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Antonin le Pieux (138-161)
Le règne d’Antonin le Pieux passe pour un des plus calmes de l’Empire ; il correspond,
pour beaucoup d’historiens, à l’apogée du « siècle des Antonins ».
On remarquera que ce souverain fut le premier vrai Antonin.
I. Un bon empereur
• Antonin le Pieux est né à Lanuvium (dans le Latium) ; on lui connaît un ancêtre
nîmois, d’où son succès auprès des historiens français.
De naissance, il s’appelait Aurelius Antoninus et il est devenu, à la suite de son
adoption par Hadrien, T. Aelius Hadrianus (noms d’Hadrien) Antoninus.
Il appartenait à une riche famille et il a su faire fructifier son héritage, essentiellement
constitué de biens fonciers, auxquels il faut ajouter des briqueteries.
La carrière sénatoriale qu’il a suivie (le cursus honorum) l’a mené aux plus hautes
fonctions, un consulat en 120 et le proconsulat d’Asie en 134.
En 138, il avait 52 ans, ce qui, conformément aux critères de l’époque, faisait de lui un
vieillard, donc un homme sage.
Sa désignation par Hadrien, en fait son adoption, a été approuvée par le sénat. Cette
désignation et son comportement ultérieur ont donc permis de l’inscrire au nombre des « bons
empereurs » dans les listes établies par la tradition aristocratique.
• Par tous les aspects de sa personnalité, Antonin le Pieux représentait le juste milieu. Il
aimait la culture mais avec modération et il compta au nombre des stoïciens tempérés. À
l’égard de ses sujets, il se montra humain en tout, cultivant l’image d’un homme qui aimait la
campagne, la chasse et la pêche. En politique extérieure, il sut se montrer énergique avec
douceur et patriote sans excès.
II. Une politique du juste milieu
• L’empire était heureux, comme l’a dit le rhéteur grec Aelius Aristide dans l’Éloge de
Rome qu’il prononça en 143 ; en 148, la célébration du 900e anniversaire de Rome mit en
évidence un sentiment d’unanimité et de satisfaction de tous les habitants du monde
méditerranéen.
Les sénateurs furent satisfaits : l’empereur supprima les consulaires.
Les citoyens romains furent satisfaits : l’empereur manifesta son évergétisme à l’égard
des habitants de Rome et il créa les puellae faustinianae (c’était une extension des alimenta
aux filles).
Les humbles furent satisfaits : le droit se fit plus doux pour les esclaves, les pauvres et
les prisonniers (sous l’influence du stoïcisme).
Les provinciaux furent satisfaits : l’empereur se montra généreux à leur égard et choisit
avec soin les nouveaux gouverneurs.
Une limite : dans le droit fut introduite une nouvelle distinction, entre honestiores et
humiliores, qui opposait les plus riches aux plus pauvres, ces derniers étant plus durement
sanctionnés pour une même faute.
• L’empire jouit de la sécurité sur tous les fronts.
En Orient, Antonin le Pieux refusa de rendre à Vologèse III le trône de Chosroès. Cette
attitude impressionna les Parthes qui ne bougèrent plus.
Les Alains tentèrent de mener un assaut contre l’empire. Un général célèbre par ailleurs,
Arrien (il était un grand intellectuel), les repoussa.
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Des troubles sont attestés en Dacie, en Maurétanie et en Bretagne (Brigantes, vaincus
par Lollius Urbicus) ; quelques historiens en font de vraies guerres, ce qui est peut-être
excessif.
En Bretagne, fut érigé un deuxième mur pour séparer le monde romain du monde
barbare. Plus au nord que le mur d’Hadrien, qui au demeurant ne fut pas abandonné, il
s’étendait sur 60 km. Les constructeurs ont utilisé davantage le bois et la terre, notamment
pour la palissade, les fortins, les forts et les tours ; du nord vers le sud, il comprenait un fossé,
une berme, un rempart et une route.
III. Une civilisation équilibrée
Ce fut une sorte d’apogée, d’équilibre presque parfait.
• Dans le domaine religieux, les cultes traditionnels furent à l’honneur, mais des
innovations sont attestées.
La triade capitoline ne fut pas négligée, pas plus que les autres dieux de la tradition
romaine (Mars, notamment).
