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La Fontaine 
Les Obsèques de la Lionne 
 
1. Des animaux humains : 
 L'allégorie  est  caractéristique  de  la  pensée  classique,  habituée  à  raisonner  par  analogie  :  l'homme  (le 
microcosme) est à l'image du monde (le macrocosme); les animaux sont un élément essentiel de celui-ci, et 
les diverses qualités des hommes correspondent aux leurs (cf. par exemple La Rochefoucauld « Du rapport 
des  hommes  avec  les  animaux »).  Il  faut  aussi  tenir  compte  de  la  caution  scientifique  apportée  à  cette 
analogie  par  la  physiognomonie,  qui  établissait  systématiquement  des  correspondances  entre  le 
tempérament et la morphologie des divers animaux, et ceux des divers types humains. 
 Cette fable se signale des autres par une distance particulièrement réduite entre le monde des hommes et 
celui des animaux. Les traits d’anthropomorphisme des animaux sont nombreux : pour le cerf (sa femme et 
son fils), la lionne (La femme du Lion, Votre digne moitié, la Reine), le lion (le Prince, Le Monarque, le Roi, 
nos  sacrés  ongles)  et  leur  entourage  (ses  Prévôts,  Messieurs  les  Courtisans).  De  même  le  lion  parle  des 
augustes  mânes de  la  lionne.  En  même  temps  La  Fontaine  rappelle  malicieusement  qu’il  s’agit  bien 
d’animaux (Les Lions n'ont point d'autre temple / ce Cerf n'avait pas accoutumé de lire), mais pour souligner 
à dessein que c’est bien d’hommes que l’on parle. 
 Les hommes sont également comparés à des animaux : cette assimilation n’a rien de surprenant à l’époque, 
mais  la  chose  est  beaucoup  plus  rare  dans  les  Fables.  A  chaque  fois  cette  assimilation  correspond  à  une 
violente  attaque  frontale,  plutôt  inhabituelle  chez  La  Fontaine :  d’abord  contre  les  courtisans  avec  le 
parallélisme Peuple caméléon, peuple singe  du  maître; ensuite contre le monarque lui-même  comparé à un 
poisson  qu’on  attrape  à  l’hameçon  (Ils  goberont  l'appât).  Ainsi,  anthropomorphisme  et  zoomorphisme  se 
répondent dans une violente satire de la cour royale. 
 
2. La satire de la société : 
 La Fontaine dénonce la vanité royale (nous de majesté, tutoiement méprisant et champ lexical dépréciatif à 
l’égard  du  cerf, usage  de l’impératif, parodie  de  procès  comme dans  Les  animaux  malades  de  la  peste).  Il 
critique la rigidité de ces lois (avertir… un tel jour, un tel  lieu…  prévaut…  deuil général), le deuil  général 
étant une application du protocole jusqu’à l’absurdité. Le fait que le lion ne veuille pas tuer lui-même le cerf 
(Nous n'appliquerons point sur tes membres profanes / Nos sacrés ongles) renvoie au code d’honneur de la 
noblesse qui refusait le duel avec un roturier, ce que souligne l’antithèse entre profanes et sacrés : le roi est 
de  droit  divin.  Enfin  avec  les  mots  Miracle,  apothéose  La  Fontaine  raille  le  culte  de  la  personnalité  dont 
s’entourait Louis XIV. 
 Les  courtisans  sont  des  flatteurs et  des  menteurs,  ce  que  souligne  la  rime  antithétique  être /  parêtre. 
L’antithèse tristes / gais, ainsi que le chiasme prêts à tout, à tout indifférents suggèrent avec quelle facilité 
ils peuvent retourner leur veste. Les courtisans n’ont pas de personnalité, ce sont des pantins du roi sans 
intelligence, comme le montrent les termes « ressort » et « mille corps ». 
 A flatteur, flatteur et demi : le cerf adopte le discours des courtisans, faisant l’éloge de la reine. Il imite le 
discours royal dont il reprend le champ lexical du sacré (je vais chez les Dieux, Aux Champs Elysiens, ceux 
qui  sont  saints  comme  moi).  En  jouant  la  comédie  et  en  imitant  le  roi,  le  cerf  sauve  sa  vie.  Malgré  son 
attitude de courtisan, La Fontaine en souligne la ruse. L’expression chétif hôte des bois assimile le cerf à un 
hobereau, car le cerf est un animal noble puisque chassé à courre, privilège de la noblesse. 
 
3. Aspect philosophique : 
 Dans cette fable polyphonique où les voix fictionnelles alternent (celle du narrateur, celle des protagonistes 
de  la  fable,  celle  du  fabuliste  qui  intervient  personnellement :  Je  définis  la  cour…)  on  voit  bien  que  La 
Fontaine se fait plus présent, par ses interventions et par leur violence inaccoutumée. C’est qu’ici le poète 
hausse discrètement son inspiration à des sujets plus élevés que ne le requiert le genre mineur de la fable : 
 la philosophie : la remarque C'est bien là que les gens sont de simples ressorts fait directement allusion à 
la théorie des animaux machines de Descartes. Les animaux sont comme des machines et se distinguent 
en cela de la machine humaine en ce qu’ils n’ont ni langage, ni raison ; et Descartes les compare à une 
« horloge qui n'est composée que de roues et de ressorts ». On voit là toute l’ironie de la remarque : c’est 
le monde à l’envers, la cour de Louis XIV est peuplée d’animaux machines (les courtisans) tandis qu’on 
voit dans les Fables des animaux doués de langage et de raison. 
 la philosophie politique : la question centrale traitée par Machiavel dans son célèbre ouvrage Le Prince 
(1532) est celle de la conquête et de la conservation du pouvoir. Étudiant les différentes sortes d'États, 
les moyens par lesquels ils ont été constitués et conservés, Machiavel en conclut quels sont les qualités 
et  les  défauts  du  Prince  :  celui-ci  doit  posséder  à  la  fois  « la  ruse  du  renard »,  pour  se  jouer  de  la 
méchanceté humaine, et la « force du lion », car il demeure « plus sûr d'être craint que d'être aimé ». Or 
ici La Fontaine montre qu’à l’évidence le Roi n’est pas un bon roi car il n’a pas la crainte de ses sujets, ni 
leur amour, ni leur respect... 
 
Conclusion :