Les trichomes d’Arabidopsis Chez les organismes pluricellulaires tels que les Angiospermes, le développement met en place des types cellulaires variés. L’observation de quelques cellules de référence telles que les poils racinaires, les papilles stigmatiques, les stomates, les cellules épidermiques de « dallage » (pavement cells) et les trichomes de la feuille, a fourni de riches informations concernant la morphogenèse cellulaire (Mathur, 2004). C’est plus particulièrement vrai pour les trichomes, les stomates et l’épiderme racinaire d’Arabidopsis. L’analyse des mécanismes coordonnés qui permettent la spécification et la structuration de ces types cellulaires est l’un des enjeux de la biologie du développement des plantes. Chez Arabidopsis, la formation de poils épidermiques unicellulaires à partir de cellules épidermiques de la feuille (trichome) et de la racine (trichoblaste), constitue le modèle de référence pour l’étude des mécanismes gouvernant la détermination du devenir cellulaire chez les plantes (Dolan et Costa, 2001 ; Szymanski et al., 2000). Les mécanismes assurant la structuration des trichomes et des poils racinaires sont différents. Les trichomes se mettent en place à distance d’un autre trichome, et ne sont qu’exceptionnellement adjacents à un autre trichome, ce qui suggère l’existence d’un mécanisme de contrôle de la densité des trichomes (Hulskamp et al., 1994 ; Serna, 2004 ; Szymanski et al., 2000). Au contraire, les cellules racinaires sont spécifiées en files, d’une façon dépendante de leur position, de telle manière que les cellules situées dans l’interstice entre deux cellules corticales sous-jacentes, se développent en poils racinaires (Dolan et al., 1994 ; Serna, 2004). L’épiderme de l’hypocotyle ne différencie pas de poils, mais des stomates, dont la structuration est organisée d’une façon proche de celle des atrichoblastes racinaires (Berger et al., 1998a et 1998b). Malgré les différences observées dans leurs distributions épidermiques, les données de la génétique moléculaire ont permis de montrer qu’un ensemble commun de facteurs de transcriptions régulent la structuration des trichomes foliaires, des stomates hypocotylaires et des poils racinaires chez Arabidopsis (Serna, 2005). Ainsi, TTG1, GL1 et GL2 permettent la spécification trichome dans la partie aérienne, alors que TTG1, WER et GL2 entraînent la spécification atrichoblaste dans l’épiderme racinaire. De plus, CPC et TRY inhibent la formation de trichomes et d’atrichoblastes. Plus globalement, chez Arabidopsis, des mécanismes aussi variés que l’initiation des trichomes, l’initiation des poils racinaires, la mise en place des stomates sur l’hypocotyle, la biosynthèse des anthocyanes et la production de mucilage dans les enveloppes de la graine (Western et al., 2004), font intervenir un ensemble de régulateurs conservés durant l’évolution. Il s’agit de facteurs de transcription de type R2R3 MYB, comme GL1 (glabra1), WER (Werewolf), MYB23 (Lee and Schiefelbein, 1999), ou de type bHLH (basic Helix-Loop-Helix) comme GL3 (Glabra3) et EGL3 (Enhancer of Glabra3) (Payne et al., 2000), de la protéine à homéodomaine GL2 (glabra2) (Masucci et al., 1996), de petites protéines MYB à un seul domaine R3, TRY (Tryptichon), CPC (Caprice), ETC1 (Enhancer of Tryptichon et Caprice) (Wada et al., 1997), et d’une protéine de type WD40, TTG1 (Transparent Testa Glabra1) (Zhang et al., 2003). MORPHOLOGIE DES TRICHOMES Les trichomes sont présents sur l’épiderme (feuilles, sépales) de nombreuses plantes terrestres. Leur structure varie, avec soit un seul type par plante, soit plusieurs (sic chez la tomate), parfois sur la même feuille. Les trichomes peuvent se différencier en glandes (Ballota), en vésicules (Chenopodium) ou en poils secréteurs (Urtica). De nombreuses espèces, autres qu’Arabidopsis thaliana, possèdent des trichomes pluricellulaires dont les ramifications sont initiées par un plan de division perpendiculaire à l’axe de croissance du trichome (figure 1). Chez Arabidopsis, la mutation siamese produit des trichomes