
NUTRITION 
Le médecin et l'enfant qui « mange mal » : stratégie 
face aux troubles du comportement alimentaire du 
jeune enfant 
Publié le 8 Sep 2011 
O. MOUTERDE, Unité d'hépato-gastroentérologie et nutrition pédiatriques, Département de pédiatrie Hôpital Charles Nicolle, Rouen ; Université de Sherbrooke (Canada) 
On estime que 15 à 25 % des enfants de 18 mois ont des troubles alimentaires, et ce chiffre est beaucoup plus élevé chez les anciens prématurés et les enfants atteints de 
maladie chronique. Cet article ne concerne pas l'anorexie mentale, le méricysme et le pica, ni l’alimentation de l’enfant handicapé, qui sont des problèmes à part. Il évoque la 
pratique d'un pédiatre plus que des théories sur les relations et la nutrition. Il ne prétend pas apprendre aux pédiatres ce qu'ils côtoient au quotidien et qu'ils reconnaîtront, 
mais propose une classification des mécanismes et enjeux. 
Manger ne va pas de soi… L'enfant qui naît doit découvrir cela aussi. Son alimentation va dépendre de ses parents. L'opinion  et les connaissances des parents sur l'alimentation vont 
influencer celles de l'enfant, la réponse de l'enfant va susciter la réaction des parents… Au total, c'est la quantité, la qualité des aliments et la manière d'envisager l'alimentation qui sont 
conditionnées  par  ces  relations  complexes,  pain  quotidien  du  pédiatre  qui  passe  des  heures  dans  son  exercice  à  expliquer,  dédramatiser  et  guider  l'éducation  nutritionnelle. 
  
Lorsque l'enfant paraît 
Il débarque sur terre dans une famille qui a son histoire. Léa a 17 mois. Elle consulte pour une stagnation pondérale. L'interrogatoire trouve très vite des éléments en faveur d'un trouble 
du comportement alimentaire. La mère est jeune, petite et mince : « Avezvous eu des problèmes vous-même vis-à-vis de l'alimentation ? Oui, j'étais anorexique, adolescente, et les repas 
sont encore maintenant pour moi une perte de temps. La soeur de Léa, elle, mange tout ce qu'elle trouve, mais son père la surveille, car c'est un ancien obèse ». Tous les éléments 
étaient réunis avant la naissance, dans cette observation caricaturale mais vécue, pour prévoir des problèmes d'alimentation. La première étape est sûrement de l'ordre du dépistage 
néonatal : qui sont ces parents ? Quelle histoire ? Que pensent-ils de l'alimentation ? (mais aussi dans d'autres domaines des vaccins, de l'éducation, etc.). Cette information va aider le 
pédiatre dans les conseils à donner et la surveillance. 
Le rapport de la mère à l’alimentation peut faire le lit de troubles du comportement alimentaire chez son enfant. 
Justine avait 3 semaines quand elle est hospitalisée pour stagnation pondérale. Elle a un comportement particulier vis-à-vis du biberon : elle pleure en le voyant arriver, tourne la tête, 
repousse la tétine avec la langue et boit peu. La mère a du mal à avouer que lorsqu'elle était enfant, ses parents ne la nourrissaient pas et qu'elle disputait leurs aliments aux poules et 
aux cochons de la ferme… Le nouveau-né a déjà senti la contrainte d'une alimentation probablement trop insistante sans en comprendre les avantages. Il s'agissait d'une altération de 
l'apprentissage faim/satiété. Une difficulté était prévisible. Un élément sémiologique important chez les nourrissons anorexiques : ils sont souvent très souriants malgré une dénutrition. 
  
