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Urologie La prévention du cancer de la prostate est possible
Article de M. Wisard H.-J. Leisinger
La prévention dans le cancer de la prostate existe. Le finastéride, bien qu’il diminue
globalement l’incidence du cancer, ne peut être recommandé comme chimioprophylaxie, tant
que l’on ne sait pas s’il augmente réellement le nombre de cancers agressifs. Par contre, le
contrôle du poids, une alimentation équilibrée et variée, riche en licopène, en soja, en acide
oméga 3, des suppléments de vitamine E et de sélénium, l’activité physique, la sexualité,
l’arrêt du tabac sont sans risque, efficaces et recommandables.
Introduction
Le cancer de la prostate est la tumeur maligne la plus fréquente chez l'homme et représente la
seconde cause de décès en ordre de fréquence. En Suisse, l'incidence annuelle est de 22 pour
100 000 hommes et la mortalité de 7 pour 100 000 hommes. Cela représente 3500 nouveaux
cas et 1500 décès chaque année. L'étiologie de ce cancer reste inconnue. Les facteurs de
risque établis sont l'âge, la race et une histoire familiale. La distribution du cancer prostatique
autour du monde rend plausible l'hypothèse selon laquelle des facteurs environnementaux
jouent un rôle important. Son incidence varie en effet de quarante fois et sa mortalité de douze
fois suivant les régions et les races prises en compte. L'incidence est ainsi faible au Japon et
élevée aux Etats-Unis. Par contre, chez les Japonais ayant immigrés aux Etats-Unis, après une
génération, l'incidence est identique à celle des américains de race blanche. L'alimentation de
même que le style de vie semblent donc jouer un rôle important dans le développement et la
progression de ce cancer.
Le cancer de la prostate est un candidat qui se prête bien pour une prophylaxie : il faut en effet
généralement dix à trente ans pour que l'épithélium normal ne se transforme en cancer et il
faut dix à vingt ans pour qu'un cancer prostatique localisé ne se généralise.
Les moyens de prévention
Les médicaments
Le cancer de la prostate étant un cancer initialement hormono-dépendant, il est donc normal
d'essayer de le prévenir en supprimant l'influence des androgènes. Le plus simple serait de les
supprimer complètement par une castration, chirurgicale ou chimique, mais cela n'est pas
envisageable en raison des manifestations secondaires du déficit androgénique : répercussions
psychologiques, fonte musculaire, ostéoporose, anémie, etc.
En 2003 a paru la première étude, PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) sur la chimio-
prévention du cancer de la prostate avec du finastéride.1 Il s'agit d'un inhibiteur de la 5 alpha
réductase de type 2, enzyme qui transforme la testostérone inactive en testostérone active. Il
supprime environ 70% de la dihydrotestostérone. A la dose de 5 mg par jour, sur une période
de sept ans, il réduit de 24,8% le risque de développer un cancer prostatique par rapport à un
placebo. Il augmente par contre l'incidence des cancers agressifs (Gleason 8 à 10) de près de
7% . Concrètement, dans un pays comme les Etats-Unis un homme a durant sa vie 17,3%
de chance d'avoir un cancer de la prostate, il permet d'abaisser ce risque à 13%. Si la
prescription de finastéride se généralisait aux Etats-Unis, cela permettrait de sauver 262 567
hommes chaque année, en tenant compte de ceux qui pourraient cependant mourir de cancers
plus agressifs.2 Il est pour le moment impossible de dire si la prévalence plus élevée de
cancers prostatiques de hauts grades est réelle ou résulte d'un artefact. En effet d'un côté, il est
connu que le finastéride peut entraîner des modifications de l'épithélium prostatique qui
peuvent ainsi biaiser le score de Gleason. D'un autre côté, il existe plusieurs hypothèses
biologiques plausibles pouvant suggérer que cet effet néfaste est bien réel. Le finastéride
2
pourrait ainsi sélectionner des clones tumoraux hormonaux résistants. De ce fait, avant d'avoir
pu tirer cette question au clair, il n'est pas possible de recommander une chimioprophylaxie
par finastéride.
