Dasein:"Cet étant que nous sommes chaque fois et qui a

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Bibliographie : Zur Genealogie des Moral (La Généalogie de la Morale) & Jenseits von Gut und Böse (Par delà
bien et mal), Œuvres philosophiques complètes, éd. Gallimard, NRF, 1971. Prendre les références de la Volonté
de puissance avec une totale réserve...
Amour -Ancien / Nouveau Testament -Antisémitisme -Aphorisme -Athéisme -Bonheur -Bons -"Bons et méchants" & "bons
et Mauvais" -Cogito –Comprendre -Cuisine –Culture -Descartes -Destin -Destruction -Dette -Dieu –Droit -Ennui -Etat Faute -Femme –Force -Généalogie de la morale -Guerre –Homme aristocratique –Homme malade –Lecture –Mariage –
Matérialisme –Métaphysique –Morale -Mauvaise conscience –Nationalisme -Nietzsche -Nihilisme –Nihilisme européen –
Oubli -Pensée –Philosophie -Physiologie –Prêtre –Religion –Renversement de la morale aristocratique –Renversement des
valeurs –-Responsabilité -Science et idéal ascétique -Sens de la vie -Style -Surhomme -Théorie / pratique -Valeur -Vérité Volonté de puissance
"Bon et méchant" & "bon et mauvais" : <"Gut und böse""Gut und Schelcht>"Combien différents sont ces deux
mots, "mauvais" et "méchant", opposés tous deux apparemment au même concept de "bon". Mais ce n'est pas le
même concept de "bon" : que l'on se demande plutôt qui est le véritable "méchant" au sens de la morale du
ressentiment. En toute rigueur il faut répondre : c'est précisément le "bon" de l'autre morale, précisément
l'homme aristocratique, le puissant, le maître, présenté sous d'autres couleurs, réinterprété et déformé par le
regard fielleux du ressentiment." (Généalogie… I, 11)
"Je ne sais d'autre méthode que le jeu pour s'occuper des grands problèmes : c'est un des signes essentiels
auxquels on reconnaît la grandeur. La moindre contrainte des traits, la moindre ride du front, le moindre
grincement de la voix, autant d'objections contre un homme, et combien plus contre son oeuvre !"(Ecce Homo,
"Pourquoi j'en sais si long?" §10)
Amour : "A-t-on bien compris ma définition de l'amour ? C'est la seule digne d'un philosophe. L'amour ? une
guerre quant aux moyens ; quant à l'essence : la haine mortelle des sexes. A-t-on entendu ma réponse à la
question : Comment guérit-on une femme ? comment opère-t-on son « salut » ? C'est en lui faisant un enfant.
C'est d'enfants qu'a besoin la femme, l'homme n'est jamais qu'un moyen : ainsi parlait Zarathoustra. " (Ecce
Homo, "Pourquoi j'écris de si bons livres?" §5) "L'homme et la femme entendent chacun quelque chose de
différent par le terme amour." "Ce que la femme entend par amour, est assez clair : parfait don (non pas
seulement abandon) du corps et de l'âme sans restriction et sans réserve, accompagné plutôt de honte et de
terreur à l'idée d'un don conditionnel et casuel." "Un homme quand il aime une femme, exige justement d'elle cet
amour là." (Gai Savoir, §363) "Mes expériences me donnent surtout le droit de me méfier de ce qu'on appelle les
instincts, « désintéressés » et de ce fameux « amour du prochain » qui est toujours prêt à vous venir en aide et
de la voix et du geste. Je le considère en soi comme une faiblesse et comme un cas particulier de l'incapacité de
résistance aux impulsions ; la pitié ne s'appelle vertu que dans le monde des décadents. Je reproche aux
compatissants d'oublier trop facilement la pudeur, le respect, le tact et les distances, à la pitié de sentir trop vite
la populace et de ressembler à s'y tromper aux mauvaises manières ; je dis que les mains compatissantes
peuvent parfois avoir une action destructrice sur une grande destinée, quand elles viennent farfouiller dans les
blessures d'une solitude et le privilège d'une grande faute." (Ecce Homo, Pourquoi je suis si sage? §4)
Ancien / Nouveau Testament : "…chapeau bas devant l'Ancien Testament ! Ici je trouve de grands hommes, un
paysage héroïque et une chose parmi les plus rares du monde, la naïveté incomparable du cœur robuste ; bien
plus, j'y trouve un peuple. Dans le Nouveau au contraire, rien d'autre que le remue-ménage des petites sectes,
rien que le rococo de l'âme, rien que du tarabiscoté, du contourné, du bizarre (…)" (Généalogie… III, 22)
Antisémitisme : "je n'aime pas les artistes ambitieux qui jouent les ascètes et les prêtres et qui ne sont que des
pantins tragiques ; je n'aime pas davantage ces nouveaux spéculateurs en idéalisme, les antisémites, qui se font
l'œil chrétien, aryen, brave homme, et qui cherchent à exciter tout ce qu'il y a de bêtes à cornes dans le peuple
dans le peuple (…) (Généalogie… III, 26)
Aphorisme : "Un aphorisme, si bien frappé soit-il, n'est pas "déchiffré" du seul fait qu'on le lit ; c'est alors que doit
commencer son interprétation, ce qui demande un art de l'interprétation." (Généalogie… Avant propos, 8)
Athéisme : "L'athéisme est inséparable d'une sorte de seconde innocence" (Généalogie… II, 20)
Bonheur : "Formule de mon bonheur : un oui, un non, une ligne droite, un "but"..." "Formel meines Glücks: ein
Ja, ein Nein, eine gerade Linie ein Ziel ..." (Götzen-Dämmerung, I §44)
Bonheur : "Le bonheur de "l'infime supériorité" que donne le fait de dispenser la bienfaisance, les secours, les
égards, est le moyen de consolation le plus substantiel auquel aient recours les êtres physiologiquement
handicapés, s'ils sont bien conseillés : dans le cas contraire ils se font du mal les uns aux autres, sans cesser
naturellement d'obéir au même instinct fondamental." (Généalogie… III, 18) « La philosophie se sépara de la
science, lorsqu’elle pose la question : quelle est la connaissance du monde et de la vie avec laquelle l’homme vit
le plus heureux ? Cela se fît dans les écoles socratiques : par la considération du bonheur, on a ligaturé les
veines de la recherche scientifique –et on le fait aujourd’hui encore. » (Humain, trop humain, §7)
Bons : "le jugement de "bon" ne vient pas de ceux envers qui on manifeste de la "bonté"! Ce sont bien plutôt les
"bons" eux-mêmes, c'est-à-dire les nobles, les puissants, les hommes de condition supérieure et d'âme élevée,
qui se sont sentis eux-mêmes bons et estimé leurs actes bons, c'est-à-dire de premier ordre, par opposition à
tout ce qui est bas, mesquin, commun et populacier. Pénétrés de ce pathos de la distance, ils se sont arrogés le
droit de créer des valeurs, de donner des noms à ces valeurs : que leur importait l'utilité!" (Généalogie… I, 2)
Cogito : "Pour ce qui est de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait que
ces esprits superstitieux ne reconnaissent pas volontiers : à savoir qu'une pensée se présente quand "elle" veut,
et non pas quand "je" veux ; de sorte que c'est falsifier la réalité que de dire : le sujet "je" est la condition du
prédicat "pense". Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement l'antique et fameux "je", voilà
pour nous exprimer avec modération, une simple hypothèse, une assertion, et en tout cas pas une "certitude
immédiate". En définitive, ce "quelque chose pense" affirme déjà trop ; ce "quelque chose" contient déjà une
interprétation du processus et n'appartient pas au processus lui-même. En cette matière, nous raisonnons
d'après la routine grammaticale : "Penser est une action, toute action suppose un sujet qui l'accomplit, par
conséquent…" C'est en se conformant à peu près au même schéma que l'atomisme ancien s'efforça de rattacher
à l'"énergie" qui agit une particule de matière qu'elle tenait pour son siège et son origine, l'atome. Des esprits plus
rigoureux nous ont enfin appris à nous passer de ce reliquat de matière, et peut-être un jour les logiciens
s'habitueront-ils eux aussi à se passer de ce "quelque chose", auquel s'est réduit le respectable "je" du passé."
