II – La faiblesse de la protection des travailleurs migrants

Comité sur les travailleurs migrants
Journée de discussion sur :
Protection des droits de tous les travailleurs migrants
en tant que moyen propre à renforcer le développement
Thème 2 : La protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants et
des membres de leur famille et son incidence sur le développement dans le pays
d’emploi.
« Capitaliser les potentialités des migrants dans une approche de stratégie
d’intégration pour une contribution renforcée aux pays d’emploi»
Genève, Palais Wilson, 15 décembre 2005
2
Capitaliser les potentialités des migrants dans une approche de stratégie d’intégration
pour une contribution renforcée aux pays d’emploi
Introduction 3
I - La méconnaissance de la contribution des migrants au pays de destination
A. La contribution substantielle à l’économie des pays d’emploi 4
B. Une timide reconnaissance de la contribution des migrants à l’économie
des pays d’emploi
1) Méconnaissance par la population 7
2 )Méconnaissance par l’Etat 7
II La faiblesse de la protection des travailleurs migrants
A. La discrimination ne cesse de prendre de l’envergure 9
B. La précarisation de la situation des travailleurs migrants 10
C. La faiblesse dans la protection des travailleuses migrantes 10
III La capitalisation du potentiel des travailleurs migrants
A. Une protection optimale pour une contribution maximale 11
B. Une juste reconnaissance de la contribution des migrants 12
3
Capitaliser les potentialités des migrants dans une approche de stratégie
d’intégration pour une contribution renforcée aux pays d’emploi
Par Yao Agbetse
1
Franciscans International
2
Introduction
L’immobilisme semble devenir un vice dans un monde tout se règle à une vitesse de
croisière. Tout se déplace, tout court, tout vole, les hommes aussi. La mondialisation a
dérégulé les conceptions bien ancrées dans les traditions prônant une société d’autarcie. Les
statistiques consacrées au transfert de fonds à travers les canaux des flux migratoires, quoique
reflétant seulement une partie du phénomène- étant donné les difficultés en matière
d’évaluation du nombre de migrants - sont déjà impressionnantes. Bien plus, le vieillissement
de la population
3
dans les pays développés qui contraste avec l’accroissement démographique
et le rajeunissement de la population des pays du Tiers-Monde
4
est une incitation à l’afflux de
la main d’œuvre qualifiée ou non d’autres pays qui, soit en regorgent soit ne fournissent pas
les ressources suffisantes pour développer leurs potentialités en matière de recherches
scientifiques et technologiques par exemple.
Selon, la Division de la Population des Nations Unies
5
, les migrants internationaux sont
passés de 79 millions en 1960 à 175 millions en 2000 soit une augmentation de 138%. Le
rapport de la Commission Mondiale sur les Migrations Internationales (CMMI) estime que ce
chiffre a atteint 200 millions aujourd’hui
6
. Les 5 dernières années ont connu un accroissement
vertigineux de mouvements migratoires au sein d’un même pays, d’une même région et d’un
continent à un autre surtout vers les pays développés. Les chiffres annoncés par le Fonds des
Nations Unies pour la Population ne présage guère une accalmie puisque la population
mondiale passera de 6,5 milliards à 9,1 milliards d’ici 2050
7
. Malheureusement, cette
augmentation d’envergure de la population mondiale se conjugue avec la dégradation des
1
Voir l’article publié par Yao Agbetse, Advocacy Officer de Franciscans International, sur la Convention sur la
protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans la Revue Droits
Fondamentaux de l’Université Paris II, disponible sur le site http://www.droits-
fondamentaux.org/article.php3?id_article=91
2
Organisation Non Gouvernementale dotée de statut consultatif général auprès du Conseil Economique et Social
(ECOSOC) des Nations Unies
3
Selon la Division de la Population des Nations Unies, plusieurs pays vont même perdre des habitants :
l'Allemagne (-4,12 % d'ici à 2050), l'Italie (-21,64 %), la Hongrie (-22,45 %), la Bulgarie (-32,05 %)...la palme
revenant à la Russie qui va perdre près de 40 millions d'habitants, passant ainsi du 6ème rang au 18ème rang
mondial.