Une autre étude est en cours avec le dutastéride qui est un inhibiteur de la 5 alpha réductase
de type 1 et 2.3 Il réduit la dihydrotestostérone de plus de 90%. Cette étude englobe 8000
hommes qui le prendront durant quatre ans. Les premiers résultats devraient être disponibles
d'ici peu.
L'étude PCPT a confirmé ce que l'on savait déjà, à savoir que la principale cause de mortalité
masculine reste les maladies cardiovasculaires : 1100 sur les 18 000 hommes ayant participé à
cette étude sont décédés : seuls dix le sont de leur cancer prostatique (cinq sous finastéride et
cinq sous placebo). Le cancer de la prostate, dans cette étude, n'est donc responsable que de
1% de l'ensemble des décès.
L'alimentation et le style de vie
L'alimentation semble jouer un rôle important dans le cancer prostatique. Rappelons tout
d'abord, en se basant sur les résultats d'études épidémiologiques, ce qui dans un régime,
favorise le développement d'un cancer prostatique.
Un régime riche en produit laitier augmente le risque alors que la consommation de lait
écrémé (partiellement ou totalement) le diminue. Un régime riche en calcium, avec plus de
2000 mg/j augmente le risque de mourir de cancer prostatique métastatique de cinq fois par
rapport à un homme ne consommant que 500 mg/j.4 La viande rouge augmente de 30% le
risque. Le zing à plus de 100 mg par jour augmente le risque de deux à trois fois. L'excès
pondéral favorise le développement du cancer de la prostate et augmente son agressivité. Le
BMI (Body Mass Index) est un index couramment employé. Pour l'OMS (Organisation
mondiale de la santé), un BMI en dessous de 25 est considéré comme normal, un BMI entre
25 et 29 signe un surpoids et au-dessus de 30, une obésité. Un homme au BMI élevé,
supérieur à 30, voit son risque de cancer de la prostate augmenter de 40%. Un BMI élevé
augmente le risque de score de Gleason élevé (donc de cancer plus agressif) et celui de
récidive biochimique après prostatectomie radicale. La mortalité globale augmente en
fonction du BMI : 10% avec un BMI à 25 et 25% avec un BMI à 30. L'obèse de plus de 35
ans, qui a tout simplement l'intention de perdre du poids, réduit, indépendamment du succès,
sa mortalité globale de 24%, indépendamment de la présence ou non, d'un cancer prostatique.5
Les régimes riches en calories, indépendamment de leur composition en graisses, protéines ou
sucres, augmentent le risque de cancer. Sur le rat, il a été démontré que la réduction de la
ration calorique quotidienne totale, indépendamment du pourcentage de graisse, réduit le
risque et la progression du cancer de la prostate. Chez l'homme porteur d'un cancer de la
prostate, il n'est pas possible aujourd'hui d'affirmer que le gime alimentaire ou une
alimentation pauvre en graisse diminue le taux de PSA, les résultats des études étant
contradictoires.6
Quelle alimentation faut-il recommander dans le but de réduire le risque de cancer
prostatique ?
En général, il est recommandé de consommer quotidiennement, cinq portions de fruits et de
légumes. Cette règle, pour ce qui concerne la consommation des fruits, ne réduit
malheureusement pas l'incidence du cancer de la prostate. Celle des légumes le réduit
probablement, bien que faiblement.
La consommation de tomates une fois par jour diminue le risque de 15 à 50%. L'élément
bénéfique dans la tomate est un anti-oxydant, le lycopène.7 On en trouve également dans
l'abricot, la goyave, le grape-fruit rose et le melon.
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La grande consommation de soja en Chine et au Japon, pays l'incidence du cancer de la
prostate est basse, a attiré l'attention sur son rôle protecteur. Le soja et ses dérivés diminuent
le risque de cancer.8 Il contient des phytœstrogènes, des isoflavanoïdes ainsi que des ligands
ayant une activité œstrogénique. Il est communément admis qu'il existe une corrélation
inverse entre le taux sérique d'isoflavanoïde et l'incidence du cancer de la prostate.
