La PsychoThérapie Interpersonnelle pour Adolescents TIP-A : Un traitement efficace et rapide de la dépression de l’adolescent. F.Kochman, H.Rahioui, JA.Meynard, T.Bottai, L.Jacquesy, C.Dupuy, S.Christophe, D.Papeta* * Groupe de Psychothérapie CREATIP [email protected] 25% des jeunes de 18 ans ont déjà traversé dans leur vie un épisode dépressif majeur (4). La majorité d’entre eux n’ont pas bénéficié de soins. Beaucoup ont développé un terrain de fragilisation vis-à-vis de dépressions ultérieures et ne sortent pas indemnes de ces troubles de l’humeur précoces : développant en corollaire des conduites addictives, ou se retrouvant en situation d’échec scolaire et de désocialisation(6). Les alertes récentes concernant le risque potentiellement suicidogène des antidépresseurs chez l’adolescent ont montré que la psychopharmacologie est complexe dans cette classe d’âge. En revanche, parmi les rares psychothérapies ayant fait l’objet d’une évaluation thérapeutique dans la dépression précoce, la psychothérapie interpersonnelle ados (TIP-A) s’est imposée en tant que psychothérapie brève efficace permettant une abrasion rapide de la symptomatologie dépressive (5). De plus, cette nouvelle psychothérapie, de par sa brièveté et sa structure est particulièrement adaptée et investie par les jeunes patients (7). A partir d’une revue récente de la littérature médicale, nous développerons les données concernant l’efficacité de cette psychothérapie. Puis nous détaillerons les premiers résultats d’une étude prospective réalisée auprès de 14 adolescents souffrant d’un épisode dépressif majeur. La Psychothérapie Interpersonnelle : historique et concepts Dans les méta-analyses consacrées à l’évaluation de l’efficacité de différentes thérapies antidépressives , la psychothérapie interpersonnelle (TIP) est régulièrement citée, notamment par nos collègues anglo-saxons. Ces citations jettent en général un trouble en France où cette forme nouvelle de psychothérapie est quasiment inconnue. Dans le cadre du traitement de la dépression, il s’agit d’une psychothérapie structurée clairement en 12 sessions codifiées. Comme son nom l’indique, la TIP se fonde sur les profondes intrications entre la dépression d’un sujet et ses relations sociales, autrement dit ses liens affectifs et relationnels avec ses pairs, ses proches. Indépendamment des causes déclenchantes de la maladie, cette psychothérapie brève se fixe deux objectifs : l’atténuation rapide de la symptomatologie dépressive en aidant le patient à modifier les difficultés interpersonnelles liées à ses symptômes, et l ’ amélioration du fonctionnement social et relationnel en optimisant les capacités de communication et d’adaptation en vie sociale. Ce dernier objectif revêt une grande importance en termes de prévention des rechutes et récidives dépressives. Historique Cette thérapie repose sur la constatation d’un lien indéfectible entre la dépression et le tissu relationnel social du sujet déprimé, ce quelle que soit l’origine de cette dépression. Elle se base sur les concepts et travaux d’Adolf Meyer, Sullivan, de Bowlby notamment. La TIP se base également sur le contexte social tel que défini par l’enchaînement de stress, d’événements de vie douloureux, d’impact social et environnemental, et de clinique de la dépression. C’est sur cette base solide de réflexions théoriques que le couple Weissman et Klerman a fondé la TIP avec d’autres collègues new-yorkais au début des années 1970, démontrant notamment que l’impact de la dépression sur la vie sociale est prépondérant chez les femmes et impose la prise en compte des problèmes sociaux et relationnels chez ces patientes (8). Depuis plus de 30 ans, Myrna Weissman s’est entourée d’une vaste équipe de cliniciens, enseignants et chercheurs pour poursuivre la réflexion et la pratique qui lui a permis de donner naissance à une nouvelle forme de psychothérapie reposant sur des fondements à la fois psychiatriques et sociologiques. Efficacité de la TIP en tant que traitement de la dépression Historiquement, la première grande étude de ce type date de 1979 et visa à comparer l’efficacité de la TIP comparée à l’amitryptilline (laroxyl®) et à un suivi médical sans psychothérapie au sein d’un panel de patients dépressifs (8). Une très belle étude de prévention des récidives durant 3 ans fut réalisée dans la région de Pittsburgh par l’équipe des professeurs Frank et Küpfer. Elle fut très démonstrative car elle démontra que les patients souffrant de dépressions récurrentes et bénéficiant d’une TIP à raison d’un entretien par mois rechutaient nettement moins que les patients non suivis (2 ans en moyenne sans rechute contre 5 mois seulement pour les patients sans traitement) (1). L’étude considérée comme le « gold standard » de l’évaluation des psychothérapie reste à ce jour le travail commandité par le National Institute of Mental Health (NIMH), comparant l’efficacité respective dans la dépression de la TIP, de la thérapie cognitive et comportementale (TCC), de l’imipramine (Tofranil®) et du placebo. La TIP se révéla