The tensions between EC Competition Law and regulations

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Les tensions entre le droit communautaire de la concurrence et la réglementation
relative aux professions libérales
M. Rüdiger Dohms, chef d'unité adjoint à la direction D de la direction générale de la
concurrence de la Commission européenne, présente, sous forme de diapositives, un exposé
(ci-joint) sur l'amélioration de la réglementation dans le domaine des professions libérales. Il
indique que l'approche de la Commission ne vise pas à tout bouleverser mais à amorcer un
processus graduel. L'essentiel des mesures doivent relever de l'échelon national. Il s'élève
contre les fausses dichotomies entre les critères économiques et juridiques et les valeurs ou
caractéristiques économiques et non économiques. Il précise que les analyses de la
Commission ne portent pas sur ces différents éléments mais qu'elles s'attachent à adopter une
vision globale tenant compte également de la législation en matière de concurrence.
Il renvoie à l'agenda de Lisbonne et explique que les services professionnels représentent
2,6 % du PIB de l'UE et atteignent 9 % dans un seul État membre, en l'occurrence
l'Allemagne. Il souligne que l'amélioration de la législation est un volet important de l'agenda
de Lisbonne. Bien que certains observateurs critiques reprochent à la DG Concurrence de ne
pas avoir suffisamment d'éléments de nature économique pour étayer son action, il affirme
qu'un faible niveau de réglementation est favorable aux entreprises. Il cite en exemple le cas
d'États membres dont le secteur des services est faiblement réglementé et des changements
introduits par certains pays dans leur secteur des services de rédaction d'actes de transfert de
propriété. Il convient que, si naturellement une certaine réglementation des professions
libérales s'impose, une meilleure réglementation est bien l'élément déterminant, sachant que
l'enjeu est de déterminer le niveau de réglementation adéquate. La méthodologie tient pour
l'essentiel à la proportionnalité, c'est-à-dire au fait que la réglementation prend en compte les
objectifs fixés dans l'intérêt général, qu'elle est objectivement appropriée et qu'elle entrave le
moins possible la liberté des marchés et de la concurrence.
La méthode de la Commission s'est articulée autour d'une double démarche:
(1) Promotion d'une évolution volontaire – la Commission a invité les régulateurs
nationaux et les instances professionnelles à revoir leurs règles à la lumière du
principe de proportionnalité. La DG Concurrence n'a aucunement l'intention de
proposer à l'échelon communautaire des actes législatifs tels que le projet de directive
sur les services élaboré par la DG Marché intérieur. Des avancées ont été enregistrées
dans ce domaine, comme en atteste le rapport de la Commission de septembre 2005.
L'ensemble des autorités compétentes préconisent désormais une telle évolution et
tendent de plus en plus à étendre leurs activités aux professions libérales.
(2) Application – Elle relève tantôt de la Commission, tantôt de l'autorité nationale
chargée de la concurrence ou encore des tribunaux nationaux.
M. Dohms souligne que sa direction générale ne prend pas parti contre l'autorégulation ou
pour la réglementation par les pouvoirs publics dans ce secteur. Il appartient aux seuls États
membres de trancher cette question, sachant qu'ils doivent exercer un contrôle adéquat de
l'autorégulation afin d'éviter que les résultats contreviennent à la législation communautaire. Il
précise également que sa direction est consciente du rôle majeur des instances
professionnelles, bien que celles-ci doivent veiller à prévenir tout conflit d'intérêt (en
distinguant bien entre leur fonction de représentation et de régulation). Il reconnaît également
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les valeurs essentielles des professions réglementées et rappelle les trois principales raisons à
cette réglementation: l'asymétrie d'informations, les externalités (c'est-à-dire les conséquences
vis-à-vis des tiers) et la défense des biens ou valeurs publics pour la société en général.
Il passe ensuite à la question des tarifs obligatoires qu'il considère comme une restriction
majeure. Ils ne peuvent clairement pas être considérés comme un élément essentiel d'une
profession et sont bien souvent injustifiables, s'agissant par exemple des avocats, pour ce qui
est de l'accès à la justice, du bon fonctionnement de la profession ou de la prévisibilité des
frais à rembourser. L'affaire Wouters a clairement mis en évidence que les professions
libérales ne disposaient d'aucune marge de manœuvre leur permettant de ne pas appliquer la
règle en vigueur la moins restrictive. M. Dohms indique que les tarifs obligatoires applicables
à l'aide juridique peuvent éventuellement déroger à cette règle. Il précise que la grande
majorité des États membres ne fixent pas de tarifs obligatoires et ne s'en portent pas plus mal.
