ISSN : En cours
G.I.A.A.
Groupement des Intellectuels Aveugles ou Amblyopes.
Groupe : les Amitiés POUGET.
La « Lettre d’ANANIE »
Le Groupe « Les Amitiés Pouget » est une section thématique du GIAA. Il regroupe les évêques, les prêtres, les diacres,
les religieux, les religieuses aveugles ou malvoyants. Il donne des informations pratiques et techniques pour faciliter la
réadaptation de ses membres afin de pouvoir poursuivre l’exercice de leur engagement d’Eglise. Ils partagent entre eux
leur expérience (soutien, réconfort). La lettre d’Ananie est publiée une fois par an, en caractères d’imprimerie, en braille,
sur CD au format Daisy, par courriel et sur le site Internet du GIAA.
Bulletin de liaison 2008
EDITORIAL
Notre rencontre nationale de juin 2008 à PARIS avait pour thème « l’APPEL, je t’ai appelé hier pour
vivre l’aujourd’hui ». Nous étions 42 participants, prêtres, diacres et religieuses. Le Père Eric-Thomas
MACE, OP, directeur des messes radiodiffusées sur France Culture, nous a accompagnés et guidés
pendant ces 3 jours.
Certains d’entre nous étaient déjà handicapés visuels au moment le Seigneur a frappé à la porte
de leur cœur ; pour d’autres, le handicap visuel était prévisible, mais pour la majorité, il était
indécelable et lorsqu’il est apparu, il a fait basculer leur vie. Lorsque notre vision s’obscurcit,
comment réagissons-nous ? Quels moyens choisissons-nous pour rester fidèle à l’appel que nous
avons reçu ? Comment vivre désormais notre sacerdoce, notre engagement religieux, notre vie en
Eglise ? Il y a en France deux centres de rééducation fonctionnelle et dans beaucoup de villes, les
associations d’handicapés visuels proposent des cours d’initiation aux différentes techniques
adaptées à nos problèmes spécifiques : réapprendre les gestes essentiels de la vie, apprendre et
maîtriser l’informatique, l’écriture et la lecture en braille, la circulation indépendante à l’aide d’une
canne blanche. En complément de ce que proposent les associations et le GIAA, les AMITIES
POUGET privilégient le dialogue, les échanges, la confrontation de leurs multiples expériences, la
découverte et le maniement du matériel adapté. Cet accompagnement fraternel soutenu par la prière
nous aide à apprivoiser notre handicap pour qu’il ne soit plus un obstacle à l’accomplissement de
notre mission.
En 2009, nous fêterons le deux centième anniversaire de la naissance de Louis BRAILLE et les
quarante ans des AMITIES POUGET. L’ensemble des membres de l’équipe d’animation vous
souhaite un joyeux NOEL et une BONNE ANNEE 2009, pleine de joie, de sérénité et d’amitié.
En union de prières avec vous, bonne lecture de votre lettre d’Ananie.
Marcel CHALAYE , diacre
2
I. EXTRAITS DES INTERVENTIONS DU PERE ERIC-THOMAS MACE, O.P.
PREMIER INTERVENTION : APPRENDRE A ECOUTER LA VOIX
Ecoute la voix du Seigneur…« Je t’ai appelé hier…»
Sh’ma Israël, Ecoute Israël… (Deutéronome 6, 4) : quand les juifs, matin et soir, disent cette prière, ils
se ferment les yeux avec le pouce et l'index, ce qui veut dire que dans la prière juive, on ne peut
écouter que si l’on a les yeux fermés…les yeux fermés (comme le font les juifs), le Christ a intériorisé
un appel pour chacun d’entre nous ; nous sommes tous invités à écouter LA VOIX DU SEIGNEUR,
en fermant les yeux, pourquoi ?
Les yeux fermés, je peux comprendre énormément de choses… il y a des voix qui parlent plus que
des paroles qui sont dites. « Le Seigneur m'a appelé dans le sein de ma mère ».
S’il y a un appel, cela attend une réponse.
Dans le sein de notre mère, le seul moyen pour nous d'être en contact avec le monde extérieur, c'est la
voix, ce sont les voix. L'enfant dans le sein de sa mère commence à être en contact avec le monde qu'il
devra affronter car toute naissance est le début d'un affrontement. Nous avons appris, les yeux
fermés, à écouter les voix et dans la mystique d'Israël, nous pouvons écouter cette voix étrange de
Dieu qui nous parle comme à des nourrissons dans le sein de notre mère, c'est-à-dire dans la solitude,
dans l'obscurité voilée, les yeux fermés pour apprendre à écouter la voix.