(Par delà bien et mal, §17)
Comprendre : "alle langen Dinge sind schwer zu sehn, zu übersehn." "Tout ce qui est long est difficile à voir, à
embrasser du regard." (Généalogie… I, 8) "Pourquoi j'en sais un peu plus long que les autres ? Pourquoi, plus
généralement, j'en sais si long ? Je n'ai jamais réfléchi aux questions qui n'en sont pas, je ne me suis pas
gaspillé " (Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?"§1)
Cuisine : "La meilleure cuisine est celle du Piémont. " (…) "Encore quelques préceptes tirés de ma morale. Un
repas copieux est plus facile à digérer qu'un repas léger. Il faut que tout l'estomac travaille pour que la digestion
se fasse bien, on doit connaître la dimension de son estomac. Pour la même raison il faut déconseiller ces
interminables ripailles, ces suicides écourtés que l'on célèbre à table d'hôte. Rien entre les repas, pas de café : il
altère. Le thé n'est bon que le matin. Buvez-en peu, mais prenez-le fort : pour peu qu'il soit trop faible il vous fait
du mal et vous indispose pour la journée. Le degré de concentration à choisir dépend du tempérament de
chacun, il est souvent très délicat à déterminer. Dans un climat énervant le thé est mauvais à jeun : il faut le faire
précéder une heure avant d'une tasse de cacao épais et déshuilé. - Rester assis le moins possible ; ne se fier à
aucune idée qui ne soit venue en plein air pendant la marche et ne fasse partie de la fête des muscles. Tous les
préjugés viennent de l'intestin. Le cul de plomb, je le répète, c'est le vrai pêché contre l'Esprit." (Ecce Homo,
"Pourquoi j'en sais si long? §1") "Paris, la Provence, Florence, Jérusalem, Athènes, ces noms-là prouvent une
chose : c'est que le génie ne saurait vivre sans un air sec et un ciel pur, c'est-à-dire sans échanges rapides, sans
la possibilité de se ravitailler continuellement en énergie par énormes quantités. " (ibid §2)
Culture : "Au bout du compte c'est toujours à quelques vieux auteurs français que je reviens : je ne crois qu'à la
civilisation française et tiens pour victime d'un malentendu tout ce qui se croit « cultivé » sans elle dans les limites
de l'Europe ; quant à la culture allemande je n'en parle évidemment pas... Les rares esprits vraiment cultivés que
j'aie rencontrés en Allemagne devaient leur mérite à la France" (Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?" §3)
Descartes : "" On pense: donc il y a quelque chose qui pense ": à cela se réduit l'argumentation de Descartes.
Mais c'est là tenir déjà pour " vrai a priori " notre croyance en l'idée de substance. - Dire que, lorsque l'on pense,
il faut qu'il y ait quelque chose " qui pense " c'est simplement la formulation d'une habitude grammaticale qui, à
l'action, ajoute un acteur. Bref, on annonce ici déjà un postulat logico-métaphysique - au lieu de se contenter de
constater... Sur la voie indiquée par Descartes on n'arrive pas à une certitude absolue, mais seulement au fait
d'une croyance très forte.
Si l'on réduit la proposition à ceci: " on pense, donc il y a des pensées ", il en résulte une simple tautologie, et ce
qui entre justement en question, la " réalité de la pensée " n'est pas touchée, - de sorte que, sous cette forme, on
est forcé de reconnaître l'" apparence " de la pensée. Mais ce que voulut Descartes, c'est que la pensée n'eut
pas seulement une réalité apparente, mais qu'elle fut en en soi. " (V.P §260)
Destin : "Notre lointaine et future destinée nous domine, même si nos yeux ne la discernent point, longtemps,
tout évènement est pour nous une énigme. Le choix des hommes et des choses, la sélection des circonstances,
l'élimination de ce qui nous est le plus agréable, voire le plus révéré, tout cela nous effraie comme si c'était un
hasard, un caprice parfois quelque peu volcanique qui parlait à travers nous ; mais c'est la sagesse supérieure
de notre destinée future qui s'exprime ainsi. Dans l'avenir, il se peut que toute notre histoire apparaisse comme la
coopération du hasard et de l'absurde ; si je regarde en arrière, je n'aperçois plus, pour ma part, rien de l'un ni de
l'autre dans ma vie." (Volonté de Puissance, § 308) "Voici venir, inéluctable, hésitante, redoutable comme le
destin, la grande tâche qui est aussi la grande question : comment la terre peut-elle être régie en totalité? et
"pour quelles fins l'homme, dans sa totalité- et non plus tel peuple ou telle race-, doit il être élevé et dressé" (V.P
t. II §11) "Ancien Testament "Subjicite eam, assujettissez-la (à savoir la Terre). Nietzsche considère que l'on est
arrivé à cette subjection de la Terre, mais il voit que l'homme est totalement impréparé à sa tâche de domination.
Et c'est cette "impréparation" de l'homme qui constitue pour lui le tragique de notre temps." (J. Beaufret, Leçons
de Philosophie, t. II chap.4, p.233) "L'âge tragique de l'Europe, c'est le retard de l'homme sur son propre destin.