Il revient pour conclure sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE) sur ce sujet.
M. Fritz-Eckehard Kempter, assesseur auprès de la Bundesverband der Freien Berufe
(Union fédérale des professions libérales) et avocat allemand, s'exprime en tant qu'avocat. Son
discours a été transmis à l'avance aux participants et est joint au présent document. Il marque
son désaccord avec M. Dohms sur la question de la proportionnalité. Il estime en effet qu'elle
doit être mise en regard de l'intérêt collectif qui, jusqu'à présent, n'a pas été pris en
considération.
Il fait observer que d'autres pays doivent eux aussi réglementer les professions libérales et que
dans certains d'entre eux, par exemple aux États-Unis et au Canada, les avocats sont soumis à
des règles plus strictes. Il indique que les professions libérales concourent à l'ordre
démocratique et énumère les valeurs essentielles qui caractérisent les avocats: confidentialité,
intégrité, indépendance et un haut niveau de qualification. Il estime que ces valeurs
essentielles n'ont guère été prises en compte dans l'analyse, pour l'essentiel économique,
réalisée par la Commission. Il est naturellement important de procéder à une analyse
économique mais les règles relatives à l'activité des professions libérales garantissent des
normes minimales de confiance des consommateurs.
Il évoque en particulier les barèmes d'honoraires applicables aux avocats. Il explique que,
dans un marché libéralisé, ces derniers encourent des risques spécifiques, ce qui n'est pas le
cas d'autres professions. Ainsi, leurs règles éthiques imposent aux avocats des obligations et
des responsabilités personnelles. Les barèmes permettent aux affaires plus importantes de
financer des affaires qui le sont moins et qu'il ne serait autrement pas rentable de défendre. Un
barème minimal assure la subsistance de l'avocat et compense le risque qu'il encourt quant à
sa responsabilité personnelle. Un autre risque tient au fait que le montant de sa responsabilité
personnelle est indépendant de celui de ses honoraires, si bien que l'avocat pourrait être
amené à répondre d'un montant colossal dans le cadre d'une affaire pour laquelle ses
honoraires sont très modestes. Enfin, les barèmes d'honoraires confèrent une certitude avant la
résolution du litige, ce qui facilite l'accès à la justice et aide les compagnies d'assurance à
régler les affaires.
En tout état de cause, il indique que la réglementation des prix n'est qu'un aspect d'une
problématique nettement plus vaste. La modification des structures de prix aurait des
conséquences sur l'ensemble du cadre réglementaire.
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Il s'inscrit en faux contre l'absence prétendue de concurrence entre les avocats. Les
professions libérales suscitent un vif intérêt et elles se livrent à une forte concurrence pour
attirer vers elles les meilleurs candidats. Il précise que l'Allemagne est en pointe de l'évolution
en matière de services, notamment pour ce qui est des pratiques de constitution en société, et
que les exemples à cet égard sont nombreux.
Les restrictions à l'accès à la profession visent uniquement à garantir le plus haut niveau de
qualification et de formation des avocats, et ce dans l'intérêt des consommateurs.
L'autorégulation, c'est-à-dire être soumis à certaines obligations qui, si elles ne sont pas
respectées, peuvent se traduire par l'exclusion de la profession, est un aspect essentiel du
cadre régissant l'exercice des professions libérales.
Il estime pour conclure que les professions libérales devraient certes être soumises à des
règles de concurrence mais que, au-delà du volet économique, il convient également de
prendre en compte l'aspect éthique du bien commun. Les autorités de la concurrence doivent
faire preuve de prudence afin de ne pas porter atteinte aux éléments positifs du système
actuel.
M. Arno Metzler pose deux questions: quels éléments permettent de conclure qu'une
concurrence accrue contribuerait à régler les problèmes de chômage? Et la déréglementation
des services pourrait-elle conduire à une grave désorganisation des structures et marchés
actuels?