multicellulaires (Walker et al., 2000). Du point de vue évolutif, ceci suggère que les trichomes unicellulaires d’Arabidopsis, dérivent en fait de trichomes multicellulaires. Les fonctions attibuées aux trichomes sont notamment la protection de la plante contre les insectes herbivores et les rayons UV, la réduction de la transpiration et la résistance accrue au gel. paroi Figure 1. Mise en place d'un trichome pluricellulaire Les trichomes, situés sur la face adaxiale de la feuille d’Arabidopsis, sont des cellules qui se présentent comme une excroissance épidermique. Leur contenu en ADN atteint 32 C par quatre endoréplications successives (Melaragno et al., 1993). La mise en place des trichomes participe à la morphogenèse de la feuille. L’initiation des trichomes s’observe en premier lieu à la pointe du jeune primordium foliaire, puis de façon basipétale gagne la base de la feuille en croissance. Une très jeune feuille étalée montre, à sa surface, une distribution non aléatoire de trichomes à divers stades de développement. Il est très rare que deux trichomes se forment côte à côte. Alors que le trichome mature d’Arabidopsis mesure entre 300 et 500, aux stades plus précoces, la cellule initiale du trichome se distingue de ses voisines, car elle est légèrement plus large, enflée, d’un diamètre de 10 à 15. Entre 6 à 10 heures après son initiation, la cellule se développe vers l’extérieur, en formant un tube, puis rapidement elle définit des zones sous-apicales qui serviront de points de départ pour les ramifications futures. Deux ou trois branches se forment et s’allongent rapidement, par croissance diffuse, mais dans des orientations précises, génétiquement déterminées et corrélées étroitement avec l’axe principal de croissance de la feuille. La majorité des trichomes des feuilles d’Arabidopsis possèdent une structure en étoile, avec trois branches (plus rarement deux). Néanmoins, une petite partie des trichomes foliaires peuvent demeurer non ramifiés. Les trichomes des feuilles de la hampe florale et des sépales sont toujours moins ramifiés. Lorsque le trichome approche de la fin de sa phase de développement, des épaississements apparaissent sur sa périphérie cellulaire, à laquelle ils conférent un aspect en papilles. Enfin, un groupe de cellules « socle » se répartissent autour de la base du trichome développé. ETAPES DU DEVELOPPEMENT La différenciation cellulaire du trichome se déroule de façon continue, mais fait apparaître plusieurs formes successives. De nombreux mutants affectant le développement du trichome ont été identifiés chez Arabidopsis (Hulskamp et al., 1994 ; Hulskamp, 2004). Parmi ces mutants, une partie affectent le « profil trichome » de la feuille : densité ou formation de groupes (Hulskamp, 2004), certaines entrainent la mise en place de trichomes sur les cotylédons (West et al., 1994 ; Yamagishi et al., 2005), d’autres en modifient la forme (Hulskamp, 2004). Ces mutants ont permis de bien analyser la morphogenèse cellulaire du trichome. Afin d’en faciliter la description cinq stades ont été définis (Szymanski et al., 2000). Grandissement cellulaire. C’est au sein d’un ensemble de cellules épidermiques, a priori identiques, que seront « sélectionnées » les cellules à l’origine des trichomes, qui vont alors stopper les divisions mitotiques pour initier des endoréplications (figure 2a). Chez de nombreux organismes, plantes inclues, la taille des cellules est fortement corrélée à leur contenu en ADN (Melaragno et al., 1993). La grande taille des initiales de trichomes paraît résulter d’endoréplication(s). Ceci différencie la cellule mère du trichome des cellules épidermiques voisines (figure 2b). Le mutant glabra2 (gl2) est bloqué à cette étape. La phospholipase AtPLD 1 est la cible de GL2 (Dhonukse et al., 2003). Elle pourrait participer aux modifications de la membrane plasmique, requises pour atteindre les étapes ultérieures. Croissance tubulaire. La cellule mère élargie du trichome, s’accroît alors, sa partie supérieure prend une forme tubulaire (figure 2c). Ceci