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LA COMMUNAUTÉ ET LA FRATERNITÉ, PILIERS DE NOTRE CONSÉCRATION
Prot. N. PG. 0650/01
À tous les frères de l’Ordre
Mes chers frères,
Je me retrouve à Rome, après avoir présidé tous les chapitres provinciaux et je rends grâce à Dieu
pour le bien qu’ils ont suscité dans l’Ordre. Au moment je vous écris, les supérieurs majeurs se
trouvent réunis à la Nocetta; 50% d’entre eux ont été reconduits et les autres assument cette
responsabilité pour la première fois.
Je vous écrit cette lettre le jour de la fête de l’archange saint Raphaël qui a ési important pour
saint Jean de Dieu, pour la tradition de l’Ordre et continue à l’être comme médecine de Dieu qui
soulage les souffrances et comme frère aîné qui étend son aile protectrice sur nos vies.
Je le prie de veiller sur notre Ordre, sur nos provinces, sur nos communautés et sur chacun d’entre
nous; je le prie d’être frère de ses frères et de nous aider à l’être les uns pour les autres.
Je vous ai dit à plusieurs reprises que nous accomplissions du bon travail et que nous devrions nous
en sentir satisfaits parce que c’est Dieu qui agit par notre intermédiaire. Il nous faut toutefois revoir,
améliorer et changer tant de choses encore.
L’une d’entre elles concerne la vie fraternelle et la communion tellement importantes pour la vie
des frères et des communautés.
Il existe des facteurs de division, dans certains endroits plus que dans d’autres certes, et je vous
invite instamment à tout mettre en œuvre pour les éliminer. Les nombreuses diversités qui nous
distinguent ne devraient pas constituer une difficulté pour la vie communautaire mais être perçues
comme un don qui nous enrichit et nous permet de valoriser la fraternité et la communion.
Je ne souhaite nullement philosopher sur cette question, mais apporter des éléments qui éclairent la
vie de la communauté. Je m’étais promis d’aborder ce thème pendant mon mandat car j’estime que
nous ne vivons pas suffisamment l’idéal de fraternité et de communion auquel nous invite le n.27 de
nos constitutions.
J’aimerais que la fraternité et la communion deviennent des piliers solides qui étayent notre
consécration.
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1. L’Église nous invite à la communion
Le magistère de l’Église présente à maintes reprises la communauté comme étant l’idéal de vie pour
les religieux « en se construisant comme un espace humain habité par la Trinité » (VC 41).
Nous connaissons tous le document de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les
Sociétés de Vie Apostolique publié en 1994 et intitulé « La vie fraternelle en communauté ». Je
vous invite à reprendre ce texte, à le lire dans un climat de prière et d’en faire l’objet de vos
réflexions pendant vos réunions de famille.
L’introduction de ce document nous rappelle l’idéal auquel doit tendre toute communauté
religieuse. Pendant les quarante dernières années, les changements ont été multiples et ceux d’entre
nous qui avons connu le régime de l’uniformité les percevons davantage. À un moment donné nous
les avons jugé nécessaires et souhaitables et nous en attendions beaucoup. Aujourd’hui, certains
d’entre nous se sentent déçus parce qu’ils n’ont pas apporté tout ce que nous en escomptions.
J’aimerais examiner ici les raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans la situation actuelle et
vous donner quelques lumières pour vous aider à réfléchir sur la manière d’y remédier.
Je suivrai pour ce faire la piste de réflexion ébauchée dans le n. 7 du document que je viens de citer.
2. Notre communauté comme don.
Nous devons remercier Dieu pour tous les dons qu’il nous offre gratuitement : la vie, la santé,
l’intelligence, la foi, la vocation pour n’en mentionner que quelques uns.
Les expériences passées, les difficultés, le moment présent influent sur la manière positive ou
négative de percevoir ces dons.
Quoi qu’il en soit, nous devons tous nous efforcer de vivre ce que Dieu nous offre comme un don;
nous devons acquérir la capacité de lire notre vie avec le regard de la foi et d’accepter notre
communauté comme un don.
Ceci ne signifie nullement que nous devions rester passifs et ne pas rechercher des solutions quand
les situations nous semblent peu claires ou même injustes, mais nous devons le faire avec une
attitude positive car nous sommes convoqués par Dieu avec nos frères pour vivre le don de la
même vocation religieuse hospitalière.
Si nous adoptons cette attitude, nous éliminerons beaucoup de causes d’insatisfaction sur le plan
personnel et communautaire. Pour arriver à transformer les rapports humains et créer un nouveau
type de solidarité nous devons vivre « pour » Dieu et « de » Dieu (VC 41).
Nous commençons notre vie religieuse avec un grand élan d’enthousiasme convaincus d’avoir
répondu à l’appel du Seigneur et d’avoir découvert un grand trésor.