Le poisson ou l'huile de poisson, riche en oméga 3, réduit l'incidence et la progression du
cancer prostatique. Un homme de 30 ans, qui ne mange pas ou très peu de poisson, voit son
risque de mourir d'un cancer augmenter de deux à trois fois. La sardine, le pilchard, le sprat,
le hareng d'Atlantique, le kipper, la truite (sauvage), les anchois, la carpe (d'élevage), sont
riches en acides oméga 3. Les trois premiers de la liste présentent la plus forte teneur en acide
oméga 3. Le thon en boîte ne contient que très peu d'oméga 3 car sa graisse est extraite pour
être recyclée en nourriture pour animaux. Le thon frais est riche en oméga 3 mais est très
souvent contaminé par le mercure et d'autres toxiques : la pollution industrielle déversée
durant des décennies dans la mer a provoqué l'accumulation dans le tissu graisseux de certains
poissons, outre du mercure, des toxines cancérigènes comme la dioxine et les PCB
(polychlorobiphényles).
La bière, les alcools forts, le vin blanc n'ont pas d'effet protecteur. Par contre le vin rouge en a
un : la consommation de quatre à sept verres par semaine diminue le risque relatif de cancer
de la prostate de 48%.9
Des suppléments vitaminiques ou minéraux jouent également un rôle préventif.
Le rôle du stress oxydatif dans la carcinogenèse en général et prostatique en particulier est
connu depuis longtemps. Deux anti-oxydants autres que le lycopène peuvent être
recommandés : le sélénium et la vitamine E (alpha-tocopherol). Le sélénium à la dose de 200
mg/j, réduit le risque de cancer de la prostate de 63 à 74%.10 La vitamine E, à la dose de 50 IU
d'alpha-tocophérol/j réduit le risque de cancer de la prostate de l'ordre de 40%.11 Les
préparations polyvitaminées n'ont par contre pas d'effet sur le cancer de la prostate.
D'autres mesures ayant trait aux modifications du «style de vie» ont également un effet
préventif
Le tabac augmente le risque de développer un cancer de la prostate de l'ordre de 30% et sa
consommation sur une période de plus de dix ans augmente le risque de mourir de métastases
de cancer prostatique. L'effet de l'activité physique reste controversé. Dans certaines études à
moins d'être intense, elle ne semble pas avoir d'effet protecteur,12,13 mais une étude récente lui
reconnaît cependant un effet protecteur. Le coït a également un effet protecteur. Les hommes
qui développent un cancer de la prostate après 50 ans sont sexuellement moins actifs que ceux
qui sont épargnés.14 Toute pratique sexuelle n'est cependant pas bonne dans la prévention du
cancer : si le coït semble bénéfique, il n'en est pas de même de la masturbation puisque
lorsqu'elle démarre dans les premières années qui suivent la puberté, elle augmente le risque
de cancer.15
Il est donc possible en modifiant son style de vie, de réduire son risque de développer un
cancer prostatique de même que celui de mourir de maladie cardiovasculaire. Bien que ces
règles «d'hygiène de vie» soient relativement simples et désormais connues du grand public,
ce n'est pas demain qu'elles seront adoptées par tout un chacun. Des études montrent que
moins de 5% des hommes sont prêts à les adopter. La plus grande partie des patients préfère
prendre une ou des pilules quotidiennement plutôt que modifier leur style de vie. Pourtant ces
mesures ne sont pas trop douloureuses pour le porte-monnaie familial, au contraire des primes
de l'assurance maladie, qui parallèlement aux coûts de la médecine, prennent l'ascenseur. La
prévention reste le parent pauvre de la médecine. Les choses changeront peut-être demain.
Rappelons que dans la Chine Ancienne, le médecin était payé tant que son patient restait en
bonne santé et ne l'était plus dès l'instant où il tombait malade !
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Conclusions
Tant qu'un doute persiste sur la capacité réelle du finastéride à induire des cancers agressifs, il
n'est pas possible de le recommander en chimioprophylaxie. Par contre, on peut recommander
sans réserve dès la quarantaine, de surveiller son poids, de manger de manière équilibrée
(tomate, soja, poisson), de prendre du sélénium 200 mg/j, de la vitamine E l 150 IU/j, de boire
un peu de vin rouge, de pratiquer une activité physique, d'être sexuellement actif et de ne pas
fumer.
Auteur(s) : M. Wisard H.-J. Leisinger
Contact de(s) l'auteur(s) : Dr Marc Wisard et Pr Hans-Juerg Leisinger Service
d’urologie CHUV, 1011 Lausanne
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