Il n'est pas nécessaire d'apprendre une langue étrangère pour entendre ce qu'une voix veut dire et
signifier ; le ton de la voix nous dit énormément de choses ; il y a des voix qui sonnent juste.
Apprendre à écouter la voix du Seigneur dans le monde juif, c'est apprendre à faire l'expérience du
désert et de l'obscurité. Quelque chose que j'ai entendue dans les carrefours, qui était dans toutes vos
bouches : il y a des jours extrêmement douloureux et négatifs : la pauvreté, la solitude, le
dépouillement. Pensez-vous que nous serions vraiment dans les mains du Seigneur, si nous n'étions
pas seuls, si nous étions satisfaits, riches en ayant besoin de rien si ce n'était de nous-mêmes ?
Lorsque le juif se met en état de prière, qu'il ferme les yeux pour écouter la voix du Seigneur, ce n'est
pas simplement pour entendre Dieu, pour être attentif, c'est pour réaliser que nous sommes en état
de dépendance. Oui, c'est lorsque je prends conscience de ma réelle pauvreté, quel que soit mon
handicap, les yeux ouverts ou les yeux fermés, je dépends constamment de quelqu'un qui me tend la
main et je suis capable de répondre à cette voix. Il n'est pas dit « le Seigneur nous a appelés » mais
« le Seigneur m'a appelé ».
La forme prise, c'est un appel unique avec une voix qui résonne de façon unique, exactement comme
une mère entend son enfant alors qu'elle est entourée des bruits les plus divers !… Dieu nous appelle
à sortir de toutes nos obscurités, de tous nos isolements et le premier lieu par lequel Il nous appelle
pour nous faire sortir de cet isolement, c'est cette voix que nous entendons ; si nous avons entendu
cette voix même si nous avons les yeux fermés, c'est que nous avons été capables de comprendre qu'il
y a un isolement à briser.
Peut-être, nous avons la capacité de réaliser qu'à travers ce handicap, des chances se profilent à
l'horizon personnel.
Nos dépouillements, nos déficiences sont autant de portes ouvertes laissant entrer cette voix en
nous. Que cette voix devienne non plus simplement un bruit mais un appel, une parole qui
appelle.
3
DEUXIEME INTERVENTION :
Dans la Bible, il faut d'abord entendre une « Parole », comprendre un « Appel » pour pouvoir y
répondre. Chaque homme, chaque femme baptisé répond chaque jour à un appel que le Seigneur lui
a lancé le jour de son baptême, un appel que nous avons reçu consciemment ou inconsciemment ; et
c'est aujourd'hui que nous répondons.
Qu'est-ce que « l'Appel » selon la Bible et selon la Parole du Christ ?
Le mot « appel » du verbe « appeler » est utilisé dans la toute première page de la Bible ; au verset 3
de la Genèse. Dieu crée en disant, en séparant, en voyant, en appelant ... Dieu appelle la lumière
« jour » : en donnant à cette « lumière » un nom particulier, il lui donne une existence pleine et
entière. Il ne s'agit pas simplement pour Dieu de créer, de voir que sa création est bonne. Il faut qu'Il
l'appelle, c'est-à-dire qu'Il instaure avec sa créature une relation particulière, unique, et cette relation
unique, Il la concrétise en lui donnant un nom « je t’ai appelé… ».
Dieu m'appelle non pas pour me créer, me recréer, mais pour achever ce que je suis. Dieu m'a appelé
pour parfaire ce qui en moi n'est pas encore parfait ; pour combler, pour restaurer ce qui en moi est
encore à garder.
« Je t’ai appelé hier pour vivre l’aujourd’hui » : dans notre histoire, l'appel que j'ai reçu hier ne pourra
se réaliser complètement qu'aujourd'hui, parce que je répondrai à cet appel ; je ne répondrai à cet
appel, que comme l'appel à être achevé dans le regard de Dieu.
Pour combler en nous ce qui nous manque, encore faut-il réaliser qu'en nous, il y ait des manques. Il
y a dans l'Evangile des hommes et des femmes, qui, ayant entendu « l'Appel », n'y ont pas répondu.
Pourquoi le jeune homme riche du chapitre 19 de l’évangile selon Saint Matthieu n’a-t-il pas répondu
à l’appel du Christ ?
S'il n'y a pas de manque, s'il n'y a pas de handicap, de blessure ouverte, comment voulez-vous que le
Christ nous touche ? Pour que nous puissions répondre à cet « Appel », si nous disons au Christ « je
ne manque de rien et je fais tout, j'ai tout fait », il ne me manque rien.