<"Le sentiment des valeurs est toujours retardataire. Il exprime les conditions nécessaires à la conservation et à
la croissance d'une époque bien antérieure ; il est en lutte contre de nouvelles conditions d'existence d'où il ne
tire pas son origine et qu'il mésentend nécessairement : il freine, il éveille le soupçon contre tout ce qui est
neuf."> <V.P, t. II, §270> (ibid supra p.233) "Ce qui met la pensée de Nietzsche en mouvement : (...) 1°) la
domination de la Terre est sur le point d'échoir aux hommes ; 2°) "Manque total d principes pour
cela."(Beaufret... ibid supra p.235) "De l'origine de la tragédie à l'invention d'un "nouveau monde", voilà le
parcours de la philosophie de Nietzsche" (Beaufret... ibid p.237)
Destruction : "Toutes les grandes choses périssent par elles-mêmes, par un acte d'autodestruction : ainsi le
veut la loi de la vie, la loi de la nécessaire "victoire sur soi" appartenant à l'essence de la vie, -toujours le
législateur finit lui-même par entendre l'arrêt : "patere legem, quam ipse tulisti" <il te faut subir la loi que tu as toimême proposé>. C'est ainsi que le christianisme en tant que dogme a été ruiné par sa propre morale."
(Généalogie… III, 24)
Dette : "Le sentiment de la dette envers la divinité n'a pas cessé de croître des millénaires durant et cela à
proportion que le concept de Dieu et le sentiment de la divinité ont pris de l'importance et ont été exaltés sur
terre." "L'avènement du Dieu chrétien, le plus haut degré de divinité atteint jusqu'ici, a porté aussi à son plus haut
degré le sentiment de la dette sur terre." (Dieu = notre créancier) (Généalogie… II, 20)
Dieu : "C'est la partie de son corps qui est au-dessous de sa ceinture qui fait que l'homme ne se prend pas si
facilement pour un dieu." (Par delà bien et mal, §141) "C'est de théologie que Dieu est mort étouffé." (Die
Unschuld des Werdens, Ed. Kröner, t.II, n°948, p.337) Qu'est-ce ici que "théologie"? Peut-être "du platonisme
à l'usage du peuple." / "« Dieu », « immortalité de l'âme », « rédemption », « délivrance », autant d'idées
auxquelles je n'ai jamais consacré ni mon attention, ni mon temps, même dans ma tendre jeunesse, - je n'ai
peut-être jamais été assez enfant pour le faire ? - Je ne saurais voir dans l'athéisme un résultat, un événement : il
est chez moi instinct naturel. Je suis trop curieux, trop sceptique, trop hautain pour accepter une réponse
grossière. Dieu est une réponse grossière, une goujaterie à l'égard du penseur ; ce n'est même, au fond, qu'une
grossière interdiction à notre endroit : Défense de penser... Il est une question bien plus intéressante dont le «
salut de l'homme » dépend beaucoup plus que de toutes les curiosités des théologiens : celle de l'alimentation.
On peut pour l'usage courant, la formuler de la façon suivante « Comment faut-il que je me nourrisse, moi
particulièrement, pour atteindre à mon maximum de force, de virtù au sens de la Renaissance, de vertu sans
moraline ? » " (Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?", §1)
Droit : "Parler de justice et d'injustice en soi n'a pas de sens, en soi l'infraction, la violation, l'exploitation, la
destruction ne peuvent évidemment pas être "injustes", puisque la vie procède essentiellement, c'est-à-dire dans
ses fonctions élémentaires, par infraction, violation, exploitation, destruction, et qu'elle ne peut être pensée sans
cela. Il faut même s'avouer quelque chose de plus grave : du point de vue biologique le plus élevé, le droit ne
peut être qu'un état d'exception, une restriction partielle de la volonté de vie proprement dite, laquelle vise la
puissance, et il ne peut que se subordonner au but général de cette volonté de vie, comme l'un de ses moyens
particuliers, à savoir comme moyen de créer des unités de puissance plus grandes. Un ordre juridique souverain
et universel, conçu non pas comme instrument de lutte entre des complexes de puissance, mais comme arme
contre toute lutte, répondant à peu près au cliché communiste de Dühring, selon lequel toute volonté devrait
considérer toute autre volonté comme égale, cet ordre serait un principe hostile à la vie, un agent de destruction
et de dissolution de l'homme, un attentat à l'avenir de l'homme, un symptôme de fatigue, un chemin détourné
vers le néant…" (Génalogie, II, 11)
Ennui : "Pour le penseur comme pour tous les esprits sensibles l'ennui est ce désagréable "calme plat de l'âme"
qui précède l'heureuse navigation et les vents joyeux : il faut qu'il le supporte, qu'il en attende l'effet ; -c'est
précisément ce que les natures faibles ne peuvent absolument pas obtenir d'elles-mêmes! Chasser l'ennui de soi
par n'importe quel moyen est aussi vulgaire que le fait de travailler sans plaisir." (Gai Savoir, folio p.84)
Etat : "J'ai employé le mot "Etat" : ce qu'il faut entendre par là va de soi –une horde quelconque de bêtes de
proies blondes, une race de maîtres et de conquérants, qui, dotée d'une organisation guerrière et ayant la force
d'organiser, pose sans hésiter ses formidables griffes sur une population peut être infiniment supérieure en
nombre, mais encore inorganisée et errante. Voilà le commencement de l'"Etat" sur terre : on s'est débarassé, je
pense, de la rêverie qui le faisait commencer par un "contrat"." (Généalogie… II, 17)
Faute : "Pour inspirer de la confiance dans sa promesse de rembourser, pour donner une garantie du sérieux et
du caractère sacré de sa promesse, pour graver dans sa mémoire le devoir de rembourser, le débiteur, en vertu
d'un contrat, donne en gage au créancier, pour le cas où il ne payerait pas, un bien qu'il "possède", dont il
dispose encore, par exemple son corps ou sa femme ou sa liberté ou même sa vie (ou sous certaines conditions
religieuses déterminées, sa félicité, le salut de son âme, et jusqu'à son repos dans le tombe : ainsi en Egypte où
le créancier ne laissait en repos pas même dans la tombe le cadavre de son débiteur (…) )" "On établit une
équivalence en substituant à l'avantage qui compenserait directement le dommage (donc à sa compensation en
argent, en terre, ou en un bien quelconque) une sorte de satisfaction qu'on accorde au créancier pour le
rembourser et le dédommager, -satisfaction de pouvoir exercer sans retenue sa puissance sur un impuissant,
volupté "de faire mal pour le plaisir de le faire." "La compensation représente donc une invitation et un droit à la
cruauté" (Généalogie… II, 5) "…comment la souffrance peut-elle être une compensation pour des "dettes"?
