Représentation des travailleurs en Europe I - Systèmes 1 Cette série de transparents a été créée par l’ASE et est destinée à être utilisée dans le cadre de séminaires transnationaux sur la formation syndicale, afin de familiariser les participants de pays différents aux principales différences relatives aux modes de représentation des travailleurs en Europe. Cette présentation n’a pas pour but de fournir des informations détaillées sur tous les systèmes de représentation des travailleurs de chaque pays d’Europe. En effet, leur complexité et leur variété rendrait une telle tâche impossible. L’objectif consiste plutôt à mettre l’accent sur un certain nombre de différences fondamentales et de fournir un modèle analytique permettant aux participants de poser des questions appropriées aux représentants d’autres pays. La compréhension mutuelle des divers systèmes de représentation constitue un préalable à la coopération transnationale entre les représentants des travailleurs des différents pays d'Europe. A titre d'exemple, dans un Comité d'entreprise européen, les représentants d'un site de production italien devront coordonner leur position avec toute une série d'autres sites, par exemple au Royaume-Uni, en Allemagne, en Finlande et au Portugal. L'efficacité de cette coordination dépendra de la capacité de chacun à apprécier le potentiel ou les limitations de tous les systèmes de représentation concernés. 2 Organe de représentation des employés sur le lieu de travail En principe, les intérêts de la main-d'œuvre sur un site de production particulier peuvent être défendus via un seul canal, à savoir le(s) syndicat(s) présent(s). Lorsque c'est le cas, le mode d'élection ou de nomination des représentants syndicaux dépendra des syndicats en question: ils peuvent choisir de faire élire ces représentants par leurs membres ou les désigner d'une autre manière. Dans le cas présent, les organisations syndicales et leurs représentants sont les seuls organes représentant les intérêts des travailleurs. Cette représentation peut être légitimée dans une loi nationale obligeant les employeurs à reconnaître les syndicats, ou dans une convention collective, ou simplement dans l'équilibre des pouvoirs imposé par les organisations syndicales. Les intérêts des travailleurs peuvent également être pris en compte par un système à deux canaux dans lequel un comité d'entreprise agit conjointement avec les représentants syndicaux (comité d'entreprise, Betriebsrat, Ondernemingsraad, Samarbejdsutvalg, etc.). Les représentants de ce type d'organe sont généralement élus par tous les travailleurs du site, bien que dans certains cas ce comité d'entreprise puisse représenter tous les syndicats présents dans l'entreprise. Les fonctions assignées aux représentants syndicaux et au comité d'entreprise peuvent également varier en fonction des pays lorsqu'il existe déjà une double représentation. 3 Rouge: La représentation des travailleurs au moyen d'un seul canal, à savoir les organisations syndicales, est pratiquée en Suède, Estonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Hongrie, Bulgarie, Suisse, Irlande, au Royaume-Uni et en Islande. En matière d'équilibre des pouvoirs attribués aux représentants syndicaux et aux comités d'entreprise, on distingue globalement trois catégories différentes: Bleu: Le Comité d'entreprise peut tout simplement représenter toutes les organisations syndicales différentes présentes dans l'entreprise. Chacune occupe un certain nombre de sièges au Comité qui peut aussi être ou être uniquement un organe d'information et de coopération. Dans ce dernier cas, l'existence d'un comité d'entreprise ne dégage pas l'employeur de son obligation de négocier avec les organisations syndicales (Finlande, Norvège, Danemark, Italie, Belgique, Luxembourg, Roumanie). Vert: Le Comité d'entreprise peut exister conjointement avec les représentations syndicales et avoir ses propres fonctions et pouvoirs. Les organisations syndicales exercent une influence capitale sur l'élection des membres du comité. En France, par exemple, les organisations syndicales reconnues exercent un monopole sur la présentation des candidats au premier