Des pogroms, éclatent sporadiquement sur tout le territoire polonais jusqu'à la fin du 17ème siècle. Le petit
village juif est ainsi partout mis à mal et, avec lui, un certain mode de vie, bien ancré jusque là, centré autour de
la synagogue, de l'étude religieuse organisée et des rythmes particuliers de la spiritualité juive.
Ces événements laissent le judaïsme polonais numériquement décimé, économiquement ruiné,
spirituellement bouleversé.
Les faux messies
En de telles circonstances, il n'est guère surprenant que l'homme qui, en Turquie, s'autoproclame messie,
Sabbataï Tsvi (1626-1676), ait considéré que le moment lui était favorable, l'heure propice pour l'initiation d'un
prétendu mouvement messianique. Il affirme alors que les massacres de Chmielnitski ont constitué ce que les
prophéties avaient annoncé sous le nom de "douleurs d'enfantement du messie" et qu'il est lui-même le sauveur
attendu. Dans la communauté juive, tendue émotionnellement et intellectuellement par les épreuves subies, qui
cherche à y trouver un sens, l'idée messianique rencontre un succès retentissant. Sabbataï Tsvi gagne de
nombreux partisans et une ferveur très particulière s'empare des communautés juives en différents points du
monde.
De prime abord, certains des principaux rabbins de l'époque sont impressionnés par sa personnalité et son
charisme que les témoins ont décrits comme très réels. Assez rapidement, cependant, ils comprennent que
Sabbataï Tsvi et le mouvement qu'il a créé autour de lui constituent un danger de première gravité pour
l'ensemble du peuple juif dans la mesure où ils font naître des attitudes millénaristes et, par là même,
encouragent une certaine négligence de la pratique religieuse alors que celle-ci a constitué l'épine dorsale de la
judéité au cours des siècles; ils entreprennent donc de s'opposer à lui. Mais nombreux sont ceux pour qui les
condamnations rabbiniques, voire le débat intellectuel, sont sans pouvoir.
Nombreux sont ceux qui ne peuvent songer à revenir en arrière, ils sont disposés à suivre aveuglément Sabbataï
Tsvi, quoi qu'il entreprenne. L'attente d'une révélation messianique en la personne de Sabbataï Tsvi s'est, à ce
point de l'histoire, si fortement enracinée dans les consciences que sa chute et sa conversion finale à l'islam ne
parviendront pas à la détruire complètement. Malgré les efforts déployés par les plus prestigieuses autorités
rabbiniques, le mouvement réussit à se maintenir parmi de nombreux disciples de Sabbataï Tsvi,
particulièrement en Pologne. Il connaît ainsi un renouveau brutal, un demi-siècle plus tard, sous la forme de la
secte franckiste.
Son chef, Jacob Franck, est un contemporain du Baal Chem Tov, né également en Podolie. Il se proclame,
comme son prédécesseur, le messie attendu et finit, avec les membres de sa secte, par se convertir au
christianisme. Ces mouvements prétendus messianiques connaissent donc, l'un après l'autre, une mort naturelle
même si elle n'est guère paisible.
Toutefois, leur disparition laisse des marques profondes dans la pensée juive. Une attitude délibérément méfiante
se fait jour parmi les rabbins, soucieux de ne pas permettre que de telles erreurs, puissent se reproduire. Cette
inquiétude rabbinique, et la suspicion qui en découle, aboutit en mettre en cause toute démarche spirituelle qui se
réfèrerait au mysticisme kabbalistique. Conséquence logique de cette évolution, la Kabbale est, à partir de là,
l'objet d'un dédain explicité, puis d'une proscription claire.