LA PRIERE
DANS LA PHILOCALIE
Évagre le Pontique
Hésykhios le Sinaïte
Jean de Karpathos
Marc l'ascète
Théodore d'Édesse
Maxime le Confesseur
Thalassius le Libyen
Théognostos
Philothéos le Sinaïte
Élie de Crète
Pierre Damascène
Macaire le Grand
Syméon le Nouveau Théologien
Nicétas Sthêthatos
Théolepte de Philadelphie
Grégoire le Sinaïte
Calliste le Patriarche
Grégoire [Palamas] de Thessalonique
Hésykhios le Sinaïte ou de Batos
Il ne faut surtout pas confondre -Hésykhios le Sinaïte, ou Hésychios de
Batos, avec Hésykhios de Jérusalem, exégète et historien de la première
moitié du Vème siècle, ni, sans doute, avec l'Hésykhios qui fut prêtre à
Jérusalem au début du IVème siècle. Celui qui écrivit les deux cent trois
versets sur "la vigilance et la vertu" recueillis par la Philocalie fut, semble-t-
il, un moine - et peut-être un higoumène - du monastère du Buisson Ardent
au Sinaï, qui mourut vers 333. Et c'est pourquoi il est parfois appelé
Hésykhios de Batos (1
1
).
Le nôtre était donc un moine qui écrivit un discours sur l'ascèse, dédié à un
certain Théodule. Il distingue trois rameaux qui se conjuguent et
s'entremêlent pour conduire au faîte de la contemplation : la nepsis (2
2
), par
laquelle l'intelligence se retourne sur elle-même pour ne plus admettre
aucune pensée étrangère à la pureté du coeur, l'sykhia (3
3
), le coeur
apaisé ne contient plus que la paix de Dieu, la "prière de Jésus", le Kyrie
éleison, "Seigneur Jésus, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pêcheur !", par
lequel tout s'embrase, l'intelligence vide des pensées adventices, le coeur
seulement rempli par l'agapè, le monde lui-même, comme dissous dans la
présence divine.
Certains mots reviennent souvent, qui doivent être compris selon un sens
particulier :
- Éros traduit le grec e[roõ - éros - pour désigner l'amour absolu que se
portent les Hypostases divines mais aussi la tension d'amour portant Dieu
vers l'homme et l'homme vers Dieu. Nous lui préférons agapè...
- Hésykhia transcrit le grec ejsucia, qui possède les différents sens de
tranquillité, calme, repos, de paix, de loisir, de placidité, lenteur, douceur, de
silence et de solitude. Ce peut être aussi l'action de faire cesser. Ici, elle
désigne le retrait du créé, c'est un état particulier auquel l'on parvient par le
silence, le vide dans l'esprit, l'immobilité du coeur et l'éradication des
passions, mais aussi par un effort constant vers le Christ.
- Intelligence traduit le grec novoõ, qui est la faculté de penser et donc
l'intelligence, l'esprit, la pensée mais aussi la sagacité, la sagesse, le projet,
l'intention. Pour Anagaxore, c'est l'être intelligent qui fut le "premier
1
Du grec bavtoõ - batos -, roncier. Ce monastère se nommait e{mpuroõ bavtoõ - empyros batos -, soit le
"roncier ardent", traduisant le ruoBh hgSh - hasseguèh habo‘er -, le "buisson ardent" d'Exode 3:2.
2
D'une forme du verbe grec nhvfw - nêphô -, être sobre, être vigilant.
3
Du grec hJsucia - hèsikhia -, qui est la tranquillité, le repos, la paix, le silence, la sérénité.
moteur". Mais novoõ est aussi l'âme, le coeur, et, donc le sentiment, la
manière de penser, la volonté ou le désir. Selon Clément, chez les Pères,
novoõ désigne la double faculté qu'a la personne de penser le monde ou de
contempler Dieu.
- Kénose transcrit le grec kenovõ - kenos - et exprime la vacuité, le
dépouillement de soi.
- Sobriété traduit le grec nh'yiõ - nepsis -, dont le sens initial est sobriété ou
encore tempérance. Pour les Pères, il indique la sobriété et la vigilance.
Citations des deux cent trois chapitres.-
5. L'attention est une incessante hésykhia du coeur, hors de toute pensée.
Sans s'épuiser ni s'interrompre, l'âme respire et invoque toujours le Christ
Jésus, le Fils de Dieu et Dieu, lui seul. Elle se range avec lui pour combattre
vaillamment les ennemis. Elle Lui confesse ses péchés, à lui qui seul a le
pouvoir de les remettre. Elle embrasse continuellement de son invocation le
Christ qui seul connaît le secret des coeurs. Et elle s'efforce de cacher
totalement aux hommes la douceur qu'elle éprouve et le combat intérieur, de
peur que le malin ne fasse entrer en elle à son insu la malice et ne détruise
une oeuvre si belle.
97. Le souvenir et l'invocation continuels de notre Seigneur Jésus Christ
suscitent en notre intelligence un certain état divin, si nous ne négligeons ni
cette prière constante que nous portons au Seigneur dans notre intelligence,
ni la stricte sobriété unie à la vigilance, ni l'oeuvre de surveillance. Mais
attachons-nous réellement à l'oeuvre de l'invocation de Jésus Christ notre
Seigneur, cette oeuvre toujours recommencée, en appelant avec un coeur de
feu, afin de communier au saint nom de Jésus. Car, pour la vertu comme
pour le vice, la répétition est mère de l'habitude, et celle-ci, comme une
seconde nature, dirige le reste. Parvenue à un tel état, l'intelligence cherche
les adversaires, comme un chien de chasse cherche le lièvre dans les fourrés.
