CHANTIERS DE RECHERCHE Projet de colloque L’ETRANGER COMME RESSOURCE POLITIQUE Alors que les sciences sociales se sont largement penchées sur les phénomènes d’internationalisation et d’européanisation, la question du détour par l’étranger ne semble pas avoir retenu jusqu’ici l’attention qu’elle mérite. Ou du moins ne pas être intégrée dans une réflexion globale sur le phénomène. La catégorie étranger se distingue de la catégorie internationale au sens où elle ne renvoie pas à une dimension supra ou transnationale mais recouvre au contraire une dimension nationale mais non domestique. Le projet est donc de centrer la réflexion sur la manière dont l’étranger est mobilisé au sein des Etats-Nations à différents titres et par des acteurs très variés. Ce recours croissant à l’étranger peut d’ailleurs constituer une facette de la crise des Etats-Nations. Trois principales pistes semblent pouvoir explorer la question de l’étranger comme ressource politique. La première recouvre le thème de la France vue de l’étranger. En effet, de plus en plus d’individus ou d’organisations mobilisent les regards de l’étranger sur la France. L’idée étant : comment la France se regarde et s’ajuste à travers le regard des autres. Ce phénomène concerne d’abord les acteurs du champ intellectuel (intellectuels médiatiques, experts) et journalistique français (en particulier les éditorialistes). Sans vouloir le réduire à cela, force est de constater que les usages de l’étranger sont souvent stratégiques au sens où ils servent un argumentaire ou une rhétorique préétablis, en particulier sur les supposés dysfonctionnements de la société française. A cet égard, le recours à l’étranger permet de dépasser ou de court-circuiter un clivage national et historique gauche-droite jugé socialement improductif. La seconde piste envisageable se structure autour de l’exemplarité de l’étranger. Il ne s’agit plus de mobiliser le regard étranger sur la France mais de considérer avec intérêt et bienveillance les expériences étrangères comme autant de sources de réflexion et d’inspiration. Le point commun avec la première tendance précédemment décrite est que cette mobilisation peut avoir pour ambition de louer les expériences étrangères en comparaison de la situation française. Ou de participer au débat domestique. Il n’est pas anodin que l’actualité internationale, au sens de politique étrangère et institutionnelle, ait progressivement disparu dans la plupart des médias au profit d’une actualité à l’étranger traitée en raison d’une proximité avec les préoccupations françaises du moment. Au niveau de l’action publique, l’approche comparée paraît de plus en plus valorisée et faire partie intégrante du gouvernement des problèmes. Certaines organisations en font un principe d’action publique (ex : Commission européenne) alors que d’autres en font une ressource supplémentaire du répertoire d’action (ex : mouvements sociaux, groupes d’intérêts). Si les ministères sont de plus en plus sensibles à la démarche comparative, les collectivités locales semblent leur emboîter le pas. Enfin, la troisième piste concerne plus spécifiquement le champ politique. On peut en effet observer un recours croissant des hommes et des partis politiques aux personnalités politiques étrangères. Ce recours, supportant une logique de communication et de crédibilisation politiques, épouse des formes évidentes (invitation de personnalités étrangères jugées porteuses dans des meetings) et d’autres moins visibles et destinées à des publics plus restreints (intégration des hommes politiques dans des réseaux étrangers). Au final, on observe un recours non nouveau mais croissant à l’étranger comme prisme de jugement de la société française, comme ressource intellectuelle et/ou politique, et comme scène d’action publique. C’est autour de cette problématique générale que nous souhaitons organiser un colloque à l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes en avril 2007. Thomas Frinault ([email protected]) ETHNICITE ET GENRE : DES CATEGORIES EN LUTTE. MOBILISER ET REPRESENTER LES MINORITAIRES, LUTTER CONTRE LE RACISME ET LE SEXISME. Projet de journées d’étude pour le second semestre 2007 L’un des constats sociologiques les plus couramment établis au sujet des sociétés postindustrielles est celui de l’émergence d’identités plurielles, éclatées, particulières. Les luttes de définition des groupes sociaux, des frontières sociales, n’ont plus pour seul horizon les classes sociales mais renvoient à de nouvelles lignes de clivage. En particulier, les identités et catégories ethniques et de genre ont une saillance croissante. Dans la continuité du séminaire « Genre » mené au sein du CRAPE, ces deux dernières années, et dans un souci d’élargir la perspective aux questions d’ethnicité, qui intéressent un nombre croissant de chercheurs du laboratoire (notamment au sein de l’axe « Mobilisations et identités politiques »), deux journées d’études prévues au second semestre 2007 visent à étudier les mobilisations et représentations de groupes construits autour d’identités de genre ou ethniques, et/ou autour d’un objectif d’antiracisme ou d’antisexisme (la définition du racisme, du sexisme ou du féminisme étant elle-même l’enjeu de luttes sociales et l’objet de désaccords y compris entre