Le care suppose un processus de travail qui se fonde sur un rapport à l'autre en termes de proximité
et de contextualisation de la demande et de l'offre de soins. Dans ce cadre, les approches en termes
de care doivent reconnaître la dimension d'agent du patient qui lui procure une liberté pratique de
choix. Il s’agit donc d’approches qui exigent de se déprendre de positions paternalistes ou
bienveillantes seules et de ne pas reléguer ses tâches à la seule sollicitude féminine comme
disposition intrinsèque. Elles demandent une posture qui donne voix à l'autre, ce qui suppose une
capacité trop souvent négligée de "sensibilité" ainsi qu’une conception dynamique de l’offre
thérapeutique qui est appelée à se réinterroger à la lumière de l’expérience même du soin qui
comprend à la fois les propositions des soignants et les réactions des soignés. Les approches du care
peuvent restituer au sujet de soins sa situation d’agent (y compris politique) de la santé, ce qui reste
un défi en termes de santé publique.
L’enjeu de la réflexion que nous souhaitons mener dans le cadre de ce séminaire consiste
précisément à envisager, à partir d’analyses empiriques de différentes réalités de soins, les
conditions intersubjectives, organisationnelles et politiques, d’une réelle capacitation des acteurs du
soin et, en particulier, des patients.
Cette approche constitue un défi incontournable pour une santé publique dont le modèle reste le
modèle populationnel et repose sur un "institutionnalisme transcendantal" que refuse précisément
l'approche par capabilités et la théorie du care. En effet, ce transcendantalisme tend à oblitérer la
réalité des pratiques et les conditions d’une réelle prise en considération des enjeux pratiques d’un
choix social qui intègrent les valeurs et les priorités des personnes concernées. La question centrale
des politiques publiques ou de santé aujourd’hui, nous dit Sen, est de savoir comment fonder des
évaluations comparatives sur les valeurs et les priorités des personnes concernées.
Notre réflexion se fera autour des thèmes de recherche des doctorants, éclairée par l'apport de cinq
auteurs :
- Amartya Sen, L'idée de justice
- Martha Nussbaum, Human development and social justice
- Jennifer Ruger, Health and social justice
- Joan Tronto, Un monde vulnérable : pour une politique du care
- Alice Le Goff, Care, empathie et justice, MAUSS, n°32, 2009, pp. 203-243
(Thèses qui seront mises à l'épreuve par les questions de recherche appliquée des doctorants)
Programme
Deux après midi pour définir les enjeux théoriques avec invités extérieurs : Prof. R. Massé
(Québec, Canada) et Prof. J. Solbakk (Norvège), Jennifer Rugger.
4 lundis après-midi de 14 à 18 heures seront consacrés
par les doctorants autour des thèmes suivants :
Lundi 18 octobre
Le handicap face au discours mélioriste : le rôle du care (Jean-Philippe Cobbaut, Mylène Baum
Lundi 22 novembre
Les défis du multiculturalisme pour les capabilités de santé des femmes : au delà du care. Invité :
Prof. Roland Massé (Québec, Canada), Mylène Baum, Michel Mendy