Typage d’un individu (l’empreinte génétique ou « test
ADN »)
Chaque être humain se distingue de ses " semblables " par un ensemble de caractéristiques
morphologiques et biologiques qui rendent son identification possible.
Les techniques utilisées pour mettre en évidence le polymorphisme de l'ADN permettent aujourd'hui d'obtenir,
dans de courts délais, des résultats extrêmement précis à partir d'échantillons ne contenant qu'une quantité infime
de produit biologique. Elles imposent, en contrepartie, des précautions rigoureuses pour parer aux risques de
contamination qui compromettraient la fiabilité des analyses. les chances de voir deux individus non apparentés
présenter le même profil sont de l'ordre d'une sur un milliard. La mise en oeuvre des investigations sur un tel
ensemble de loci permet par ailleurs de fournir des réponses dans un délai inférieur à 48 heures).
Pour la recherche en paternité, un seul allèle étant pris en compte, l'analyse du polymorphisme des individus
concernés s'opère habituellement à partir de treize marqueurs. En l'absence d'exclusion dans chacun de ces
systèmes, la probabilité de paternité est calculée à l'aide d'un programme qui tient compte, là encore, de la
fréquence de chaque marqueur génétique dans la population de référence.
1. Polymorphismes utilisables
1.1 Le polymorphisme de l'ADN nucléaire
Pour 4 à 5 %, la molécule d'ADN est constituée par les gènes qui sont le support de
l'information. Ces unités codantes se retrouvent au niveau de l'ARN messager lors du
phénomène de transcription puis se traduisent en protéines.En revanche, la plus grande partie
(95 à 96 %) de l'ADN nucléaire ne commande directement aucune synthèse protéique et l'on
ignore actuellement sa fonction précise. Dans cette partie non codante, l'analyse a mis en
évidence des régions variables : il s'agit de segments d'ADN caractérisés par la répétition en
tandem d'unités de base composées de deux ou plusieurs nucléotides. La taille de ces
fragments, ou allèles, varie en fonction du nombre de répétitions. On distingue ainsi deux
types de polymorphisme :
a. les mini-satellites ou VNTR (Variable Numbers of Tandem Repeats) correspondent à des
motifs répétées en tandem, de 15 à 40 paires de bases. Le nombre de ces répétitions est
variable d'un individu à l'autre, constituant une série allélique. Des études récentes considèrent
que nous aurions 1 500 zones de ce type, soit 1 500 systèmes de polymorphisme.
b. les micro-satellites ou STR (Short Tandem Repeats), unités répétitives dont le motif est
très court (4 paires de bases en moyenne) et répété de deux à dix fois ou plus. Des centaines
de microsatellites ont été étudiés mais, peuvent seuls être retenus pour la pratique des
empreintes génétiques ceux
* qui sont aisément amplifiables avec une expression simple des allèles,
* présentent un fort taux d'hétérozygotie
* expriment un nombre d'allèles suffisamment élevé.
Deux points importants doivent être soulignés à propos de cet examen des zones variables :
* plus nombreux sont les sites polymorphes qui font apparaître une concordance entre un
échantillon recueilli sur le lieu d'une infraction et un échantillon connu (prélevé sur un
suspect), moins il est probable que l'échantillon provienne d'un individu différent.
* La non concordance constatée sur un seul site polymorphe conduit à écarter de façon
absolue l'individu dont le profil ADN est confronté à celui de l'échantillon recueilli.
La certitude de l'identification s'apprécie en termes de probabilité, l'exclusion en termes de
certitude.
1.2. Le polymorphisme de l'ADN mitochondrial
L'ADN mitochondrial (ADNmt), présent dans le cytoplasme, peut également être utilisé pour
l'expertise génétique : il s'agit d'une petite molécule circulaire et monocaténaire de 16 569
paires de bases qui code pour des chaînes polypeptidiques nécessaires au fonctionnement de
la mitochondrie et pour des ARN. Sa séquence est entièrement connue et elle présente deux
régions hyper variables. Le polymorphisme n'est pas lié ici à des variations de longueur mais
à des variations dans la composition en nucléotides (polymorphisme de structure).