Parce que faire souffrir donnait un très grand plaisir et que celui qui avait subi le dommage et ses désagréments
obtenait en échange une extraordinaire contre jouissance : faire souffrir" "Sans cruauté, pas de fête" (ibid II, 6)
"Dans cette disertation, comme on le voit, je pars d'une hypothèse –qu'il est inutile de justifier, et égard au genre
de lecteur dont j'ai besoin –savoir que la "disposition au péché" n'est pas chez l'homme un état de fait, mais
l'interprétation d'un état de fait, c'est-à-dire un trouble physiologique lui-même considéré dans une perspective
morale religieuse qui pour nous n'a plus de valeur impérative -. Se sentir "coupable", se sentir "pêcheur" ne
prouve nullement qu'on ait raison de se sentir tel ; pas plus que se sentir en bonne santé ne prouve qu'on est en
bonne santé." (Généalogie… III, 16)
Femme : "Puis-je affirmer, en passant, que je connais bien les femmes ? Cela fait partie de mon patrimoine
dionysiaque. Qui sait ? Peut-être suis-je le premier psychologue de l'éternel féminin. Elles m'aiment toutes, c'est
une vieille histoire, excepté les catastrophées, les « émancipées », celles qui manquent d'étoffe pour faire des
enfants. Je ne suis pas disposé, heureusement, à me laisser mettre en morceaux : car la femme parfaitement
femme déchire toujours ce qu'elle aime... Je connais bien ces aimables Furies... Quels dangereux et rampants et
infernaux petits rapaces ! Et si agréables, en même temps !... Une petite femme à la poursuite de sa vengeance
bousculerait le destin lui-même ! La femme est infiniment plus méchante que l'homme, et plus intelligente aussi ;
la bonté est presque chez elle une forme de dégénérescence... Chez presque toutes celles qu'on appelle de «
belles âmes » il y a au fond quelque malaise physiologique, - je m'arrête pour ne pas devenir médicynique.
Quand elles luttent pour conquérir des droits égaux à ceux de l'homme c'est un symptôme de maladie : nul
médecin ne l'ignore. La femme vraiment femme repousse, au contraire, des pieds et des poings. toute espèce de
« droits » : l'état de nature, l'incessante guerre des sexes lui assure facilement la suprématie." (Ecce Homo,
"Pourquoi j'écris de si bons livres?" §5)
Force : "il n'existe pas d'"être" au-dessous de l'action, de l'effet, du devenir; l'"agent" n'est qu'ajouté à l'action, l'action est tout." (Généalogie… I, 13)
Généalogie de la morale : "comment est venue cette "autre affaire lugubre", le sentiment de culpabilitité, toute
la "mauvaise conscience"?"(…) "Ces généalogistes de la morale ont-ils jamais entrevu jusqu'ici, ne serait-ce que
vaguement, que le concept de "Schuld" [faute] par exemple, concept fondamental de la morale, remonte au
concept très matériel de "Schulden" [dettes]"(Généalogie… II, 4) "…la marque distinctive la plus claire des âmes
modernes, des livres modernes, ce n'est pas le mensonge, c'est l'innocence invétérée de leur fausseté
moralisatrice. Devoir partout découvrir à nouveau cette "innocence" – c'est là peut-être la part la plus rebutante
de notre travail, de ce travail qui n'est pas dans l'ensemble sans comporter des risques, et auquel un
psychologue ne peut aujourd'hui se dérober ; c'est un aspect du grand danger qui nous menace, -le chemin qui
nous conduit peut-être au grand dégoût…" un peu plus loin Nietzsche qualifie le but "de tous les livres modernes"
de "vomitif". (Généalogie… III, 19) "Cette vérité, dans la première dissertation, porte sur la psychologie, du
christianisme : elle dit qu'il tire son origine de l'esprit de ressentiment, et non pas, comme on se le figure, de
l'esprit tout court, qu'il représente foncièrement une réaction, une grande insurrection contre le règne des valeurs
nobles. La deuxième dissertation donne la psychologie de la conscience qui n'est pas, comme on se l'imagine, «
la voix de Dieu parlant en nous », mais l'instinct de la cruauté qui se retourne vers l'intérieur quand il ne peut
exploser au-dehors. La cruauté présente ici pour la première fois comme l'un des fondements les plus anciens et
les plus nécessaires de la civilisation. La troisième dissertation explique comment l'idéal ascétique a pu devenir si
formidablement puissant, bien que nocif au premier chef puisqu'il est un vouloir-mourir, un idéal-de décadence.
Explication : ce n'est pas parce que Dieu se tient derrière les prêtres, comme on pourrait le croire, mais faute de
mieux, parce que jusqu'ici il a été le seul idéal, parce qu'il est resté sans concurrence. « Car l'homme aime mieux
vouloir le néant que ne rien vouloir »... " (Ecce Homo, Pourquoi j'écris de si bons livres? "La généalogie de
la morale")
Guerre : "Ma façon de pratiquer la guerre peut se résumer en quatre points. Premièrement : je n'attaque qu'un
adversaire victorieux, et au besoin j'attends qu'il le devienne. Secondement : je n'attaque jamais que quand je
suis sûr de ne pas trouver d'alliés, quand je suis isolé, seul à me compromettre... Je n'ai jamais fait en public un
pas qui ne m'ait compromis c'est mon critérium du bien faire. Troisièmement je n'attaque jamais de personnes, je
ne me sers d'elles que comme de loupes pour rendre visibles les calamités publiques latentes et insaisissables.
C'est ainsi que j'ai attaqué David Strauss, ou, pour parler plus exactement, le succès d'une oeuvre sénile auprès
des Allemands « cultivés » ; c'était pour prendre cette culture en flagrant délit... Et c'est encore ainsi que j'ai
attaqué Wagner, ou, pour m'exprimer plus précisément, la mauvaise conscience d'une « civilisation » dont
l'instinct faussé confondait le raffinement avec la richesse et le faisandé avec la grandeur. Quatrièmement : je
n'attaque qu'en l'absence de tout différend personnel, quand le tournoi ne couronne pas une série de mauvais
procédés. Car attaquer est, au contraire, de ma part, une preuve de bienveillance, et de gratitude parfois. En liant
mon nom à celui d'une cause ou d'une personne, - pour ou contre, ici c'est tout comme, - je lui fais honneur et je
la distingue. Si je combats le christianisme c'est que j'en ai le droit parce qu'il ne m'a jamais causé de
désagréments ni de gêne : les chrétiens les plus sérieux m'ont toujours voulu du bien. Et moi-même, ennemi
décidé de leur doctrine, je suis bien éloigné pourtant d'en vouloir aux particuliers d'une fatalité que leur imposent
des siècles. " (Ecce Homo, "Pourquoi je suis si sage?", §7)
Homme aristocratique : "…conçoit d'abord et spontanément, c'est-à-dire à partir de lui-même, le principe de
"bon" pour se faire seulement ensuite une idée de "mauvais"! Quelle différence entre ce "mauvais" d'origine
aristocratique et ce "méchant" brassé dans la cuve d'une haine inassouvie –le premier une création seconde, un
accessoire, une couleur complémentaire, le second, au contraire, l'original, le commencement, l'acte véritable
dans la conception d'une morale des esclaves." (Généalogie… I, 11)
Homme malade : "Car l'homme est plus malade, plus incertain, plus changeant, plus indéterminé que tout autre
animal, point de doute, -il est l'"animal malade : pourquoi cela? Assurément, plus que tous les autres animaux
réunis, il a aussi osé, innové, fait front, défié le destin : lui, le grand expérimentateur de lui-même, l'insatisfait, le
non-rassasié, qui lutte avec les animaux, la nature et les dieux pour la suprême domination ; lui, que l'on a
toujours pas dompté, qui est éternellement à venir ; lui, que l'impétuosité de ses propres désirs ne laisse pas en
repos, déchiré qu'il est par son propre avenir, impitoyable éperon dans la chair de tout présent : -comment un
animal si courageux et si riche ne saurait-il pas aussi l'animal le plus exposé, le plus sujet aux longues et graves
maladies parmis tous les animaux malades?…" (Généalogie… III, 13)
Idéal : "le fait que l'idéal ascétique ait tant signifié pour l'homme, voilà qui exprime le trait fondamental de la
volonté humaine, son horror vacui : elle a besoin d'un but, -et plutôt que de ne rien vouloir, elle veut le rien."
