Conversation (1994, 1996) pour quatuor de percussions.
Disposition :
Les idées, les sources d’inspiration ; bruit fusionné, communication
Les matériaux ; ligne de temps, motifs-mots, la difficulté de communiquer
Les techniques ; superposition de plusieurs lignes unissons, ombrage, échos, hoquet espace, processus
brefs d’accélération, concentration de matériaux,
La construction de la forme
L’utilisation des techniques ; ligne de temps, motifs-mots, la difficulté de communiquer
Conclusion - question
• Les idées, les sources d’inspiration
Bruit fusionné
Lors d’une émission de télévision 1993, j’ai vu le chef tambour de la percussion Sabar, Doudou N’Diaye Rose.
Sabar est une percussion Sénégalaise, jouée à la baguette qui avec un dispositif pour l’accorder a une sonorité
puissante et mélodique à la fois. Dans cette émission, Doudou a joué avec sa propre troupe composée de
cinquante batteurs. En écoutant la musique j’ai été comblé par la sonorité de l’ensemble.
Les cinquante percussions qui jouaient à l’unisson concernant le rythme et la mélodie à la fois produisait une
sonorité qui ne se produise qu’avec des percussions.
On peut comparer à l’homophonie traditionnelle du monde occidental ; où l’on trouve des accords avec une
harmonie. Pensez aussi à la mixture d’orgues, où l’on produit un son fusionné, un son où le résultat donne une
(1) hauteur.
Regardez les accords fusionnés dans l’école spectrale où l’on trouve des sons qui se constituent de plusieurs
hauteurs mais qui donnent un (1) son harmonique. Sans forcément avoir une harmonie, c’est plutôt, un son
harmonique, fusionné de plusieurs hauteurs.
Le son de l’ensemble de M. Doudou était un son fusionné, mais sans hauteur spécifique. À la fois que l’on peut
travailler une ligne mélodique on obtient une sonorité fusionnée de cinquante percussions qui ne donnent ni un
accord harmonique, ni une hauteur spécifique, ni un accord harmonique sans harmonie mais un bruit fusionné
relativement spécifié. En même temps que chaque percussion a son propre hauteur moyennement spécifiée, il
partage les mêmes caractéristiques sonores des autres. Pourtant, les 50 percussions ne restent pas séparées,
mais forment un bruit fusionné ; grâce à la mélodique.
C’était la combinaison bruit – fusion qui m’intéressait. Aussi ; 20 violons qui jouent une hauteur à l’unisson
donnent un son avec cette hauteur pourtant avec un spectre plus riche de hauteurs aiguës par rapport à un
violon seul. Cela marche aussi pour les percussions et cette richesse voulais-je aussi explorer.
Communication
À l’époque j’ai eu l’idée d’utiliser des motifs musicaux comme des mots. De faire une espèce de conversation
avec les musiciens s’entrechangeant des motifs-mots. Comme l’idée de l’unisson venait d’une musique
africaine cela m’a fait penser des « talking drums » qui m’a aidé de prendre la décision d’utiliser l’idée de
mots dans cette pièce. Cette idée amène aussi la notion de communication ; et la difficulté de communiquer.
• Les matériaux.
« La ligne de temps »
Ma solution du problème d’instaurer dans la musique un sens et une compréhension se résoudre avec la notion
d’une ligne de temps. Au long de cette ligne, plus au moins facile à traverser, se passe « la musique ». Ce n’est
pas dans toutes mes pièces que je laisse apparaître cette ligne. Elle peut être cachée ou seulement pensée.
Pourtant, si l’on veut bien représenter, cela serait avec un matériau foncièrement rythmique et comme cela
est bien le caractère intrinsèque des instruments à percussion, j’y ai choisi de la mettre dans la partition. Elle
est aussi représentée dans une version plus concentrée.
« Les motifs-mots. »
Je me suis donné une liste de 7 motifs-mots de base. Je les ai transformé seulement en excluant des notes.
Cela m’a permis de créer des petits procès avec une direction.
« La difficulté de communiquer »
J’ai représenté « la difficulté de communiquer » avec un matériau qui a comme tâche d’essayer interrompre
les autres. Il vient comme de l’extérieur et il coupe la « conversation » des autres et vise de les faire taire.
• Les techniques.
Superposition de plusieurs lignes unissons.
J’ai fait les combinaisons possibles entre les quatre musiciens. De deux joueurs à tous les quatre (j’ai aussi
présenté le matériau avec un joueur pour la logique, en laissant l’idée de superposition).
Ombrage.
