Structure et réplication du virus de l'hépatite B
par Jean-Marie Huraux
Service de virologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France.
I. Introduction
En microscopie électronique, le virus de l'hépatite B (VHB) se présente sous trois
formes : les particules de Dane, de 42 manomètres (nm) de diamètre, et des
sphérules et des tubules de 22 nm de diamètre, bien plus nombreux. (On observe
dans certains sérums de patients jusqu'à 1010 particules de Dane par ml pour 1014
sphérules).
La particule de Dane correspond au virus entier, infectieux, associant génome,
polymérase, capside et enveloppe, tandis que tubules et sphérules sont constitués
de matériel d'enveloppe produit en excès.
Ce virus est très particulier. Strictement humain, il est classé parmi les hepadnavirus
(hep pour le tropisme patique, et dna pour la nature du génome), aux côtés du
\WHB et du DVHB, virus infectant respectivement la marmotte (woodchuck) et le
canard (duck), avec des évolutions chroniques qui constituent autant de modèles
expérimentaux intéressants pour la mise au point de traitements antiviraux actifs sur
l'infection humaine à VHB.
Il. Structure du génome (figure 1)
Avec ses 3 200 paires de bases, c'est le plus petit des virus humains à ADN. Il code
seulement pour 4 gènes :
1. Le gène C, avec une zone pré-C, pour la capside ou core, constituée de
l'antigène HBc de 21 000 de poids moléculaire (21 kDa).
2. Le gène S, avec une zone pré-S1 et une zone pré-S2, pour l'enveloppe,
constituée d'antigène HBs (s pour surface). Cet antigène HBs se présente sous trois
formes : petite, moyenne et grande, de 24, 33 et 39 kDa, selon qu'il vient de
l'expression du gène S, de pré-S2 + S, ou pré-S1 + pré-S2 + S.
3. Le gène P, pour la polymérase, plus précisément l'ADN polymérase, de 90 kDa.
4. Le gène X, aux fonctions mal connues, transactivatrices, peut-être impliqué dans
la cancérogénèse par le VHB.
Quatre gènes dans un si petit génome, cela implique une organisation particulière,
très économe : l'ADN viral est circulaire, à 2 brins sur 50 à 80 % de sa longueur, et
surtout, ses 3 cadres de lecture sont mis à contribution, de sorte que les gènes se
chevauchent, utilisant au mieux les capacités génétiques duites de ce virus. Le
gène P, le plus long des quatre, correspondant aux trois quarts du génome,
chevauche ainsi entièrement le gène S et partiellement les gènes C et X.
III. L'antigène HBs
Par sa position, c'est la structure d'attachement du virus sur la cellule cible,
l'hépatocyte, précisément par sa partie préS1. Il constitue l'essentiel de l'enveloppe
du virus. Cette enveloppe diffère sensiblement de l'enveloppe "classique" de virus
comme les herpèsvirus, les myxovirus (grippe), les paramyxovirus (rougeole,
VRS...), les arbovirus ou le VIH. Pour ces virus, l'enveloppe appelée également
péplos (manteau, en grec) dérive par bourgeonnement des membranes nucléaires
ou cytoplasmiques, elle est ainsi faite d'une bicouche lipidique parfaitement visible et
agrémentée de glycoprotéines virales sous forme de spicules. Ces virus à péplos
partagent la fragilité des membranes cellulaires et sont de ce fait rapidement
inactivés dans le milieu extérieur et transmis uniquement par des contacts
interhumains rapprochés. Au contraire, le VHB est à classer parmi les virus
relativement résistants comme certains virus nus, sans enveloppe, même si son
enveloppe constituée au niveau de la membrane cytoplasmique de l'hépatocyte
associe à l'antigène HBs des molécules de glycoprotéines et de lipides cellulaires.
Ainsi, l'infection à VHB est beaucoup plus contagieuse que l'infection à VIH. Ces
deux virus partagent une transmission par le sang, le sexe et les relations materno-
foetales, mais le risque de transmission est bien plus élevé dans le cas du VHB. Le
risque d'infection par accident d'exposition au sang (AES) du fait d'une piqûre a é
estimé à 30 % en ce qui concerne le VHB, 3 % pour le VHC et 0, 3 % pour le VIH.
Les soins aux malades lorsque sont respectées les conditions d'hygiène et la vie en
famille sans rapport sexuel auprès d'un parent infecté ne présentent pas de risque en
matière de VIH, alors qu'au contraire les personnels soignants ont, avant la
généralisation de la vaccination contre l'hépatite B, été souvent victimes du VHB, en
particulier dans les services d'hémodialyse, de réanimation médicale ou chirurgicale,
en cabinet de soins dentaires, en laboratoires d'analyses biologiques. D'autre part, le
VHB se transmet assurément "sous le toit".
Tout cela en raison de la résistance du virus que l'on peut objectiver comme suit : il
résiste à l'éther, contrairement aux virus à enveloppe classique ; il se conserve au
moins 20 ans au congélateur à - 20°C, supportant très bien les cycles de
congélation-décongélation ; il résiste 60 minutes à 37°C ; des sérums laissés 6 mois
à 30-32°C restent infectieux. Il faut pour l'inactiver dans le sérum une concentration
d'hypochlorite de soude de 5 % (eau de Javel pure), alors que d'habitude la plupart
des virus sont détruits par l'hypochlorite de soude à 0,5 %.
