L’approche viabilité : application à la définition de la résilience Sophie Martin Cemagref, LISC Nous présentons tout d’abord l’approche de la théorie de la viabilité. Nous montrons ensuite, à l’aide de l’exemple de l’eutrophisation des lacs, comment cette approche permet de définir et d ‘évaluer la résilience d’un système. La viabilité La théorie de la viabilité (Aubin 1991) concerne l’étude des systèmes ouverts, les variables sont divisées en deux classes : - celles du système étudié, supposé autonome, c’est-à-dire évoluant selon ses propres lois, par rapport à - celles de l’environnement auquel cet organisme est confronté, imposant au système autonome des contraintes “externes”, “passivement subies”, aux quelles il doit s’adapter, en utilisant diverses stratégies. Ces systèmes, en évoluant, modifient leur environnement, consommant des ressources rares, produisant des déchets. On regroupe ces phénomènes sous le nom de contraintes de viabilité. Le système doit constamment s’adapter à de telles contraintes, au risque de mourir, de disparaître en tant que tel lorsqu’elles sont violées. Les variables décrivant l’organisme ou le système sont classées en plusieurs catégories qui jouent des rôles différents dans leur évolution. - les états sont par exemple les phénotypes en biologie, les biens économiques en économie, les comportements des individus en sociologie, les états sensorimoteurs en sciences cognitives. Les états évoluent en fonction - de commande (control) si des acteurs (agents, décideurs) agissent sur (choisissent) ce paramètre - de régulons que sont par exemple les génotypes en biologie, les prix en économie, les codes culturels en sociologie et les concepts en sciences cognitives - et de tyches (perturbations) ou d’aléas imposés par une “Nature” indifférente. Le concept essentiel est celui de noyau de viabilité d’un ensemble de contraintes : il est composé de l’ensemble des états à partir desquels il existe au moins une évolution qui satisfasse les contraintes indéfiniment. La résilience La définition la plus couramment utilisée en écologie est celle d’Holling (1973). La résilience est mesurée par l’intensité maximale de la force que le système peut absorber sans changer de comportement, de fonctions, de processus de régulation. L’objectif sous-jacent est de maintenir le système entre certaines bornes plutôt qu’en un point stable. Beddington et al. (1976) identifient la résilience à l’intensité de la perturbation d’une quantité spécifique qu’une propriété du système peut supporter sans subir de changements qualitatifs. En considérant cette propriété comme un ensemble de contraintes, nous pouvons associer à toute perturbation le coût de restauration de cette propriété, qui se ramène au calcul d’un noyau de viabilité. La résilience est alors évaluée comme l’inverse de ce coût (Martin 2004). Nous présentons les détails de la définition dans l’exemple du phénomène d’eutrophisation des lacs : la propriété dont la résilience est étudiée est l’état oligotrophique du lac et les perturbations envisagées sont des augmentations brusques de la concentration en phosphates dissous dans l’eau. Références J.-P. AUBIN, Viability Theory, Birkhäuser, 1991. J. BEDDINGTON, C. FREE & J. LAWTON, « Concepts of stability and resilience in predator-prey models », Journal of Animal Ecology, vol. 45, 791–816, 1976. C. HOLLING, « Resilience and stability of ecological systems », Annual Review of Ecology and Systematics, vol. 4, 1–24, 1973. S. MARTIN, « The cost of restoration as a way of defining resilience : a viability approach applied to a model of lake eutrophication », Ecology and Society, vol. 9, no 2, 8, 2004. {http ://www.ecologyandsociety.org/vol9/iss2/art8/}