4
Les gions qui, au contraire, connaîtront une explosion démographique, sont les pays du Tiers-Monde : ceux-
ci vont représenter 96 % de la croissance mondiale. Le Niger a ainsi un taux de fécondité de 8 enfants par
femme, la Somalie 7,25 et l'Angola 7,20. Le Niger va ainsi voir sa population multipliée par 5 d'ici à 2050. Le
taux reste élevé même s’il est tempéré par l’épidémie du Sida qui sévit dans la partie subsaharienne de l’Afrique.
Le groupe des 50 pays les moins avancés (PMA) abrite 12% de la population mondiale, soit 759 millions de
personnes. Ces pays devraient être responsables du quart de la croissance démographique mondiale entre 2005 et
2015. Les PMA se caractérisent par des taux élevés de fertilité et d’extrême pauvreté. Dix de ces pays accusent
des taux de pauvreté de plus de 40% de la population. (Communiqué de presse du Département de l’information
des Nations Unies à New York, POP/936 du 8 septembre 2005)
5
Rapport 2002 sur la migration internationale 2002. New York: Division de la population, Département des
affaires économiques et sociales, Nations Unies.
6
Migration in an Interconnected World: New Directions for Action, 5 octobre 2005.
7
Population Newsletter, World Population Prospects: 2004 Revision, n°79, juin 2005, accessible sur:
http://www.un.org/esa/population/publications/popnews/Newsltr_No_79.pdf
4
conditions de travail, les difficultés économiques, l’instabilité politique et la paupérisation
croissante de certaines parties de la planète dopant du coup les flux migratoires. Aussi,
l’insuffisance des équipements et des ressources susceptibles de développer les talents et les
potentialités préside-t-elle au départ de millions de personnes de leur pays d’origine.
Nul besoin de rappeler l’apport incommensurable des migrants internationaux à leur pays
d’origine à travers les transferts d’argent et de biens
8
. S’il est acquis et admis que les migrants
drainent une manne financière vers leur pays de provenance, en revanche, leur contribution à
la société et à l’économie des pays d’emploi semble souffrir d’une gation, ou en tout cas,
d’une insuffisance de reconnaissance et surtout la protection des droits des acteurs et artisans
que sont les migrants est encore en bute à un certain mépris.
Pourtant les statistiques s’accordent pour affirmer que le rôle joué par les migrants dans les
sociétés d’accueil concourt au renforcement de la qualité de vie et de développement dans une
large mesure des pays d’accueil. Par ailleurs, le droit international des droits de l’homme s’est
enrichi d’un nouvel instrument, la Convention internationale des Nations Unies pour la
protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille qui
consacre un régime de protection des migrants.
Aujourd’hui, dans un monde mondialisé, la migration se positionne comme une porte qui
offre des possibilités d’emploi à l’extérieur du pays d’origine au regard des disparités en
matière de développement économique et surtout du désintérêt pour certains emplois pourtant
indispensables pour le développement, la croissance et la qualité de vie dans les pays de
destination.
Le constat amer dressé par plusieurs études révèle que l’apport des migrants au
développement des pays hôtes n’est pas reconnu à sa juste valeur alors même que le
renforcement de la protection des droits des migrants et la valorisation de leur contribution
servirait à capitaliser leur potentiel.
I - La méconnaissance de la contribution des migrants au pays de destination
A. La contribution substantielle à l’économie des pays d’emploi
Le développement économique des pays industrialisés conjugué avec le développement des
mœurs ont indu une situation de désintérêt grandissant pour certains secteurs d’activités de la
part des nationaux. Certains emplois semblent être ainsi naturellement réservés aux migrants :
les secteurs du bâtiment, de la voirie, du nettoyage, du ménage, du gardiennage, du travail
domestique considérés comme des emplois de « seconde zone » semblent être promis aux
« étrangers ». Bien plus encore, certains emplois supposés trop intenses et onéreux en terme
d’investissement en temps et en énergie ainsi que privatistes de liberté et ingrats sur le plan de
8
Selon le Rapport de la Commission Mondiale sur les Migrations Internationales publié le 5 octobre 2005, en
2004 les transferts de revenus régulés représentaient environ 150 milliards de dollars ; autour de 300 milliards de
dollar supplémentaires sont transférés de manière informelle ; les transferts de revenus représentent quasiment le
triple de la somme officielle d’aide au développement ; les transferts de revenus sont la deuxième source de
financement pour les pays en développement, après l’investissement financier direct ; les transferts ont été plus
importants en 2004 pour le Mexique (16 milliards de dollars /an), l’Inde (9,9 milliard de dollars) et les
Philippines (8,5 milliard de dollars).