Nous sommes invités par notre appel, à rester des témoins de ce Dieu qui appelle non pas les
parfaits, non pas ceux qui ont tout fait, non pas ceux à qui il ne manque rien, mais justement ceux qui
sont boiteux, claudicants, infirmes, en manque, pour être signe de sa Vie.
Vous comprenez, que dans ce cas, nous sommes, en répondant à cet appel, en contradiction totale
avec ce que le monde donne en exemple et comme valeur. Etant boiteux, en manque, infirmes,
imparfaits, et répondant à cet « Appel », nous sommes vraiment les témoins du Christ.
TROISIEME INTERVENTION :
« Je t’ai appelé HIER pour vivre l’AUJOURD’HUI »
Chacun d'entre nous a une vision particulière de notre « hier » et de notre « aujourd'hui ».Hier, tout
allait bien et aujourd’hui tout va mal ou bien mieux l’inverse ! Il y a une opposition entre « l'hier et
l'aujourd'hui » et je dois me situer personnellement. Mon passé, quel qu'il soit, je le connais, je peux
en parler, et j'ai une forme de maîtrise sur lui. Je sais ce qui s'est passé. Mais « aujourd'hui » ; c'est
comme un pas en avant. Comment me situer en baptisé, en consacré, entre ma mission d'hier et celle
d'aujourd'hui ?
4
Le souffle et le cœur sont des éléments vitaux. Chacun de ces éléments vit d'un balancier, d'un plein
et d'un vide, d'une inspiration et d'une expiration. Ce qui veut dire que ce balancement entre « hier »
et « aujourd'hui », entre bien et pas bien, entre heureux et malheureux, entre difficile et facile, c'est la
vie, c'est-à-dire que c'est ce mouvement de vie qui me permet d'avancer, d'avancer non pas droit
peut-être, mais qui peut se targuer d'avancer droit ? « Notre Dieu écrit droit sur des lignes courbes »
(Saint Augustin). C'est dans nos lignes courbes, c'est-à-dire dans ce balancement qui est quand même
inconfortable entre « hier » et « aujourd'hui » que Dieu nous parle. Chacun de nos pas est d'abord et
avant tout un déséquilibre. Nous ne pouvons pas avancer si nous ne faisons pas cette expérience de
déséquilibre. Et vouloir fuir ce balancement, même de façon spirituelle, ce ne serait qu'une fuite. Je
crois qu'il y a un risque : vouloir fuir. S'insérer dans ce balancier, c'est réaliser que le Christ marche à
nos côtés, qu'il chemine à nos côtés, mais qu'il ne fera jamais un pas à notre place, parce que c'est
justement dans ce mouvement que le Christ a vécu intégralement, que nous sommes appelés à entrer.
C'est le mouvement de mort et de résurrection. Il n'y a pas l'un sans l'autre. Oui, nous aimerions une
vie idéale, sans passion, sans souffrance, sans difficulté, sans « hier » ou peut-être sans
« aujourd'hui », mais est-ce que cela serait encore une vie humaine ? Il y a en nous une forme d'appel
à considérer notre vie comme ce balancement, cette respiration, ce battement de cœur entre « l'hier »
et « l'aujourd'hui ». C'est ma vie et c'est à partir de cette vie seule que je suis appelé à vivre mon
baptême, ma consécration, mon état, quel qu'il soit. Il y a ce que j'appelle une mystique du pli.
Vivre le pli, c'est-à-dire réaliser les hauts et les bas, « l'hier » et « l'aujourd'hui », l'inspiration et
l'expiration, comme un mouvement. Oui, la vie est dans le mouvement. Je crois que si nous n'avons
pas ce balancement entre cet « hier » et cet « aujourd'hui », nous ne sommes plus des vivants. Or,
nous sommes appelés à vivre intensément, même avec les balancements, car c'est dans cette vie que
nous disons le nom de Dieu, lui que nous appelons le Vivant.
II. COMPTE-RENDU SESSION AMITIES POUGET 2008
TEMOIGNAGES EXPRIMES AU COURS DE NOTRE RENCONTRE ET RECUEILLIS PAR
NOTRE AUMONIER LE PERE CHRISTIAN BOURSIER
QUESTIONS DU BILAN
1) Que retenez-vous du contenu de cette session ? Avec quelles convictions repartez-vous ?
Personnel
Confirmation de ma vocation.
Ne pas se crisper sur ce qui disparaît, mais se tourner vers ce qui est en train de naître.
Approfondir sa vie consacrée.
Nos faiblesses peuvent donner de la force autour de nous.
On n’a pas fini de se livrer au Christ.
