En même temps, si une timidité est bizarre, l'ajout d'un adjectif rend l'emploi de l'article indéfini acceptable: une
timidité excessive. Qu'est-ce qui se passe ici?
Dans notre expression de la réalité par le langage, nous faisons une distinction entre les réalités que nous pouvons
quantifier, et par conséquent isoler dans le temps et l'espace, et celles qui ne se laissent pas quantifier. Les noms qui
désignent des réalités quantifiables s'appellent des noms dénombrables, tandis que ceux qui désignent des
réalités non quantifiables s'appellent des noms non dénombrables. Ainsi, de façon générale, chat est
quantifiable (p.ex. deux chats, trois chats, etc.), tandis que courage est non quantifiable (p.ex. *deux courages, *trois
courages).
Mais, la langue possède aussi une certaine flexibilité. Dans le cas des noms non dénombrables, il est possible
d'ajouter un adjectif, ce qui rend possible l'emploi de l'article indéfini. L'adjectif sert à isoler dans la masse totale une
sous-classe. Ainsi, dans la masse totale `courage', on peut distinguer différentes sortes de courage, courage
exceptionnel, courage héroique, etc..
De même, il est possible de revoir un nom dénombrable comme une masse informe, pour utiliser l'article partitif. On
peut dire du chat.
Au-delà de la distinction entre partitif/indéfini, on constate que l'article défini singulier fournit un pont commun, qui
spécifie ce qui est connu, sans indiquer s'il est dénombrable ou pas. Et à un niveau même plus détaillé, on peut utiliser
un article démonstratif pour insister sur un aspect particulier de la réalité (cf. le livre/ce livre). Et finalement, l'adjectif
possessif fournit un mécanisme pour relier deux aspects de la réalité qui se trouvent dans un rapport spécial
(p.ex. mon livre, mon pays, mon idée).
De façon générale, on peut dire que le déterminant définit une classe. À l'intérieur de cette classe, d'autres éléments
peuvent spécifier un niveau supplémentaire de détail. Prenons les exemples suivants:
1. la population du Canada
2. toute la population du Canada
3. la moitié de la population du Canada
4. la majorité de la population du Canada
5. une bonne partie de la population du Canada
Tous les éléments qui précèdent la fournissent des détails sur la classe définie par l'article défini. En (2), on insiste sur
la totalité de la classe, en (3), on divise la classe en deux parties égales, en (4), on spécifie une partie qui représente
plus de la moitié, et en (5), on indique une partie non négligeable.
Notez que ces éléments qui précèdent le déterminant la sont relativement figés. On peut dire la moitié de, mais non
pas ?la moitié qui m'appartient de la population. On peut dire une bonne partie, mais non pas *une excellente partie.
Il s'agit donc d'unités. Ces unités qui précèdent le DET, et qui spécifient une sous-classe, on les appelle
des prédéterminants (PREDET).
Voyons maintenant d'autres exemples:
1. le chemin
2. l'autre chemin
3. le troisième chemin
4. les trois chemins
Dans ces cas, l'élément qui suit le DET spécifie davantage sa réalité par rapport à la classe définie par le DET. En (2),
il s'agit d'un chemin qui n'est pas identique à un autre déjà spécifié, en (3), il s'agit d'un chemin qui se calcule à partir
d'un chemin déjà connu, et en (4), il s'agit d'un groupe de chemins qui comprennent un nombre spécifié de membres.
Ces éléments qui suivent le DET, et qui fournissent des détails de la sorte, s'appellent
des postdéterminants (POSTDET). Ensemble, les PREDET, les DET et les POSTDET spécifient la
détermination dans le SN. Notons aussi que la relation entre les trois n'est pas égale. Le DET est nécessaire dans tous
les cas, et contrôle le choix des autres. Ainsi, on peut dire les trois chemins, mais non pas *des trois chemins, car
l'article indéfinides laisse la quantification non spécifiée. De même, on ne peut pas dire *un trois chemins, puisque le
DET demande un singulier.