Mme Suzanne Metzler demande que soit déterminée la limite entre réglementation et
surréglementation.
M. Gerhard Ben-Ibler déplore que l'étude IHS soit trop superficielle et estime que ses
conclusions ne devraient pas ouvrir la voie à des mesures économiques. Il considère que, dans
les États où elles sont réglementées, les professions libérales fonctionnent correctement et
demande quand la Commission reconnaîtra les lacunes que présente l'étude IHS.
Les honoraires soulèvent un autre problème. Si la Commission entend véritablement défendre
le bien commun, pourquoi serait-il impossible d'instaurer des honoraires minimaux?
M. Alain Sagne souligne le manque de fiabilité et la faiblesse méthodologique de l'étude IHS.
Il indique que plusieurs directions générales de la Commission en ont néanmoins utilisé les
conclusions. Il doute que l'agenda de Lisbonne soit la panacée et attire l'attention sur l'objectif
de Göteborg d'un développement durable associé à la croissance. Aussi convient-il que la
proportionnalité tienne compte du développement durable et de mesures relatives à la qualité
de la vie.
M. Klaus Woschnak se demande si la Commission n'a d'autre politique que la concurrence.
Il s'enquiert des liens entre concurrence et, par exemple, les politiques en matière de justice,
liberté et sécurité. Il se demande si les politiques sont conçues de manière cohérente et si la
DG Concurrence a tenu compte des autres domaines d'action.
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M. Filip Van Depoele, responsable de la DG Concurrence présent dans l'assistance, demande
à M. Fritz-Eckehard Kempter ce qui peut justifier en Allemagne l'existence de barèmes
d'honoraires obligatoires pour les avocats, sachant que les systèmes juridiques de 21 des
25 États membres de l'Union européenne s'en passent très bien sans que leur fonctionnement
n'en souffre. D'autres pays en dehors de l'Union européenne appliquent-ils des barèmes
obligatoires d'honoraires?
M. Fritz-Eckehard Kempter répète que toute modification des règles en matière
d'honoraires suppose une révision de l'ensemble du cadre réglementaire, par exemple pour ce
qui concerne le principe selon lequel l'intégralité des frais de justice est à la charge de la partie
qui perd son procès ou le montant approprié des honoraires qu'un client à faibles revenus doit
verser à son avocat lorsque ce dernier lui fait gagner en justice une somme considérable. Il
rappelle également que des honoraires obligatoires facilitent l'accès à la justice et contribuent
à une plus grande transparence. Il a le sentiment que l'accès à la justice n'est guère aisé dans
les pays n'appliquant pas d'honoraires obligatoires.
M. Rüdiger Dohms estime quant à lui qu'il est très difficile de chiffrer et d'évaluer la
croissance de l'activité des professions libérales qu'entraînerait une révision du cadre
réglementaire. Il existe des limites aux liens qui peuvent être établis entre des estimations
précises de croissance économique et les effets sur l'emploi de mesures spécifiques de
"re-régulation". La Commission estime évidemment que les clients doivent être en mesure de
choisir librement le professionnel auquel ils s'adressent. S'agissant des avocats, la justice ne se
limite pas à l'accès aux avocats inscrits au barreau mais également à l'accès à des
professionnels disposant d'autres types de compétences juridiques en fonction de la nature et
de la complexité de l'affaire à traiter. La Commission ne souhaite pas que des personnes
incompétentes apportent un conseil juridique et a accepté que, en certaines occasions, seuls
les avocats puissent fournir un conseil ou une assistance juridiques. Il convient qu'un certain
degré de réglementation est indispensable mais dans le respect des règles de la concurrence et
du marché intérieur. Pour ce qui est de la question de la frontière entre surréglementation et
sous-réglementation, il considère que le principe de proportionnalité est précisément le
meilleur moyen de mesurer l'adéquation de la réglementation.
Il indique que l'étude IHS est une vaste étude européenne qui fait ressortir deux aspects:
l'exploitation que l'on peut raisonnablement faire de ce type d'études ainsi que leurs limites
par rapport à des instruments plus spécifiques.
Il rappelle que des barèmes minimaux
artificiellement élevé.
ne doivent pas maintenir les prix à un niveau
Il encourage les professions libérales à évoquer l'amélioration de la réglementation avec leurs
autorités nationales de la concurrence et les régulateurs nationaux.