Le culte impérial ne fut pas pratiqué avec excès. Une limite : Faustine fut proclamée
diua dès 141 ; être veuf d’une divinité n’était pas sans intérêt, politiquement.
Les cultes orientaux gardèrent leur statut ; l’empereur lui-même en pratiqua quelquesuns. Cybèle connut une grande diffusion, notamment en Gaule, mais elle avait été introduite à
Rome et « naturalisée » dès la fin de la deuxième guerre punique. Bien qu’iranien, Mithra fut
très honoré parce qu’il représentait le bon ordre cosmique (il eut davantage de succès dans les
camps). Plus exotique et plus original, le Jupiter d’Héliopolis, un Baal syrien (de Baal-bek),
connut aussi une certaine diffusion.
• Dans le domaine intellectuel, le monde grec s’imposa avec une brillante école de
rhétorique (la « deuxième sophistique »).
Hérode Atticus n’a laissé aucun écrit, mais il a fortement marqué les esprits.
Aelius Aristide, auteur de nombreux discours, illustra la richesse culturelle et matérielle
de la Grèce d’Asie, et son attachement à Rome.
Pausanias, lui aussi Grec d’Asie, a laissé une Périégèse, une sorte de Guide bleu de
l’Antiquité, où il exprima son patriotisme culturel, un sentiment qui n’était pas incompatible
avec un fort attachement à Rome.
Lucien de Samosate a laissé une œuvre abondante, plus populaire, notamment un roman
picaresque, L’âne d’or. On lira aussi ses Dialogues des morts.
• L’Occident n’était pas en retrait.
Aulu Gelle se rendit en Grèce pour y écrire ses Nuits attiques, un recueil d’anecdotes et
de réflexions sur des sujets de son temps. Le choix de cette retraite montre l’importance de la
Grèce pour les intellectuels, même italiens.
Apulée de Madaure, un Africain, a laissé une œuvre importante. Elle manifeste
également la croissance, dans tous les domaines, de cette partie de l’empire. On lira de lui les
Métamorphoses, un roman picaresque qui brode sur le même thème que l’Âne d’or de
Lucien : un homme est transformé en âne par la magie et il vit des aventures étonnantes ; on
lui doit également l’Apologie, un plaidoyer prononcé pour se disculper d’avoir séduit une
femme riche en recourant à la magie (il risquait la peine de mort), et les Florides, des
conférences au contenu assez cuistre.
Fronton de Cirta, un autre Africain, a acquis la célébrité pour avoir eu un excellent
élève, encore inconnu à cette époque, le futur Marc Aurèle. Il a laissé une œuvre légère, un
Éloge de la fumée, un autre éloge, de la poussière. C’était là jeux d’intellectuel.
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Conclusion
Le règne d’Antonin le Pieux n’a pas marqué l’apogée de l’empire dans tous les
domaines : les découvertes les plus récentes de l’archéologie montrent que la prospérité s’est
poursuivie jusqu’au temps des Sévères. Et toutes les régions n’ont pas suivi un même cours :
l’Italie se développait moins vite que l’Afrique.
Mais le règne d’Antonin le Pieux fut un temps d’équilibre, de grand équilibre. Et les
anciens appréciaient beaucoup ce genre de situations.
Bibliographie : en cas de besoin, utiliser les manuels
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L’Afrique romaine
1. Le poids de l’autorité
[Pour suivre ce cours, il faut utiliser une carte : voir la bibliographie, ci-après].
L’Afrique romaine compta au nombre des régions les plus prospères de l’empire, et
ses habitants adoptèrent la civilisation venue de l’Italie (ce que les historiens appellent d’un
mot impropre la « romanisation »). Le pouvoir central ne fit pourtant que peu d’efforts pour
favoriser cet essor : l’Afrique fut faite surtout par les Africains. Nous ferons une exception
pour les Flaviens : en Afrique, « les Antonins ont récolté ce que les Flaviens avaient semé »
(M. Le Glay).
I. L’organisation des provinces
• L’Ouest de la Libye, la Tunisie et l’Est de l’Algérie formaient officiellement la
province d’Afrique proconsulaire.
Elle entrait dans la catégorie des provinces sénatoriales, c’est-à-dire que son
gouverneur, en principe désigné par le Sénat pour un an, n’était responsable que devant le
sénat, auquel il appartenait. Ancien consul, il portait le titre de proconsul. Il était assisté par
un questeur (pour les finances) et par deux légats (pour la justice).