les acteurs de ces mouvements). Ces questions revêtent un intérêt particulier aujourd’hui, dans un contexte marqué par plusieurs tendances. On observe aujourd’hui en France un certain « malaise » dans le mouvement antiraciste, qui paraît très divisé. Le débat autour de la parité divise depuis la fin des années 1990 le mouvement féministe. Dans un contexte français marqué par la faible présence des instances de mobilisation et de représentation traditionnelles (partis politiques, syndicats) sur la question des inégalités ethniques et de genre, et même par la forte diffusion de lectures essentialisantes et racisantes du social par les instances politiques, non seulement à l’extrême-droite et à droite mais aussi à gauche (que l’on songe au silence de la gauche socialiste et de l’extrême-gauche lors des « émeutes urbaines » de novembre 2005), le travail de dénaturalisation des catégories essentialisantes semble devoir être porté par des acteurs « spécialisés », par les représentants propres des groupes minorisés, ce qui pose la question de l’identité de ces représentants, de leur légitimité, objectifs, discours, actions et contraintes d’action. Dans cette perspective, plusieurs axes de réflexion peuvent être esquissés : - les enjeux théoriques et épistémologiques : comment penser l’imbrication entre différents systèmes de domination (racisme, sexisme, domination de classe), les tensions entre différents principes de mobilisation et de représentation (race, genre, classe en particulier) ? - la sociologie des « représentants » de l’antiracisme et du féminisme : qui représente les minorités ethniques et genrées, et comment se mobilisent ces instances de représentation ? - les luttes de définition des catégories légitimes de la représentation et de la mobilisation : ce qui est en jeu dans ces luttes de représentation, c’est aussi la définition des enjeux, des problèmes sociaux, par les acteurs minorisés et leurs représentants eux-mêmes. Il serait par exemple intéressant d’étudier les positions des diverses associations antiracistes et féministes sur la « question du foulard » : le port du voile à l’école est-il défini par ces acteurs comme un problème de domination masculine et de droits des femmes, d’intégrisme islamiste, ou plutôt d’égalité d’accès à l’éducation ou de racisme de la société d’accueil ? - les luttes pour la définition des enjeux et des stratégies antiracistes et antisexistes : la question ici n’est plus celle des représentants légitimes, mais celle, étroitement liée, des principes de mobilisation légitimes : se mobilise-t-on au nom de l’ethnicité, du genre, de la classe ou encore de l’égalité et des droits de l’homme ? - des représentants aux représentés : on pourra enfin se pencher sur la façon dont des individus appartenant aux mêmes groupes minorisés mais ayant des caractéristiques et trajectoires sociales différenciées se reconnaissent ou non dans des « mouvements » ou des représentants censés représenter leur groupe, dans les discours ou images diffusés par ces instances de représentation. Ces journées d’études qui feront intervenir des chercheurs extérieurs et des membres du CRAPE seront combinées à la mise en place d’un groupe de travail au sein du laboratoire sur la question de la mobilisation des minoritaires ou plus largement sur les catégorisations sociales (les contours précis de ce groupe seront définis à la rentrée 2006). Valérie Sala Pala ([email protected]) JOURNEE D’ETUDE CRAPE/CRHISCO « LE PSU EN BRETAGNE » Organisateurs : Tudi Kernalegenn (CRAPE), François Prigent (CRHISCO) IEP de Rennes, février 2007 Cette journée d’étude aura pour but d’explorer l’histoire du PSU (Parti socialiste unifié, créé le 3 avril 1960 et dissous le 24 novembre 1989) en Bretagne. Ce parti disparu influence encore la vie politique actuelle de la Bretagne, par ses anciens militants ou les thèmes qu’il a lancés, de même que par son impact dans les mutations politiques, entamées depuis les années 60, et qui ont fait passer la société bretonne à gauche. Or, la connaissance de l’histoire de ce parti, dans ses approches historiographique, sociologique ou politique, reste aujourd’hui faible, marquée par une recherche disparate et peu diffusée, si l’on excepte quelques études sur les débuts du PSU et des mémoires de maîtrise ou de DEA non publiés. Cette journée d’étude pionnière visera à initier des recherches sur ce parti, en commençant par une région d’implantation puissante et symbolique. Deux motivations centrales peuvent être isolées dans ce projet de journée d’étude. La première procède du paradoxe entre l’échec électoral du PSU et la vigueur de son influence intellectuelle, tend à interroger le parti, à comprendre sa spécificité historique, organisationnelle, idéologique. La deuxième motivation consistera à interroger le cadre des mutations profondes en Bretagne dans les années 1960/1970 en suggérant l’impact essentiel du PSU dans la fusion des réseaux progressistes de la gauche bretonne (intégrant les traditions chrétiennes de gauche), participant à la conversion des Bretons au socialisme. Dans cette optique, plusieurs thèmes et angles d’approche semblent particulièrement féconds dans la perspective de l’étude du PSU en Bretagne. La problématique des réseaux du PSU est ainsi centrale : leurs