Intérêt du diagnostic dans la démarche qualité en psychiatrie

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Intérêt du diagnostic dans la démarche qualité en psychiatrie
Depuis Hippocrate, la qualité des soins a toujours été la préoccupation majeure du médecin.
Mais ce n’est que depuis 1996 que l’instauration d’une démarche de qualité, sanctionnée par
une accréditation, est obligatoire pour les établissements hospitaliers. En médecine libérale
ambulatoire, l’exercice individuel semble un peu moins se prêter à cette démarche, qui s’avère
néanmoins indispensable dans un monde la qualité ne se présume plus, mais doit être dé-
montrée. En psychiatrie, où les référentiels de qualité ne seront pas les plus faciles à établir, la
démarche qualité s’imposera, comme dans toutes les disciplines médicales. Pourtant, la psy-
chiatrie diffère notablement des autres spécialités dans la mesure le diagnostic repose plus
sur un modèle social, statistique ou syndromique, que sur un modèle médical de type infec-
tieux. En psychiatrie, il est extrêmement difficile d’identifier un critère de validation externe,
ou un agent causal pathogène. Pourtant, le diagnostic constitue la base du dialogue entre psy-
chiatres, tout comme il constitue la base du contenu de l’information à laquelle le patient a
droit, même si cette information ne le mentionne pas. Ce travail présentera l’historique de la
démarche qualité, proposera une approche de cette démarche en médecine ambulatoire, puis
en psychiatrie, discutera la notion de diagnostic, et montrera comment le diagnostic permettra
de poser les bases d’une explication de la pratique psychiatrique, dont découleront logique-
ment les référentiels de qualité.
1. Historique de la démarche qualité
La notion de qualité est probablement vieille d’au moins deux siècles et demi, puisque c’est
vers 1750 que Colbert aurait pour la première fois vanté les mérites de la qualité. Cent cin-
quante ans plus tard est créé en France le Laboratoire National d’Essai, chargé d’évaluer les
produits mis à la disposition du public. Quatre ans après, en 1905, la loi sur la répression des
fraudes est promulguée. En 1920, le français Fayol décrit le management en cinq étapes : pré-
vision, organisation, commandement, coordination et contrôle. L’année suivante, aux Etats-
Unis, A. Shewhart invente les statistiques comme moyen de maîtrise de la qualité, alors que
son collègue Edwards sépare qualité et fabrication. Ainsi était inventé le contrôle qualité en
sortie de production, bientôt suivi d’un contrôle de qualité entrant (qui portait sur les compo-
sants à l’entrée du processus de production). Ces contrôles qualité reposaient sur un échantil-
lonnage statistique des éléments contrôlés.
Pendant la seconde guerre mondiale, la démarche qualité a été plébiscitée par les producteurs
d’armement afin d’optimiser la satisfaction de leurs clients, et de minimiser les rebuts. En
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Allemagne, Werner Von BRAUN développe avec les V2 la notion de sûreté de fonctionne-
ment. Partout dans le monde apparaît la notion de norme de qualité. En France, l’édiction de
ces normes est confiée à l’AFNOR (Association Française de Normalisation). Ces normes
répondent à plusieurs caractéristiques :
Comme les « poids et mesures », elles sont un instrument de commerce ;
Elles représentent un instrument de régulation économique ;
Le pouvoir de l’état régalien s’exerce par son monopole des normes ;
Les normes représentent donc un instrument de pouvoir, de sécurité et de guerre économique.
Après la seconde guerre mondiale, les plans Marshall et Mac Arthur permettent à la Répu-
blique Fédérale d’Allemagne et au Japon de découvrir et de s’accaparer les théories de la qua-
lité mises au point par de jeunes ingénieurs américains appelés sous les drapeaux.
En 1987, l’International Standard Organization (ISO) sortait la première version des fameuses
normes ISO 9000, donnant les lignes directrices pour mettre en place la gestion de la qualité
et les éléments d’un système qualité à l’usage des fournisseurs de services. Suivre ces normes
permet aux entreprises d’obtenir une certification, procédure par laquelle une tierce partie
donne une assurance écrite qu’un produit, un processus ou un service est conforme à une exi-
gence spécifiée. Cette certification, dont il est en général largement fait état, aide à obtenir la
confiance des clients et l’on voit actuellement sur de nombreux camions le logo d’un orga-
nisme certificateur, tel que l’AFAQ (Association Française pour l’Assurance de la Qualité),
comme gage de sérieux de l’entreprise. La certification est une obligation de moyen. A côté
d’elle, existe une autre reconnaissance formelle, plus stricte, qui est plus une obligation de
résultats : l’accréditation ISO. Cette dernière, qui s’applique essentiellement au monde du
laboratoire, est proche de ce que demande le Guide de Bonne Exécution des Analyses
(GBEA) dans le monde de la Santé. L’accréditation est une procédure par laquelle une autori-
reconnaît formellement qu’un organisme ou individu est compétent pour effectuer des
tâches spécifiées. De plus elle exige un système qualité de type ISO 9000.
Ainsi, au cours de la deuxième moitié du XX° siècle, les techniques d’amélioration de la qua-
lité se sont développées, migrant progressivement d’une qualité en production à une qualité
des organisations et du management. Le concept de qualité a ainsi progressivement infiltré les
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services, puis les produits virtuels (logiciels), avant de s’intéresser maintenant à la pratique
médicale.
