Luxembourg, le 3 septembre 2010 Lettre ouverte à l’Ambassadeur de France au Luxembourg, M. Charles-Henri d’Aragon Excellence, Depuis des semaines la politique d’expulsion que mène le gouvernement français à l’encontre des Roms, domine l’actualité en Europe. Nous voudrions vous faire part de notre incompréhension et de nos préoccupations et nous joindre aux critiques formulées par les différentes institutions européennes, l’Organisation des Nations Unies (ONU), et même l’Eglise catholique, vis-à-vis du démantèlement massif des camps de Roms sur le territoire de la République. A titre d’exemple, Pierre-Richard Prosper, rapporteur du Comité contre l’élimination de la discrimination raciale (CERD), a souligné que le fait de viser un groupe plutôt que des individus est contraire aux obligations de la France, signataire de conventions internationales. Bien que ces camps revêtent un caractère illégal, les mesures coercitives appliquées systématiquement ne sont pas une réponse adéquate à une problématique liée à la misère. L’émigration massive de la première minorité ethnique en Europe, à savoir les Roms, constitue avant tout un acte de survie en réponse à la discrimination structurelle grave que subit ce peuple. Ils sont marginalisés et vivent sous des conditions souvent déplorables et insalubres, faute d’interventions nationales et internationales efficaces. La politique menée par le gouvernement français à l’heure actuelle prend à nos yeux une envergure très inquiétante, étant donné qu’elle va à l’encontre des principes sur lesquels se base l’Union européenne et ne respecte pas le Traité sur l’UE. Ce dernier stipule clairement dans son article 2 que : L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la nondiscrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. Mener une politique qui stigmatise une ethnie/une minorité n’est guère compatible avec les valeurs de la République Française et celles de l’Union européenne. L’attitude du Président de la République et de son gouvernement est d’autant plus incompréhensible que cette campagne intervient un mois après le rapport de la Commission Européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe et la résolution adoptée par le Comité des Ministres du 30 juin 2010 constatant la violation par la France de la Charte sociale européenne suite à la plainte du centre européen des droits des Roms (CEDR). En tant que citoyens européens, les Roms ont le droit à la libre circulation au sein de l’UE, et dans ce contexte, il nous semble plus adapté d’œuvrer en faveur d’une intégration durable de ces personnes, au lieu de les expulser et de les marginaliser. Le fait qu’environ deux tiers des Roms vivant en France sont sédentaires, constitue en notre sens une bonne base de départ pour engranger ce processus d’intégration. Leur garantir les droits fondamentaux qui leur incombent en tant que ressortissants européens, leur donner accès au logement et au travail seraient à notre avis, des démarches prometteuses vers une intégration réussie. Nous tenions par la présente à vous transmettre les plus vives inquiétudes du LSAP. Vous remerciant de l'attention que vous porterez à la présente, nous vous prions de croire, Excellence, à l'assurance de notre haute considération. Lucien LUX Président du Groupe parlementaire LSAP Alex BODRY Président du LSAP