Au plus tard sous Domitien, les biens impériaux furent confiés à un procurateur
ducénaire (qui recevait un salaire annuel de 200000 sesterces). Au temps de Trajan et
d’Hadrien, le ducénaire disparut et il fut remplacé par plusieurs autres procurateurs, aux
salaires moindres (sexagénaires : 60000 sesterces/an ; centenaires : 100000 sesterces/ an), les
procurateurs de Carthage, Tébessa, Hippone, Hadrumète et Leptiminus.
Quelques dizaines de personnes, pour l’essentiel des esclaves et des affranchis
impériaux, formaient tout le personnel administratif disponible : l’empire n’était pas suradministré.
• Un légat impérial propréteur commandait l’armée d’Afrique. Sénateur, il était désigné
par l’empereur et responsable devant l’empereur. Ancien préteur, il recevait parfois le
consulat pendant son commandement. Jusqu’à Caligula, le titulaire de cette fonction
dépendait du proconsul ; Caligula retira au proconsul l’autorité qu’il avait exercée sur le
commandant de la légion. Petit à petit se créa une province de fait qui ne fut officiellement
créée que sous Septime Sévère, sans doute entre 197 et 201. Mais il est évident que le
proconsul n’intervenait jamais dans une zone qui comprenait la confédération cirtéenne (la
région de l’actuelle Constantine), la zone des Hautes Plaines qui se trouvait au sud, ainsi que
l’Aurès et les secteurs où se trouvaient des soldats, le fameux « limes ».
La Numidie militaire était donc une province impériale de fait, dite par les historiens
« de première catégorie » parce que son gouverneur appartenait au sénat.
• La Maurétanie fut annexée par Caligula et Claude (le premier tua son dernier roi,
Ptolémée ; le second dut vaincre les résistances que ce meurtre avait soulevées). Elle fut
divisée en deux provinces impériales dites, par les modernes, « de deuxième catégorie » : la
Maurétanie Césarienne (dont la capitale était Césarée, Cherchel) et la Tingitane (dont la
capitale était officiellement Tanger, en réalité Volubilis, ville plus dynamique) étaient
administrées chacune par un procurateur ducénaire.
Attention : ne parlez jamais de « Mauritanie » ; c’est un État moderne.
• L’autorité de tout gouverneur était limitée.
La durée des commandements empêchait d’établir des réseaux d’influence.
Le concilium (assemblée des prêtres municipaux du culte impérial) pouvait censurer le
gouverneur et le traîner devant un tribunal, le sénat constitué en haute cour, ou le prince. Il
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valait donc mieux que s’établisse une bonne entente avec les notables municipaux. Il est vrai
que les sanctions qui frappaient des gouverneurs concussionnaires n’atteignaient jamais une
bien grande sévérité.
II. Les armées d’Afrique, de « Numidie » et des Maurétanies
• Le proconsul a toujours eu de 500 à 1500 hommes : une cohorte urbaine (la XIIIe puis
la Ière), plus une cohorte prêtée par la légion et une ou deux unités auxiliaires. Ces soldats lui
fournissaient une garde d’honneur et une force de police.
• La vraie armée d’Afrique se trouvait en « Numidie ». Une légion, la IIIe Auguste, trois
ou quatre ailes et six ou sept cohortes faisaient un total d’environ 10000 hommes dont
quelque 5000 fantassins lourds.
Le quartier général se trouvait à Lambèse, et les unités étaient dispersées sur un vaste
territoire allant de l’Aurès jusqu’à la limite entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque.
Les camps étaient disposés de façon à former des « systèmes défensifs ». Pour cette
période, nous distinguerons les systèmes de l’Aurès (qui encerclait cette montagne) et du
Sahara de Numidie (entre l’Afrique utile et le désert).
Il est possible qu’un long mur, la Seguia bent el-Khrass, ait été construit sous Hadrien
au sud de l’Aurès.
L’organisation de cette armée, pour le reste, ne présentait aucune particularité : pour la
hiérarchie des unités, des hommes, pour la vie quotidienne (exercice, etc.), il suffit de
renvoyer au cours qui a été fait au premier semestre ou à un manuel. Il en va de même pour
les armées défendant les deux Maurétanies.
• L’armée de Maurétanie Césarienne, puisqu’elle était commandée par un procurateur,
ne pouvait être formée que de soldats auxiliaires ; les effectifs ont été estimés à 5 ou 6000
hommes.