s’accompagne d’ un nouveau cycle d’endoréplication (Hulskamp et al., 1994). Les mutants scd1, Stomatal Cytokinesis-Defective1 (Falbel et al., 2003), ne dépassent pas le stade tubulaire, et le trichome avorte lorsque la feuille s’étale. Plusieurs études indiquent un rôle du cytosquelette microtubulaire dans cette étape de la morphogenèse du trichome (Mathur et Chua, 2000). Initiation de la ramification. De nombreux mutants affectés dans la ramification du trichome ont été décrits chez Arabidopsis (Hulskamp, 2004 ; Schellmann et Hulskamp, 2005). Mathur (2006) suggère que c’est la délimitation de domaines apicaux dans l’initiale tubulaire qui permet cette ramification (figure 2d). Les travaux de Mathur et Chua (2000) ont permis de montrer que la stabilisation des microtubules détermine la croissance polarisée du trichome, mais que ce sont les réorganisations du cytosquelette de microtubules qui amènent des variations de l’axe de Figure 2. Développement du trichome et mutants a - sélection d'une cellule épidermique mutations : gl1, cpc, myb23, ttg1, gl3, egl3, try, etc1, etc2, gl2 b - endoréplication et détermination du devenir cellulaire sim, kak, spy, cpr5, ick/krp, rhl2, hyp6 c - allongement tubulaire an, sti, frc, tfca, tfcc, sta, gl3, kak d - ramification et croissance grl, klk, brick1, rop2, dis1, dis2, wrm, crk, spi, ali, zwi, cdo, cha, rts, trb, udt trichome cellule socle e - expansion et maturation croissance (Torres-Ruiz et Jurgens, 1994). De nombreux mutants confortent cette façon de voir (Mathur, 2006). Ce sont des modifications locales des « enveloppes » de la cellule (paroi, membrane et cytosquelettes sous-jacents) qui permettront une croissance cellulaire localisée (Mathur, 2006). Le nombre de branches du trichome est corrélé positivement avec le niveau de ploïdie de la cellule (Schnittger et Hulskamp, 2002). Ainsi les plantes tétraploïdes possèdent des branches surnuméraires, et les cellules à moins de 32C possèdent moins de branches. Expansion des branches. Le trichome acquiert une forme régulière par expansion de ses branches (figure 2e). Ceci nécessite le réseau dynamique d’actine, puisque les traitements anti-actine entraînent le phénotype « tordu » (Hulskamp et al., 1994). Plusieurs mutants affectés dans un modulateur du cytosquelette d’actine composé de plusieurs sous-unités, le complexe ARP2/3, présentent également un phénotype « tordu » (Mathur, 2006). Le cytosquelette d’actine possède plusieurs fonctions : mise en place du réseau d’endomembranes, mobilité des organites, réorganisation en réponse à des signaux de croissance ou externes. Les fonctions cellulaires du cytosquelette d’actine sont assurées par des protéines qui en se liant à l’actine, permettent son ancrage et la liaison entre ses filaments (Szymanski, 2005). Notons également que le cytosquelette d’actine affecte la dynamique des microtubules et altère ainsi la croissance directionnelle des ramifications du trichome (Mathur, 2006). Maturation cellulaire. L’achèvement de la morphogenèse du trichome est révélée par la formation de papilles résultant de l’épaississement de la paroi cellulaire. Les mécanismes moléculaires mis en œuvre sont mal connus, alors même que cinq mutants suppriment cet ornement de la surface du trichome. Il s’agit de chablis, chardonnay, retsina (Hulskamp et al., 1994), underdeveloped trichome ou udt (Haughn et Somerville, 1998) et trichome birefringence ou trb (Potikha et Delmer, 1995). Les gènes correspondants coderaient des composants pariétaux (Hulskamp, 2004), ou des éléments du cytosquelette d’actine (Mathur, 2006). SELECTION DU DEVENIR « TRICHOME » DANS L’EPIDERME Les mécanismes permettant la spécification cellulaire « trichome » et la répartition des trichomes sur la surface foliaire, ont été largement détaillés dans plusieurs revues récentes (Hulskamp, 2004 ; Schellmann and Hulskamp, 2005 ; Szymanski, 2005 ; Serna and Martin, 2006 ; Mathur, 2006). Contrairement à la mise en place des stomates foliaires, l’initiation des trichomes ne nécessite pas, chez Arabidopsis, une