tour des élections au comité d'entreprise. Des listes de candidats indépendants ne peuvent être soumises qu'au second tour si les listes syndicales n'ont pas obtenu 50% des voix. En Espagne, les comités d'entreprise peuvent être considérés comme des organes qui complètent le travail des organisations syndicales de l'entreprise (Portugal, Grèce) Jaune : Le Comité d’entreprise peut également être le principal organe de représentation des travailleurs à l’échelle de l’entreprise. Elu par toute la main d’œuvre sur la base de listes qui peuvent être présentées par n'importe quel groupe de travailleurs, qu'ils soient ou non membres d'un syndicat, le comité d'entreprise a des pouvoirs qui vont souvent jusqu'à inclure la codétermination (Allemagne, Autriche, Pays-Bas). L'importance de la représentation syndicale au sein de ces organes dépendra bien entendu de la capacité des organisations syndicales à présenter des listes de candidats permettant à leurs membres de choisir parmi celles-ci lors des élections. Dans les grandes entreprises allemandes, par exemple, dans la plupart des cas, le comité d'entreprise est dominé par des représentants qui sont membres des affiliés à la DGB. 4 5 Comités d'entreprise - Composition des organes Ce poste peut être occupé par un représentant élu de la maind'oeuvre (Suède, Irlande, Royaume-Uni, Islande, Pays-Bas, Grèce, Espagne, Portugal, Allemagne, Autriche, Pologne, Hongrie par un représentant de l'employeur Norvège, Danemark, Finlande, France Belgique, Roumanie. Les organes de représentation des travailleurs peuvent être composés en totalité par des représentants des travailleurs ou peuvent également comprendre des représentants de la direction. L'une des sources la plus fréquente de malentendus entre les représentants de pays différents concerne la présidence des différents organes de représentation des travailleurs. Le Comité d'entreprise français, par exemple, a toujours été une institution sociale qui a son propre budget et est présidée par l'employeur. Cela ne signifie cependant pas que les employeurs peuvent imposer leurs souhaits car ils n'ont qu'une voix minoritaire. Le Betriebsrat allemand est essentiellement un organe d'information, de consultation et de cogestion présidé par un représentant des travailleurs, certaines décisions de l'employeur requérant l'accord de ce représentant. Une bonne illustration de malentendu fréquent concernant la présidence du comité d'entreprise est le cas du président du Betriebsrat allemand d'une multinationale américaine qui a écrit à son équivalent français afin de lui demander son aide dans un conflit local avec l'employeur. La lettre était adressée au président du comité d'entreprise français. Elle a rencontré un silence glacial ... Il va sans dire qu'en ce qui concerne la représentation des travailleurs par un seul canal, à savoir les organisations syndicales, le président est membre du syndicat. Les différences par rapport au système à double canal sont représentées sur la carte. Il convient de noter que, bien que le Portugal et la Grèce aient adopté la législation sur la création des comités d'entreprise, ces lois sont appliquées de manière très inégale (2.000 comités pour 100.000 entreprises au Portugal et une vaste économie souterraine en Grèce). Représentation au sein des organes de gestion de l'entreprise 6 7 Certains systèmes prévoient également une représentation des travailleurs dans les organes de gestion de l'entreprise, par exemple au conseil d'administration ou dans les conseils de surveillance. Ce type de représentation dépend des seuils de nombre d'employés et diffèrent sensiblement d'un pays à l'autre (25 en Suède, 500 en Allemagne). En règle générale, les représentants des travailleurs dans les organes de gestion des entreprises ont une voix minoritaire. La seule exception à cette règle est la quasi égalité constatée dans les entreprises allemandes du charbon et de l'acier qui occupent plus de 2.000 personnes. Rouge: Les travailleurs peuvent être représentés au sein des organes de gestion de l'entreprise dans tous les secteurs, privé ou public, comme c'est le cas en Allemagne, Autriche, Suède, Finlande, Norvège, Danemark, aux