Le Cinquième rapport du GIEC Changera t-il quelque chose ? - Par Alain Vandevoorde Historique du GIEC Le GIEC a été créé en 1988, et placé sous contrôle de l’ONU. Il a déjà réalisé quatre rapports en 1990, 1995, 2001, 2007 Les rapports se décomposent en plusieurs pavés reprenant les travaux des différents groupes de travail. - Le groupe 1 traite des aspects scientifiques de l’évolution du climat - Le groupe 2 travaille sur les impacts et l'adaptation au changement climatique - Le groupe 3 s'occupe des mesures d'atténuation des gaz à effet de serre. Ce sont donc aujourd’hui 3 467 scientifiques qui ont participé à la réalisation de ces cinq rapports. Le 5è rapport du GIEC Les rapports des groupes de travail N° 2 et 3 paraîtront au printemps 2014, et un rapport de synthèse global sera réalisé fin 2014. Le rapport du Groupe 1 traitant de l’évolution du climat, fait 1.000 pages, et c’est à partir de ce rapport qu’un résumé pour décideurs a été adopté et approuvé mot par mot le 27/9/2013 à Stockholm après quatre jours de discussion entre politiques et scientifiques. C’est le rapport le plus important politiquement parlant. D’un côté nous avons des scientifiques qui nous informent des réalités constatées, et de l’autre des états qui généralement soucieux de croissance à tout prix tentent de minimiser les effets et la gravité de la situation, et pèsent de tout leur poids lors de la rédaction du résumé pour décideurs, afin de le rendre politiquement correct. Ce résumé d'une trentaine de pages entériné par 110 gouvernements fait la synthèse de 9.000 études scientifiques publiées et doit ensuite servir de base scientifique commune entre les pays. C’est un exercice difficile déclare la climatologue Valérie Masson-Delmotte, présente à Stockholm. Certains aimeraient atténuer le constat, mettre en avant les incertitudes, alors que d'autres mettraient bien sous le tapis les aspects qui rappellent la complexité du système climatique. Les éléments majeurs - Le Giec estime la responsabilité humaine du réchauffement climatique à 95%, contre 90% en 2007. - Il constate un réchauffement continuel depuis 30 ans, et estime que la Terre se réchauffera encore de 0,3°C à 4,8° d'ici à la fin du siècle par rapport à la température moyenne de la période 1986-2005 - Il prévoit une montée du niveau de la mer de de 26 à 82 cm d'ici à 2100 contre 18 à 59 cm dans le rapport 2007, avec même une élévation qui pourrait atteindre 0,8 cm à 1,6 cm par an au cours des deux dernières décennies du siècle - Il prévoit la poursuite et l’intensification des événements météorologiques extrêmes : tempêtes, cyclones, inondations ... : Selon Thomas Stocker, coprésident du Giec "Les vagues de chaleur vont probablement se produire plus fréquemment et durer plus longtemps. Avec le réchauffement de la Terre, nous nous attendons à voir les régions actuellement humides recevoir davantage de précipitations et les régions sèches en recevoir moins, même s'il va y avoir des exceptions". . Le Réchauffement . Le réchauffement moyen depuis 1880 est désormais de 0,85 °C et les trois dernières décennies sont "probablement" les plus chaudes depuis au moins mille quatre cents ans. L’examen depuis 30 ans montre un hausse continue des températures, même si un ralentissement est constaté depuis 1998, qualifié de « pseudo pause » où la progression moyenne est de 0,05° par décennie depuis 1998, contre 0,12° auparavant depuis 1951. Le vice Président du GIEC, le Belge Van Ypersele, regrette le fait que 1998 ait été retenu comme période de début, car cette année fut exceptionnellement chaude en raison d’El Nino. Selon Valérie Masson – Delmotte, « La cause principale est à chercher dans les océans, où la chaleur s'accumule en profondeur. Concrètement, nous perturbons le climat en renforçant l'effet de serre, en emprisonnant de l'énergie plutôt qu'en la renvoyant vers l'espace. Il faut savoir que 93 % de cette énergie ainsi prisonnière est stockée en réchauffant les eaux maritimes, 3 % réchauffe les sols, 3 % est consommée