Mais le chien cherche pour manger; et l'intelligence pour détruire.
98. Aussi souvent qu'il arrive aux mauvaises pensées de se multiplier en
nous, jetons au milieu d'elles l'invocation de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous les verrons alors s'évanouir aussitôt comme fumée dans l'air, ainsi que
nous l'a enseigné l'expérience. Et l'intelligence enfin seule, reprenons
l'attention continuelle et l'invocation. Aussi souvent que la tentation nous
donne de souffrir cela, agissons ainsi.
120. Nous emplissons d'amertume le coeur, sous le venin et la malice des
pensées lorsque, dans lagligence où nous porte l'oubli, nous nous détournons
longtemps de l'attention et de la prière de Jésus. Mais nous sommes comblés de
la douceur de sentir et d'éprouver comme un charme une exultation
bienheureuse, lorsque, dans le lieu où travaille la flexion, par l'éros divin nous
menons à bien harmonieusement l'attention et la prre, avec force et ferveur.
Car alors nous nous empressons de marcher dans l'hésykhia du coeur, pour rien
d'autre que le doux plaisir et les délices dont elle comble l'âme.
122. De même que la neige n'enfantera jamais la flamme, ou que l'eau
n'engendrera jamais le feu, ou que la ronce ne portera jamais de figues, de
même le coeur de tout homme ne sera pas libéré des pensées, des paroles et
des oeuvres démoniaques s'il ne s'est pas purifié au-dedans de lui, s'il n'a pas
uni la sobriété et la vigilance à la prière de Jésus, s'il n'a pas mené à bien
l'humilité et l'hésykhia de l'âme, s'il n'a pas recherché et cheminé avec
beaucoup de ferveur. Mais il est inévitable que l'âme inattentive soit privée
de toute pensée bonne et parfaite, comme un mulet stérile qui n'a pas le sens
de la prudence spirituelle. La vraie paix de l'âme, c'est l'oeuvre douce, le
nom de Jésus et la kénose des pensées passionnées.
135. Si nous sommes tombés dans les afflictions, dans le découragement et
le désespoir, il faut faire en nous-mêmes ce que fit David : répandre notre
coeur devant Dieu, redire au Seigneur, tels qu'ils sont, notre besoin et notre
affliction 1. Car nous confessons à Dieu comme à Celui qui peut sagement
diriger les choses de notre vie, soulager notre affliction si cela nous est utile,
et nous libérer de la tristesse mortelle et corruptrice.
137. La prière de Jésus jointe à la sobriété et à la vigilance efface
naturellement des profondeurs de la réflexion du coeur les pensées qui,
quand bien même nous ne le voulons pas, y sont plantées et v demeurent.
142. De même qu'il n'est pas possible de traverser l'immensité de la mer sans
un grand navire, de même il est impossible de chasser la suggestion de la
pensée mauvaise sans l'invocation de Jésus Christ.
170. Ce que nous savons, nous l'écrivons. Et ce que nous avons vu en chemin,
nous en témoignons, si toutefois vous voulez bien recevoir ce que nous
disons. Car lui-même a dit: "Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il sera jeté
dehors comme le sarment qu'on ramasse, qu'on jette au feu et qui bru"le.
Mais celui qui demeure en moi, je suis en lui." Comme il n'est pas possible en
effet que le soleil brille sans répandre sa lumre, ainsi le coeur ne saurait être
purifié de la souillure des pensées de perdition sans la prre du nom de Jésus.
Si cela est vrai - et c'est ce que je vois - confions-nous au nom comme à notre
propre souffle. Car le nom est lumière. Mais les pensées sont ténèbres. Le
nom est Dieu et Maître. Mais les pensées sont esclaves des démons.
182. Si donc tu veux vraiment couvrir de honte les pensées, vivre dans
l'hésykhia bienheureuse et connaître aisément la sobriété et la vigilance du
coeur, que la prière de Jésus colle à ton souffle, et en peu de jours tu verras
venir ce que tu cherches.
183. De même qu'il est impossible d'écrire des lettres dans l'air (car il faut
qu'elles soient traes sur quelque corps pour se conserver durablement), de
même collons à notre sobriété et notre vigilance laborieuses la prière de Jésus
Christ, afin que la vertu toute belle de la sobriéne cesse de demeurer avec
lui et nous soit pour toujours gare par lui sans qu'on puisse nous l'enlever.
196. Bienheureux vraiment celui qui de toute la réflexion de son intelligence
est col à la prière de Jésus et appelle celui-ci continuellement dans son coeur
comme l'air s'unit à nos corps et la flamme aux cierges. Lorsqu'il passe au-
dessus de la terre, le soleil fait être le jour. De même, lorsque le saint nom
nérable du Seigneur Jésus, ne cesse de briller dans la flexion de
l'intelligence, il engendre d'innombrables penes lumineuses comme le soleil.
Note de Jean Manaus : il n’y a quasiment aucune information sur ce saint, sur Internet, ni même
aucune image. Ce présent texte est le seul qui existe, et il est repris tel quel sur plusieurs sites, sans
variation, aucun n’indiquant qui en est l’auteur - Lundi 31 mai 2010
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