Pays-Bas, Luxembourg. France, Roumanie, Hongrie, Slovénie, Slovaquie, Tchéquie et la Pologne Public Jaune: Il est également possible que ce type de représentation soit uniquement réservé au secteur public ou à des entreprises du secteur "semi-public", c'està-dire des entreprises qui ont un jour été détenues par l'état mais ont depuis lors été partiellement ou totalement privatisées. Aujourd'hui, on a tendance à parler "d'ouverture du capital de l'entreprise" plutôt que de privatisation Allemagne, Portugal, Espagne, France, Italie, Grèce, Irlande et la Lituanie. Bleu: Il n'y a pas de représentation au sein des organes de gestion de l'entreprise en Suisse, Bulgarie, Roumanie, Estonie, Belgique, au Royaume-Uni et Islande. Les représentants des travailleurs peuvent être élus directement ou être nommés par des représentants existants. Ils peuvent avoir un voix, ou avoir simplement le statut d'observateur. Il est normal de supposer qu'en étant représenté au sein des organes de gestion, la main-d'œuvre aura accès aux informations avant qu'une quelconque décision stratégique soit prise par l'entreprise. Ils auront donc davantage de possibilités d'influencer ces décisions. Représentation centrale au plan de l'entreprise ou du groupe 8 Une entreprise ou un groupe peut avoir plusieurs sites de production différents dans un seul pays. De plus, un groupe peut contrôler plusieurs entreprises différentes dans un pays individuel. Pour coordonner la représentation de la main-d'œuvre, il est important de savoir si les travailleurs des divers sites ont tous la même représentation coordonnée vis-à-vis de l'employeur. S'il existe une coopération internationale entre les travailleurs de pays différents ou d'entreprises différentes contrôlées par le même groupe dans un pays individuel, il est probable que ces organes de représentation conjointe puissent jouer un rôle décisif dans la diffusion des informations entre tous les représentants des travailleurs. 9 Le transparent 9 illustre l'existence des organes de représentation centrale au plan de l'entreprise ou du groupe: Bleu: pas de représentation centrale au plan del'entreprise Portugal, Bulgarie, Roumanie, République tchèque, Pologne, Estonie, Lituanie, Belgique, Islande, Royaume-Uni, Irlande Rouge: représentation centrale au plan de l'entreprise ou du groupe France, Autriche, Luxembourg possible Rose: représentation centrale au plan de l'entreprise et parfois au plan du groupe Espagne, Italie, Grèce, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Suède, Finlande, Norvège, Hongrie Base légale des organes Législation: Autriche, Bulgarie, République tchèque, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, République slovaque, Slovénie, Espagne. 10 Convention collective: Chypre, Danemark, Suède, Malte, Turquie, Royaume-Uni, Irlande Convention collective et législation: Belgique, Italie, Finlande 1 Quatre modèles d'affiliation syndicale 11 Le système nordique, représenté ici par la Suède: Les travailleurs sont organisés sur la base de leur statut socio-économique: les travailleurs manuels sont affiliés aux fédérations industrielles de LO, une confédération qui entretient des liens étroits avec les sociaux-démocrates suédois; les cols blancs et les cadres moyens ont tendance à appartenir aux fédérations du TCO; le personnel éducatif et universitaire appartient aux fédérations membres du SACO. En Suède (80%) et dans les autres pays nordiques, le taux d'affiliation syndical est très élevé. Le système “anglo-saxon” (RU et Irlande), représenté ici par le Royaume-Uni. Dans ce système, 90% des membres du syndicat appartiennent aux syndicats membres du TUC. Cependant, plusieurs fédérations du TUC peuvent également être représentées dans le même établissement et parfois se faire concurrence pour recruter des membres. Ces fédérations sont généralement organisées sur la base de la catégorie professionnelle des travailleurs. Cependant, le nombre croissant de fusions de fédérations a entre autres pour objectif d'atténuer les divisions dans les rangs des syndicats. Le système “germanique”, représenté ici par l'Allemagne. La grande majorité des travailleurs