"nationalite" du pays niçois - De la frontière séparation à la frontière

LA "NATIONALITE" DU PAYS NIÇOIS
RAPPEL DE DÉFINITIONS
La "nationalité" peut être définie comme l'appartenance juridique d'une personne, d'une population ou
d'un territoire à un "État". Il y a "État" lorsque les territoires et les populations concernés, qui peuvent
être de nature et d'origine diverses, se trouvent soumis ensemble à la souveraineté internationalement
reconnue d'une même Maison régnante ou d'un même Régime.
"NATIONALITÉS" SUCCESSIVES DU PAYS NIÇOIS
Déjà solidaire du territoire de la Provence depuis la chute de l'Empire romain, le Pays Niçois, ayant fait
partie, depuis le haut moyen âge, du Comté de Provence, puis des États de Savoie et enfin des
Républiques et des Empires français, a donc été successivement de "nationalité" :
- "PROVENÇALE" jusqu'en 1388 (du reste, les Ducs de Savoie l'ont dénommé par la suite leur "Terra
Nova de Prouvença" ou "Nissa de Prouvença", Mistral, plus tard, "Niço, Cap de Prouvenço", et Cavour,
"Nizza di Provenza").
- "SAVOYARDE", après 1388, puisque qu'elle a appartenu à la Maison de Savoie pendant 500 ans
(les gravures de Nice et des principales localités du Comté figurent en bonne place, avec celles de
Savoie et du Piémont, dans le "Theatrum Sabaudiæ", ouvrage édité au 17ème siècle sous l'impulsion
du souverain). Quant à l'étiquette "SARDE" qui a été collée sur les États de Savoie de 1720 à 1860,
nous donnons plus loin notre opinion sur son caractère artificiel.
- FRANÇAISE, de 1793 à 1814 et depuis 1860.
LA "NATIONALITÉ SAVOYARDE"
L'ÉTIQUETTE "SARDE"
La notion moderne de "nationalité" n'a émergé en fait qu'au 19ème siècle. Si la "nationalité française"
du Pays Niçois ne souffre ni d'anachronisme ni d'aucune ambiguïté historique, il est nécessaire de
définir ce que nous entendons par "nationalité savoyarde", expression que nous utiliserons, par
convention, au même titre que les épithètes "grecque", "romaine" ou "provençale" que l'on rencontre, à
propos de Nice, chez les meilleurs auteurs, et qui sont perçus en fait par nos contemporains comme
qualifiant la "nationalité" de notre Comté selon les époques :
- la "Savoie propre" (actuels départements de Savoie et de Haute Savoie), berceau de la Maison de
Savoie, doit être distinguée de l'État ou des "États de Savoie", ensemble de territoires placés sous la
souveraineté de cette famille régnante, qui ont englobé jusqu'en 1861, outre cette "Savoie propre", bien
d'autres territoires (dont entre autres : Bugey, Pays de Gex, Val d'Aoste, Comté de Nice, Piémont,
Sardaigne et Gênes).
- l'expression "nationalité savoyarde", qui correspond parfaitement aux deux définitions rappelées ci-
dessus de l'État (même maison régnante) et de la nationalité, peut donc s'appliquer à tout ressortissant
des États de Savoie, quelle que soit la dénomination de ces États au cours de leur histoire. La Maison
de Savoie a été constamment le ciment de l'État savoyard, État indépendant qui ne s'est maintenu et
développé que compte tenu de l'action volontariste et de l'ambition de ses princes ...
- la capitale des États de Savoie a été à l'origine Chambéry (1388/1562 pour Nice, soit 172 ans). En
1562, la capitale est transférée à Turin, en Piémont, qui avait été annexé par le Duché de Savoie (et
non l'inverse). Accompagné de l'instauration du bilinguisme français-italien, ce transfert, dans un
Piémont d'une importance économique et démographique prépondérante, est à l'origine de nombreuses
confusions : ce n'est pas parce que Turin devient la capitale du Duché que brusquement les Savoyards
et les Niçois deviennent ipso facto Piémontais (et encore moins, anachroniquement, italiens, puisque
l'Italie politique n'est apparue que 300 ans plus tard). Ils restent ce qu'ils étaient, puisque la Maison de
Savoie maintient, comme précédemment, sa souveraineté sur le même ensemble de territoires : de
même qu'il y a de nos jours des Français/Savoyards, et des Français/Niçois, les ressortissants des
États de Savoie peuvent être considérés comme des Savoyards/Savoyards, des Savoyards/Piémontais
et des Savoyards/Niçois..
- les "États de Savoie" ont été constitués par les territoires homogènes de l'"arc alpin", depuis 7
siècles (Savoie et Val d'Aoste) ou 5 siècles (Comté de Nice et Piémont), auxquels se sont surajoutés
des éléments hétérogènes, la Sardaigne (140 ans) et Gênes (45 ans).
- en 1720 donc, les États de Savoie annexent le Royaume de Sardaigne (et non l'inverse), et en
adoptent la dénomination.