origines, leur impact dans la refondation du PS en Bretagne (place des réseaux rocardiens au sein du PS après les Assises du socialisme), leurs liens avec les syndicats (notamment avec la CFDT) et le milieu associatif (mouvement breton, militants de l’écologie, défense des consommateurs)... Cette approche en termes de réseaux croise les questions décisives pour l’histoire politique de la Bretagne de l’intégration des chrétiens de gauche au sein de la gauche bretonne et la diffusion des idéaux socialistes en dehors des bastions rouges traditionnels. Un deuxième ensemble de thèmes tournera autour des pratiques du PSU, interrogeant les tensions au sein du même parti entre la gauche « mouvementiste » et la gauche « gestionnaire ». De ce fait, il faut questionner les formes d’engagement du PSU dans les mouvements sociaux (Mai 68, Joint français, luttes antinucléaires...) autant que les pratiques de notabilisation du PSU (dans les bastions de Saint-Brieuc et Morlaix). Un troisième ensemble de thèmes tourne autour de la dimension bretonne du PSU. Interroger la spécificité régionale d’un parti hexagonal, c’est ainsi analyser l’idéologie du PSU : les travaux sur la décentralisation et la réorganisation institutionnelle de la France dès les rencontres socialistes de Grenoble, l’intégration d’une réflexion sur les « minorités nationales » à partir de 1972, et plus généralement la légitimation au sein de la gauche d’une réflexion en nouveauté sur les questions régionales et de la diversité culturelle. Enfin, le quatrième objectif, mesurer et comprendre l’héritage du PSU, repose sur l’analyse des parcours des anciens militants du PSU (une matrice ?), sur le devenir des idées structurantes (à l’instar de l’autogestion) élaborées dans le cadre innovant du PSU, caractérisé par le thème de la rupture. Cette première journée d’étude (qui sera probablement suivie par une seconde) visera à faire se rencontrer des chercheurs ayant accumulé des connaissances sur le PSU pour, à terme, déboucher sur une publication collective sur le PSU. COLLOQUE : “FRONT POPULAIRE, CHOCS ET CONTRE-CHOCS (1934-1940)” Organisateurs : Gilles Richard (CRAPE/IEP de Rennes) Gilles MORIN (Centre d'histoire sociale de la PAris-1), les 4-6 décembre 2006, au Sénat et aux Archives nationales. Lundi 4 décembre (Sénat) L’historiographie du Front populaire - Le Front populaire objet d’histoire en France : 1936-1996 : Julian Jackson. - Les Fronts populaires dans le champs des gauches européennes : Serge Wolikow. - Les communistes et les Fronts populaires, choix national ou stratégie internationale ? Albo Agosti. - Les grèves objet d'histoire : Stéphane Sirot. - Lectures historiographiques des droites françaises et des classes dirigeantes de 1936 à 1939 : Gilles Richard. Les mutations du système partisan - Les débats parlementaires du Front populaire : Jean Garrigues. - Le renouvellement du personnel socialiste : Gilles Morin. - La nouvelle génération de parlementaires à droite (Valentin, Pinay, Montalembert, etc.) : Gilles Le Béguec. - Le devenir de la stratégie classique de "concentration républicaine", sa reprise par P-E Flandin en 1936-39 : Arnaud Chomette. - Le PSF, élément majeur de refonte du système de contrôle politique des droites : Jean-Paul Thomas. - Front populaire et radicalités gauchistes: Vincent Chambarlach et Thierry Holh. Mardi 5 décembre (Archives Nationales) Dynamiques sociales - Le syndicalisme précurseur de l’unité, politisation et recomposition interne : Morgan Poggioli. - Coopération et Mutualité au temps du Front populaire : Michel Dreyfus. - La question du syndicalisme des cadres : Sylvie Guillaume. - Le syndicalisme paysan : David Bensoussan. - Les conventions collectives, fondatrice de nouveaux rapports sociaux et politiques ? Laure Machu. Politisation populaire et évolution des élites - Les campagnes, foyers d’une nouvelle violence et d’une politisation ? Édouard Lynch. - La Ligue de l’enseignement et de la Ligue des droits de l’homme au temps du Front populaire, deux associaitions parapolitiques face aux enjeux politiques posés à la gauche citoyenne : Nathalie Sévilla et Emmanuel Naquet. - La réorganisation du patronat : Olivier Dard. - Les Hauts Comités, lieux de rencontre : Alain Chatriot. - La pratique de la réforme de l’État du 6 février à Daladier : Nicolas Roussellier. Mercredi 6 décembre (Archives Nationales) Front populaire et Front de la liberté : Tour de France - Les Comités du Front populaire dans le Nord de la France : François Lafon. - Les Bouches-du-Rhône, foyer original de la radicalisation des gauches : Robert Mencherini. - L’Aquitaine foyer de résistance radicale et de l’USR : Bernard Lachaise,. - L’Auvergne, entre Varenne et Laval : Mathias Bernard. - L’Est, un bastion conservateur : François Roth. Le choc de cultures ? - Le modèle républicain et le marxisme : Serge Berstein. - L’antifascisme, culture politique transversale aux gauches : Gilles Vergnon. - Histoire et géographie symboliques : les deux cortèges de février 36 : Pascal Ory. - Le pacifisme, facteur dissolvant des forces politiques et sociales : Noëlline Castagnez. - Les masses et les héros français au miroir européen. Fabrice d’Alméida. - Les affiches du Front populaire : la guerre des images : Frédéric Cépède. Conclusion : Antoine Prost