(Généalogie… III, 1) "Le prêtre ascétique est le désir incarné du vivre autrement, du vivre ailleurs, il est le
suprême degré de ce désir, sa ferveur et sa passion véritable." (Généalogie… III, 13) "c'est ce que signifie l'idéal
ascétique : il voulait dire que quelque chose manquait, qu'une immense lacune enveloppait l'homme, -incapable
de se justifier, de s'expliquer, de s'affirmer, il souffrait du problème de son sens. Il souffrait aussi d'autres choses,
il était pour l'essentiel un animal maladif : mais son problème n'était pas la souffrance en elle-même, c'était
l'absence de réponse au cri dont il interrogeait : "pourquoi souffrir?" " (…) "le non-sens de la souffrance, et non la
souffrance, est la malédiction qui a pesé jusqu'à présent sur l'humanité, -et l'idéal ascétique lui donnait un sens! "
(…) "En lui la souffrance était interprétée; l'immense vide semblait comblé; la porte se fermait devant le nihilisme
et son suicide. Sans aucun doute, l'interprétation entraînait une nouvelle souffrance, une souffrance plus
profonde, plus intime, plus venimeuse, plus dévorante : elle plaçait toute souffrance dans la perspective de la
faute…Mais malgré tout –l'homme ainsi était sauvé, il avait un sens, il cessait d'être comme une feuille dans le
vent, jouet de l'absurde, de la privation de sens, il pouvait désormais vouloir quelque chose, -et ce qu'il voulait,
pourquoi et par quoi il le voulait importe peu : la volonté elle-même était sauvée" (…) "…tout cela signifie, osons
le comprendre, une volonté de néant, une aversion de la vie, une révolte contre les conditions fondamentales de
la vie, mais cela est et demeure une volonté!… Et pour répéter à la fin ce que j'ai dit au début : l'homme aime
mieux vouloir le néant que ne pas vouloir…" (Généalogie… III, 28, fin) "La réapparition constante de ces
doctrinaires de la finalité de l'existence n'en a pas moins eu pour effet de modifier la nature humaine –cette
nature a désormais un besoin de plus, précisément le besoin de la constante réapparition de pareils doctrinaires,
de pareilles doctrines de la finalité. L'homme est devenu peu à peu un animal fantasque, lequel, plus que tout
autre animal, se trouve devoir satisfaire à une nécessité vitale : il faut que de temps en temps l'homme croie
savoir pourquoi il existe, son espèce ne saurait prospérer sans une confiance périodique dans la vie." (Gai
Savoir Folio, pp.51-52)
Lecture : "Evidemment, pour pouvoir pratiquer la lecture comme un art, une chose avant toute autre est
nécessaire, que l'on a parfaitement oubliée de nos jours –il se passera donc encore du temps avant que mes
écrits soient "lisibles"-, une chose qui nous demanderait presque d'être de la race bovine et certainement pas un
"homme moderne", je veux dire : savoir ruminer…" (Généalogie… Avant propos, 8) "Dans les moments où je
travaille beaucoup on ne voit pas de livres chez moi : je me garderais bien de laisser parler ou seulement penser
quelqu'un dans mon voisinage... " (Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?"§3) "Une autre mesure de
sagesse et de tactique défensive consiste à réagir le plus rarement possible, à se soustraire aux situations, aux
conditions qui vous condamneraient à suspendre en quelque sorte votre initiative et votre « liberté » pour devenir
un simple réactif. Je prends comme terme de comparaison nos rapports avec les livres. Le savant, qui ne fait
plus au fond que « déplacer » des livres - deux cents par jour pour un philologue de dispositions moyennes finit
par perdre radicalement la faculté de penser par lui-même. S'il ne remue plus de livres il cesse de penser. Il
répond simplement à une excitation, à une idée qu'il a lue, et finit par se contenter de réagir. Le savant dépense
toute sa force à approuver et à contredire, à critiquer du déjà pensé, lui-même ne pense plus du tout... Son
instinct de défense s'est usé, autrement il se garderait des livres. Le savant est un décadent. J'ai vu de mes yeux
des natures riches, douées et nées pour la liberté, ruinées dès la trentaine par la lecture et réduites pour jamais
au simple rôle d'allumettes qu'il faut frotter pour leur faire donner des étincelles, des « pensées ». Lire un livre de
bon matin, au lever du jour, en pleine fraîcheur d'esprit, en pleine aurore de la force, j'appelle cela du vice !"
(Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?"§8)
Mariage : "Quel grand philosophe a été marié? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant,
Schopenhaeur ne l'étaient pas; bien plus, on ne peut même pas les imaginer mariés. Un philosophe marié est à
sa place dans la comédie, voilà ma thèse : et Socrate, qui fait exception, ce malicieux Socrate s'est sans doute
marié ironice, précisément pour démontrer la vérité de cette thèse." (Généalogie… III, 7)
Matérialisme : "Cette conception n'empêche aucunement, soit dit entre nous, de rester l'adversaire le plus
intransigeant de tout matérialisme…]" (Généalogie… III, 7)
Mauvaise conscience (Schlechtes Gewissen): "La mauvaise conscience est à mes yeux une maladie grave,
suite inévitable de la presssion qu'a exercée sur l'homme le changement le plus profond de tous ceux qu'il ait
jamais vécus, -ce changement qui s'est produit lorsque l'homme s'est vu pris dans la contrainte de la société et
de la paix." (…) "Ces remparts terrifiants que l'Etat érigea pour se défendre contre les vieux instincts de liberté –
les châtiments y appartiennent éminemment –réussirent à retourner tous ces instincts de l'homme nomade,
sauvage et libre, et à les retourner contre l'homme lui-même. L'inimitié, la cruauté, le plaisir de persécuter,
d'attaquer, de transformer, de détruire –tout cela tourné contre les possesseurs dotés de tels instincts : voilà
l'origine de la "mauvaise conscience"."(Généalogie… II, 16)
Métaphysique : "C'est encore et toujours sur une croyance métaphysique que repose notre croyance en la
science, -nous autres qui cherchons aujourd'hui la connaissance, nous autres sans dieu et antimétaphysiciens,
nous puisons encore notre feu à l'incendie qu'une croyance millénaire a enflammé, cette croyance chrétienne qui
était aussi celle de Platon, que Dieu est la vérité, que la vérité est divine… Mais quoi, si cela même se discrédite
de plus en plus, si rien ne se révèle plus comme divin, sinon l'erreur, l'aveuglement, le mensonge, -si Dieu même
se révèle comme notre plus durable mensonge?"" (Généalogie… III, 24) «Un désavantage essentiel qu’emporte
avec soi la disparition de vues métaphysiques consiste en ce que l’individu restreint trop son regard à sa courte
existence et ne ressent plus de fortes impulsions à travailler à des institutions durables, établies pour des
siècles ; il veut cueillir lui-même les fruits de l’arbre qu’il plante, et partant il ne plante plus ces arbres qui exigent
un soin régulier durant des siècles et qui sont destinés à couvrir de leur ombre de longues suites de générations.
