chrétienne : autrement dit une religion évoluant dans le sens d’une intégration de ses propres
idéaux dans le monde séculier ou temporel (alors que c’est le monde spirituel que visait
jusqu’ici les Eglises)
. Hors le puritanisme, le baptisme comme plus tard le méthodisme ou
l’unitarisme sont des expressions extrêmes de cette inscription temporelle des idéaux religieux.
C’est sur ce point crucial qu’il s’agit d’insister parce qu’il explique pourquoi le dialogue qu’a
laissé ouvert le premier amendement entre religion et société n’a pas mené à la disparition du
sentiment religieux qui animait les premiers immigrants dans l’Amérique contemporaine. Au
contraire, société et religion n’ont jamais cessé d’y interagir si bien que les expectatives
religieuses autrefois circonscrites dans le domaine spirituel se sont mêlées, souvent de façon
confuse, à la destinée « terrestre » et temporelle des américains
. Le mouvement n’est pas
unilatéral mais dialectique parce que la destinée historique des américains a elle-même
profondément influencé l’évolution des théologies ou s’est bien souvent élaborée sur le mode
d’une religiosité séculière
.
Autrement dit, le contexte religioculturel américain a cela de spécifique : religion et société
peuvent difficilement y être pensées comme deux sphères insécables. La vitalité du
christianisme réformé, des Nouveaux Mouvements Religieux ainsi que les formes de
religiosité inhérentes à l’expérience culturelle américaine confirment la nécessité de
s’intéresser à la fois aux religions organisées et aux formations spontanées de religiosité nées
sur le nouveau continent. Il faut surtout se garder de partir du postulat idéologique qui verrait
la sécularisation comme une étape irréversible vers laquelle toutes les sociétés industrielles
Tocqueville avait déjà insisté la dimension intramondaine des théologies nord américaine : « non seulement les américains
suivent leur religion par intérêt, mais ils placent dans ce monde l’intérêt qu’on peut avoir à le suivre », Tocqueville Alexis
de, De la démocratie en Amérique, Paris, Flammarion, Vol.2, 1981, p. 159
Marientas E., « Nation et religion aux États-Unis », in Archives des sciences sociales des religions, n° 83, 1993
C’est ce qu’a montré, par exemple, le sociologue américain Robert Bellah en soulignant l’existence, en marge des religions
instituées, d’une religion civile américaine. Bellah R. N., « La religion civile en Amérique », in Archives des sciences
sociales des religions, n°35, 1973