73 – Good bye la crise !
La crise est derrière nous, qu’ils disent.
Pourtant chaque jour nous entendons que des entreprises déposent le bilan,
des travailleurs perdent leur emploi, des producteurs produisent mais ne cessent de
s’appauvrir, le nombre s’accroît des familles qui survivent, stricto sensu, grâce à
l’aide que leur apportent des associations, mais aussi augmente le nombre de celles,
parfois les mêmes, qui basculent dans le surendettement, elles ne s’imaginent plus
d’avenir et ne sont pas davantage capables d’en rêver un pour leurs enfants. La
crise, ces Français là, la vivent et n’en pressentent pas la fin.
Alors, qui regarde quoi ? Tandis que le monde du travail dont je viens de parler subit
la crise de l’économie de production, les autres, regardent les indices boursiers et les
cotations des banques. L’économie qu’ils révèrent et parfois animent est spéculative.
Le langage est révélateur par ses modes. Autrefois, à l’époque des rentiers, on les
désignait par les termes de spéculateurs et d’agioteurs, ils ont eu mauvaise presse
surtout du fait des guerres mondiales et de la crise économique de 1929, mais ils
sont toujours là, moins nombreux mais plus riches, ils excellent à « gagner de
l’argent en dormant » disait d’eux François Mitterrand.
Ils font profession de foi dans l’économie capitaliste et le marché. Ils sont accoutu-
més aux fluctuations des cours des monnaies et des actions, les Américains des
États-Unis leur ont donné des noms qui sont compris partout dans le monde : Les
« taureaux » et les « ours ». Les premiers anticipent la hausse des cours et achètent,
les seconds misent sur une tendance « baissière » et vendent. Les deux espèrent
réaliser un profit substantiel.
Dans cette économie « casino » il y a toujours des gagnants y compris quand
l’économie « réelle » est en panne.
La confiance dans le marché est poussée jusqu’au cynisme, la crise est considérée
comme salutaire, elle permet d’éliminer les « canards boiteux » de l’économie. C’est
pourquoi Nicolas Sarkozy est crédible quand il dit que si on fait les bons choix et, il
nous assure les faire, on peut sortir plus fort de la crise. Entendez les « ours » et les
« taureaux », pas les travailleurs.
Sauf que le passage au vert d’un certain nombre de signaux ne garantit pas la sortie
de crise, pas plus qu’une hirondelle ne fait le printemps.
La crise bancaire appartient-elle au passé ? Au début de la crise de 1929, les ban-
quiers aux Etats-Unis s’étaient serrés les coudes, avaient donné des gages et de
l’argent sous la conduite de la banque Morgan. Quand la situation a semblé se stabi-
liser, ils se sont empressés de retirer leur mise, en prenant des bénéfices, et la crise
est repartie conduisant aux drames qu’on a un peu oubliés et à la fermeture de Wall
Street.
Les hommes sont les mêmes, sinon pire, sous prétexte de transparence, de parler
vrai, le cynisme et le mépris des déshérités est une composante de l’exercice du
pouvoir. Les pratiques de banquiers et des traders qui ont conduit à la crise que
nous vivons sont inchangées. Les déclarations verbales, y compris en France, n’ont
pas été suivies d’engagements crédibles, ni de possibilités de sanctions. La mise au
pas des paradis fiscaux relève du simulacre. Et ce domaine, souvent mis en avant
par le gouvernement, n’est pas essentiel dans la régulation de l’économie.
Réguler l’économie ne peut se faire sans les Etats-Unis. C’est avec eux et par eux
que l’économie a été régulée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et ce
sont eux qui ont imposé sa dérégulation au cours des vingt dernières années du
vingtième siècle.