(Humain, trop Humain, §22)
Morale : "...envisager la morale elle-même comme un symptôme de décadence, c'est une innovation, une
singularité de premier ordre dans l'histoire de la connaissance." (Ecce Homo, "Pourquoi j'écris de si bons
livres?" "La naissance de la tragédie §2) "Zarathoustra a été le premier à voir dans le combat du bien et du
mal la vraie roue du train des choses ; c'est lui qui a transposé la morale sur le plan métaphysique, comme force,
cause, fin en soi. Mais la question comporte déjà sa réponse. Zarathoustra a créé cette fatale erreur : la morale :
il doit donc être le premier à le reconnaître. Non seulement parce qu'il dispose ici d'une expérience plus longue et
plus complète que celle de tout autre penseur - l'histoire n'est d'un bout à l'autre que la réfutation expérimentale
du principe dit de « l'ordre moral », - mais surtout parce que Zarathoustra est plus sincère que tout autre penseur.
Sa doctrine, et sa doctrine seule, a pour suprême vertu la sincérité, c'est-à-dire le contraire de la lâcheté des «
idéalistes » qui prennent la fuite devant le réel ; Zarathoustra a plus de courage que tous les penseurs réunis."
(Ibid, Pourquoi je suis une fatalité? §3) "L'expérience que m'ont donnée mes longues pérégrinations dans ces
domaines interdits m'a appris à considérer autrement qu'on ne le souhaiterait les raisons qui ont poussé jusqu'à
nos jours à moraliser et idéaliser : j'ai vu s'éclairer l'histoire secrète des philosophes et la psychologie de leurs
grands noms. Combien un esprit supporte-t-il de vérité, combien en ose-t-il ? Voilà le critérium qui m'a servi de
plus en plus pour mesurer exactement les valeurs. L'erreur (la foi dans l'idéal), l'erreur n'est pas un aveuglement,
l'erreur est une lâcheté. " (Ecce Homo, Préface, §3)
Morale : "Cette morale de la pitié qui gagnait de plus en plus, contaminant même les philosophes et les rendant
malades, était à mes yeux le symptôme le plus inquiétant de notre civilisation européenne, elle-même devenue
inquiétante : un détour aboutissant peut-être à un nouveau bouddhisme? à un bouddhisme européen? au –
nihilisme? " (Généalogie… Avant propos, 5) Connaître l'origine de la morale pour en connaître la valeur. "Et s'il
y avait chez le "bon" aussi un symptôme de régression de même qu'un danger, une séduction, un poison, un
narcotique, qui permettrait au présent de vivre en quelque sorte aux dépens de l'avenir, peut-être avec plus de
confort, moins de risques, mais aussi dans un style plus mesquin, plus bas?… De sorte que ce serait le faute de
la morale si l'espèce humaine n'atteint jamais le plus haut degré de puissance et de splendeur auquel elle puisse
prétendre? De sorte que la morale serait le danger des dangers?…" (ibid 6) "Il n'existe pas de phénomènes
moraux, mais seulement une interprétation morale des phénomènes." <"Es giebt gar keine moralischen Phänomene,
sondern nur eine moralische Ausdeutung von Phänomenen ....."> (Par delà bien et mal, §108)
Nationalisme : "ce sont encore les Allemands, avec leurs « guerres d'indépendance » qui ont frustré l'Europe de
la signification merveilleuse que recelait l'existence de Napoléon ; ils se sont donc chargé la conscience de tout
ce qui est arrivé depuis, de tout ce qui existe aujourd'hui ; ils sont responsables de cette maladie, de cette
déraison suprêmement anticivilisatrice qu'on appelle le nationalisme, névrose dont souffre l'Europe, et qui
perpétue la monomanie des petits Etats et de la petite politique : ils ont enlevé à l'Europe et son sens et sa raison
: ils l'ont acculée dans une impasse. Qui sait, que moi, comment en sortir ?... Qui sait une tâche assez grande
pour réunir les peuples nouveau ?... " (Ecce Homo, Pourquoi j'écris de si bons livres, Le Cas Wagner §2) "Et
après tout, pourquoi ne pas exprimer mon soupçon ? Les Allemands mettront encore tout en oeuvre dans mon
cas pour faire accoucher d'une souris une destinée formidable. Jusqu'à présent ils n'ont cessé de se
compromettre à mon propos et je doute qu'ils fassent mieux à l'avenir. Ah ! qu'il me serait doux ici d'avoir été
mauvais prophète !... " (Ibid §3)
Nietzsche : "Je ne suis pas un homme, je suis une dynamite. <Ich bin kein Mensch, ich bin Dynamit.> Et je n'ai
rien, en dépit de tout, d'un fondateur de religion ; les religions sont affaires de populace, j'ai besoin de me laver
les mains quand j'ai touché des gens religieux... Je ne veux pas de fidèles » ; je pense que je suis trop impie pour
croire en moi-même ; je ne parle jamais aux masses... " (Ecce Homo, Pourquoi je suis une fatalité? §1)
Nihilisme :
Nihilisme européen : "S'il est des protectrices divines par-delà le bien et le mal, qu'elles me laissent de temps
en temps jeter un regard, un seul regard sur une chose parfaite, entièrement réussie, heureuse, puissante
triomphante, où il y ait encore quelque chose à craindre ! Sur un homme qui justifie l'homme, sur une réussite
humaine qui soit un complément et une délivrance, grâce à laquelle on puisse garder la foi en l'homme!… C'est
ainsi : le rapetissement et le nivellement de l'homme européen sont notre plus grand danger, car ce spectacle
fatigue… Aujourd'hui, nous ne voyons rien qui veuille devenir plus grand, nous pressentons que tout va
s'abaissant toujours, devient plus mince, plus inoffensif, plus prudent, plus médiocre, plus insignifiant, plus
chinois, plus chrétien –l'homme, il n'y a pas de doute, devient toujours "meilleur"… Tel est le funeste destin de
l'Europe –ayant cessé de craindre l'homme, nous avons du même coup cessé de l'aimer, de la vénérer, d'espérer
en lui et même de le vouloir. Désormais le spectacle qu'offre l'homme fatigue –qu'est-ce aujourd'hui que le
nihilisme, sinon cela?… Nous sommes fatigués de l'homme…" (Généalogie… II, 12)
Oubli : "L'oubli n'est pas une simple vis inertiae, comme le croient les esprits superficiels, c'est bien plutôt une
faculté d'inhibition active, une faculté positive, dans toute la force du terme ; grâce à lui toutes nos expériences,
tout ce que nous ne faisons que vivre, qu'absorber, ne devient pas plus conscient, pendant que nous le digérons
(ce qu'on pourrait appeler assimilation psychique) que le processus multiple de la nutrition physique qui est une
assimilation par le corps." " cet animal nécessairement oublieux, pour qui l'oubli représente une force, la
condition d'une santé robuste, a fini par acquérir une faculté contraire, la mémoire (…)" (Généalogie… II, 1)
Pensée : "Il existe probablement une formidable trajectoire, une orbite invisible sur laquelle nos voies et nos buts