En ce qui concerne sa structure antigénique, l'antigène HBs comporte au moins 5
spécificités : le terminant majeur (a) est commun à toutes les souches, donc
spécifique de groupe ; les anticorps correspondants suscités par l'infection naturelle
quand elle évolue vers la guérison, ou par la vaccination, sont neutralisants,
protecteurs. S'ajoutent à cela deux paires de déterminants de sous-type, les
déterminants de chaque paire étant mutuellement exclusifs. Ainsi, 4 sous-types
d'antigènes HBs ont été définis : adw, ayw, adr et ayr, de répartition ographique
distincte. Par exemple, adw prédomine dans le Nord de l'Europe, en Amérique du
Nord et en Amérique du Sud, en Australie, tandis que ayr se rencontre dans le Nord
et l'Est de l'Afrique, l'Est de la Méditerranée, l'Est de l'Europe, le Nord et le Centre de
l'Asie, l'Inde. A vrai dire, les progrès des techniques d'analyse des génomes viraux
favorisent désormais le génotypage du VHB, des amorces spécifiques permettant en
PCR de distinguer les génotypes de A à H.
IV. L'antigène HBc et l'antigène HBe
1. L'antigène HBc
L'antigène HBc, qui constitue le core ou capside, est exprimé à la surface des
hépatocytes il induit des réactions de cytolyse de la part des lymphocytes T
CD8+. Cependant, contrairement à l'antigène HBs, il n'apparaît pas dans le sérum.
En revanche, on trouve dans le sérum au stade de multiplication virale active de
l'antigène HBe qui représente le troisième antigène associé à l'infection virale.
2. L'antigène HBe
Plus petit que l'antigène HBc (17,5 kDa), il est, comme l'antigène HBc, copar le
gène C, mais il lui manque 34 à 36 acides aminés de l'extrémité carboxy-terminale
de l'antigène HBc et il a, à l'opposé, 10 acides aminés de la région pré-C qui
manquent à l'antigène HBc. Cette séquence supplémentaire est un peptide signal qui
rend compte du passage de l'antigè ne HBe dans le système réticulo-endothélial et
de son excrétion dans le sérum.
V. L'ADN polymérase
Elle est associée à la particule virale et pénètre donc dans la cellule en même temps
que le virus. Elle fonctionne comme ADN polymérase à la fois ADN-dépendante (sur
matrice d'ADN) et ARN-dépendante (sur matrice d'ARN). C'est donc aussi une
rétrotranscriptase (RT), avec des homologies de séquences avec la RT du VIH et
une sensibilité commune à l'analogue nucléosidique qu'est la 3TC. Elle a également
une activité ARNase H.
VI. Multiplication du VHB
1. Supports de la multiplication virale
L'homme est le seul hôte naturel. L'infection du chimpanzé et d'autres primates en
captivité a été attribuée principalement à la fréquentation de l'homme. Cependant, on
a également observé la circulation, chez ces animaux, de variants particuliers du
VHB. Ceux-ci suscitent d'intéressantes questions sur l'origine du VHB, mais cette
infection des primates ne joue actuellement pas de rôle dans l'épidémiologie
humaine.
Les cellules permissives sont les hépatocytes, bien que de l'ADN viral ait été trou
en faible quantité dans des sites extra-hépatiques, monocytes, lymphocytes B,
lymphocytes T CD4+ et CD8+. C'est sans doute à mettre en rapport avec les
réinfections du greffon, observées après transplantation de foie, en particulier chez
les patients atteints d'hépatite chronique sévère.
Cela étant, la multiplication in vitro du VHB, que l'on peut obtenir en cultures
primaires d'hépatocytes, ou dans certaines lignées continues de cellules conservant
les propriétés des cellules hépatiques, apparat fort limitée par comparaison à ce
qu'on observe in vivo chez l'homme.
2. Cycle de multiplication du virus (figure 2)
Après entrée dans l'hépatocyte, la forme circulaire ouverte et partiellement
bicaténaire de l'ADN viral se trouve, sous l'action de l'ADN polymérase virale incluse
dans la particule virale, transformée en forme bicaténaire circularisée sous tension :
c'est le cccDNA, pour covalently closed circuler DNA, appelé aussi supercoiled DNA,
pour ADN surenroulé ou torsadé.
Cet ADN surenroulé est une sorte de minichromosome détecté dans le noyau il
sert de matrice pour la transcription d'ARN viraux de différentes tailles : le plus long
de ces transcrits, qui contient toute l'information génétique du virus, est un
"progénome", tandis que des transcrits plus courts sont les ARN messagers
correspondant aux 4 gènes du virus et sont bientôt traduits en protéines virales.
Ultérieurement, le progénome ARN est encapsidé par l'antigène HBc avec l'ADN
polymérase qui, fonctionnant comme RT, douée également d'une action ARNase H,
fabrique, à partir de ce progénome d'ARN, le génome d'ADN définitif et digère le
progénome.
Cette opération est très particulière aux hepadnavirus et à un virus des plantes, le
virus de la mosaïque du chou-fleur. Elle n'est pas identique à la rétrotranscription du
VIH car, si l'on observe parfois de l'ADN viral intégré dans l'ADN cellulaire, cette
intégration n'est pas indispensable, ni à la réplication du VHB en phase active, ni à
son pouvoir cancérigène. D'autre part, le VHB, contrairement au VIH, ne code pas
d'intégrase. Cependant, il y a une homologie de séquence entre VIH et VHB, dont la
polymérase partage le site catalytique caractérisé par la séquence YMDD.
3. Mutations du virus
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