Une autre caractéristique de l'ADNmt est son hérédité maternelle. En effet, l'ovule est bien
fourni en mitochondries (entre 100 000 et 200 000) alors que le spermatozoïde n'en contient
qu'un petit nombre qui ne persistent pas dans la descendance. La mère transmet donc son
ADNmt à tous ses enfants mais seules les filles le transmettront à leur tour à leur progéniture.
Par ailleurs, le polymorphisme de l'ADNmt est moins marqué que celui de l'ADN nucléaire et
l'analyse qui en est faite est donc moins discriminante. Il présente néanmoins un double
intérêt :
* préservé par la haute résistance de la mitochondrie et présent à de nombreux exemplaires
dans une cellule (de l'ordre de 50 génomes mitochondriaux pour un seul génome nucléaire), il
peut être analysé sur des traces anciennes ou fortement dégradées sur lesquelles l'ADN
nucléaire n'est plus exploitable. La recherche historique en a fait ces dernières années un
fréquent usage, notamment pour les ossements de la famille impériale de Russie et pour le
coeur présumé de Louis XVII conservé à St Denis.
* il peut également permettre d'expertiser des tissus biologiques dépourvus d'ADN nucléaire,
mais riches en mitochondries, qui sont prélevés sur une scène de crime. C'est notamment le
cas des tiges de cheveux.
2. Techniques
2.1. Analyse par hybridation
Technique utilisée dès 1985 avec des sondes multilocus puis des sondes monolocus. L'ADN
est tout d'abord digéré par une enzyme de restriction , ce qui génère de l'ordre d'un million de
fragments tous différents. Ces fragments sont triés par ordre de taille par électrophorèse sur
gel d'agarose, puis transférés par Southern Blot sur membrane de nylon où l'on peut les
hybrider avec différents types de sondes.
2.2. Sondes multilocus
Dès 1985 on a utilisé des sondes oligonucléotidiques pouvant reconnaître plusieurs sites dont
les séquences d'ADN sont très voisines sur l'ensemble du génome, il est possible, en les
rendant radioactives, de faire apparaître les fragments hybridés sur une autoradiographie. Le
polymorphisme de taille, différent chez chaque individu, se traduit par la mise en évidence de
bandes noires ressemblant à un code-barre dont il faut définir avec précision la taille des
fragments. Ces sondes peu spécifiques ont été appelées multilocus.
Figure 8- 24. Empreinte génétique de 5 personnes établie avec une sonde multilocus.
Malgré son très fort pouvoir discriminant, cette méthode a été abandonnée car elle présentait,
pour la médecine légale, un certain nombre d'inconvénients.
2.3. Sondes monolocus
En 1989, cette méthode fut améliorée par l'usage de sondes monolocus qui utilisent, comme
les précédentes, la technique du Southern Blot et étudient le même type de variabilité mais se
concentrent sur une seule localisation du génome. L'autoradiographie ne révèle donc qu'un
locus représenté par un ou deux allèles selon que le sujet est homozygote ou hétérozygote. Il
est possible d'augmenter la puissance de ce test en multipliant les sondes spécifiques.
Figure 8-25.Utilisation de sondes monolocus pour confirmer une filiation.
Cette technologie robuste est peu sensible aux contaminations, très discriminante et d'une
interprétation aisée. Elle présente d'autre part l'avantage de permettre un travail sur les
mélanges d'ADN, mais elle demeure coûteuse en temps et en personnel et sa faible sensibilité
requiert une quantité importante (500 ng au minimum) d'ADN non dégradé et bien purifié. Si
elle reste encore employée, dans le domaine civil, pour les recherches de paternité, elle a été
supplantée au pénal par la réaction de polymérase en chaîne (PCR) basée sur l'amplification
génique.