division asymétrique dans la taille des cellules filles ou dans leur devenir cellulaire (Larkin et al., 1997). Une cellule épidermique enclenche le devenir cellulaire trichome après avoir accumulé un niveau suffisant d’un complexe transcriptionnel GL1-GL3-EGL3-TTG1-MYB23 (Szymansky et al., 2000 ; Kirik et al., 2005). En dehors des divers types de facteurs de transcription (MYB R2R3, bHLH), les profils « trichome » et « poil racinaire » impliquent plusieurs autres éléments permettant les interactions entre cellules, nécessaires pour déterminer lesquelles en particulier vont se différencier en trichomes ou en poils racinaires. Il s’agit par exemple de Caprice (CPC) identifié dans un premier temps comme un gène spécifique du profil de l’épiderme racinaire, et Tryptychon (TRY) identifié au départ comme un gène spécifique du profil trichome (Wada et al., 1997). Ces deux gènes agissent de façon redondante pour supprimer le profil trichome dans la feuille ou le devenir atrichoblaste (absence de poil racinaire) dans la racine (Schellmann et al., 2002). Plus récemment Kirik et al. (2004a et 2004b) montrent que ETC1 et ETC2 (Enhancer of TRY and CPC 1 et 2) agissent de façon redondante avec TRY et CPC. D’autres fonctions existent pour ETC2, notamment dans le développement du stomate. Le modèle actuel expliquant les profils « trichome » et « atrichoblaste », postule que TTG1, GL1, WER, GL3, EGL3 et MYB23 stimulent le développement du trichome dans la feuille et celui des atrichoblastes dans la racine (Hulskamp, 2004). Plusieurs gènes, agissant de façon antagoniste à GL1 et WER, sont connus comme étant des régulateurs négatifs du développement du trichome. Il s’agit de TRY, CPC, ETC1 (Perazza et al., 1999) et ETC2 (Kirik et al., 2004b). Leur mutation produit des trichomes plus gros, plus ramifiés, et dont le niveau d’endoréplication est encore augmenté. TRY limiterait la quantité de complexe activateur GL1-GL3-EGL3-TTG1-MYB23 dans les cellules qui ont enclenché le devenir trichome. WER est particulièrement important pour le développement des poils racinaires, et GL1-MYB23 pour le développement des trichomes. Les données moléculaires indiquent par ailleurs que GL3 forme un homodimère qui se lie à GL1 (Zhang et al., 2003 ; Payne et al., 2000) par un domaine D/E-L-x2-R/K-x3-L-x6-L-x3-R (Serna et Martin, 2006). Un autre domaine de GL3 assure sa liaison avec le régulateur amont qu’est TTG1, alors que GL1 n’interagit pas en double hybride avec TTG1. TRY, CPC et ETC2 interagissent avec la protéine GL3 (Kirik et al., 2004b). Ainsi, GL1 (et/ou MYB23) et GL3 permettraient l’activation transcriptionnelle et le complexe TTG1-GL3-GL1-MYB23 serait actif dans le précurseur du trichome et inactif dans les autres cellules épidermiques (figure 3). Les régulateurs négatifs TRY, CPC, ETC1 et ETC2 entreraient en compétition avec le complexe d’activation transcriptionnelle (Szymanski et al., 2000 ; Kirik et al., 2004a). Les données relatives aux communications intercellulaires et à une régulation par une boucle de rétrocontrôle manquent actuellement. Cependant, par analogie avec ce qui est connu pour le profil poil racinaire, il est possible de faire l’hypothèse que la protéine CPC pourrait migrer entre les cellules. Nous savons également que WER, un homologue de GL1 pour la racine, rétro-contrôle négativement CPC. initiale du trichome GL1 MYB23 GL3 EGL3 GL3 EGL3 GL2 TTG1 TRY CPC ETC1 ETC2 cellule épidermique TRY CPC ETC1 ETC2 GL1 MYB23 GL3 EGL3 GL3 EGL3 TTG1 GL2 Figure 3. Structuration de l'épiderme TRY CPC ETC1 ETC2 La protéine à homéodomaine GL2 transmet les informations fournies par les éléments impliqués dans la structuration de l’épiderme, pour amener à un état de différenciation spécifique, que ce soit dans les enveloppes de la graine, les poils racinaires ou les trichomes (Rerie et al., 1994 ; Masucci et al., 1996 ; Ohashi et al., 2002). Quelques éléments suggèraient que GL2 participait à la structuration des trichomes en activant des gènes de différenciation spécifiques du trichome (Rerie et al., 1994), mais