L’originalité du dispositif militaire de cette province tient à la stratégie adoptée. À
toutes les époques, Cherchel (Césarée) conserva une importante force militaire, qui servait de
réserve.
Depuis la conquête jusqu’au temps de Trajan, la province resta limitée à une mince
bande de terre littorale.
Trajan puis Hadrien disposèrent une deuxième série de forteresses parallèles au littoral,
plus au sud, ce qui correspondit à l’annexion de nouvelles terres ; cette seconde ligne passait
par Albulae, Malliana, Zucchabar et Auzia.
• L’armée de Maurétanie Tingitane présentait les mêmes caractéristiques :
commandement confié à un procurateur, présence uniquement d’auxiliaires, et effectifs de 5 à
6000 hommes.
Ici aussi, c’est le dispositif stratégique qui fait l’originalité de la région. La ville de
Volubilis fut entourée par des camps et des tours. La vallée du Sebou fut également protégée.
Une défense linéaire, la seguia Faraoun ou fossé de Sala, fut construite à une date inconnue.
Une autre particularité de cette province, c’est que les unités qui y servaient sont
connues grâce à un assez grand nombre de diplômes militaires. On donne ce nom à la copie
certifiée conforme devant témoins d’une loi qui définissait les droits accordés à des soldats au
moment de leur libération.
• L’armée a noué des liens étroits avec les civils vivant dans les provinces. Rappelons
que les soldats dépensaient des salaires, qu’ils étaient fiers de leur appartenance au monde
romain et qu’ils diffusaient un genre de vie (c’est ce que certains historiens appellent la
« romanisation »).
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III. Les institutions municipales
• Les statuts individuels ne différenciaient pas les Africains des autres provinciaux. On
trouvait dans ces provinces des esclaves, peut-être en plus petit nombre qu’ailleurs. On y
voyait aussi des pérégrins, c’est-à-dire des descendants de peuples théoriquement ou
réellement vaincus, les Puniques ou les Libyques, considérés juridiquement comme des
étrangers tolérés dans le monde romain. Le nombre de citoyens romains ne cessait de croître ;
ce statut accordait des privilèges en justice.
• Les cités étaient divisées en trois catégories.
On appelait ciuitates des communautés dont les habitants étaient tous pérégrins. En
théorie, elles pouvaient s’administrer comme elles le voulaient et nombre d’entre elles ont
conservé des institutions puniques (par exemple des sufètes) ; mais, en pratique, toutes
tendaient à s’aligner sur le modèle des colonies.
Dans les municipes, les notables possédaient la précieuse citoyenneté romaine, alors que
les simples habitants relevaient du droit pérégrin.
Dans les colonies, tous étaient citoyens romains.
Des communautés pré- ou non- civiques sont également attestées, notamment dans les
régions périphériques et chez les semi-nomades : populus, natio et gens, chez les peuples
isolés, pagi et castella pour les communautés plus proches de la romanité.
Depuis Vespasien jusqu’à Hadrien, les Africains ont vu les statuts municipaux
progresser constamment : les populi, nationes et gentes accédaient au statut de ciuitates, les
ciuitates devenaient municipes et les municipes colonies.
• Dans tous les cas, le vrai pouvoir était possédé par une assemblée de notables (l’ordre
des décurions dans les cités de droit romain). Une assemblée populaire est bien attestée, et
même assez fréquemment, mais ce populus n’avait qu’un pouvoir restreint (acclamer ou
manifester, ce qui entraînait rarement une modification des décisions prises par le pouvoir).
Une hiérarchie de magistrats est attestée ; les fonctions étaient annuelles, sans itération
immédiate possible, et collégiales : questeur pour les finances, édiles pour la police et les
monuments, duumvirs pour la justice et pour superviser le travail des autres et, tous les cinq
ans, dummvirs quinquennaux, pour faire le travail des duumvirs et, en plus, le census
(établissement des listes de citoyens et de non citoyens).
Bilan
De 69 à 161, l’Afrique s’est donné un visage de plus en plus romain. Cette évolution a
été rendue possible par l’essor de l’économie et par la volonté des habitants de ressembler
toujours plus aux Italiens qu’ils appelaient « Romains ».
