
Hitler au pouvoir en Allemagne en 1933. L’évocation récurrente des campagnes électorales et des
séances parlementaires témoigne également de son intérêt pour la vie politique nationale et montre
sa sensibilité au fonctionnement de la démocratie. Il se fait ainsi chroniqueur du Front populaire et
de la société des loisirs dans les années 1930. Mais il s’intéresse également aux inégalités et
injustices sociales, opposant fréquemment dans ses dessins la riche bourgeoisie et l’aristocratie
décadente à l’humanité souffrante.
Il conviendra donc d’analyser, à travers son œuvre, la représentation graphique de l’histoire politique
et sociale de la France et du monde contemporain. Le regard ambivalent qu’il porte, avec d’autres
caricaturistes, sur le pouvoir, a contribué à fixer, derrière le rire, un certain nombre de stéréotypes
sur les trois républiques sous lesquelles il a exercé son activité. Durant la Seconde Guerre mondiale, il
s’intéresse par ailleurs à la vie quotidienne de la population française, croquant tant les souffrances
liées aux conditions de l’occupation que les manifestations de liesse exprimées au moment de la
Libération et de la victoire (« Le jour V », La Bataille, 15 juin 1945).
La France et son image fantasmée : entre modernité et archaïsmes
Par l’évocation de nombreux thèmes, comme les transports (train, automobile, aviation), le sport, le
Tour de France, le naturisme, Albert Dubout a cherché à cerner les contours d’une France moderne.
Ses nombreuses références aux médias : à la TSF notamment, au cinéma, ou à la bande dessinée,
s’inscrivent dans cette perspective. Son travail d’artiste lui-même est empreint de cette modernité. Il
assimile ainsi, dans les années 1920, les valeurs diffusées par la publicité autour de la mode Art déco.
Il intègre par ailleurs, dans certains de ses dessins, un cadrage et un point de vue en surplomb, hérité
du cinéma.
Mais à travers son œuvre, on peut également distinguer la représentation d’une France plus «
éternelle ». S’est ainsi imposé le cliché de la convivialité bon enfant autour de la partie de cartes
illustrant l’affiche du film Marius de Pagnol (1950). De la mondaine des Années folles à la grosse
dame, la représentation de la femme, tout comme celle de la famille, semble également répondre
aux stéréotypes d’une France « franchouillarde ». Ces situations types, déformées par un certain sens
du tragique très théâtral, sont par ailleurs révélatrices de la bêtise et de la comédie humaine. Elles
matérialisent des fantasmes en s’appuyant sur les mythes collectifs qu’elles alimentent à leur tour.
Elles trouvent ainsi un écho immédiat auprès de l’opinion. L’image devient dès lors un outil
d’interprétation dont il conviendra de décoder le message. En quoi le dessin de Dubout constitue-t-il
le reflet d’un imaginaire social ? Un signe d’engagement ? Voire une arme politique ?
L’œuvre de Dubout, une forme d’expression populaire
Il s’agira, dans un dernier temps, d’appréhender l’œuvre de Dubout comme une forme d’expression
éminemment populaire. Concernant la représentation de la société française et de ses mœurs, le
dessinateur s’inscrit en effet dans un héritage, celui des feuilles humoristiques du début du XXe
siècle, comme Le Rire. Adepte, à l’occasion, de la parodie, il a puisé ses sources dans certaines
références du XIXe siècle. À cet égard, une étude de la représentation de la foule serait sans doute
très riche de sens. Au-delà de sa modernité, il conviendra donc de mesurer les influences de l’artiste
sur son temps. Autrement dit, c’est par l’analyse de thèmes précis traités par d’autres
contemporains, mais aussi ses prédécesseurs et successeurs, qu’il sera possible de déterminer
l’originalité d’Albert Dubout dans la représentation qu’il propose d’une société et d’une époque.
Pour ce faire, il sera toutefois nécessaire de mettre en lumière certains aspects de son parcours : sa
formation, son rapport à la presse et aux milieux artistiques, sa place et son rôle parmi les
caricaturistes de son époque. L’appel à quelques témoins sera par ailleurs l’occasion de s’interroger
sur sa postérité.