Chez les grecs il y avait plusieurs modèles du monde en concurrence : Platon et son cercle
magique, Aristote et son Premier Moteur ont proposé une conception figée de la Terre.
Héraclite, collègue de Platon, considérait déjà que Mercure et Vénus tournaient autour du
soleil. Les Grecs avaient également mesuré, comme les astronomes babyloniens, des vitesses
variables des astres selon les saisons. La géographie et l’astronomie grecques avaient réalisé
des avancées insoupçonnables : Eratosthène avait bien estimé la circonférence de la Terre et
Aristarque de Samos avait même estimé la distance Terre-lune, la distance Terre-soleil ainsi
que la taille de la lune et celle du soleil par rapport à la Terre. Ayant trouvé que le soleil était
énormément plus grand que la Terre, il en a déduit que c’était la petite Terre qui tournait
autour du soleil (voir l’Arénaire d’Archimède).
A l’époque d’Averroès, l’introduction de la logique d’Aristote aurait pu amorcer un retour
vers la Grèce féconde, mais malheureusement l’adoption aveugle de sa physique (taillée en
pièce par son premier contradicteur Archimède) a retardé la renaissance de quatre siècle. Ceci
est d’autant déplorable qu’Averroès et tous les mathématiciens andalous connaissaient très
bien les failles de cette physique (voir par exemple les explications minutieuses et historiques
données dans « Le guide des égarés » de Maïmonides, élève de la même école qu’Averroès).
Il a fallu donc attendre Copernic, Galilée et Kepler (XVIe et XVIIe siècle) pour sortir de
l’impasse à laquelle conduisaient ces conceptions.
Ainsi jusqu’à une époque tardive, aussi bien le monde arabo-musulman que le Moyen Âge
chrétien avaient fait le choix d’Aristote et celui de son premier moteur invisible qu’on pouvait
facilement remplace par Allah ou Dieu. En ce qui concerne la prise de conscience des pays
occidentaux, P. Hilout va même plus loin dans son raisonnement, considérant que le
christianisme s’est développé à cause de la rencontre du judaïsme avec la Grèce. Le
christianisme c’est bien le judaïsme qui s’ouvre aux nations.
Pour P. Hilout, la réforme de l’islam passe donc par sa prise de conscience de la rupture qu’il
y a entre sa conception du monde et celles qu’il a rencontrées à travers les âges, il faut donc
avaler la notion d’évolution. D’autre part, il faut que les musulmans se réconcilient avec
l’esthétique grecque et avec la renaissance de la beauté du corps humain. Ceci doit conduire
l’islam à accéder à la modernité et à sortir du notre monde clos enrobé de sept cieux dans
lequel nos ancêtres sont restés confinés.
Sur un plan pratique, l’islam s’immisce abusivement dans tous les domaines et il convient
maintenant de s’appuyer sur la laïcité, qui échappe à la mainmise du religieux tout en
respectant la liberté de conscience. Il faut aussi reconnaître que le djihad, qui était
fondamental dans les conceptions des ancêtres ne peut faire partie de nos valeurs modernes.
Certes, djihad veut dire aussi effort, combat contre soi-même, mais il voulait surtout dire
combat (en sacrifiant sa vie et son argent) dans la voie de Dieu. C’est en regardant l’histoire
en face et en enterrant les valeurs anciennes que les musulmans offriront une place aux
valeurs du nouvel islam dont les piliers seront :
la liberté de croire ou de ne pas croire, de critiquer sans qu’on soit taxé de
blasphémateur ;
l’égalité entre hommes et femmes, entre musulmans et non musulmans, croyants et
non croyants ;
et enfin la paix qui est tout à fait antinomique avec le djihad.