Je dis « nous », je dis « moi », je pense à mes semblables et
moi. Le mot « moi » et l’idée que je me fais de ma personne,
l’idée que mes « semblables » se font de la leur, ce mot et ces
idées ont inspiré d’innombrables fictions dont la plupart nous
sont servies – et peu importe si parfois elles se contredisent
cruellement – comme la vérité, la seule et unique vérité vraie où
chacun doit trouver la bonne réponse à ses questions
existentielles, rehaussées ou non de doutes métaphysiques.
Bref, à part le « pyrrhonisme », l’être et le néant se sont
imposés à toutes les sagesses qui prétendent nous rassurer, nous
justifier, nous expliquer. Aussi rares sont les philosophies qui
ramènent le petit moi à son néant que sont nombreuses celles qui
l’exaltent et lui proposent de grandir, toujours grandir. Cette
dernière position présente toutefois un risque : plutôt qu’un
« grand moi », un moi sublime, le risque de se forger un grand
« petit moi », soit, en acte, un égoïsme énorme, monstrueux,
ravageur.
Certaines pensées morales ont inventé le renforcement du
moi, donc de l’égoïsme, par sa négation – l’abnégation –,
d’autres par son affirmation – la charité –, et d’autres encore par
un mélange des deux : l’illusion fusionnelle comme, par
exemple, la fusion du petit moi de l’homme et du grand moi de
Dieu dans l’expérience mystique romantique.
L’épanouissement personnel, les projets de vie, la réussite,
le sens de la vie et tous les « qui suis-je réellement ? » sont des