Thématique du séminaire de recherche Helesi /IRSS Associé au groupe de contact FNRS (philosophie et bioéthique) 2010-2011 M. Baum, J.-P. Cobbaut, M.-C. Closon, A. Deccache, L. Roegiers, G. Schamps Ethique de santé publique : Entre capacités et "care" Evaluation critique des niveaux de responsabilités en Santé publique Durant le séminaire mené au cours de l’année académique 2009-2010, consacré à une réévaluation du concept de justice à la lumière de la théorie des capabilités et ce, à travers de nombreux exemples de recherches appliquées, nous avons vu que, contrairement à l'histoire du débat sur la justice, les approches en termes de care et de justice ne devaient d’éthique biomédicale sans doute pas être pensées comme antinomiques mais comme complémentaires. En effet, les approches en termes de care qui se veulent en prise sur les pratiques de soins semblent permettre de dépasser le caractère encore trop formel et décontextualisé de l'évaluation de l’équité de mesures de santé, de la qualité de vie ou du projet thérapeutique que propose la théorie des capabilités. En effet, malgré un cadre épistémologique dans lequel la visée du bien commun se doit d’être articulée à la prise en compte et à la promotion des capabilités individuelles, l’approche par les capabilités ne fournit pas un cadre d’intelligibilité suffisant pour appréhender les conditions de mise en œuvre de ces capabilités. L’hypothèse que nous souhaitons tester dans le cadre de ce séminaire est que les éthiques du care, notamment par leur attention au déploiement concret des pratiques de soins et multiples interdépendances qu’une telle attention permet de mettre au jour, fournissent des éléments complémentaires à la construction d’une éthique de la santé publique qui permettent de promouvoir les capabilités des individus dans un cadre collectif. Pour ce faire, nous nous proposons, à travers les nouvelles questions éthiques qui émergent dans différents secteurs de la santé, d’interroger l’approche classique et « principiste » du concept d'autonomie pour le modérer et le compléter par une perspective plus intersubjective, que soutiennent notamment les éthiques du care, en vue de mieux saisir les conditions d’émergence des capacités ou d’un véritable empowerment des patients ou des soignants dans ces situations. Dans cette perspective, l’évaluation de la pertinence des soins demande un élargissement de la perspective du care comme relation intersubjective à sa dimension politique, en articulant la dimension contextuelle au principe universel de justice comme horizon de l'action en santé publique et aux institutions susceptibles de matérialiser ce principe et de soutenir une capacitation des acteurs. Dans ce cadre, nous mettrons l'accent sur l'évaluation de recherches principalement qualitatives, relatives à la responsabilité individuelle ou collective des acteurs de santé, en réhabilitant la notion de besoins face à des strates de vulnérabilité à côté de celles de désirs subjectifs, comme y invite la notion d’approche par les capabilités et la notion de fonctionnement qui lui est associée. Le care suppose un processus de travail qui se fonde sur un rapport à l'autre en termes de proximité et de contextualisation de la demande et de l'offre de soins. Dans ce cadre, les approches en termes de care doivent reconnaître la dimension d'agent du patient qui lui procure une liberté pratique de choix. Il s’agit donc d’approches qui exigent de se déprendre de positions paternalistes ou bienveillantes seules et de ne pas reléguer ses tâches à la seule sollicitude féminine comme disposition intrinsèque. Elles demandent une posture qui donne voix à l'autre, ce qui suppose une capacité trop souvent négligée de "sensibilité" ainsi qu’une conception dynamique de l’offre thérapeutique qui est appelée à se réinterroger à la lumière de l’expérience même du soin qui comprend à la fois les propositions des soignants et les réactions des soignés. Les approches du care peuvent restituer au sujet de soins sa situation d’agent (y compris politique) de la santé, ce qui reste un défi en termes de santé publique. L’enjeu de la réflexion que nous souhaitons mener dans le cadre de ce séminaire consiste précisément à envisager, à partir d’analyses empiriques de différentes réalités de soins, les conditions intersubjectives, organisationnelles et politiques, d’une réelle capacitation des acteurs du soin et, en particulier, des patients. Cette approche constitue un défi incontournable pour une santé publique dont le modèle reste le modèle populationnel et repose sur un "institutionnalisme transcendantal" que refuse précisément l'approche par capabilités et la théorie du care. En effet, ce transcendantalisme tend à oblitérer la réalité des pratiques et les conditions d’une réelle prise en considération des enjeux pratiques d’un choix social qui intègrent les valeurs et les priorités des personnes concernées. La question centrale des politiques publiques ou de santé aujourd’hui, nous dit Sen, est de savoir comment fonder des évaluations comparatives sur les valeurs et les priorités des personnes concernées. Notre réflexion se fera autour des thèmes de recherche des doctorants, éclairée par l'apport de cinq auteurs : - Amartya Sen, L'idée de justice - Martha Nussbaum, Human development and social justice - Jennifer Ruger, Health and social justice - Joan Tronto, Un monde vulnérable : pour une politique du care - Alice Le Goff, Care, empathie et justice, MAUSS, n°32, 2009, pp. 203-243 (Thèses qui seront mises à l'épreuve par les questions de recherche appliquée des doctorants) Programme Deux après midi pour définir les enjeux théoriques avec invités extérieurs : Prof. R. Massé (Québec, Canada) et Prof. J. Solbakk (Norvège), Jennifer Rugger. 4 lundis après-midi de 14 à 18 heures seront consacrés par les doctorants autour des thèmes suivants : Lundi 18 octobre Le handicap face au discours mélioriste : le rôle du care (Jean-Philippe Cobbaut, Mylène Baum Lundi 22 novembre Les défis du multiculturalisme pour les capabilités de santé des femmes : au delà du care. Invité : Prof. Roland Massé (Québec, Canada), Mylène Baum, Michel Mendy Lundi 13 décembre Personnes âgées et populations migrantes le care capacitant (Marie-Christine Closon et chercheurs) Lundi 17 janvier Soin (ou care) et prise en charge en réseau en périnatalité: enjeux individuels versus collectifs (Jean-Philippe Cobbaut et Luc Roegiers) Lundi 21 février E. Health entre capabilité et visions du care (Geneviève Schamps, Marie Leroy) Lundi 9 mai Maladies chroniques, care et empowerment (Alain Deccache et doctorants) Lundi 16 mai toute la (journée) Matin : Biologie synthétique : l'exemple de la recherche sur cellules souches entre offre de care et capabilité des patients. Invité : Prof. J. Solbakk, (Norvège) /Mylène Baum Après -midi : Marie Geneviève Pinsart et Mylène Baum : l'exemple des nanotechnologies au nom du care ? Lundi 6 juin de 14h-18h Effectivness of humaniarian aid : why a bottom-up approach is better (D. SAPIR – UCL) Public : Chercheurs et doctorants à l'Ecole de Santé Publique et toute personne intéressée par le thème à condition d'une inscription préalable auprès de madame Tummers ([email protected]) Finalités : Relever le défi d'une éthique de la santé publique qui articule l'approche par capabilités à la question du care (dans la perspective de proposer un cadre évaluatif alternatif) en santé publique dans une approche évaluative alternative. Trois journées d'étude supplémentaires seront consacrées au suivi des publications des étudiants qui participeront soit à la publication d'un ouvrage collectif, soit deuxième option à un numéro spécial de revue consacré aux capabilités dans le cadre de la future chaire HELESI. Outils : Un portefeuille de lectures sera proposé aux chercheurs (participants ?), des rencontres organisées (avec les doctorants ?) pour adapter le sujet de recherche (d’intervention dans le cadre du séminaire) aux problématiques proposées.