1084_texte leibniz petites perceptions

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Philosophie — Mme Duprey
TL
Séquence 1 : « La condition humaine », chap. 3 : l’existence d’une part inconsciente en nousmêmes est-elle une menace pour notre identité ?
Perception et aperception
D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en
nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont
nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand
nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant 1 à part, mais jointes à
d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir (…). C'est ainsi que
l'accoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement d'un moulin ou à une chute
d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps. Ce n'est pas que ce
mouvement ne frappe toujours nos organes (…) mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans
le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre
attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants2. Car (…) souvent quand nous ne
sommes point (…) avertis de prendre garde à quelques-unes de nos propres perceptions présentes,
nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées (…). Et pour juger encore
mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule3, j'ai coutume de me
servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au
rivage. Pour entendre ce bruit comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties qui
composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne
se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce
mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le faisait était seule. Car il faut (…)
qu'on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelque petits qu'ils soient; autrement on
n'aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque chose.
G.W. LEIBNIZ, Nouveaux essais sur l'entendement humain, Préface.
1) Quel est le thème de ce texte ?
2/ En vous appuyant sur les premières lignes du texte, montrez quelle différence Leibniz établit
entre « perception » et « aperception ». Comment caractérise-t-il tout d’abord les « petites
perceptions » qui restent inaperçues ?
3/ Quel facteur explique que certaines de nos perceptions « passent inaperçues » (exemple du
moulin ou de la chute d’eau) ? A quelles conditions, à l’inverse, nos perceptions sont elles
remarquées ?
4/ Analysez l’exemple du bruit de la mer : que nous apprend-il au sujet de nos perceptions ?
Peut-on se rendre attentif au moindre détail de ce qui est perçu?
5/ Reformulez la thèse de l’auteur.
Discernable, que l’on peut distinguer…
des objets qui occupent (intéressent) plus notre esprit.
3
« dans la foule » : c’est-à-dire « lorsqu’elles sont prises dans un ensemble »
1
2
Philosophie — Mme Duprey
TL
Séquence 1 : « La condition humaine », chap. 3 : l’existence d’une part inconsciente en nousmêmes est-elle une menace pour notre identité ?
Texte 2 : Souvenirs latents4 et souvenirs manifestes
Derrière les souvenirs qui viennent se poser ainsi sur notre occupation présente et se révéler au
moyen d’elle, il y en a d’autres, des milliers et des milliers d’autres, en bas, au-dessous de la scène
illuminée par la conscience. Oui, je crois que notre vie passée est là, conservée jusque dans ses
moindres détails, et que nous n’oublions rien, et que tout ce que nous avons perçu, pensé, voulu
depuis le premier éveil de notre conscience, persiste indéfiniment. Mais les souvenirs que ma
mémoire conserve ainsi dans ses plus obscures profondeurs y sont à l’état de fantômes invisibles.
Ils aspirent peut-être à la lumière : ils n’essaient pourtant pas d’y remonter ; ils savent que c’est
impossible, et que moi, être vivant et agissant, j’ai autre chose à faire que de m’occuper d’eux.
Mais supposez qu’à un moment donné je me désintéresse de la situation présente, de l’action
pressante. Supposez, en d’autres termes, que je m’endorme. Alors ces souvenirs immobiles,
sentant que je viens d’écarter l’obstacle, de soulever la trappe qui les maintenait dans le sous-sol
de la conscience, se mettent en mouvement. Ils se lèvent, s’agitent, ils exécutent, dans la nuit de
l’inconscient, une immense danse macabre. Et, tous ensemble, ils courent à la porte qui vient de
s’entrouvrir.
Bergson, L’énergie spirituelle, « Le rêve ».
1) Dans les premières lignes du texte, quelle métaphore utilise Bergson pour parler des
phénomènes de la conscience ?
2) Dans quelles circonstances les souvenirs latents remontent-ils à la conscience ?
3) En quel sens précis peut-on parler dans ce texte d’un « inconscient » ?
4) En quel sens peut-on dire que le maintien de cette zone inconsciente (obscure) de notre
esprit est nécessaire à la vie ?
4
Latent : du latin « latere » = être caché. Est latent ce qui est caché, ne se manifeste pas, mais qui est susceptible
de le faire à tout moment.
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