d’ efficacité égale à la TCC pour les dépressions légères à modérées, et supérieure à toutes les autres formes de thérapie testées dans le cadre des dépressions sévères (2). La TIP-A (Adolescents) La TIP est une forme de psychothérapie très dynamique et active, mettant en jeu des techniques particulièrement adaptées aux prises en charges d’adolescents (jeux de rôles, analyse de la communication, etc.) (3) Une étude prospective remarquable a été publiée au sujet de la prise en charge d’adolescents déprimés, suivis et soignés en milieu médico-psychologique scolaire en TIP-A, et comparés en double-aveugle à une prise en charge psychothérapeutique et médicamenteuse classique. Elle a révélé le fait que la TIP-A est significativement plus efficace que les stratégies thérapeutiques classiques, et que son efficacité est extrêmement rapide (dès les 4 premières semaines de traitement) (5) Premiers résultats : suivi TIP-A de 14 adolescents dépressifs 14 adolescents souffrant d’un épisode dépressif majeur ont été suivis et pris en charge en TIP-A sans adjonction de traitement antidépresseur (suivi naturalistique). Méthode : - 14 adolescents âgés de 13 à 17 ans (8 filles, 6 garçons, moyennes : 15,1 ans) suivi à l’UFA (Unité Fonctionnelle Ados, Saint André Lez Lille). - Entretien semi-structuré : Kiddie-SADS - CDRS (Child Depression Rating Scale) > 40 (moyenne : 64,7), MADRS>20 (moyenne 32,8) - Suivis en TIP-A individuelle et évaluation clinique en aveugle (psychologue de l’unité) : Evolution échelles CGI, CDRS, MADRS. Résultats : - 12 adolescents sur 14 ne répondaient plus au diagnostic de dépression après 12 semaines de traitement (1 séance hebdomadaire) - Baisse des scores MADRS > 50% en 6 à 8 semaines pour 11 adolescents sur 14 (p<0.02). MADRS CDRS 60 30 40 20 S0 S0 20 10 S12 S12 Evolution des scores de dépression au début et à la fin de la psychothérapie Conclusion : A la lumière des études d’évaluation les plus récentes, la TIP représente aujourd’hui la forme de psychothérapie la plus efficace dans le traitement de la dépression, notamment des formes de dépressions sévères et récidivantes. La TIP-A est particulièrement bien adaptée à la pris en charge d’adolescents dépressifs et se révèle d’une grande efficacité. Par ailleurs, elle est remarquablement appréciée et intégrée par les adolescents. Sur 14 adolescents suivis, 11 ont répondu « très satisfait ou satisfait » sur un questionnaire d’évaluation de la qualité de leur prise en charge psychothérapeutique. Un seul jeune patient a été perdu de vue durant la phase de soins. Au total, l’afflux constant de patients suivis pour dépression contrastant avec la carence du nombre de thérapeutes en France se manifeste aujourd’hui par un engorgement des centres de soins posant ainsi un problème avéré de santé publique et dans certains cas de qualité des soins. L’avènement d’une nouvelle forme de psychothérapie brève et surtout efficace arrive à point nommé dans le paysage thérapeutique français. L’enseignement de la TIP pourrait contribuer grandement à l’amélioration nécessaire de la qualité des soins de la dépression dans notre pays, tout particulièrement en ce qui concerne les patients subissant des rechutes et récidives dépressives. Cette psychothérapie peut être enseignée en France sous la forme de courtes formations et son intégration dans le panel de nos stratégies de soins pourrait revêtir un impact majeur en termes de santé publique, notamment dans le cadre des soins de la dépression précoce et de la prévention des risques suicidaires et des conduites addictives. Informations concernant la formation TIP, contacts : [email protected] http://tip2010.wordpress.com Références bibliographiques : 1 - Frank E, Kupfer DJ, Wagner EF & al. Efficacy of interpersonal psychotherapy as a maintenance treatment of recurrent depression. Contributing factors. Arch Gen Psychiatry, 1991, 48(12) : 1053-1059. 2 - Klein DF, Ross DC. Reanalysis of the National Institute of Mental Health treatment of depressive collaborative research program general effectiveness report. Neuropsychophamacology, 1993, 8 : 241-251. 3 - Kochman F, Meynard JA, Jacquesy L & al. La Psychothérapie Interpersonnelle chez l’adolescent. Congrès National de Psychiatrie et Neurologie de Langue Française, Aix en Provence, Juin 2009. 4 - Lewinsohn PM, Hops H, Roberts RE & al. Adolescent psychopathology, I: prevalence and incidence of depression and other DSM-III-R disorders in high school students. J Abnorm Psychol. 1993;102:133-144. 5 - Mufson L, Weissman MM, Moreau D, Garfinkel R. Efficacy of interpersonal psychotherapy for depressed adolescents. Arch Gen Psychiatry. 1999 Jun;56(6):573-9. 6 - Pliszka, & al. Affective disorder in Juvenile Offenders : a preliminary study. SR Am.J.Psychiatry, Janvier 2000; 157 : 130-32. 7 - Rahioui H, Tang M, Bottai T & al. La thérapie Interpersonnelle, Synapse, décembre 2007, 28-32. 8 - Weissman MM, Prusoff B, Di Mascio A & al. The efficacy of drugs and psychotherapy in the treatment of acute depressive episodes. Am J Psychiatry, 1979, 136 : 555-558.