syndiqués appartiennent aux fédérations sectorielles de la DGB. En Allemagne, l'identification à un syndicat a tendance à s'exercer via une fédération plutôt que par une confédération. A titre d'exemple, un travailleur se présenterait donc davantage comme membre d'IG Metall plutôt que comme membre du DGB. En dépit des préoccupations éprouvées par les syndicats en raison de la baisse des taux de syndicalisation, les fédérations membres de la DGB restent fortement représentées dans les conseils d'administration des grandes entreprises allemandes. Le système “latin”, représenté ici par la France. La principale caractéristique de ce système est le fait que les travailleurs sont libres de choisir leur syndicat en fonction de leurs convictions politiques ou, parfois, religieuses. Cinq confédérations sont officiellement reconnues, tandis qu'une série d'organisations syndicales basées sur la catégorie de travailleurs – indépendante ou résultant de scissions d'entreprise – organisent une minorité de la main-d'oeuvre. Il serait cependant simpliste d'essayer d'établir le degré de représentativité des organisations syndicales françaises en comparant simplement les taux de syndicalisation dans les différents pays. Au contraire, on mesure mieux leur évolution en examinant les résultats qu'ils obtiennent aux élections dans les divers organes de représentation, tels que tribunaux du travail (conseils de prudhommes) et les comités d'entreprise, ou par leur capacité à mobiliser les travailleurs au cours des périodes de malaise social. La base de la convention collective La négociation collective peut être menée à divers niveaux: 12 Multi Central Niveau intersectoriel ou central, c'est-à-dire que les organisations syndicales signent des accords-cadres au plan confédéral qui peuvent ensuite être étendus par la loi ou par des accords séparés afin d'être appliqués au plan sectoriel. Industri Plan sectoriel ou local, où ce sont essentiellement les fédérations qui exercent le pouvoir de négociation e Branche (accord sectoriel au plan national en Suède, Allemagne et Autriche). Plan de l'entreprise, comme au Royaume-Uni, par Company exemple, où 50% des cols blancs ne sont pas couverts par des Enterprise conventions collectives. Pour les 50% restants, les conditions de travail de la plupart des travailleurs sont exposées dans des accords d'entreprise. Le niveau de négociation salariale dominant 13 Les Etats membres de l'UE ont des systèmes de négociation salariale très différents concernant les salaires et les conditions de travail. Cependant, en dépit de ces différences et d'une tendance manifeste à la décentralisation de la négociation, on peut affirmer que la plupart des pays ont des systèmes relativement centralisés. Comme l'indique la carte, dans trois pays (Belgique, Finlande et Irlande), le plan sectoriel est actuellement le niveau de négociation salariale dominant et dans huit pays (Autriche, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Suède) le plan sectoriel reste le principal niveau de négociation, tandis que dans deux pays il n'y a pas de niveau de négociation prédominant (Danemark, Luxembourg). En France et au Royaume-Uni uniquement l'entreprise est le principal niveau de négociation salariale, bien qu'il soit également important au Luxembourg. Densité en pourcentage dans l'Union des salariés et des employés 14 Autriche: Belgique: Bulgarie: République tchèque: Danemark: Estonie: Finlande: France: Allemagne: Grèce: Hongrie: Islande: Irlande: Italie: Lettonie: Lituanie: Luxembourg: 41,2 30,0 80,1 12,0 79,3 9,1 28,9 24,3 25,0 83,3 Pays-Bas: Norvège: Pologne: Portugal: Roumanie: Slovaquie: Slovénie: Espagne: Suisse: Suède: Turquie: Royaume-Uni: 25,6 30,0 25,6 38,0 43,0 18,6 22,5 91,1 32,9 44,1 10,0 Sources: OIT et ISE Différences et similarités en matière de propension au conflit 15 16 Le diagramme indique le nombre de jours par an “perdus” par 100.000 travailleurs dans les pays concernés. Certains systèmes de représentation semblent donc avoir une propension plus élevée au conflit que d'autres. Il convient cependant de noter que, dans tous les pays, on constate une tendance à la diminution des conflits.