5
la rémunération comparativement aux conditions difficiles de travail, se voient déserter par les
nationaux. C’est le cas du secteur de la santé.
En France, les infirmières espagnoles ont pu pallier en partie à la pénurie du personnel de
santé dans un pays les professionnels qui sortent des écoles ne parviennent pas à combler
l’énorme carence existant et dont les postes vacants sont estimés, depuis les années 2000,
entre 16 000 et 25 000 tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Cette importation
de professionnels de la santé procure un double avantage à la France : d’abord elle permet de
mettre à disposition de la main d’œuvre qualifiée et ainsi d’assurer une qualité nécessaire dans
les soins de santé. Ensuite, elle procède d’une dynamique en matière de cohérence dans le
système de sécurité sociale qui se nourrit des cotisations afin d’assurer une solidarité entre les
générations présentes et futures.
Par ailleurs, selon le ministère français de la santé, il y a aujourd'hui plus de médecins
béninois, toutes spécialités confondues, en France qu'en République du Bénin, qui a, pourtant,
tant besoin de leurs compétences. Cela témoigne, s’il en était besoin encore, de l’apport de
cette communauté au système sanitaire, à la sécurité sociale et à l’économie du pays de façon
générale. La très forte présence de spécialistes africains dans le domaine de la médecine
permet à la France de combler ses problèmes d'effectifs et de maintenir la bonne réputation de
ses établissements hospitaliers.
Selon une étude menée par le Bureau Régional Afrique de l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), « environ 20 000 Africains de diverses occupations professionnellement
quittent l’Afrique chaque année pour les pays industrialisés de l’Occident »
9
. Si l’inquiétude
croît en Afrique quant aux effets de la « fuite de cerveaux » et du recrutement extérieur de
professionnels de la santé à des postes dans des pays développés tels que le Royaume Uni et
les Etats Unis
10
, en revanche les pays de destination jouissent de la contribution de ces cadres
qui fuient leur pays d’origine.
Les migrants s’imposent peu à peu dans la haute hiérarchie surtout dans le secteur privé. En
Allemagne, les entreprises de l’informatique de plus en plus florissantes ont eu recours à la
main d’œuvre indienne. En 2000, environ 20 000 informaticiens indiens ont répondu à l’appel
du gouvernement allemand pour mettre leur compétence et leurs potentialités au service de
l’économie allemande. L’afflux de la main d’œuvre indienne au secours de la pénurie en
Allemagne a été déterminant dans l’approche des problèmes de délocalisation, phénomène
redouté par les salariés dans les pays européens.
La Russie, comme d’ailleurs la plupart des pays européens, est confrontée à un vieillissement
avancé de sa population au point d’en arriver à deux retraités pour un actif. L’importation de
la main d’œuvre paraît dans ce cas être la seule panacée susceptible d’éviter l’effondrement
de l’économie.
9
M. AWASES, A. GBARY, J. NYONI et R. CHATORA, Migration de professionnels de la santé dans six pays,
Rapport de Synthèse, OMS, Bureau Régional de l’Afrique Brazzaville, 2004, page 2.
10
DOVLO D. Y. (1998), Report on Issues Affecting the Mobility and Retention of Professionals in
Commonwealth African States, Unpublished Report for Commonwealth Secretariat Technical Support Group.
Voir aussi MUTIZWA-MANGIZA D. (1998), The Impact of Health Sector Reform on Public Sector Health
Worker Motivation in Zimbabwe. Major Applied Research 5, Working Paper 4, Partnerships for Health Reform,
Bethesda, Abt Associates.
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