2.4. Analyse par PCR
L'amplification génique est plus facile à réaliser sur des unités répétitives du génome dont le
motif n'est composée que de deux à sept nucléotides, les micro-satellites ou STR (Short
Tandem Repeats), qui seront localisés sur différents chromosomes et exprimeront un nombre
d'allèles suffisamment élevé.
Le nombre de loci étudiés doit être assez élevé pour conférer à l'analyse du profil génétique
un pouvoir réellement discriminant. Tous les laboratoires français utilisent aujourd'hui des
kits qui incluent une quinzaine de régions du génome sélectionnées par le système américain
CODIS pour leur haute valeur discriminante
Cette technique présente de nombreux avantages qui expliquent qu'elle se soit imposée dans
tous les laboratoires spécialisés pour l'établissement des profils génétiques :
* Une réaction PCR peut être réalisée sur une très faible quantité d'ADN représentant
cinquante à cent cellules, qu'il soit dégradé ou non, purifié ou non, récent ou ancien et,
pratiquement, quel que soit le support. Ceci permet d'obtenir des résultats à partir de très
petits échantillons et de pratiquer un complément d'expertise avec le matériel restant.
* La méthode est facile à pratiquer, les réactifs pouvant être fournis sous forme de kits prêts à
l'emploi.
* Le recours à l'informatique permet d'obtenir le résultat de l'analyse dans un délai très court,
avantage décisif dans le cadre d'une enquête judiciaire : douze heures pour une trace de sang,
soixante douze heures pour une trace de sperme. Dans le cas d'un prélèvement buccal opéré
sur un suspect, ce délai n'excède pas six heures et est donc compatible avec celui de la garde à
vue.
La seule faiblesse de cette méthode, liée à sa très grande sensibilité, réside dans le risque de
contamination par un ADN étranger, et ce d'autant plus que la quantité d'ADN analysable est
réduite. Des précautions draconiennes doivent donc être observées tant au stade du recueil des
échantillons qu'à celui de l'analyse.
Toutes les méthodes ci-dessus, qui utilisent des STR, sont applicables à l'ADN nucléaire.
2.5 L'analyse de l'ADN mitochondrial
La définition du mitotype (type de l'ADNmt) porte sur la détermination d'environ 700
nucléotides par la technique du séquençage.
Cette technologie est lourde et onéreuse. Comme il s'agit d'une méthode permettant l'analyse
de micro-prélèvements, elle est très sensible aux contaminations. Plus encore que pour l'ADN
nucléaire, la séparation des activités et la mise en place de nombreux contrôles (extraction-
amplification) revêtent une importance particulière pour la validation des résultats.
3. Exemples
3.1. Identification
Figure 8- 26. Détermination d'un coupable possible .
Dans la figure 8-26, on peut exclure les suspects 2 et 3 qui présentent des bandes absentes
dans l'ADN du spécimen. Par contre il faudrait tenir compte des probabilités d'obtenir un
profil de type 1 avant d'inculper formellement le suspect 1. Les preuves ADN viennent en
complément de l'enquête.
3.2. Paternité
Figure 8- 27. Exclusion de paternité à l'aide d'une sonde multilocus.
Dans le cas décrit dans la figure 8-11,
l'enfant présente des bandes d'origine
maternelles (1 à 7), les autres étant d'origine
paternelles (A à F). Ces bandes ne sont pas
présentent chez l'homme 2, ce qui l'exclue
de façon certaine comme père possible. Pour
assurer la paternité de l'homme 1 (toutes les
bandes d'origine paternelle de l'enfant sont
présentes dans son ADN), il faudrait
calculer avec les banques mondiales de
fréquence allélique, la probabilité d'obtenir
avec cette sonde multilocus un tel profil. Ce
n'est qu'en dessous d'un certain seuil que
cette paternité serait " sûre "(ou considérée comme telle).
3.3. Problème d'immigration
Une analyse d'ADN devait établir si le garçon candidat au retour était bien le fils de la femme
résidant en Angleterre, sachant que
* ni le père ni les soeurs de la mère n'étaient disponibles pour une analyse ADN
* la mère était sûre que le garçon était son fils mais ne pouvait préciser quel était le père
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