dans la fonte des glaces et 1 %, uniquement, est stockée à travers le réchauffement atmosphérique » Montée du niveau de la mer Globalement, la montée du niveau de la mer s'est accélérée depuis 20 ans, constatent les climatologues : 3,2 mm par an en moyenne sur les 20 dernières années contre 1,7 mm en moyenne entre 1901 et 2010. Entre 1901 et 2010, les océans se sont en moyenne élevés de 19 cm. Selon les études les plus récentes, les calottes du Groenland et de l'Antarctique auraient contribué pour un peu moins d'un tiers à l'élévation du niveau de la mer depuis 20 ans, le reste se répartissant entre la dilatation thermique et la fonte des glaciers de montagne. Une récente étude parue dans la revue Nature Climate Change chiffre l'impact économique potentiel des inondations dans les 136 villes côtières de plus d'un million d'habitants: le coût pourrait dépasser en 2050 les 1.000 milliards de dollars si rien n'est fait pour les protéger. Par contre une élévation de un à deux mètres serait dramatique dans de nombreuses régions du monde. Mon opinion : Ces prévisions me paraissent largement en dessous de la réalité. Est-ce par volonté de ne pas effrayer l’opinion ? Le cinquième rapport du GIEC changera-t-il quelque chose ? - 1 Rappelons pour mémoire, qu’à peine publié le 4è rapport des voix s’étaient élevées pour dire que cette élévation (de 57 cm maxi) serait en réalité proche du mètre. De même la fonte des calottes polaires est bien plus importante et rapide que les prévisions initiales du GIEC, dépassant même le pire des scénarios. Du coup leur contribution à l’élévation du niveau de la mer de 1 mm par décennie en 1995 a doublé en 2005, et pourrait encore doubler chaque décennie. Aussi des études scientifiques (non validées à ce jour) prévoient une hausse possible maximale de 2,40 à 5,20m. D’autres éléments préoccupants sont à prendre en compte : - l’existence d’émissions importantes de méthane (au pouvoir de réchauffement 23 fois supérieures au CO2) libérées par la fonte du permafrost, et non prises en compte par le GIEC. - la surface de la calotte glaciaire du Groenland fondant en été ne cesse de croître, au point d’atteindre 97% de la surface glaciaire du Groenland en Juillet 2012, contre 50% habituellement, c’est la plus importante depuis 35 ans. Glaces - Neiges et glaces de toutes sortes se rétractent rapidement. La surface de la banquise arctique estivale a énormément reculé. Les experts n'excluent pas qu'elle ait totalement disparu au milieu du siècle, dans le cas du scénario le plus noir. - Les glaciers de montagne ont perdu en moyenne environ 275 milliards de tonnes (Gt) de glaces par an entre 1993 et 2009. Relevée au mois de juin, la couverture neigeuse de l'hémisphère nord a perdu en moyenne 11,7 % par décennie entre 1967 et 2012. Les experts estiment "très probable" que la calotte de glace du Groenland ait perdu en moyenne 34 Gt par an entre 1992 et 2001. Ce taux est depuis passé à 215 Gt de perte par an entre 1993 et 2009 ( multiplication par 6). L'Antarctique est soumis à une accélération comparable. La perte de glace des deux inlandsis contribue fortement à faire monter les océans. Géo-ingénierie - Pour la première fois, la géo-ingénierie est mentionnée dans le Résumé à l'intention des décideurs. "C'était une demande des gouvernements de se pencher sur cette question", précise M. van Ypersele qui estime que ne pas traiter cette question dans le rapport du GIEC ouvrirait la porte à ce qu'on puisse en dire n'importe quoi." A en croire le Guardian, c’est la Russie qui aurait demandé la présence d’un document sur la géo-ingéniérie. Elle a tout intérêt à encourager le développement de nouvelles sources d’énergie fossile – elle dispose notamment de gisements de gaz et pétrole en Arctique – et donc à faire miroiter une solution au réchauffement autre que la sobriété énergétique. Les politiques réagiront-ils ? Comme à l’accoutumée, les grands de ce monde disent que nous ne pouvons plus continuer ainsi, et chacun d’y aller de son petit