Cette conviction nous permet de vivre des moments forts, exigeants, sans retour : quitter notre
famille, opter pour un état de vie, entrer dans l’Ordre comme lieu de notre épanouissement, se
réjouir de la nouveauté qu’offre la vie communautaire, se réjouir de la nouveauté que représente le
service des malades et des démunis. Tout, à ce moment là, a la couleur de l’espérance. Nous avons
tous accomplis de nombreux sacrifices pour nous préparer à la mission.
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Je parle au passé car c’est moi qui vous écrit et je suis depuis plus de trente-sept ans dans l’Ordre.
Ce que je cris est vrai pour de nombreux frères et les postulants, les novices, les scolastiques et
ceux qui viennent de faire leur profession solennelle vivent ce même état d’esprit. J’espère que cette
lettre aidera ceux qui sont encore dans cette étape de leur vie à mieux comprendre ce qui les attend
peut-être dans l’avenir.
La communauté doit devenir toujours davantage pour nous une réalithéologale, car elle est la
manifestation de la présence de Dieu, « le lieu privilégl’expérience de Dieu doit pouvoir être
atteinte dans sa plénitude et être communiquée aux autres »(Const. 27).
Je ne parle pas ici d’une communauté théorique, mais de celle à laquelle j’appartiens, celle que
forme ma Province, celle dans laquelle je vis. Ma communauté je rencontre du positif et du
négatif car ceux qui la composent sont des êtres humains avec leurs richesses et leurs faiblesses.
Au début de la vie religieuse nous rêvons d’une communauté parfaite. Nous pensons parfois que
ceux qui nous connaissent le mieux dénoncent les incohérences qui existent dans nos communautés.
Si nous avions pu trouver une communauté parfaite elle représenterait un vrai don du ciel. Le
Seigneur nous a donné de vivre dans une communauté moins parfaite, peut-être pas aussi idéale que
nous le souhaiterions, mais pas moins réalité théologale pour autant.
Il est parfois difficile d’accepter que la communauté dans laquelle je vis est celle que Dieu avait
prévu pour moi en ce moment précis de ma vie; que c’est la réalité théologale dans laquelle je dois
me développer sur le plan spirituel; que c’est dans cette communauté que je dois être le témoin de
Jésus, bon Samaritain et signe de la communion fraternelle. Je dois comprendre que c’est dans ma
communauté que je dois vivre l’esprit de saint Jean de Dieu et que celle-ci représente un don qui me
vient de Dieu.
Peut-être en aurais-je préféré une autre, mais Dieu m’a destiné celle-ci.
Il faut que nous comprenions que notre Ordre, la Province à laquelle nous appartenons et la
communauté dans laquelle nous vivons sont un don de Dieu.
Une telle acceptation requiert parfois un grand acte de foi qu’il faut péter chaque jour. Il n’est pas
toujours facile d’accepter la volonté de Dieu ni les difficultés que nous rencontrons par moments
dans nos communautés. C’est pour cela précisément que la communauté constitue une réalité
théologale qui nous aide à accomplir une telle démarche.
La communion avec Dieu nous fait apprécier ce don et vivre avec joie la communion fraternelle.
Nous devons souvent évoquer la communauté dans notre prière. « Seigneur accorde-moi de
comprendre et d’accepter que ma communauté est le don que Tu m’as fait; accorde-moi d’y vivre
avec joie des relations fraternelles dans la communion à laquelle Tu nous as appelés ».
Nous devons le faire dans notre prière personnelle et dans notre prière communautaire; nous devons
le faire quand nous écoutons la Parole de Dieu et dans la liturgie que nous célébrons ensemble
chaque jour.
La célébration de l’Eucharistie en tant que sacrement de la communion est particulièrement
importante dans ce contexte.
« Notre communauté hospitalière roit sa vie dans l’Eucharistie » (Const.30). Elle est la source
qui nous aide à dépasser la solitude et pousse chacun à se sentir corresponsable; elle nous prépare
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au pardon qui cicatrice les blessures et renforce de la part de tous l’engagement à la communion.
(VC 45b).
Dans la mesure où nous apprendrons à consacrer davantage de temps à Dieu nous apprendrons à en
faire autant pour la communauté et nous grandirons ensemble dans cette communion que toute
communauté authentique exige. J’espère que la réflexion sur ces questions et leur
approfondissement dans la prière vous y aidera.
Je passe maintenant au deuxième point que je souhaite aborder dans cette lettre : la construction
d’une communauté de frères.
3. Nous sommes frères
La communauté se compose des frères avec lesquels nous vivons. S’agissant d’une réalité ontique,
théologale elle n’est pas un acquis une fois pour toutes, mais doit se construire au quotidien. Il
s’agit d’un processus long et arrride, avec des hauts et des bas et des prises de position distinctes
selon les moments et les personnes. Nous devons tous y participer activement.