différents peuvent être inscrits comme de petites étapes. Elevons-nous jusqu'à cette pensée. Mais notre vie est
trop courte et notre vue trop faible pour que nous puissions être amis autrement qu'au sens où le permet cette
sublime possibilité. Et c'est ainsi que nous voulons croire à notre amitié stellaire, même si nous devons être des
ennemis sur terre." (Gai Savoir, §279 trad. Beaufret?) "Der Denker. - Er ist ein Denker: das heisst, er versteht
sich darauf, die Dinge einfacher zu nehmen, als sie sind." "Le Penseur. C'est un penseur : c'est-à-dire qu'il
s'entend à prendre les choses pour plus simples qu'elles ne le sont. (Gai Savoir § 189) "Pensées et paroles. On
ne peut rendre entièrement en paroles même ses propres pensées." "Gedanken und Worte. - Man kann auch
seine Gedanken nicht ganz in Worten wiedergeben."(Ibid §244)
Philosophie : "On devient d'autant plus philosophe que l'on est musicien." (Le Cas Wagner, §1) "la tâche de la
philosophie est de garder à la pensée sa ligne de faîte à travers les siècles et de maintenir par là l'éternelle
fécondité de ce qui est grand." (V.P, t. II, §665) "Un être nouveau plus haut que nous ne sommes nous-mêmes,
le créer, voilà notre être." (ibid, §300)"
Physiologie : sur un éventuel sous bassement physiologique d'un "sentiment d'inhibition" : cf III, 17 p.320
Prêtres : "Les prêtres, comme on sait, sont les ennemis les plus méchants –et pourquoi donc? Parce qu'ils sont
les plus impuissants. L'impuissance doit naître en eux une haine féroce, monstrueuse, la haine la plus
intellectuelle et la plus venimeuse qui soit. Les plus grands haineux de l'histoire ont toujours été des prêtres, de
même qu'il n'y a pas de haineux plus intelligents qu'eux." (Généalogie… I, 7)
Religion : "alle Religionen sind auf dem untersten Grunde Systeme von Graumsamkeiten" "toutes les religions
sont au plus profond d'elles-mêmes des systèmes de cruautés" (Généalogie… II, 3)
Renversement de la morale "aristocratique" : "Ce sont les Juifs qui, avec une effrayante logique, osèrent
retourner l'équation des valeurs aristocratiques (bon=noble=beau=heureux=aimé des Dieux) et qui ont maintenu
ce retournement avec la tenacité d'une haine sans fond (la haine de l'impuissance), affirmant "les misérables
seuls sont les bons, les pauvres, les impuissants, les hommes bas seuls sont les bons, les souffrants, les
nécessiteux, (…) les seuls bénis des dieux, pour eux seuls il y a une félicité, tandis que vous, les nobles et les
puissants, vous êtes de toute éternité les méchants (…)" (Généalogie… I, 7) "Alors que toute morale
aristocratique naît d'un oui triomphant adressé à soi-même, de prime abord la morale des esclaves dit non à un
"dehors", à un "autre", à un "différent-de-soi-même, et ce est son acte créateur. Cette inversion du regard posant
les valeurs –la nécessité qui pousse à se tourner vers le dehors plutôt que vers soi-même- cela relève justement
du ressentiment : la morale des exclaves a toujours et avant tout besoin pour prendre naissance d'un monde
hostile et extérieur, elle a physiologiquement parlant besoin d'excitations extérieures pour agir –son action est
foncièrement une réaction." (Généalogie… I, 10)
Renversement des valeurs : dans l'antiquité, monde = cosmos (beau) à partir de Platon, le monde est déprécié.
/ "Rien de ce que l'humanité a traité jusqu'à nos jours si gravement ne fait partie de la réalité ; ce ne sont que
chimères, ce ne sont, pour parler plus exactement, que mensonges nés des mauvais instincts de natures
maladives et foncièrement nuisibles : ainsi les notions de « Dieu », d' « âme », de « vertu », de « péché», d' « audelà », de « vie éternelle »... Malheureusement on a voulu chercher en elles la grandeur de la nature humaine,
sa « divinité »...Toutes les questions de politique, d'ordre social, d'éducation ont été faussées dans le germe
parce qu'on a pris pour de grands hommes les plus nuisibles d'entre eux, parce qu'on a enseigné le mépris des «
petites » choses, c'est-à-dire des affaires essentielles de la vie... " (Ecce Homo, "Pourquoi j'en sais si long?",
§10) Le foyer des valeurs "...l'homme, qui, loin d'être remué du dehors par les choses et par leur valeur, est par
lui-même le "remueur magique" (Schelling) des valeurs" (...)" (J. Beaufret, Leçons de Philosophie, t. II chap.4,
p.239)
Responsabilité : "Pendant la plus longue période de l'histoire humaine, on n'a nullement puni parce qu'on tenait
le malfaiteur pour responsable de son action, donc pas du tout en supposant que seul le coupable doit être puni :
-non, comme le font encore aujourd'hui les parents avec leurs enfants, on punissait par colère, du fait qu'on avait
subi un dommage, et on passait sa colère sur l'auteur du dommage" (Généalogie… II, 4)
Science : "Ce qui caractérise notre XIXe siècle, ce n'est pas le triomphe de la science, mais le triomphe de la
méthode scientifique sur la science." (V.P t.II §295) "C'est dans le secteur de la connaissance historique et
physico-mathématique que s'est réfugiée la connaissance absolue." (Beaufret??) "La science n'est encore que
l'ersatz de la religion à l'usage des temps modernes." (J. Beaufret, Leçons de Philosophie, t. II chap.4, p.234)
Science et idéal ascétique : "Science et idéal ascétique –je l'ai déjà donné à entendre –reposent tous deux sur
un seul terrain : sur la même surestimation de la vérité (plus exactement : sur la même croyance au caractère
inestimable et incriticable de la vérité), ils sont donc nécessairement des alliés, de sorte que s'ils doivent être
combattus, on ne peut les combattre, les mettre en question qu'ensemble." (Généalogie… III, 24)
Sens de la vie : "…quel sens aurait toute notre vie, si ce n'est celui-ci, que la volonté de vérité a pris en nous
conscience d'elle-même." (Généalogie… III, 27) "La vie prend fin là où commence le "Royaume de Dieu"
(Götzen-Dämmerung)
Style : "Je tiens encore à dire un mot de mon style. Le but de tout style est de communiquer par des signes, y
compris le rythme de ces signes, un état psychologique, une tension des sentiments ; la multiplicité des états
psychologiques étant chez moi extraordinaire j'ai un grand nombre de styles possibles et je possède l'art du style
le plus varié dont ait jamais disposé un humain. Tout style est bon qui réussit réellement à communiquer un état
psychologique, qui ne se trompe pas dans le choix des signes, dans leur rythme, qui ne fait pas de geste à faux -
les lois de la période ne sont qu'un art des gestes. Mon instinct est infaillible sur ce point." (Ecce Homo,
"Pourquoi j'écris de si bons livres?" §4) "Le grand style, fruit de la grande passion" (V.P, t. II, §443? ce serait
plutôt 471!)