Bibliographie
G.-Ch. Picard, La civilisation de l’Afrique romaine, 2e édit., 1990 (Paris), 359 p.
Y. Le Bohec, Histoire de l’Afrique romaine, 2005 (Paris), 282 p.
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L’Afrique romaine
2. Le rôle des Africains
[Pour suivre ce cours, il faut utiliser une carte : voir la bibliographie, ci-dessus].
La période qui va de 68 à 161 a vu le développement de l’Afrique s’accélérer de
manière significative dans deux domaines : l’économie et la culture. Ces changements, œuvre
d’une société active et dynamique, entraînèrent la multiplication des villes et le foisonnement
de leur ornementation.
I. L’urbanisme et l’urbanisation
Au début de l’époque qui nous intéresse, beaucoup d’Africains vivaient dans de gros
bourgs et beaucoup de villes ressemblaient à de gros villages.
• Les travaux furent financés par les habitants eux-mêmes : chacun construisait sa
maison, plus ou moins grande suivant ses revenus ; les notables payaient les bâtiments
collectifs.
Il n’existait pas de plan d’urbanisme ; seul le bon goût des uns et des autres poussait les
constructeurs à s’aligner sur ce qui existait.
• L’urbanisme africain ne présente aucune originalité, ou presque : les monuments
ressemblaient tous à ceux qui existaient en Italie ; imiter Rome était le rêve de tous. Dans ces
conditions, il paraît suffisant de rappeler les grandes lignes de ces aménagements ; nous
renvoyons au cours du premier semestre consacré à ce sujet, ou à un manuel.
Le cœur des villes était formé par la trilogie forum-basilique-curie, qui exprimait la
fonction civique de la ville (exemple : Timgad).
La fonction économique était remplie par des boutiques et des marchés, des ateliers et
des ports (exemple : Lepcis Magna).
L’habitat est mal et bien connu. Bien connu, quand il s’agit de l’habitat des riches. Ils
recherchaient des villas de type romain avec la célèbre trilogie de l’atrium (entrée), du
tablinum (salon de réception) et du triclinium (salle à manger), à laquelle il faut ajouter de
nombreux autres locaux (thermes privés, entrepôts, cuisine, etc.) et, éventuellement, une
partie dite grecque, avec un jardin et une fontaine au centre d’un péristyle. L’habitat des
pauvres n’a pas laissé beaucoup de traces et a moins intéressé les archéologues que les belles
villas. On donnait le nom de mapalia à des gourbis construits en branchages. Chaque fois que
l’on visite une ville romaine, il ne faut pas oublier que ce qui a survécu c’est ce qui était bien
construit et que beaucoup de murs ont disparu à jamais.
La ville était aussi lieu de loisirs : thermes pour les bains, cirque pour les courses de
chars, amphithéâtre pour les combats de gladiateurs et les chasses, théâtres pour la pantomime
et le vrai théâtre.
Enfin, la ville remplissait une fonction religieuse. On y retrouvait tous les types de
temples romains, à commencer par des capitoles reconnaissables à leur triple cella, et aussi
des autels en grand nombre. Les temples de tradition africaine peuvent être identifiés grâce à
leur cour et à l’absence de podium. Les morts, comme partout, étaient enterrés le long des
voies qui partaient de la ville et, comme partout, ils recevaient un culte.
• Sur une carte, on constate que l’urbanisation s’est développée davantage dans le nord
de la Tunisie actuelle. Elle doit beaucoup aux traditions puniques, puisque de nombreux ports
ont donné naissance à des villes, tout au long du littoral. La vallée de la Medjerda a également
donné naissance à une vraie « rue de villes », les agglomérations se touchant presque.
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II. L’économie
Si les Africains ont pu construire beaucoup de villes, c’est parce qu’ils ont su gagner
beaucoup d’argent. L’époque des Flaviens a marqué un nouveau départ (notion de
« conjoncture ») et le siècle des Antonins a vu une progression ininterrompue.
• L’agriculture représentait un élément économique fondamental, car elle faisait vivre
une grande majorité de la population. Elle a été favorisée par les traditions puniques
(agronome Magon), par le droit romain aussi. La célèbre lex manciana accordait un droit de
propriété de fait, héréditaire, à tout travailleur qui mettait en valeur une terre abandonnée, à
charge pour lui de verser 1/3 des produits du sol au vrai propriétaire. Les Africains ont su, de
leur côté, mettre en place un extraordinaire réseau de canaux et de citernes qui fait
l’admiration des archéologues et qui a permis d’irriguer jusqu’au désert.
