
d’une lésion et la douleur qui en résulte. L’hypnose apporte aussi la possibilité d’agir à ces
différents niveaux. Par exemple, un nerf comprimé peut sensibiliser la moelle épinière au niveau de
la rentrée du nerf dans la moelle. La douleur finit par être activée centralement, et non plus de
manière périphérique, alors que la moelle épinière ne présente aucune lésion. Il s’agit d’une réponse
physiologique aberrante, qu’il sera peut-être possible de bloquer au niveau du système nerveux
central.
Mais comment l’analgésie hypnotique opère-t-elle concrètement? On a pu envisager qu’elle
dépende d’opioïdes endogènes, des substances proches de la morphine, produites par le cerveau.
Mais ce n’est pas le cas, car l’analgésie hypnotique ne semble pas perturbée par la prise de
naloxone, un antagoniste spécifique de la morphine. A ce jour, la question reste donc ouverte.
Luis Garcia Larréa, ainsi que d’autres équipes, par des études en TEP, ont établi que l’activité
cérébrale associée aux sensations douloureuses est extrêmement proche de celle qui caractérise une
focalisation de l’attention (par exemple lors d’un calcul mental). Le circuit de la douleur serait le
même que celui de la concentration. Une concentration intense aurait-elle alors pour effet de
chasser la douleur en « prenant sa place » ? Une recherche de Pierre Rainville appuie cette
hypothèse. Des sujets soumis à un stimulus douloureux constant changent brusquement de
perception lorsqu’on les incite à porter leur attention sur un autre stimulus (des sons par exemple).
L’intensité douloureuse ressentie passe de 6 à 4 sur une échelle de 10. De plus, l’activité cérébrale
n’est pas modifiée au niveau du cortex cingulaire antérieur, mais seulement du cortex
somatosensoriel, contrairement à ce qui se passe sous hypnose. C’est l’intensité même de la douleur
qui a été modulée par la concentration sur autre chose, et non son ressenti émotionnel. Autrement
dit, lorsqu’on mobilise son cerveau dans un exercice de concentration, on « chasse » la douleur, au
sens premier du terme, car les circuits qu’elle emprunte sont les mêmes.
Quant à l’hypnose, elle peut agir sur ces mêmes circuits, qui traitent le stimulus douloureux, ou bien
elle peut agir sur le cortex cingulaire antérieur, qui traite l’accès à la conscience.
Mais si les effets de l’hypnose sur les divers niveaux des mécanismes de la douleur sont de mieux
en mieux établis, l’état hypnotique ne s’en trouve pas pour autant objectivé en tant que tel. Selon
Didier Bouhassira : « On a objectivé les effets de l’hypnose, pas l’hypnose elle-même. Si on injecte
un médicament analgésique, on observera les mêmes effets sur l’activité cérébrale. L’effet démontré
n’a donc pas de spécificité. Par des études équivalentes, on pourrait sans doute objectiver l’effet de
beaucoup d’autres procédures psychothérapeutiques. Par exemple la relaxation, l’acupuncture, le
biofeedback, la psychothérapie cognitive… pour n’importe quelle technique qui modifie la douleur,