu'un citoyen nouvellement admis par le peuple soit nommé parmi les neuf archontes ou participe à un sacerdoce quelconque. C'est seulement à ses descendants qu'elle accorde l'intégralité des droits ; encore ajoute-telle : "à la condition qu'ils soient issus d'une Athénienne donnée légalement en mariage". 93 Pour preuve, je produirai un témoignage considérable et éclatant. Mais, remontant dans le passé, je veux d'abord vous apprendre dans quelles circonstances la loi fut portée et à qui elle s'appliquait, à quels bons serviteurs du peuple, à quels amis éprouvés. Par là vous verrez comment cette faveur, réservée aux bienfaiteurs de la cité, a été tramée dans la boue, et de quels privilèges vous perdez le droit de disposer par le fait de Stéphanos et de ceux qui ont femme et enfants à la même mode. Ces Platéens qui avaient donné un témoignage si éclatant de leur dévouement à votre peuple, qui avaient sacrifié tous leurs biens, leurs femmes et leurs enfants, voyez encore dans quelles conditions vous leur avez accordé le droit de cité. De vos décrets, la loi ressortira clairement pour tous, et vous reconnaîtrez que je dis vrai. Prends-moi ce décret et donnes-en lecture. DÉCRET AU SUJET DES PLATÉENS Proposition d'Hippocratés. A dater de ce jour, les Platéens seront citoyens d'Athénes avec les mêmes droits que les autres Athéniens, et posséderont les mêmes prérogatives en matière religieuse et profane, exception faite des sacerdoces ou des cultes de mystères qui sont transmis héréditairement', et du droit de faire partie des neuf archontes. Leurs descendants auront ces droits. Les Platéens seront répartis dans les dèmes et les tribus. Une fois cette répartition opérée, aucun Platéen ne pourra plus devenir citoyen d'Athènes, sauf privilège obtenu du peuple. 105 Vous voyez comme l'auteur du décret s'est exprimé noblement, justement et selon l'intérêt du peuple athénien. Il exige que ceux qui recevront cette récompense subissent d'abord un examen individuel devant le tribunal afin de vérifier s'ils sont Platéens et amis d'Athènes et pour que ce prétexte ne couvre pas mainte usurpation du droit de cité; ensuite, que ceux qui seront admis soient inscrits sur une stèle de pierre qui sera dressée sur l'Acropole auprès de la Déesse pour que le privilège soit assuré à leurs descendants et que chacun puisse faire la preuve de sa parenté. 106 D'autre part, un Platéen qui n'a pas été naturalisé à ce moment et n'a pas subi l'examen devant un tribunal ne peut pas devenir citoyen dans la suite : c'est pour empêcher que beaucoup, en excipant de ce titre, n'obtiennent frauduleusement le droit de cité. Ensuite, le décret dispose, dans l'intérêt de la cité et des dieux, que la loi commune s'applique immédiatement aux Platéens : aucun ne pourra être désigné par le sort parmi les neuf archontes, ni être pourvu d'un sacerdoce ; leurs descendants seulement jouiront de ces droits, à condition qu'ils soient issus d'une femme athénienne donnée en mariage légitime. Démosthène, Contre Néaira, 88-93, 104-106.