« Je ne sais pas » 
Si les jeunes adultes ont été abreuvés de messages sur la conception, la contraception, l'IVG et les MST, l'information sur l'enfant est inexistante. Qu'est ce qu'il mange et à quel rythme ? 
Pourquoi il pleure ? 
Que lui interdire ? Comment jouer avec lui ? sont des mystères pour beaucoup de jeunes parents. Certains se documentent, parfois trop en tentant d'appliquer strictement le contenu d'un 
livre à leur nourrisson (par exemple, en estimant la quantité ingérée insuffisante par rapport à la « norme »). Dans beaucoup de cas, l'information est parcellaire ou inadaptée. Les 
habitudes familiales sont parfois également loin des  recommandations… Théo a 17 mois, il ingère sur la journée 1 litre de lait de vache et 5 petit suisses. Il refuse le reste. Il a une 
anémie ferriprive sévère. À partir de l'âge de 4 mois, quatre adultes « collaboraient » pour le forcer à manger. Il sera hospitalisé deux mois. Ces parents n'étaient pas maltraitants, plutôt 
pétris de bonnes intentions : « Il faut qu'il mange, sinon il va tomber malade », « Il ne peut pas partir à la garderie/l'école le ventre vide ». Tous ces raisonnements entendus très 
fréquemment, font que lorsque l'enfant refuse, il se voit forcer, proposer des aliments de substitution, il voit la mère se transformer en clown ou mettre un DVD, etc. Des parents m’ont dit : 
« Docteur, dans la journée c’est la guerre. Le meilleur repas, c’est à 3 h du matin : il dort à moitié et l’on peut lui enfourner tout ce qu’on veut ». Dans ces situations, parfois, l'information 
simple  est  de  bon  sens,  des  parents  de  bonne  volonté  suffisent  à  rectifier  les  choses. 
  
« C'est plus fort que moi » 
Lorsque l'information seule est incapable de venir à bout du procité blème, cela peut renvoyer au premier chapitre : Qu'est ce qui explique dans l'histoire de ces parents qu'ils aient une 
inquiétude pathologique ou  une  incapacité à changer leur comportement ? Pourquoi ne peuvent-ils pas, même sans histoire personnelle, adapter leur comportement éducatif aux 
réactions de l'enfant ? Dans cette étape, l'aide d'un psychologue peut être indispensable. « Océane mange des pâtes à tous les repas… devant une vidéo. C'est plus fort que moi, je ne 
peux pas me résoudre à la laisser le ventre vide ». Un long entretien avec le pédiatre peut changer les choses, un suivi psychologique est parfois nécessaire. C’est particulièrement le cas 
quand la situation témoigne, de façon plus grave, d’un trouble de l’attachement en rapport avec une pathologie maternelle. Le s pédiatres savent bien qu'il faut aussi tenir compte de 
l'entourage, les grand-mères, par exemple, qui ont aussi leur avis, pas toujours pertinent, sur le sujet tout en ayant une plus grande influence qu'eux. La mère a un rôle nourricier, et cet 
enfant qui ne veut pas manger constitue quelque part pour elle un échec, parfois souligné par l'entourage. Plus dur encore, quand cela se passe mieux chez la nourrice (car cela ne 
change pas sa vie si l'enfant refuse, et il le sait) ! 
Le refus de manger d’un enfant peut être ressenti comme un échec pour la mère, échec parfois souligné par l’entourage. 
  