couplet. Ainsi John Kerry Secrétaire d’état US : "ceux qui refusent de croire la science ou cherchent des excuses pour ne pas agir jouent avec le feu". Ou encore Connie Hedegaard commissaire à l'action pour le climat européenne : « Si votre médecin était sûr à quatrevingt-quinze pour cent que vous étiez gravement malade, vous commenceriez immédiatement à chercher les moyens de guérir ». La réalité est toute autre, où la crise économique a relégué l'urgence climatique au second plan. Même en Europe, jusqu'alors fer de lance de cette bataille, "le climat est tombé de la table", constate un observateur des arcanes communautaires. De fait le processus est bloqué depuis le sommet de Copenhague et comme le notait le climatologue Hervé Le Treut, le 20 décembre 2009, au matin de cette débâcle : « Les dirigeants sont imperméables à la pression internationale lorsqu'ils ne sont pas soumis à la pression de leur propre opinion publique », ce qui nous renvoie nous associations à notre propre responsabilité en matière de mobilisation. Rappelons pour mémoire que le protocole de Kyoto qui prévoyait la réduction de 5,5% des émissions des Pays riches (US non signataire) s’est achevé fin 2012, et que l’accord devant lui succéder et regrouper Pays riches et émergents (notamment Chine, Inde, Brésil ...) n’a pu être conclu. Seul un minable Kyoto 2 destiné à sauver les apparences a été signé in extrémis, qui regroupe encore moins de pays et ne concerne que 13% des émissions mondiales. La réalisation de cet accord global a été repoussée à la conférence de Paris en 2015, pour application au mieux ....en 2020 (que de temps perdu, hélas précieux !). Or les discussions d’étape montrent une mésentente sur les objectifs et des désaccords fondamentaux. De fait, en l’absence de pression des opinions sur leurs gouvernements, nous allons tout droit à un échec tel celui de Copenhague. Plus personne ne croit aujourd’hui à la possibilité de limiter le réchauffement en dessous de la barre des 2°, seuil au delà duquel les scientifiques craignent que la machine climatique s’emballe et que les éco-systèmes nécessaires à la vie s’effondrent. Il aurait fallu pour cela prendre des engagements très volontaristes, qui n’ont pas eu lieu. D’autre part pour rester en deçà des 2°, il faudrait que le maximum des émissions de Gaz à Effet de Serre ait lieu au plus tard en 2015, pour ensuite décroître. Nous n’en prenons absolument pas le chemin. Pire, nous avons franchi en 2013 la barre des 400 ppm de CO2, soit 43% de plus que le niveau préindustriel (270 à 280 ppm) Rappelons enfin, que la crise financière a coûté environ 8 900 Milliards de dollars à la communauté mondiale, afin de renflouer des banquiers pyromanes, et que cette même communauté se dit incapable de financer le fonds vert destiné à aider les pays du Sud à réduire leurs émissions et faire face aux conséquences des changements climatiques, et cela alors que ces besoins sont estimés à seulement 110 Milliards / an. Economie, élaboration d’un 2è rapport Stern Dans son 1er rapport en 2006 Nicolas Stern a cherché à évaluer le coût des impacts liés au réchauffement climatique et ses conséquences. Cela représentait quelque 5 500 milliards d'euros, soit 5 % à 20 Le cinquième rapport du GIEC changera-t-il quelque chose ? - 2 % du PIB (produit intérieur brut) mondial d'ici à 2050, une récession équivalente à celle des années 1930..., Ce second rapport sera produit après un an de travaux, et est porté par 7 pays (Colombie, Ethiopie, Indonésie, Corée du sud, Norvège, Suède et Royaume-Uni) ainsi que par d’anciens politiques et grandes entreprises privées. L’objectif affiché est de concilier croissance et lutte contre le réchauffement – la décroissance étant formellement exclue-, aussi la commission Stern 2 s'efforcera t-elle de formuler des recommandations pour parvenir à une économie mondiale décarbonée d'ici quelques décennies. De fait, la messe a été dite, et annoncée solennellement à Rio + 20. La croissance sera verte ! comme si notre empreinte