Les céréales, regroupées souvent sous le terme imprécis de « blé », représentaient
l’essentiel de l’alimentation. Au temps de Néron, l’Afrique produisait de 9 à 10 millions de
quintaux par an. Pour Rome, elle servait de « grenier à blé ». L’olivier s’est développé à partir
du milieu du IIe siècle ; l’huile africaine semble avoir eu mauvaise réputation au début, mais
elle a vite été améliorée et exportée jusqu’à Rome. Le vin, qui semblait peu abondant aux
historiens, vient d’être « réhabilité » : il n’était peut-être pas meilleur qu’on l’a dit, mais il
était plus abondant. L’élevage (chevaux, chèvres, chameaux) apportait un complément de
ressources non négligeable. Les côtes du Maghreb romain ont produit de grandes quantités de
garum, une saumure de poisson qui était devenu un condiment très répandu et très recherché.
• L’artisanat africain n’est connu que depuis quelques décennies. Pendant longtemps, les
archéologues ont cru que l’Afrique ne produisait que du blé. Puis ils ont identifié une énorme
production de céramique : vaisselle de table (dite « sigillée »), amphores et lampes. La sigillée
fut si recherchée que des imitations se multiplièrent.
• Le commerce était lié à ces productions.
Il fonctionnait grâce à un réseau routier qui a commencé à se développer sous les
Flaviens, et qui a pris une grande extension sous les Antonins, pour atteindre les 15 à 20000
km. Le cabotage jouait sans doute un rôle plus important qu’on ne l’a dit, et le grand
commerce maritime était très actif ; en témoignent les nombreux ports révélés par
l’archéologie.
Il ne faut pas faire entrer le blé dans cette rubrique ; il était en grande partie prélevé à
titre d’impôt, un impôt qui était appelé annone et qui servait à nourrir les habitants de Rome et
les soldats. Mais on doit y faire entrer l’huile, le vin, le garum et la céramique.
Un commerce régional est connu grâce à des inscriptions qui indiquent que des marchés
ou nundinae avaient été autorisés par les autorités.
III. La société
Par certains aspects, la société romano-africaine ne se distinguait pas des autres sociétés
provinciales. Il faut donc penser à définir ce qu’était un sénateur, un chevalier, un notable
municipal (il existe de bons manuels à ce sujet). Quelques particularités peuvent, en outre,
être mises en valeur.
• La notion d’« élites sociales » a été contestée, mais elle est commode.
En attendant de donner des empereurs (la dynastie sévérienne), l’Afrique a donné à
Rome des sénateurs. Il est difficile de les compter, mais ils étaient assez nombreux et ils ont
atteint suffisamment de hauts postes pour permettre à Septime Sévère de prendre le pouvoir
entre 193 et 197. De nombreux chevaliers africains son également connus, notamment grâce
aux inscriptions. Les notables africains ont su jouer un rôle important dans la construction des
villes et l’essor économique de la région.
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• Les humbles formaient la majorité de la population, mais ils sont moins bien connus,
parce qu’ils ont laissé moins de traces que les riches.
Les soldats, relativement peu nombreux il est vrai, formaient la partie supérieure de ce
milieu : ils percevaient un salaire modeste mais régulier.
Venaient ensuite les artisans et les commerçants.
La grande masse de la population travaillait la terre.
Les esclaves, on l’a dit, paraissent avoir été peu nombreux en Afrique.
Magiciens, devins et astrologues formaient une partie des « classes dangereuses », guère
plus menaçantes en Afrique que dans le reste de l’empire. Les brigands n’y étaient guère
nombreux, même si certains épisodes ont attiré l’attention sur leur présence : au milieu du IIe
siècle, un soldat qui se rendait de Lambèse en Maurétanie fut agressé et laissé pour mort.
Bilan
L’Afrique romaine fut une terre de grande prospérité sous les Antonins. Les habitants
furent attirés par tous les aspects de la culture latine, vie quotidienne et loisirs, lettres et arts.
C’est là un aspect de leur vie que nous ne pouvons pas traiter ici. L’essentiel pour notre
propos se trouve ailleurs : il fut un temps où l’Afrique connut la prospérité et où elle fut
romaine.
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