Théorie / pratique : "Théorie et pratique. – Distinction néfaste, comme s'il existait un instinct de connaissance
particulier qui se précipite aveuglément sur la vérité, sans égard aux questions d'utilité et de danger: et, séparé
de cet instinct, tout le monde des intérêts pratiques...
En opposition avec cela je cherche à montrer quels sont les instincts qui se sont mis en activité derrière tous ces
théoriciens purs, - comment, sous l'empire de leurs instincts, ils se sont tous précipités fatalement sur quelque
chose qui, pour eux, était la " vérité ", pour eux et seulement pour eux. La lutte des systèmes, y compris celle des
scrupules de la théorie de la connaissance, est une lutte d'instincts bien définie (les formes de la vitalité, de la
régression, des classes, des races, etc.).
On peut ramener ce que l'on appelle l'instinct de connaissance à un instinct d'assimilation et d'asservissement.
C'est pour obéir à cet instinct que les sens, la mémoire, les impulsions se sont développés. La réduction des
phénomènes aussi rapide que possible, l'économie, l'accumulation du trésor acquis sur le domaine de la
connaissance (c'est-à-dire du monde approprié et rendu maniable)... " (V.P §168)
Übermensch (Surhomme) : "Le mot « Surhomme » dont j'usais pour désigner un type d'une perfection absolue,
par opposition aux hommes « modernes », aux « braves » gens, aux chrétiens et autres nihilistes, et qui, dans la
bouche d'un Zarathoustra, devait donner à réfléchir, ce mot a presque toujours été employé avec une candeur
parfaite au profit des valeurs dont le personnage de Zarathoustra illustre l'opposé, pour désigner le type «
idéaliste » d'une race supérieure d'hommes, moitié « saints », moitié « génies »... à son sujet, d'autres ânes
savants m'ont soupçonné de darwinisme ; on a même voulu retrouver à l'origine de ma création le « culte des
héros » de Carlyle, « ce faux monnayeur inconscient », alors que j'avais pris un malin plaisir à n'en pas tenir
compte." (Ecce Homo, "Pourquoi j'écris de si bons livres?" §1) "Le surhomme, c'est l'homme même en tant
que correspondant aux "nouvelles conditions d'existence" qui constituent à notre insu la "gigantesque évolution""
(Ibid pp. 237-238)
Valeur : "Pour Nietzsche, être = valoir; "C'est" (es ist), maintenant cela se dit : "ça vaut" (es gibt). "Valeur" est le
nom Nietzschéen de l'être, où plutôt de la façon dont l'être apparaît : il n'apparaît que dans l'horizon de la valeur."
(J. Beaufret, Leçons de Philosophie, t. II chap.4, p.241) "Tout ce qui a quelque valeur dans le monde actuel,
ne l'a pas en-soi, ne l'a pas de sa nature –la nature est toujours sans valeur- mais a reçu un jour de la valeur, tel
un don, et nous autres nous en étions les donateurs! C'est nous qui avons créé le monde qui concerne l'homme"
(Gai Savoir, §301) "La nécessité des valeurs fausses. - On peut réfuter un jugement en démontrant qu'il est
conditionné: mais par là la nécessité de l'émettre n'est pas supprimée. Les valeurs erronées ne peuvent être
exterminées par le raisonnement: tout aussi peu qu'une optique fausse dans les yeux d'un malade. Il faut
comprendre la nécessité de leur présence: elles sont la conséquence de causes qui n'ont rien à voir avec des
raisons. " (V.P §174)
Vérité : "Ce que mon titre appelle idoles « c'est tout simplement ce qu'on avait appelé jusqu'ici « vérité ». Le
Crépuscule des Idoles cela veut dire en bon allemand la liquidation des vieilles vérités... " (Ecce Homo,
Pourquoi j'écris de si bons livres, Le Crépuscule des idoles §1) "Mais terrible est ma vérité : car jusqu'ici
c'est le seul mensonge qui a reçu ce nom. Renversement général des valeurs c'est la formule que j'emploie pour
désigner l'acte par lequel l'humanité s'avise suprêmement d'elle-même ; chez moi cet acte est devenu chair et
génie. "(Ibid, Pourquoi je suis une fatalité? §1)
Volonté de puissance : "… le fait de devenir parfaitement inutile, de dépérir et dégénérer, de perdre sens et
utilité, bref de mourir, cela aussi appartient aux conditions d'un progrès véritable : lequel prend toujours forme de
volonté et de voie vers plus de puissance et s'accomplit toujours aux dépens d'un grand nombre de puissance
mineures. L'importance d'un "progrès" se mesure même à la quantité des choses qu'il aura fallu lui sacrifier ;
l'humanité dans sa quantité sacrifiée au profit d'une seule espèce d'homme plus forts –voilà qui serait un
progrès…" (…) "…on met au premier plan l'"adaptation", c'est-à-dire une activité secondaire, une simple
réactivité, on en vient à définir la vie même comme une adaptation interne, toujours plus adéquate, à des
circonstances extérieures (Herbert Spencer). C'est ainsi que l'on méconnaît la nature de la vie, sa volonté de
puissance; c'est ainsi que l'on perd de vue la préséance fondamentale des forces spontanées, agressives,
conquérantes, capables de donner lieu à de nouvelles interprétations, de nouvelles directions et de nouvelles
formes, et à l'influence desquelles l'"adaptation" est soumise; c'est ainsi que l'on nie le rôle souverain que jouent
dans l'organisme les fonctions suprêmes, celles où la volonté de vie se manifeste de façon active et formatrice."
(Généalogie… II, 12) "La volonté de puissance est l'essence la plus intime de l'être." ( V.P, Traf Bianquis,
Gallimard, 1958, t.II §407)
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