des États de Savoie, quelle que soit la dénomination de ces États au cours de leur histoire. La Maison
de Savoie a été constamment le ciment de l'État savoyard, État indépendant qui ne s'est maintenu et
développé que compte tenu de l'action volontariste et de l'ambition de ses princes ...
- la capitale des États de Savoie a été à l'origine Chambéry (1388/1562 pour Nice, soit 172 ans). En
1562, la capitale est transférée à Turin, en Piémont, qui avait été annexé par le Duché de Savoie (et
non l'inverse). Accompagné de l'instauration du bilinguisme français-italien, ce transfert, dans un
Piémont d'une importance économique et démographique prépondérante, est à l'origine de nombreuses
confusions : ce n'est pas parce que Turin devient la capitale du Duché que brusquement les Savoyards
et les Niçois deviennent ipso facto Piémontais (et encore moins, anachroniquement, italiens, puisque
l'Italie politique n'est apparue que 300 ans plus tard). Ils restent ce qu'ils étaient, puisque la Maison de
Savoie maintient, comme précédemment, sa souveraineté sur le même ensemble de territoires : de
même qu'il y a de nos jours des Français/Savoyards, et des Français/Niçois, les ressortissants des
États de Savoie peuvent être considérés comme des Savoyards/Savoyards, des Savoyards/Piémontais
et des Savoyards/Niçois..
- les "États de Savoie" ont été constitués par les territoires homogènes de l'"arc alpin", depuis 7
siècles (Savoie et Val d'Aoste) ou 5 siècles (Comté de Nice et Piémont), auxquels se sont surajoutés
des éléments hétérogènes, la Sardaigne (140 ans) et Gênes (45 ans).
- en 1720 donc, les États de Savoie annexent le Royaume de Sardaigne (et non l'inverse), et en
adoptent la dénomination.
Ce "baptême" royal des États de Savoie brouille les pistes et sème la confusion. En effet la genèse d'un
État s'effectue très généralement à partir d'un noyau central originel, comportant la capitale et le titulaire
de la souveraineté : elle résulte, en fin de processus, de la réunion d'autres territoires par conquêtes ou
annexions centrifuges successives. Exemples : la France avec l'Ile de France et Paris, l'Espagne avec
la Castille et Madrid, le Royaume Uni avec l'Angleterre et Londres, l'Empire Russe, l'Empire Ottoman
... etc.
Rien de tel pour le Royaume de Sardaigne : excentré, il n'héberge ni la capitale ni le pouvoir. Il
n'a rien conquis mais a été au contraire annexé ...
Revenons, pour bien comprendre cette situation paradoxale, sur le cheminement historique antérieur de
l'île de Sardaigne : possession carthaginoise, romaine puis arabe, elle fut conquise, au 11ème siècle
par les Gênois et les Pisans. Elle deviendra possession aragonnaise et espagnole de 1324 à 1713,
quand l'Espagne doit la céder à l'Autriche, qui l'échangea, en 1720, avec le Duc de Savoie Victor-
Amédée II contre la Sicile que ce dernier avait obtenu, au traité d'Utrecht, en 1713, en récompense de
services rendus à l'Empire contre la France et l'Espagne.
La dynastie de Savoie s'est en fait très peu intéressée à l'île qui formait une entité à part : le Duc de
Savoie (Charles Emmanuel IV) ne s'est rendu pour la première fois en Sardaigne, en exil, qu'en 1799 ...
Malgré sa culture propre, son riche passé et la beauté de ses sites, la Sardaigne ne fut jamais le
siège ni de la Cour ni du Gouvernement "sarde" et n'exerça qu'une influence marginale sur Turin. A
aucun moment, Cagliari n'a exercé la moindre tutelle sur les États de Savoie ni le Pays Niçois.
La Maison de Savoie a donc continué à exercer sa souveraineté, à partir de Turin, sur l'ensemble des
territoires précédents, augmenté de la nouvelle arrivée. Grâce à leur nouvelle possession, les Ducs de
Savoie ont pu se parer, avec satisfaction, du titre de Roi, non pas de Savoie ni de Piémont ni de Nice,
qui n'étaient pas des royaumes, mais "de Sardaigne" (rappelons au passage qu'ils ont été également
Rois de Chypre et de Jérusalem ...).
Si la Savoie avait été un Royaume plutôt qu'un Duché, la Sardaigne se serait naturellement fondue
dans le Royaume de Savoie ...