S'agissant de la cohérence de la politique de la concurrence au sein de la Commission, il
souligne que les rapports 2004 et 2005 de la Commission sont le fruit de consultations interservices internes et qu'ils ont été approuvés par le Collège. La DG Concurrence n'est pas à ses
yeux une entité distincte.
Il revient sur certains des points que M. Kempter a évoqués dans son discours. Il indique qu'il
ne faut pas croire que la Commission entend simplement abaisser les normes, notamment en
matière d'accès à la profession. La Commission ne s'intéresse qu'aux cas de normes d'accès
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trop restrictives. Il estime que les professions libérales devraient se demander si certains
services ne pourraient pas être externalisés, par exemple si le conseil juridique ne pourrait pas,
en certaines circonstances, être fourni par des juristes n'étant pas inscrits au barreau. Les
professions libérales devraient également s'interroger sur le mode de réglementation approprié
s'agissant de la protection des consommateurs, de la liberté de choix du professionnel et du
maintien de normes élevées.
Enfin, pour ce qui est des barèmes obligatoires et de l'argument selon lequel ils sont
nécessaires à un système de mutualisation des frais des affaires, il demande si un cabinet
d'avocats allemand est tenu d'accepter toutes les affaires qui lui sont soumises quelle que soit
leur rentabilité.
M. Fritz-Eckehard Kempter explique qu'il n'y a aucune raison de refuser des affaires. Dans
certains cas, l'avocat n'en tire aucun bénéfice et les gains les plus élevés sont plafonnés.
L'éthique des avocats veut qu'ils portent assistance à toute personne ayant besoin d'aide,
même s'il est avéré qu'elle n'a pas les moyens de payer pour la défense de ses intérêts et si les
sommes en jeu sont très modestes.
M. Rüdiger Dohms doute néanmoins que ces réalités suffisent à justifier une stricte
réglementation des prix, notamment par des barèmes minimaux.
Mme Anne-Marie Sigmund précise que la session va toucher à sa fin. Elle indique que l'étude
IHS n'apparaît pas comme devant tenir lieu de référence bien que tel soit déjà le cas. Il ressort
néanmoins de cette discussion intéressante que certains autres points doivent à l'évidence être
examinés, éventuellement en plus petit comité.
M. Gerhard Ben-Ibler souligne qu'en Allemagne et en Autriche, si une affaire vaut la peine
d'être défendue, il n'y a aucune raison de refuser des clients au motif qu'ils n'ont pas les
moyens. Il n'entend pas renoncer à ce principe éthique pour des raisons mercantiles.
M. Rüdiger Dohms répète que des restrictions excessives, telles que les barèmes
d'honoraires, doivent également faire l'objet d'un examen critique en raison des conséquences
qu'ils provoquent souvent sur l'accès à la justice. La déréglementation pourrait en l'espèce se
traduire par des prix plus bas. Il demande des preuves plus solides de l'obligation des avocats
de défendre des affaires indépendamment des moyens financiers du client ou des sommes en
jeu.
M. Fritz-Eckehard Kempter explique que lorsqu'aux Pays-Bas les barèmes d'honoraires ont
été supprimés, les prix ont augmenté de 30 %.
M. Ulrich Oesingmann demande si la Commission attache de l'importance à la qualité.
M. Rüdiger Dohms répond qu'elle y attache une très grande importance. Il précise en
revanche que la question est de savoir si des tarifs minimaux obligatoires garantissent
effectivement la qualité. Il cite l'avocat général qui, dans les affaires Macrino et Cipolla, a
parfaitement expliqué que l'existence de tarifs minimaux obligatoires n'est en aucun cas de
nature à garantir la qualité, l'accès à la justice ou le respect de règles de déontologie. La
qualité et le respect des règles de déontologie sont plutôt assurées par un contrôle de l'État et
des instances professionnelles ainsi que par la possibilité d'engager des procédures de recours
efficaces pour les clients victimes de fautes professionnelles.
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Mme Anne-Marie Sigmund indique que les questions intéressantes soulevées au cours de la
discussion ne peuvent pas être réglées ce jour et qu'il convient d'examiner comment
progresser ultérieurement sur la voie de leur résolution.
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