Une conviction : il me semble avoir toujours tout entendu, mais il y a toujours quelque chose de neuf.
Convivialité enrichie : chacun fait ce qu’il peut, ainsi on relativise son handicap.
Pour deux personnes malvoyantes venues pour la première fois : découverte très enrichissante, émouvante.
Je dois faire effort pour compter sur le Seigneur, notre Roc, notre Fidélité.
Maison bâtie sur le roc. Il nous faut fermer les yeux pour écouter la voix du Seigneur (comme l’enfant
dans le sein de sa mère qui reconnaît sa voix).
Dieu nous appelle pour nous combler, combler nos manques.
« Tu as du prix à mes yeux » (renforcé). C’est une conviction malgré notre handicap, nous avons une
mission (baptisés). Je suis toujours dans l’alliance de Dieu. Tous les matins, je me dis que Dieu est là.
Ma conviction, c’est vivre pleinement.
5
De plus, la réflexion a été par rapport au handicap. « Ceux qui sont appelés ne sont pas les nantis
mais les petits, ceux qui manquent de quelque chose. » Ce qui est important, ce n’est pas le paraître
extérieur. Je suis encouragé à ne pas baisser les bras. La conviction que Dieu m’a appelé comme je
suis, c'est-à-dire de plus en plus « miro ».
Je suis renforcé dans ma conviction de répondre à l’appel et vivre avec le handicap dans mon
quotidien. Ce n’est pas nous qui sommes fidèles mais c’est Dieu qui nous garde dans sa fidélité. Nos
pauvretés, nos limites sont des lieux de passage entre l’idéal, la perfection et la réalité. La réalité, c’est
d’être en marche. Conviction, c’est un combat quotidien soutenu par la présence du Seigneur : je ne
suis pas seul pour avancer. J’ai apprécié que l’on parle de l’Appel. Sans problème de vue, mes limites
sont aussi sur mon chemin et il me faut vivre avec.
Interventions
Invitation à oser, ne pas rester sur sa réserve.
Encouragement.
Il faut du temps pour rentrer dans la session et du temps pour digérer.
Père Eric très apprécié. Désir de le réentendre par audio ou par écrit.
Sur le thème : Père Eric a beaucoup insisté sur Jésus Rocher qui nous rend solides dans nos
difficultés. Il faut être en position de manque, de faim, pour que le Seigneur nous comble.
Plus d’insistance par rapport au thème, plus ciblé sur le thème.
Regret que les interventions du conférencier soient trop courtes, mais bien senties.
Le prédicateur a fait la différence entre la parole et la voix.
Le thème est bien cerné, pas de déviation. Cela nous a aidé à approfondir le thème, le mot signe a été
retenu. Il montre direction et contradiction : « Ecoute Israël, ferme les yeux et écoute. » Le thème de
cette année est plus entraînant et plus facile à entrer dedans. La richesse du partage en groupes. Le
thème nous a fait faire une réflexion sur nous-mêmes pour mieux aller vers les autres.
L’appel et la voix : si quelqu’un pense ce qu’il dit, on le reconnaît à sa voix. La voix est importante car
on ne voit pas.
Interpeller à plus d’écoute à la voix, à l’approche des autres, être plus attentif. Temps fort de
retrouvailles avec les prêtres et religieuses. Les Amitiés Pouget, c’est important pour repartir avec
plus de force, pour continuer.
J’ai trouvé bon que l’on parle de l’Appel. Cela m’a aidé à repenser mon Appel d’hier pour vivre
aujourd’hui.
Session
Démonstration des appareils très appréciée (Daisy). Regret pour une personne de ne pas voir une
machine à lire.
Pour la visite des monuments des aveugles, c’est pas évident : on ne voit rien, on n’entend pas tout,
les maquettes sont intéressantes, mais il nous reste des marches qui montent et qui descendent. On
aurait préféré la visite de l’Assemblée Nationale.
2) Comment avons-nous apprécié l’ambiance de ces trois jours ? Liens entre nous, convivialité, organisation,
visite- détente.
Ambiance chaleureuse, reposante, pacifiante, agréable à vivre, soutien, entraide.
Entraide peut continuer après la session.
Heureuse des nouvelles personnes qui ont fait le pas.
Très sympathique. Marie-Renée et Marie-Paule : liens très précieux dans ce groupe. Simplicité de
l’accueil, de l’entraide, de la fraternité. Marie-Renée est un bon ange pour nous.
Un regret : désir de se retrouver une demi-heure entre prêtres tout simplement. Très bonne ambiance
« du tonnerre ». Accent mis sur la simplicité (paroles entendues : envie de partager ce qu’on a vécu.)
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !