Guerre dans le cosmos – texte annexe Comment fonctionne la machine Soleil qui nous fait vivre ? De centre de l'Univers et de divinité, le Soleil est devenu, grâce aux avancées de la connaissance astronomique, une simple, une banale étoile parmi les centaines de milliards qu'abrite la Voie lactée. S'agit-il pour autant d'une déchéance ? Si la découverte progressive par les chercheurs des mécanismes intimes de l'astre du jour lui a fait perdre progressivement tout mystère aux yeux des hommes, ceux-ci n'ont pour autant pas perdu de vue que sans Soleil la vie fragile s'éteindrait comme une chandelle que l'on mouche. Cependant, qui maîtrise ces mécanismes, qui sait répondre à la question que le physicien Alain Bouquet pose en titre de son récent ouvrage, Pourquoi le Soleil brille-t-il ? (éditions Le Pommier, collection "Les petites pommes du savoir", 60 p., 3,90 €). Étoile d'un type commun, le Soleil constitue un astre énorme à l'échelle de la Terre : un rayon de 696 000 kilomètres pour une masse de 2 milliards de milliards de milliards de tonnes, soit 333 000 fois plus que notre petite planète. A lui tout seul, Phœbus représente 99,8 % de la masse du système solaire... Et c'est précisément grâce à cela que le Soleil a pu allumer en son sein le feu nucléaire. Sous l'effet de sa propre masse, l'étoile se contracte et la température en son cœur monte. Si le Soleil avait été dix fois moins gros, cette température n'aurait jamais pu atteindre les quelques millions de degrés indispensables pour que démarre la réaction de fusion. Il serait demeuré une naine brune, un avorton d'étoile destiné à ne jamais briller. Lorsque feu thermonucléaire il y a, la contraction s'arrête : la pression interne des protons, animés d'une grande vitesse, va contrebalancer l'effondrement gravitationnel de l'astre qui finira par trouver un équilibre. L'ÉQUATION E = MC2 Mais que se passe-t-il donc dans les entrailles du Soleil ? Quel est le combustible du foyer ? Alain Bouquet résume très simplement le mécanisme en écrivant que "le Soleil brille parce qu'il est chaud, il est chaud parce qu'il convertit une fraction de sa masse en énergie, et il effectue cette conversion grâce à la fusion en hélium de l'hydrogène dont il est constitué". La fameuse équation d'Albert Einstein E = mc2 prend toute sa lumière, qui ne fait que traduire en termes mathématiques l'équivalence entre énergie et masse. La fusion s'effectue en plusieurs étapes impliquant des protons, qui ne sont ni plus ni moins que les noyaux des atomes d'hydrogène. Au cours de ces fusions successives, on passe de l'hydrogène au deutérium, du deutérium au noyau d'hélium 3 (constitué de deux protons et d'un neutron) et enfin de l'hélium 3 à l'hélium 4, dont le noyau compte deux protons et deux neutrons. Or, fait remarquer Alain Bouquet, "le noyau résultant est plus léger que la somme des masses de ses constituants : il lui manque l'énergie libérée dans la fusion. C'est ainsi que la fusion de l'hydrogène en hélium libère une énergie égale à 0,7 % de la masse initiale. Cela semble peu, mais cela signifie quand même que chaque transformation de 1 kilogramme d'hydrogène en hélium libère l'équivalent en énergie de 7 grammes de matière, soit 180 millions de kilowattheures, cinq jours de production d'une centrale nucléaire. Le Soleil convertit en hélium 600 millions de tonnes d'hydrogène par seconde, et 4 millions de ces tonnes disparaissent ainsi en lumière." Le chiffre paraît gigantesque. On pourrait s'affoler et croire qu'à ce rythme fou, notre étoile va se consumer rapidement. Pourtant, étant donné la masse prodigieuse du Soleil, un rapide calcul A.R. TAMINES Page 1 / 2 Guerre dans le cosmos – texte annexe montre que, depuis sa formation il y a environ 4,6 milliards d'années, il n'a perdu que quelques centièmes de pour cent de sa masse initiale... Une fois émise, l'énergie ne sort pas instantanément du Soleil, contrairement à l'ampoule qui s'allume dès que l'on presse l'interrupteur. Ainsi que l'explique Alain Bouquet, le plasma de gaz ionisés présent dans le four solaire "est opaque au rayonnement : celui-ci est absorbé en quelques fractions de millimètre. Les photons, les particules qui composent le rayonnement, sont absorbés sitôt émis au cœur du Soleil, puis réémis, réabsorbés, réémis des milliards de milliards de fois, et leur forte énergie initiale finit par être peu à peu transférée à des millions de photons de plus basse énergie (...). Et ce processus prend des centaines de milliers d'années !" Le photon produit au cœur du Soleil a ainsi été comparé à un ivrogne qui, effectuant cent trajets d'un mètre, se retrouverait au final, épuisé, à une dizaine de mètres seulement de son point de départ... L'énergie dégagée lors de la fusion suit ce laborieux mode de transport, dit radiatif, jusqu'à environ 500 000 kilomètres du centre de notre étoile. Là, des mouvements de convection prennent le relais et montent le gaz chaud vers la surface, dont la température n'est plus que de 5 500° C. La lumière qui sort alors de notre étoile est essentiellement émise dans le spectre visible. Les jolis rayons que représentent tous les enfants sur leurs dessins du Soleil mettent ensuite 8 minutes à nous arriver, mais il faut garder présent à l'esprit que l'énergie qu'ils transportent a été fabriquée bien avant l'apparition d'Homo sapiens sapiens sur la Terre... Pierre Barthélémy – Le MONDE 2002-10-14 A.R. TAMINES Page 2 / 2