CARMELA FORMISANO
Le terme ‘advertisement’ souvent imprimé en grandes lettres sur les pages, par exemple, du
Spectator au dix-huitième siècle était utilisé, selon l’OED, pour exprimer «The action of calling the
attention of others; admonition, warning, precept, instruction » ; cette opération implique nécessairement
des moyens persuasifs que des chercheurs ont retracés dans des éléments culturels qui ont porté à la
création des mythes. Varda Langholz Leymore, en 1975, dans son livre The Hidden Myth, affirmait que le
discours publicitaire comme le mythe primitif renforce certains comportements communément acceptés
pour réduire l’anxiété en montrant les aspects et les valeurs du quotidien qui contribuent à donner un sens
à la vie. Raymond Williams, aussi, en 1980, disait que la publicité était comme un « magic system… a
highly organized and professional system of magical inducements and satisfactions functionally very
similar to magical systems in simpler societies…”
.
En ce qui concerne Londres au dix-huitième siècle, il est évident que la société dont on parle est
l’ensemble constitué par la classe bourgeoise qui fréquentait les cafés en lisant et discutant les sujets des
articles de journaux. Ce que l’on va analyser sera surtout le processus de lecture de ces journaux et la
manière dont la page écrite devient espace de représentation métaphorique où la juxtaposition entre textes
de nature différente joue en tant que rappel de la présence constante du commerce et de la consommation à
Londres.
La critique littéraire contemporaine est en train depuis quelque temps d’étudier le texte d’un point
de vue spatial : des termes comme ‘iconotexte’ ou ‘œil du texte’, d’après l’ouvrage de Liliane Louvel
, ou
encore la récente définition de ‘géocritique’,
sont un signe de l’intérêt de lire selon une perspective quasi-
géographique qui permet de concevoir un texte presque comme une carte à déchiffrer riche en éléments
évocateurs de lieux liés entre eux. La succession de lettres forme une sorte de ‘textscape’ ou paysage
textuel dans lequel chaque mot devient le ‘signe’ de quelque chose d’autre dont la position graphique peut
jouer un rôle important. L’espace de la lecture – et nous, flâneurs de l’âge numérique, l’expérimentons tous
les jours avec les hypertextes – devient un renvoi continu d’autres espaces que le lecteur est porté à
représenter dans son imaginaire.
LA PAGE DES PERIODIQUES ET EFFETS DE PERSUASION
Qu’arrive-t-il donc avec l’apparition et la diffusion de la publicité sur papier au début du dix-
huitième siècle ? On assiste d’abord à une sorte d’invasion d’un genre d’information, voire de persuasion,
qui jusqu’à cette époque avait été proposée à travers des moyens visuels. On pense par exemple au ‘public
signs’, ces panneaux publics qui existaient déjà à l’époque Tudor sous forme d’emblèmes ; plus
précisément, dans le Londres Augustéen, ils se présentaient comme des ‘tavern signs’ ou d’autres grandes
Williams, Raymond (1980), « Advertising : The Magic System », Culture and Materialism. London: Verso, 2005, p. 185.
Voir Louvel, Liliane, L’œil du texte. Texte et image dans la littérature de langue anglaise. Toulouse : Presses Universitaires du
Mirail, 1998.
Ce terme a été employé par Bertrand Westphal pour donner le titre à son ouvrage où il met en évidence l’importance du texte
dans la construction de l’espace. Westphal, Bertrand. La Géocritique. Réel, fiction, espace. Paris : Editions de Minuit, 2007.