Et l'enfant ? 
Le rôle du pédiatre est aussi de dépister une pathologie organique à la base du problème d'alimentation. C'est un préalable sous-entendu dans ce texte. 
•  Certaines  maladies  génétiques  s'accompagnent  d'une  prise  alimentaire  difficile  et  d'une  mauvaise  croissance  (Prader-Willi,  Cornelia  de  Lange,  Noonan,  RAVINE,  etc.). 
•  L'enfant  qui  boit  et  s'essouffle  :  n'a-t-il  pas  une  insuffisance  cardiaque  ou  respiratoire  ? 
•  L'enfant  qui  boit  et  qui  tousse,  ne  souffre-t-il  pas  d'une  fistule,  d'une  malformation  ORL,  d'une  compression  oesophagienne,  d'un  trouble  de  déglutition  neurologique  ? 
• L'enfant qui boit et qui pleure : le biberon n’est-il pas trop chaud ? N’y a-t-il pas un muguet, une oesophagite, une constipation, une allergie au lait de vache, une hydronéphrose… ? 
• L'enfant qui refuse ou vomit les morceaux : ne s’agit-il pas d’une hypertrophie des amygdales ? Aurélien a 15 ans. 
Son pédiatre ne l'a pas vu depuis l'âge de 9 mois (?). La mère se plaint : « il ne mange toujours que des purées, un bout de poulet est resté coincé jusqu'à ce qu'il vomisse, il y a 15 jours 
». On découvre une sténose peptique de l'oesophage… Dans la plupart des cas, l'enfant n'a pas de pathologie organique. Il doit passer les étapes habituelles du début de l'alimentation à 
la naissance, de la diversification, de  l'introduction  des  morceaux  et  de  la  néophobie.  Selon  son  tempérament  et  l’entourage,  les  réactions  qu'il va rencontrer en cas de difficultés 
d'adaptation ou de refus, l'étape va bien se passer ou poser problème. Un enfant de parents inquiets, qui refuse les légumes ou les morceaux, risque de se retrouver à 3 ans aux purées 
ou aux pâtes comme alimentation exclusive… Les troubles alimentaires du jeune enfant se manifestent de façon très diverses :  refus de sucer, avaler, ouvrir la bouche, retard pour se 
nourrir seul, colères au repas, mastication prolongée (45 min…), extrême sélection alimentaire, demande d'aliments ou textures destinés à des plus jeunes, le « petit mangeur », l’enfant 
tyran… Sophie a 11 ans. Elle consulte parce qu'elle va rentre en 6e et que son alimentation commence à poser problème : du lait au biberon, des biscuits apéritifs et du pain sec… Pas 
de souci psychologique évident : c'est une habitude prise. Émeline a 12 ans, « On a du mal à la faire manger », disent les parents. Question distraite du pédiatre en fin de consultation 
(elle venait pour autre chose) : « et l'alimentation alors, que se passe-t-il ? ». « Elle ne mange jamais de viande, du poisson une fois par an, elle grignote des fanes de radis, des 
épluchures de pommes, des pommes de terre crues, des poireaux surgelés et des pâtes crues. » Avis du psychologue : pas de pathologie évidente, c'est une tolérance de longue date ! 
Attention aux habitudes prises qui se pérennisent ! 
Parmi les troubles du comportement alimentaire, citons aussi les anorexies post-traumatiques, qui suivent une amygdalectomie, des vomissements douloureux, une fausse-route, une 
stomatite  herpétique,  une  alimentation  par  sonde,  des  troubles  de  déglutition  dans  les  premières  semaines. 
  
Et le médecin ? 
Le médecin a donc un rôle de dépistage précoce du risque, d'explication des conseils d'alimentation et d'éducation, de diagnostic de pathologies organiques, de prise en charge des 
erreurs de diagnostic et des difficultés psychologiques parentales. Le médecin peut également avoir un rôle délétère. Beaucoup de troubles du comportement débutent lors d'un problème 
de santé, d'un fléchissement de la courbe de croissance : le médecin transmet parfois une inquiétude aux parents, qui vont se donner pour mission de faire grossir et donc de « faire » 
manger à tout prix l'enfant. On peut citer le retard de croissance intra-utérin, dans lequel tout le monde scrute la courbe d'un enfant qui mange et grossit…, comme un enfant qui suit la 
courbe de - 2 DS. Citons aussi la mucoviscidose, dont le pronostic est lié en partie à l'état nutritionnel, et les conseils diététiques classiquement donnés en faveur d’une alimentation « 
riche » : « Il faut qu'il mange 120 % des apports recommandés pour l'âge ». Certains parents ont trop bien reçu le message et l'anorexie réactionnelle n'est pas rare. 
En pratique, on retiendra 
• La connaissance des antécédents des parents peut permettre de prévenir les troubles du comportement alimentaire des enfants (TCA). 
• L'information sur l'alimentation doit non seulement aborder les questions des dates, des aliments et des textures, mais aussi la « façon » de donner les 
aliments, ainsi que des pistes pour réagir aux difficultés. 
• Devant des TCA, surtout s'ils sont bénins et récents, une simple information des parents peut suffire à désamorcer le trouble. En cas de difficulté 
persistante et profonde des parents et/ou de l’enfant, l'aide d'un psychologue ou d’un psychiatre peut être nécessaire. 
• Les troubles de l’alimentation sont fréquents chez le jeune enfant et ses différents visages doivent être connus. 
• Toujours évoquer les diagnostics différentiels, les pathologies organiques responsables de troubles de l'alimentation. 
• Le médecin doit surveiller son langage et ses conseils, certaines anorexies sont déclenchées par une inquiétude médicale.