Ce "baptême" royal des États de Savoie brouille les pistes et sème la confusion. En effet la genèse d'un
État s'effectue très généralement à partir d'un noyau central originel, comportant la capitale et le titulaire
de la souveraineté : elle résulte, en fin de processus, de la réunion d'autres territoires par conquêtes ou
annexions centrifuges successives. Exemples : la France avec l'Ile de France et Paris, l'Espagne avec
la Castille et Madrid, le Royaume Uni avec l'Angleterre et Londres, l'Empire Russe, l'Empire Ottoman
... etc.
Rien de tel pour le Royaume de Sardaigne : excentré, il n'héberge ni la capitale ni le pouvoir. Il
n'a rien conquis mais a été au contraire annexé ...
Revenons, pour bien comprendre cette situation paradoxale, sur le cheminement historique antérieur de
l'île de Sardaigne : possession carthaginoise, romaine puis arabe, elle fut conquise, au 11ème siècle
par les Gênois et les Pisans. Elle deviendra possession aragonnaise et espagnole de 1324 à 1713,
quand l'Espagne doit la céder à l'Autriche, qui l'échangea, en 1720, avec le Duc de Savoie Victor-
Amédée II contre la Sicile que ce dernier avait obtenu, au traité d'Utrecht, en 1713, en récompense de
services rendus à l'Empire contre la France et l'Espagne.
La dynastie de Savoie s'est en fait très peu intéressée à l'île qui formait une entité à part : le Duc de
Savoie (Charles Emmanuel IV) ne s'est rendu pour la première fois en Sardaigne, en exil, qu'en 1799 ...
Malgré sa culture propre, son riche passé et la beauté de ses sites, la Sardaigne ne fut jamais le
siège ni de la Cour ni du Gouvernement "sarde" et n'exerça qu'une influence marginale sur Turin. A
aucun moment, Cagliari n'a exercé la moindre tutelle sur les États de Savoie ni le Pays Niçois.
La Maison de Savoie a donc continué à exercer sa souveraineté, à partir de Turin, sur l'ensemble des
territoires précédents, augmenté de la nouvelle arrivée. Grâce à leur nouvelle possession, les Ducs de
Savoie ont pu se parer, avec satisfaction, du titre de Roi, non pas de Savoie ni de Piémont ni de Nice,
qui n'étaient pas des royaumes, mais "de Sardaigne" (rappelons au passage qu'ils ont été également
Rois de Chypre et de Jérusalem ...).
Si la Savoie avait été un Royaume plutôt qu'un Duché, la Sardaigne se serait naturellement fondue
dans le Royaume de Savoie ...
Il faut noter que, compte-tenu du rôle croissant joué par Turin à partir du transfert de la Cour dans cette
ville en 1562, on colle davantage à la réalité lorsque l'on utilise l'appellation de "Royaume de Piémont-
Sardaigne". Mais, ce faisant, on occulte injustement les territoires du noyau initial des États de Savoie :
Savoie, Val d'Aoste et Comté de Nice.
Cette appellation de "Royaume de Sardaigne" a été et est toujours à l'origine de nombreuses
confusions. Soulignons donc une évidence : ce n'est pas parce que les États de Savoie ont été ainsi
baptisés, que, tout d'un coup, les Savoyards et les Niçois sont devenus sardes. Ils sont restés ce qu'ils
étaient - "savoyards" - puisque la Maison de Savoie a continué à exercer sa souveraineté sur eux,
comme précédemment. Dans toutes les grandes occasions (batailles, Restauration de 1815 ... etc), les
Niçois ont crié "Savoia", "Savoia" : la Croix de Savoie, emblème de leurs drapeaux et oriflammes, a été
gravée, d'une manière indélébile, dans la pierre de maints édifices du Comté.
Malgré tous les attraits de la Sardaigne, Nice ne peut donc être qualifiée de "cité sarde", comme on le
fait quelquefois. Les arguments culturels renforcent du reste cette affirmation ; on rappellera en
particulier :
- que l'explosion du "Baroque" (cf annexe D - Comté de Nice) qui a profondément marqué le Comté
de Nice, n'est pas d'origine sarde mais péninsulaire et s'est produite bien avant 1720, date très tardive
de l'apparition de la Sardaigne - espagnole jusqu'en 1713 - dans les États de Savoie,
- que les couleurs traditionnelles et le style des constructions niçoises ont été essentiellement
influencés par le Piémont et la Ligurie génoise.
En conclusion, pour illustrer ce qui s'est passé en 1720, quant à la consistance du terme "Royaume de
Sardaigne", nous nous risquerons à une comparaison : la situation serait comparable si la France
annexait Monaco, et que le pouvoir en place, estimant que le titre de Prince de Monaco est plus rutilant
que celui de Président de la République, décidait que la France devienne la Principauté de Monaco et
l'ensemble des français des monégasques ...
