acteurs veulent bien montrer (le tissage des nattes ou la culture du souchet), puisque
cette « monstration » n’engage à rien de bien profond.
Ne cherchez pas une suite logique (et encore moins un emballage cadeau soigné) dans
ce qui suit – il n’y en a pas – il fallait faire vite sinon bien, alzheimer précoce oblige.
Je me suis tout simplement contenté de repenser rapidement ce que les phénomènes
rencontrés sur place m’ont donné à penser au fur et à mesure que je parcourais dans le
désordre mes petits bouts de papier.
* *
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Entre un ethnocentrisme qui s’ignore et un ethnocentrisme qui s’assume il n’y a pas
de troisième voie. Ne pouvant pas être partout à la fois (l’omniprésence divine étant
le concept limite en la matière), tout le monde a intérêt à reconnaître la logique et le
langage du lieu où il se (re)trouve de fait. Outre les paysans du cru (à supposer – dato
non concesso – qu’ils fassent front uni), les acteurs du projet Aguié sont des
Occidentaux et (du moins par leur formation en Europe) des Occidentalisés. Si, par
les temps qui courent, il est difficile d’imaginer qu’ils auraient pu être des Papous ou
des Patagons, il était de l’ordre du possible qu’ils aient été des Indiens ou des Chinois.
C’est dire que si Aguié, au niveau d’abstraction le plus éloigné du sociohistorique
actualisé, pourrait apparaître comme un aspect de l’anthropogénèse tout court, au ras
des pâquerettes phénoménologiques il fait partie intégrante (sans doute « à l’insu de
son plein gré ») d’une certaine occidentalisation du monde… (comme le dit mon ami
Latouche, L’occidentalisation du monde, Paris, La Découverte, 1989), malgré
l’implication et l’appui d’instances dites « internationales », mais qui sont, de fait,
complices (au mieux à leur corps défendant) de l’immondialisation en cours.
Prenons, par exemple, la lettre (je n’incrimine point l’esprit), du projet préconisant la
gestion dynamique in situ de la diversité génétique, mais qui réduisait la complexité
culturelle à une seule et unique question de « capital » et de « ressources ». Certes,
d’un point de vue purement formel et s’adressant à des bailleurs de fond qui ne
pensent que « résultats rentables », il est tactiquement loisible en présentant un projet
d’en simplifier et d’en unifier le langage. Mais il est à espérer que ce faisant on ne
perd pas de vue le fait que pour les principaux intéressés, les paysans, des concepts
comme « capital » ou « ressources – naturelles et humaines » - sont non seulement
absurdes, mais anathèmes. Historiquement le capital n’a de sens que dans une
perspective individualiste, contractualiste et utilitariste. L’individu néo-libéral
pouvant en principe se suffire à lui-même entre accessoirement en (r)apport avec
autrui (même le mariage faisant figure de contrat égocentrique) et réduit le réel à une
ressource à respecter non pas pour lui-même (comme le préconisent désormais les
Ecologistes Radicaux renouant sans le savoir avec la philosophie et pratique primitive
du monde) mais parce que son non respect risquerait de compromettre le profit
personnel. Le paysan traite avec les choses comme avec des personnes… là où le
capitaliste traite déjà des personnes comme des choses. . Le paysan s’excuse avant
d’abattre un arbre, demande pardon à l’animal qu’il est bien obligé de tuer. Au
mieux, le capitaliste cherche à ne pas miner ses ressources tout en les exploitant
jusqu’aux limites du possible non pas pour répondre à des besoins incontournables,
mais pour augmenter son compte en banque. (Je n’avais pas très bien saisi pourquoi
les paysans doivent gérer la diversité génétique… pour augmenter leur autonomie