Ainsi, l'accident, qui n'a pas occasionné — heureusement pour lui — le moindre dommage physique, est en
passe de constituer un événement majeur en termes politiques dans le pays.
En effet, il relèverait, aux yeux de M. Ghannouchi, non seulement du prodige divin, mais aussi et surtout d'un
avertissement de la Providence. Celle-ci veut bien être bienveillante avec lui, mais à la condition qu'il cesse
instamment de caricaturer l'islam et de le violer ainsi qu'il le fait avec son parti.
J'en ai déjà parlé*, les saints soufis qui veillent sur ce pays par le biais de celui qui fut nommé à juste titre
sultan de la ville de Tunis et salut des innocents brimés, Sidi Mehrez Ibn Khalaf, ont adressé un avertissement
au cheikh Ghannouchi. Ils l'exhortent à conformer sa pensée et son action à une interprétation de l'islam qui
soit enfin saine. Quelle est-elle?
Un islam des libertés
D'après le saint soufi, l'islam tunisien est particulier; il n'est pas intégriste, surtout pas salafiste; il est liberté et
humanité. Aussi, nul n'est digne de l'islam en cette terre ardente qu'est la Tunisie s'il n'honore pas les principes
cardinaux de l'islam que sont la justice et la liberté du fidèle à pratiquer sa foi sans la moindre contrainte en
dehors de celle de sa conscience librement assumée.
Cela suppose de cesser d'imposer aux Tunisiens une fausse lecture de l'islam, quand bien même elle se prétend
issue de l'effort des anciens, car un tel effort est périmé et il importe d'urgence d'en inventer un autre qui soit
en conformité avec les visées de la Loi religieuse et les exigences de notre époque de droits et de libertés,
surtout dans la vie privée.
Il est temps donc d'en finir avec la caricature judéochrétienne de l'islam qui brime les innocents par le biais du
succédané d'une église qui n'y existe pas, des gourous qui sont autant de prêtres y imposant leur loi comme les
idoles abolies en islam.
Car personne en islam pur ne peut s'immiscer entre Dieu et sa créature, ni pour lui dire ce qu'il doit faire, ni
pour lui interdire ce qu'il ne doit pas faire. Le seul devoir du fidèle en islam authentique est de savoir que ce
qu'il fait est sous le regard de Dieu qui l'accepte, s'il le veut, ou le refuse, quels que soient ces actes; et
personne d'autre que Dieu ne doit s'y substituer sinon il devient associationniste, suprême crime en notre
religion.
Le saint soufi rappelle d'ailleurs une constante de l'islam vrai, à savoir que Dieu est libre d'accepter que le
fidèle se comporte de façon impie, car c'est ainsi qu'il l'éprouve et lui permet de faire l'effort suprême (jihad
akbar) pour aboutir à purifier sa conscience; ce qui demande du temps et suppose les erreurs. Aussi, chez les
soufis, Dieu préfère-t-il un impie à un hypocrite, car il ne se joue pas de l'islam ni n'en fait commerce.
Une foi à prouver
Pour cela, Sidi Mehrez appelle M. Ghannouchi à prouver sa bonne foi à servir l'islam en Tunisie soufie et ce en
agissant sans plus tarder pour l'abolition des lois scélérates qui sont héritées de la dictature, et datent même du
temps de la colonisation.
Il l'appelle aussi et surtout à le faire de manière spectaculaire dès le prochain ramadan en osant rappeler la
totale liberté des fidèles à jeûner ou à ne pas jeûner et des commerces à ouvrir ou à ne pas ouvrir, ce qui
suppose la liberté du commerce d'alcool, nullement interdit en islam qui ne prohibe que l'ivresse.
Cela se comprend parfaitement, le sacré en notre religion n'étant pas matériel, mais moral; il n'est pas dans
l'interdiction venant de haut ni dans l'empêchement à pratiquer le mal, mais d'un impératif moral venant de soi