il est désormais avéré que GL2 intervient pour des événements de différenciation situés en aval de la spécification cellulaire (Ohashi et al., 2002), comme cela a été montré pour la différentiation des poils racinaires (Ohashi et al., 2003). Les futurs travaux devront s’intéresser aux mécanismes mis en place durant le développement embryonnaire. Actuellement, le parallèle établi entre les profils trichome et atrichoblaste ne permet pas de remonter à un événement antérieur à l’étape de différenciation (Serna, 2005). CONTROLE DU CYCLE ET DEVELOPPEMENT DU TRICHOME Les mutants affectés dans la régulation du cycle cellulaire des trichomes affectent soit la transition d’un cycle mitotique vers un (ou des) cycle(s) d’endoréplication, soit le nombre de cycles d’endoréplication, donc la ploïdie. La mutation siamese (sim) supprime la transition mitose-endoréplication, ce qui a pour conséquences de produire des trichomes multicellulaires avec de 2 à 15 cellules (Walker et al., 2000). Ainsi, si le premier cycle est directement mitotique, deux trichomes sont produits au lieu d’un seul, mais si la transition vers la mitose est plus tardive, un trichome multicellulaire est mis en place. Des éléments classiques de régulation du cycle cellulaire participent au contrôle des endoréplications. La surexpression de la cycline AtCYCB1;2 induit une transition endoréplication-mitose, ce qui conduit à des trichomes pluricellulaires (Schnittger et al., 2002a). L’expression de cette cycline entraîne non seulement des divisions nucléaires, mais également autorise une cytokinèse normale. De même, la surexpression ectopique de la cycline AtCYCD3;1 conduit à des divisions cellulaires (Schnittger et al., 2002b). Dans le mutant sim, AtCYCB1;2 est plus fortement exprimé dans le trichome, suggérant que SIM inhibe habituellement l’expression G2/M de cette cycline. Dans cet exemple, l’observation montre que des endoréplications se produisent (Schnittger et al., 2002a). Néanmoins, bien que l’endoréplication soit en général associée à l’achèvement de la différenciation, Weinl et al. (2005) montrent que la spécification du devenir cellulaire est indépendante de l’endoréplication induite par ICK (inhibiteur de CDK). Plus récemment, Imai et al. (2006) observent que le promoteur de la cycline AtCYCA2;3 (c’est également vrai pour AtCYCA2;2 très redondant) est actif dans les cellules en prolifération et dans les trichomes qui achèvent leurs endoréplications. Les mutants cyca2;3 présentent un plus grand nombre d’endocycles, suggérant que AtCYCA2;3 est un régulateur négatif de l’endoréplication (Imai et al., 2006). Le gène KAKTUS (KAK) réprime le mécanisme d’endoréplication, après que la quatrième ait eu lieu. Il code une ubiquitine E3 ligase potentielle. Ceci suggère que KAK ubiquitine, pour qu’elles puissent être dégradées, les protéines qui permettent de réenclencher le cycle cellulaire (Downes et al., 2003 ; ElRefy et al., 2003). La surexpression de AtFIP37 affecte également le développement du trichome, très ramifié car il a subi plus d’endoréplications (jusqu’à 256C). AtFIP37 régulerait positivement l’endoréplication en procédant à un épissage alternatif de gènes impliqués dans le contrôle du cycle (Vespa et al., 2004). Il est enfin nécessaire de rappeler que deux des gènes impliqués dans la spécification des trichomes, GL3 et TRY, sont également des régulateurs respectivement positif et négatif, des cycles d’endoréplication (Hulskamp et al., 1994). Cette double fonctionnalité démontre que la détermination du devenir cellulaire est fonctionnellement liée à la régulation du cycle (Hullskamp, 2004). GL3 contrôlerait le passage de la troisième à la quatrième phase d’endoréplication. Malgré l’absence de lien fonctionnel entre la plupart de ces éléments (SIM, AtCYCB1;2, AtCYCD3;1, AtCYCA2;3, KAK, AtFIP37, GL3, TRY), il apparaît désormais clair que plusieurs mécanismes régulent les cycles d’endoréplication dans les trichomes. Il est également avéré que la différenciation finale des trichomes est, au moins en partie, indépendante