J’ai travaillé avec l’idée d’ombrage. En faisant jouer la voix d’origine, j’ai mis une ombre à côté qui ne
partage que le rythme. Dans cette façon, on obtient une ombre qui renforce l’aspect rythmique et qui ajoute
sa différence de couleur à la voix d’origine ; qui est donc qu’on l’a enlevé toutes les sautes mélodiques de la
voix d’origine.
Échos
Surtout dans les parties déjà hoquetées j’ai travaillé avec la notion d’échos. Construit comme sont construites
les réverbérations sonores, avec des échos de la source, j’ai créé des petits nuages autour le matériau
d’origine. Un peu comme la technique « halon » de Xenakis, mais avec toutes les autres lignes placées
seulement après la source, en connotant plus des méthodes de « DSP » (digital sound processing).
Ces trois techniques, (superposition…, ombrage et échos) forment le groupe de techniques qui nuance la
notion de l’unisson. Le point de départ de l’unisson ne pouvait être laissé dans son état primitif. Il me l’a
fallu travailler plus encore. Pour cela j’ai créé les autres techniques autour de cette idée.
Le groupe de techniques représente mes trois niveaux d’élaboration ; du véritable unisson ; la superposition,
via l’ombrage ; une voix fait l’ombre rythmique de l’autre, aux échos où l’on obtient l’état le plus élaboré
d’unisson ; le nuage.
Hoquet - espace
Hormis pour obtenir le changement de couleur habituelle, j’y ai utilisé la technique hoquet pour travailler
l’aspect spatial des matériaux. Les musiciens sont placés avec la plus grande distance entre eux pour rendre
sur surface le changement d’espace quand ils se « parlent ».
Processus brefs d’accélération.
Un bref processus qui sert à démarrer le matériau pendant un temps court, en le donnant une direction en
avant. En répétant un bout de matériau, sous une forme d’accélération, on incite un intérêt de savoir la suite,
et avec cela j’ai créé des accélérations d’intérêt (pourtant, pour le matériau c’est le contraire, il décélère et
trouve une forme plus étendue).
Concentration de matériaux.
J’ai pris un petit bout de matériau et je l’ai développé, prolongé pendant un certain temps. Le développement
n’a aucune direction. Il s’agit plutôt d’un plateau avec une plus haute concentration d’événements de sort
qu’il sort de son contexte. Dans un état plus étendu, ce plateau remplace parfois la ligne de temps, et devient
donc une ligne de temps concentrée. Pas plus vite mais plus dense, plus tendue.
• La construction de la forme.
Comme j’ai déjà mentionné, toutes mes formes contiennent, plus ou moins décelée, la notion de ligne de
temps. Elle est conférée d’une plus ou moins grande difficulté à traverser. Cette ligne contient - construit aussi
le mémoire musical, et, avec ce mémoire, je construis la forme.
Je travaille avec des moments d’une grande résistance et des moments relâchés. Cela retombe sur le travail
de repos tension qui a fait déceler l’école spectrale. Normalement, le sommet de mes pièces se passe dans le
moment le plus relâché, où je prolonge la musique avec la simple répétition ou la laisse continuer sans
résistance. Comme mes plateaux de sommet se trouvent toujours très tard dans mes pièces, la tendance
globale de la forme est d’aller vers un relâchement de la tension. Avec ce placement du plateau de sommet, il
ne s’agit plus d’un point sommet mais d’une sorte de conclusion de ce que s’est passé dans la pièce. Voire, la
notion d’avoir le sommet tout à la fin est celle d’un hésitation, avant. Mes formes forment une série de
questions, une série d’essais, avant que l’on prenne la décision avec quoi se relâcher. La forme va donc
globalement d’une situation où la ligne de temps est difficile à traverser ; où l’on est dans une grande
résistance à un relâchement, une délibération. Or, au lieu de faire allusion à un calcul, où la conclusion est la
réponse, ici, il s’agit plutôt d’aborder la découverte d’une question. La pièce découvre sa propre question ; qui
est donc la conclusion de la pièce…
Normalement, la conclusion est suivie par une coda, qui est la partie correspondante de la première partie.
C’est une espèce de paire de codas que j’utilise pour encadrer la pièce (qui n’est donc plus une coda, mais un
encadrement ; pourtant, la dernière partie est entendue comme une coda, avec le souvenir de la première
partie, l’introduction).