- en 1815, les États de Savoie annexent Gênes (et non l'inverse). La Maison de Savoie continue à
exercer sa souveraineté, à partir de Turin, sur l'ensemble des territoires précédents, augmenté de la
nouvelle arrivée.
- en 1861, la Maison de Savoie rompt complétement avec son passé : perdant son berceau
savoyard et le Comté de Nice, elle réunit sous son égide, à partir de sa capitale Turin, les seuls
territoires de la péninsule et des îles italiennes, en donnant naissance à un nouvel État, le Royaume
d'Italie, et à la lignée des Rois d'Italie qui, ainsi "naturalisés", ne sont plus les continuateurs stricto
sensu des Princes de Savoie. Le terme de "Royaume de Sardaigne" a donc été jeté aux oubliettes de
l'Histoire, ce qui traduit bien une totale coupure avec le passé.
NICE ET L'ITALIE
Le Pays Niçois, qui a vécu quelques courtes parenthèses françaises avant 1860 (occupations militaires
entre les XVe et XVIIIe siècles et premier rattachement), ne s'est jamais trouvé, en revanche, à
aucun moment de son histoire, sous la souveraineté italienne.
L'émergence de l'Italie en tant qu'État (1861) est en effet postérieure au rattachement de Nice à la
France. Nice était donc déjà française, lorsque Victor-Emmanuel II, son ex souverain savoyard, réalisa,
sous son égide, l'unité du Royaume d'Italie.
D'autre part, les langues officielles imposées par les Ducs de Savoie aux Niçois - le français jusqu'en
1562, l'italien ensuite - ne doivent pas masquer la réalité de la langue couramment utilisée, le nissart,
(cf annexe A & B) ni conduire à des extrapolations inexactes et infondées quant à la nationalité de Nice.
On sait en effet que ni la culture ni la langue pratiquée officiellement dans une région ne définissent,
ipso facto, sa nationalité, comme l'illustrent, de nos jours, la Suisse, le Canada, la Belgique ... ainsi que
les nombreux pays anglophones ou hispanophones à travers la planète, qui ne sont ni anglais ni
espagnols ... De plus, alors que la majorité des ressortissants de ces pays ont parlé, depuis des lustres,
la langue de la Grande Bretagne ou de l'Espagne auxquels ils ont été longtemps soumis, la situation a
été tout autre dans le Pays Niçois qui n'a jamais dépendu ni, même temporairement, de l'Italie
politique ni de la France avant 1860 (sauf épisodiquement) et où le nissart a été infiniment plus
pratiqué, jusqu'au début du 20 ème siècle, que la langue officielle du moment.
RÉFLEXIONS DIVERSES
On ne peut valablement "prouver" la nationalité du Pays Niçois par certains autres arguments,
historiques ou géographiques, qui sont parfois utilisés dans un sens ou dans un autre ; par exemple :
- l'inscription pro-gauloise "Huc usque Italia, abhinc Gallia" (jusqu'ici l'Italie, au delà la Gaule) : elle
figure, depuis l'an 11 av. JC, sur le trophée d'Auguste, à La Turbie. Par contre, la dernière borne de la
voie romaine a été parfois située sur la rive droite du Var.
- la démobilisation des légions de César, retour d'Espagne vers Rome, aussitôt après le franchissement
du Var : si l'on considére l'étendue accueillante du site de Nice d'une part, l'étroitesse et l'inhospitalité,
surtout à l'époque, du littoral qui lui succède à l'Est, d'autre part, on peut comprendre facilement les
raisons pratiques d'un tel choix, sans chercher à l'expliquer par une quelconque frontière.
Soulignons en outre que la notion de "nationalité", gauloise ou "italienne", était loin de s'être clairement
dégagée à cette époque ...
- les frontières dites "naturelles"; en effet, ni le Var ni les hauts sommets, malgré leur franchissement
autrefois difficile, n'ont jamais constitué une véritable barrière : Vence, Gattières, Bouyon et d'autres
communes de la rive droite du Var ont longtemps connu le même sort que Nice et à toutes les époques
se sont établies des communications régulières nord/sud vers les vallées du Haut Pays Niçois et du
Piémont d'une part et est/ouest vers la Provence d'autre part (par les voies littorales et les draias de la
transhumance notamment). Il est à noter que ces liaisons ont toujours été plus aisées et habituelles que
vers la côte de la Ligurie.
CONCLUSION
"Nice de Provence", a été, après sa dédition de 1388 à la Savoie, constamment solidaire, entre
autres, de Chambéry et d'Annecy : dépendant de la Maison de Savoie, ces trois villes, pour ne citer
qu'elles, sont restées, en fait, jusqu'en 1860, de "nationalité savoyarde", ainsi du reste que l'ensemble
des États de Savoie, bien que l'étiquette "sarde" leur ait été attribuée à partir de 1720.
Elles n'ont jamais été de nationalité italienne et sont devenues françaises aux mêmes moments de leur
histoire.
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