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La philosophie à l’école élémentaire
Si la vie en société n’est pas possible sans une prise de conscience de l’autre, le travail en
groupe, en équipe ne s’improvise pas. Il s’agit là d’un véritable apprentissage.
Par ailleurs, et toujours dans l’esprit d’une initiation à la vie démocratique, il nous semble
important de développer chez nos élèves la capacité à dépasser le cadre personnel, individuel
de leurs problèmes ou de leurs préoccupations pour en faire une analyse générale permettant
d’apporter des solutions valables pour l’ensemble de la collectivité. C’est exactement la
démarche adoptée, puisqu’on part de l’histoire inventée de quelques personnages pour en tirer
des questionnements d’ordre général.
Apprendre à penser
Un de nos buts est de montrer à nos élèves qu’ils sont capables de penser. Que ce qui
distingue l’homme de l’animal, c’est la pensée autonome et la faculté qu’il a de pouvoir la
partager avec autrui. Ou la capacité à "se représenter les représentations mentales d'autrui". Il
nous semble donc important que l’école forme ce qui fait l’essence de l’homme. La meilleure
arme contre les absolutismes, les totalitarismes, les fanatismes, les intégrismes.
Matthew LIPMAN appelle "pensée critique" le type d'attitude réflexive à mettre en place. Il
définit cette attitude, proche de la pensée scientifique, en indiquant qu'elle doit s'appuyer sur
des critères rigoureux et des raisons valides. Utiliser la pensée critique, c'est aussi faire preuve
d'ouverture d'esprit, d'objectivité et accepter de se confronter aux idées des autres.
Penser, c’est aussi « se penser », c’est-à-dire avoir conscience de sa propre pensée. Cette
attitude renforce le sentiment d’être (« Je pense, donc je suis ») et la présence au monde
évoquée plus haut. Et si elle peut paraître égocentrique, voire nombriliste, elle permet en fait
une réelle distanciation, chacun se prenant comme objet d’analyse. Dans la foulée, on peut
imaginer que se penser, s’observer dans l’action, permet de mieux se connaître ("Connais-toi
toi-même") et de venir à bout de nombre de difficultés (métacognition).
Ces capacités d’auto-analyse aideront également chacun à mieux se maitriser, à dominer
davantage ses émotions. Et, si on en croit les recherches récentes concernant l’intelligence
émotionnelle, ceci représente un atout non négligeable au service de la réussite, tant dans les
domaines scolaire ou professionnel qu’au niveau personnel. Selon certains chercheurs, le «
quotient émotionnel » (QE) qui mesure ces facultés, serait plus à même de rendre compte des
potentialités d’un individu que le «quotient intellectuel» (QI). C'est la thèse que défend Daniel
GOLEMAN.
Une meilleure image de soi
Nous souhaitons quant à nous renforcer chez chacun de nos élèves l’estime de soi, en leur
demandant de penser, de façon autonome, et de faire partager les fruits de cette pensée.
Chacun est libre de s’exprimer, ou non, et la parole de tous est considérée comme importante.
Il ne fait guère de doute que le regard qu’un enfant (ou un adulte) porte sur lui-même a un rôle
primordial dans sa réussite, dans tous les domaines - scolaire, affectif, professionnel, social
etc. En cela, ces activités se veulent également une arme contre l’échec scolaire.
Si on pense qu’on est quelqu’un de bien, quel besoin a-t-on de s’identifier à un autre ? En ce
sens, le développement de l’estime de soi, comme celui de la pensée autonome, sont
envisagés comme un moyen de lutte contre toute forme de manipulation, ou de fanatisation,
qu’elles soient de nature idéologique, religieuse, sectaire etc.
Par ailleurs, nombre de psychologues s'accordent à dire que l'agressivité des enfants ou des
adolescents est liée à la mauvaise image qu'ils ont d'eux-mêmes. C'est parce qu'ils ne s'aiment
pas qu'ils sont violents avec les autres, retournant vers leur entourage des comportements
parfois auto-destructeurs. En travaillant sur l'estime de soi, en la renforçant, on combat ces
tendances agressives.
C'est d'ailleurs ce que nous apprend l'analyse transactionnelle, bien que dans des termes un
peu différents (cf. bibliographie).