du cycle cellulaire (Jakoby et Schnittger, 2004). CONCLUSION Le contrôle de la forme cellulaire et la répartition des types cellulaires mettent en œuvre plusieurs mécanismes de régulation, notamment de la prolifération et de la différenciation cellulaires, des mécanismes participant à la communication inter-cellulaire, et des mécanismes de contrôle global de la morphogenèse. Les trichomes sont actuellement utilisés pour des études relatives au contrôle du cycle cellulaire (voir Hulskamp, 2004), ainsi que pour l’analyse de la structuration de l’épiderme (Schellmann et Hulskamp, 2005). Les travaux réalisés à ce jour ont permis de montrer que la mise en place de ces cellules très particulières requiert un contrôle de leur répartition sur l’épiderme foliaire et des mécanismes spécifiant leur identité (endoréplication, contrôle transcriptionnel). Les données accumulées suggèrent que de nombreux facteurs de transcription, assez largement redondants, jouent un rôle dans la spécification du devenir cellulaire au sein des épidermes foliaire, hypocotylaire et racinaire. Ceci reflète probablement la nécessité d’une structuration très reproductible des types cellulaires épidermiques. Il est intéressant de constater que certains des facteurs impliqués dans la spécification « trichome » contrôlent en parallèle le niveau d’endoréplication du noyau de ce trichome. Dans une phase ultérieure, la mise en place de la forme définitive requiert des phospholipases membranaires, des protéines G de type Rho, le complexe ARP2/3 de modulation du cytosquelette d’actine, et des interactions actine-microtubules (Mathur, 2006). Trois types cellulaires coexistent dans l’épiderme foliaire, des cellules de dallage, des trichomes et des stomates. La ploïdie de ces trois types cellulaires est contrôlée différemment (Melaragno et al., 1993), la répartition des trichomes et des stomates est contrôlée, probablement par des mécanismes similaires, enfin, il est probable que la mise en place des trichomes et des stomates, respectivement sur les faces adaxiale et abaxiale de la feuille, est également contrôlée, par un ou des mécanismes non élucidés à ce jour. La duplication de gènes, suivie de leur diversification fonctionnelle est un mécanisme évolutif permettant la création de nouvelles fonctions (Causier et al., 2005). Cette diversification fonctionnelle peut résulter soit de modifications de la régulation transcriptionnelle, soit de la fonction de la protéine. Ainsi, les fonctionnalités différentes des gènes GL1 et MYB23 (R2R3 MYB), pour l’initiation du trichome, résulte de modifications des séquences régulatrices en cis. Parallèlement, la diversification pour ce qui est de la ramification du trichome a nécessité des variations des protéines (Kirik et al., 2005). Les travaux de Kirik et al. (2004a et b) ont permis de montrer que les gènes ETC1, ETC2, TRY et CPC (R3 MYB) agissent d’une façon largement redondante pour permettre la spécification cellulaire dans l’épiderme de la racine et de la feuille (Kirik et al., 2004a et b). De même, GL3 et EGL3 (bHLH) fonctionnent de façon redondante (Zhang et al., 2003). L’analyse des ressemblances entre les mises en place des trichomes foliaires, des atrichoblastes racinaires et des stomates hypocotylaires, a cependant fait émerger quelques différences, comme la dépendance de la position (atrichoblaste, stomates) ou de l’espacement (trichomes) ou encore la régularité de la mise en place (beaucoup moins bonne pour les stomates hypocotylaires que pour les atrichoblastes racinaires). Enfin, les analyses les plus récentes (Serna et Martin, 2006) montrent que les trichomes d’Arabidopsis et de coton, se développent en utilisant un réseau transcriptionnel très différent chez ces deux espèces de celui qui régule le développement des trichomes chez Antirrhinum et chez les Solanaceae. Les différents types de trichomes pourraient donc provenir d’une évolution convergente, survenue depuis l’origine des Eudicotylédones (Serna et Martin, 2006). 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