Le matériau de la conclusion se retrouve toujours dans la musique déjà passée, mais moins décelé, moins
apparent. Je peux aussi transformer un matériau déjà existant jusqu’il n’est plus reconnaissable, pour l’utiliser
comme conclusion. Il s’agit donc de quelque chose intrinsèque qui a été cachée jusqu’à la fin.
La forme se constitue de 12 parties formées en une symétrie élaborée. Elles sont groupées de sort que la forme
devient un miroir de soi-même après la moitié ; avec un centre autour lequel la pièce pivote. Il y a des parties
qui ne contiennent que la ligne de temps. Des autres contiennent la ligne de temps plus les motifs-mots.
Encore autres contiennent tous les deux plus le matériau qui interrompt. Globalement la forme est une
répartition des combinaisons possibles entre les trois matériaux. Toutes les parties sont répétées et subissent
toutes un développement de quelque sort. Soit prolongées, soit plus tendues (concentrées), ou soit jouées avec
la moitié de vitesse. Par exemple ; une partie contient la ligne de temps concentrée. Elle se répète trois fois,
en devenant progressivement plus longue, avec une dynamique progressivement plus forte, et représente la
troisième fois la conclusion.
L’organisation des parties suit aussi les différentes résistances à traverser qui est conféré à la ligne de temps.
Cela vient aussi avec l’idée, déjà mentionnée plus haut, de repos - tension. Les parties qui ne contiennent pas
le matériau qui interrompt représentent les moments de repos, entre des événements plus tendus.
Le matériau qui interrompt est toujours dans les parties de la ligne de temps où il y a de la résistance.
Enfin, le matériau qui interrompt fait aussi une deuxième conclusion-question, celle de clôturer la pièce. Avec
cela, je laisse la pièce ouverte. C’est comme un point d’interrogation.
• L’utilisation de techniques
« La ligne de temps »
En étant le matériau le plus élaboré, la ligne est travaillée avec des sautes de hauteurs, des accents, des
modes de jouer et des doublures en utilisant la technique d’ombrage. Je l’ai aussi travaillé avec la technique
de hoquet. Et enfin, sous la forme hoquetée, j’ai introduit des échos. Dans des parties de la pièce, déjà
mentionnée plus haut, la ligne de temps reçoit aussi une transformation et devient la ligne de temps
concentrée. Là, elle est aussi remplie de tremolos et parfois présentée par tous les 4 joueurs. Hormis le
processus bref d’accélération, elle couvre donc toutes les techniques. La ligne de temps n’est pas toujours
élaborée avec toutes techniques à la fois, mais est présentée avec toutes les combinaisons possibles des
techniques.
« Motifs-mots »
Pour les motifs-mots, je les ai laissés joués par 1 jusqu’à 4 joueur. Aux points importants, selon le schéma
formel, j’ai fait des processus brefs d’accélération. La répartition entre un à 4 joueurs est aussi gérée par le
même schéma avec la notion de la technique hoquet toujours présente.
« La difficulté de communiquer »
Le matériau le moins élaboré. Il garde son apparence presque intacte pour souligner sa ténacité de faire les
autres se taire. Pourtant il présente quelques manières différentes. Il est représenté de 1, 2 ou 4 coups. Dans
la forme avec 1 coup, les joueurs jouent sur deux caisses en même temps. Dans les autres formes, ils ont une
succession de deux coups, répétés ou non, toujours en partageant une répartition entre les caisses pour faire
jouer aussi beaucoup des tailles de caisse à la fois que possible. Pourtant, avec le matériau toujours joué avec
des triples crochets, et en ayant toujours la même dynamique unique, de ƒƒƒƒ, la persistance du matériau est
bien conservée.
• Conclusion - question
À une phrase qu’avait dite Schönberg à John Cage : « La variation se réduit, au fond, à la répétition. » , John
Cage commentait ;« je ne voyais guère l’utilité de la variation et j’accumulais les répétitions ». Moi, je veux
les deux à la fois. La variation coude à coude avec la répétition, et une façon à le résoudre est de les placer
sur des différents niveaux. Le matériau qui interrompt les autres, joue donc aussi un autre rôle. Il coupe le
temps et la forme en morceaux. Donc, même si les matériaux musicales ne sont pas foncièrement répétitifs, le
fait de toujours couper le mouvement incite la répétition. Comme je répète l’arrêt, et le recommencement, je
peux écrire une musique variée, en même temps que je retombe toujours sur la répétition ; une forme
découpée qui forme une espèce de compte à rebours. Mes pièces racontent donc ses propres comptes à
rebours, que l’on doit passer juste pour (pouvoir) arriver à la fin, à la conclusion question.
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