sur la planète n’était pas encore suffisante ! Les climato-sceptiques Ce mouvement né aux USA dès la naissance du GIEC s’essoufle, notamment outre atlantique et ce en raison de la succession d'ouragans, d'inondations, de sécheresses, incendies... Les campagnes des écologistes dévoilant les liens entre climato-sceptiques et industries du pétrole et du gaz qui financent leurs campagnes ont également porté leurs fruits. Ces derniers mois, la fuite de plusieurs documents internes du Heartland Institute, un think tank conservateur fer de lance du climato-scepticisme aux Etats-Unis, a montré que des blogueurs ou scientifiques climato-sceptiques très médiatiques étaient secrètement rémunérés pour semer le doute dans l'opinion. En revanche, le climato-scepticisme connaît un niveau relativement élevé en Europe, notamment en France. Selon le baromètre d'opinion sur l'énergie et le climat publié en août par le Commissariat général au développement durable, 22 % des Français pensent que la responsabilité humaine dans le changement climatique n'est pas démontrée et 13 % remettent en cause la réalité même du réchauffement. A voir : http://www.fondation-nicolashulot.org/blog/les-marchands-de-doute-information-etcontroverses-climatiques Relativisation du réchauffement par les climatosceptiques : Comme à l’accoutumée, ils saisissent le moindre élément ou erreur de rapport qui leur permettent de mettre en doute la réalité du changement climatique, ou encore mettre en cause la crédibilité du GIEC. Cette fois ci, ils ont claironné que le Réchauffement n’est pas si important que ça, voire même établi, en s’appuyant sur le fait que le Giec a annoncé une baisse de l’intensité du réchauffement depuis 1998 (voir paragraphe concerné). Je partage l’avis de Van Ypersele (N°2 du GIEC) qui estime qu’avoir pris comme point de début 1998 est une erreur qui fausse les calculs. En effet cette année anormalement chaude en raison d’El Nino, est restée très longtemps l’année la plus chaude ayant jamais existé parmi les 10 dernières années. Voir : <http://www.liberation.fr/terre/2013/09/26/notremaison-brule-et-nous-regardons-ailleurs_934959 Cet appel a été signé par Michel Rocard, Edmond Maire, Edgar Morin, Nicolas Hulot, Pierre Rabhi… A signaler, la tenue le 6 octobre d’Alternatiba à Bayonne, initiative associative et citoyenne quiveut contribuer à relancer une mobilisation citoyenne, au niveau européen, dans la perspective d’un sommet décisif pour les négociations internationales sur le climat qui se tiendra fin 2015 à Paris. Alternatiba se veut porteur d’une dynamique de mobilisations et de pression populaires qui vont s’amplifier jusqu’au sommet de Paris fin 2015 afin que ce sommet ne soit pas pour rien comme à Copenhague en 2009 Ce 6 Octobre, ce seront plus de 150 associations qui viendront exposer des solutions concrètes à la lutte contre les changements climatiques, où plus de 100 conférenciers participeront aux débats Climat : les maires du monde s'engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre Les signataires de la déclaration de Nantes se disent "gravement préoccupés par la menace sur la vie humaine causée par la dégradation des conditions environnementales mondiales", mettant notamment "en danger l'accès durable à l'eau et à la nourriture". Voir : <http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/09/28/cli mat-les-maires-du-monde-s-engagent-a-reduire-leursemissions_3486627_3244.html> Pour terminer ce dossier, je dirai que notre avenir est incertain, mais que nous pouvons agir, et vous livre une citation de Margaret Mead Anthropologue (1901 - 1978) « Ne doutez jamais qu'un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, c'est toujours comme cela que ça s'est passé ». Alain Vandevoorde, le 07 Octobre 2013 Bonne nouvelle : l’émergence d’un frémissement associatif en matière de mobilisation citoyenne Appel. «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs», Libération, 26/09/13, Le cinquième rapport du GIEC changera-t-il quelque chose ? - 3