l’élémentaire devoir d’humanité que représente l’espoir d’un retour au discours ?— Sans
souci d’exhaustivité, il livre en ce volume la quintessence d’une pratique de la
consolation qu’il sut d’abord appliquer à son propre cas avant que d’en partager les
secrets avec ceux qui l’entourent.
Un livre ne saurait rencontrer une approbation unanime : certains lecteurs peut-être
y trouveront peu d’intérêt, voire n’y verront aucune utilité. Je leur demanderai : êtes-vous
sûr d’être un dolent ? Les mots de tendresse ou de rage que vous eussiez pu proférer sont-
ils au moment fatal, restés pris au barrage de votre gorge, de votre poitrine, de votre
cœur, de vos entrailles ? Avez-vous jamais entendu la question que vous souhaitiez de
tout votre être vous être posée sans pouvoir y répondre ? Roi pêcheur de nos humbles
narrations amoureuses, avez-vous laissé passé le cortège de votre destin sans l’accueillir
de l’interrogation qui eût sauvé votre vive voix ? Avez-vous retenu l’exclamation de
réciprocité qui eût gardé près de vous l’absent de toujours ? Avez-vous une fois reculé
devant une négation, ignoré une dénégation, choisi une affirmation forcée, inversé les
auxiliaires et cédé aux modes ? Qui ne connaît le silence de ses propres mots n’a point
besoin de philologie amoureuse. On s’étonnera peut-être aussi de la nouveauté de mon
propos : quoi ? nul n’aurait avant ce jour songé à soulager ceux que saisit la béance de
soi ? Telle est bien pourtant la triste réalité : ce que nos aïeux transmirent sans besoin du
truchement typographique durant les veillées et les vendanges fut oublié dans les
tourmentes et fumées de la Révolution industrielle. Dans notre société de consommation,
peu importait la douleur muette des solitaires. Il fallut à l’auteur vaincre les oppositions
concertées de l’Université, des institutions ecclésiastiques et de divers ministères ; il lui
fallut, avec opiniâtreté contredire sans répit les injonctions de normalité des conseils de
famille et de la propagande des media ; il lui fallut enfin, non sans mal, convaincre son
éditeur non seulement de l’utilité mais encore de la rentabilité de cette publication. Au
terme de ce combat contre le silence que l’on voulait lui imposer, il proclame enfin que
sera vaincu le silence des adieux; bénévolent, quoique dolent, lecteur, c’est à toi que ce
livret est adressé et dédié. Te fût-il de quelque secours, une lettre, une note, un mot de ta
part à l’éditeur feront la preuve de son efficacité et laisseront espérer une réédition. Au
nom de la compassion pour les autres patients en quête de traitement, et pour l’auteur lui-
même dont le contrat stipule que la première édition, sans frais néanmoins, ne lui portera