Il y a des frères qui, pour toutes sortes de raisons, de caractère, de spiritualité, de formation, d’âge
ou parce qu’ils vivent un moment particulier, soutiennent avec ardeur toutes les initiatives qui
promeuvent la vie fraternelle. Il y a en a d’autres qui, pour les mêmes raisons répondent avec
réticence ou par l’inertie à ces mêmes initiatives.
Le document « La vie fraternelle en communauté » nous demande à tous de fournir dans ce
domaine. Tout en reconnaissant les diversités des situations, le document réitère une fois de plus la
valeur de la communauté et de la vie fraternelle et démontre à quel point celles-ci constituent une
force pour bien vivre notre consécration.
Il faut alimenter sans cesse les raisons pour lesquelles chacun d’entre nous doit construire sa
communauté au quotidien. Celle-ci est un don de Dieu et nous, qui sommes frères de cette
communauté, nous avons l’obligation de la construire ensemble.
À la lumière de cette réflexion nous devrions tout mettre en oeuvre pour intensifier la communion et
pour adopter une attitude positive par rapport à nos communautés. J’aimerais que nous fassions le
nécessaire pour nous sentir vraiment frères les uns des autres.
Je vous demande instamment de tout miser sur la communion et la vie fraternelle.
Je crois que pour entrer dans une telle syntonie chacun d’entre nous doit faire un travail sur soi-
même tant sur le plan humain que spirituel. Mais en sommes-nous capables? Pour ma part, j’en
suis convaincu.
Une des tentations qui nous guette est celle de nous justifier en trouvant de bonnes raisons pour ne
rien faire : nous sommes déjà âgés, nous nous connaissons déjà, nous n’y arriverons jamais…
Il faut que nous soyons convaincus que le Seigneur nous offre chaque jour une nouvelle
opportunité.
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Quelques suggestions pour y arriver :
Forger sa personnalité, approfondir ses valeurs humaines, réfléchir sur sa manière d’agir, lire
des textes qui orientent ses comportements, se faire accompagner personnellement par des
personnes compétentes.
Se comprendre n’est pas une tâche facile comme d’ailleurs promouvoir sans cesse des attitudes
évangéliques. Il est difficile de s’accepter tel qu’on est. Vivre avec un sentiment de joie
intérieure requiert tout un processus d’intégration personnelle.
Nous avons probablement tenté de le faire à maintes reprises sans y parvenir. Essayons encore
une fois. Il se peut que dans le passé nous n’y ayons pas accordé toute l’importance que cela
mérite et nous nous retrouvons embusqués à rechercher les causes de notre insatisfaction
elles n’existent pas ou en train de refuser de les analyser où elles existent. Recommençons
donc et demandons au Christ de nous aider à voir clairement ce qui se passe en nous.
Croissance personnelle
Il faut faire le nécessaire pour arriver à bien comprendre son frère, l’écouter, l’accepter, le
respecter et l’aimer. Il faut intensifier nos relations interpersonnelles ou fraternelles si vous
préférez les appeler ainsi.
De nos jours nous disposons de nombreux moyens que nous devons utiliser pour
développer l’esprit communautaire : réunions de famille, projet de vie, formation
permanente, dialogue, recours à des experts capables de soutenir le processus de croissance
de la communauté, supérieurs qui nous ont aidés avec plus ou moins de succès dans ce
cheminement.
Il nous faut accorder une plus grande attention à la communication pour assurer un
épanouissement de la vie fraternelle. Dans beaucoup d’endroits cette communication est
pratiquement inexistante non seulement pour ce qui concerne les activités du centre, dont
nous devrions être informés, mais également entre les membres d’une même communauté.
Chacun d’entre nous doit avoir à coeur le bien de sa communauté et s’y intéresser. Si nous
ne montrons aucun intérêt pour notre communauté, nous ne parviendrons jamais à la
construire.
Un autre grand danger est de croire que les moyens que je viens de nommer sont inutiles. Si
c’est le cas, pourquoi revenons-nous sans cesse sur les mêmes questions et ne progressons-
nous pas? Essayons de le faire une fois encore, cela pourrait être mon heure, ton heure, notre
heure.
Il ne s’agit pas de ressasser sans cesse les mêmes thèmes mais de grandir dans la
communion pour être des moins de la communion dans ce monde déchiré et divisé.
Nous devons avoir des échanges sur nos critères de vie et intensifier notre communion sur
ces mêmes critères afin de devenir une communauté authentique pour la mission. Quand de
tels critères manquent, les divisions surgissent; les membres d’une même communauté
s’éloignent affectivement les uns des autres et semblent incapable de respecter leurs
opinions respectives.
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