II La qualité en médecine libérale ambulatoire
La définition du concept de qualité des soins est actuellement encore très floue : selon Garne-
rin et al. (2001), certains auteurs lui attribue une appréciation globale, équivalente d’ « ex-
cellence », de « conformité aux attentes », de « zéro défaut » ou de « satisfaction du client ».
Mais la qualité des soins peut également être visualisée dans une optique multidimensionnelle
articulant les notions d’équité, d’accessibilité, de sécurité, d’efficacité, d’efficience, ou de
processus centré sur le patient. L’institut de médecine américain (cité par Garnerin et al.,
2001) évoque « à quel point les services de santé pour les individus et la population augmen-
tent la probabilité de résultats de santé souhaitables et sont conformes aux connaissances pro-
fessionnelles actuelles ».
Pour autant, comme le rappelle Couzigou (2001), les médecins doivent (et devront) toujours
prendre leur décision dans une relative incertitude, les connaissances scientifiques basées sur
les données collectives étant actuellement très insuffisantes, et devant par ailleurs s’appliquer
à une personne unique. C’est le jugement clinique, élément subjectif s’appuyant sur
l’expérience personnelle, qui permettra d’appliquer au patient des moyens thérapeutiques is-
sus d’études statistiques. Mais ce jugement clinique ne peut plus s’affranchir d’une explica-
tion claire, adaptée et exhaustive sur les éléments qui le sous-tendent.
A l’hôpital, le travail en équipe se prête assez facilement à la mise en place d’actions de déve-
loppement de la qualité. Mais qu’en est-il de la médecine ambulatoire, le médecin est pra-
tiquement toujours seul face à son patient ? La qualité peut être vue de différentes manières
selon les acteurs en interaction avec le médecin :
- s’agissant du patient, on peut imaginer qu’une démarche qualité se décline dans le sens
d’une information par rapport à la procédure thérapeutique envisagée, ses bénéfices attendus
et les risques encourus ; à cet égard, si le risque de poursuite médico-légale est beaucoup plus
élevé dans certaines spécialités (dont la chirurgie) qu’en psychiatrie (2,7 %), c’est peut-être
que le mode relationnel médecin patient dans cette dernière spécialité devrait être pris comme
un modèle (B. Lachaux, 2003). Le contenu de l’information dispensée ainsi que les modalités
selon lesquelles cette information est délivrée au patient ont déjà fait l’objet d’une réflexion
approfondie (Gozlan, 2002).
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- s’agissant de l’organisme payeur, la qualité sera plutôt orientée vers l’optimisation, sinon la
minimalisation des dépenses engagées dans le processus préventif, diagnostique et thérapeu-
tique. Ici, la conduite de la démarche sera beaucoup moins prise en compte que son coût final.
C’est d’ailleurs cette logique qui conduisent les Caisses d’Assurance Maladie à maintenir un
niveau d’honoraires opposables particulièrement bas, en regard de ce qui est pratiqué dans les
autres pays européens : à titre d’exemple, la consultation d’un psychiatre est fixée à 34,30
en France (37 avec la Majoration Provisoire Clinicien), contre 70 en Allemagne et 130
au Luxembourg. Et le niveau des honoraires français a peu évolué depuis 1994, ce qui conduit
les médecins à devoir augmenter leur temps de travail et à diminuer leur temps de consulta-
tion pour arriver à équilibrer les comptes de leur entreprise médicale. S’il n’est, en tout état de
cause, pas certain que cet « abattage » soit un facteur d’équilibre des comptes sociaux, comme
le montrent les dérapages continus des comptes de l’Assurance Maladie, il est en revanche
certain qu’il peut nuire à la qualité des soins telle que pourrait gitimement l’attendre le pa-
tient.
- s’agissant de l’Etat, responsable de la santé de la population, la perception de la qualité est
celle qui privilégie la prévention de survenue de nouvelles maladies, et le traitement rapide et
définitif de celles existantes. A ce niveau, c’est le résultat statistique sur l’ensemble de la po-
pulation qui importe, plus que les détails de la procédure ou que son coût.
On voit donc que la qualité s’apprécie nécessairement dans une optique multidimensionnelle
en médecine libérale. Mais cette appréciation multiple génère des contradictions :
- une technique particulièrement bien expliquée, efficace, mais coûteuse pourrait être
perçue négativement par l’organisme payeur. C’est exactement ce qui se passe pour le
traitement du cancer de la prostate : une nouvelle procédure thérapeutique non inva-
sive, mais coûteuse, est en place à Lyon. Cette procédure n’est pas étendue au reste de
la France en raison de son coût ;
- inversement, une technique économique, efficace, mais expliquée à la hâte par un pra-
ticien qui s’épargnerait le temps relationnel, aura toutes les chances d’être perçue né-
gativement par le patient. Il en est de même pour les techniques qui font l’objet
d’explications alarmistes, visant à présenter tous les inconvénients de la méthode afin
de se « couvrir » au maximum contre les possibilités de recours juridique ;
- Enfin, une technique « personnalisée », économique et efficace pour le patient, expli-
quée convenablement, mais s’écartant des connaissances scientifiques disponibles, se-
ra perçue de manière très aléatoire au niveau de l’Etat : il en est ainsi, par exemple, de
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l’utilisation des antipsychotiques à faible dose dans la dépression résistante, dont
l’efficacité est en cours d’évaluation, mais dont la prescription a valu quelques dé-
boires aux psychiatres concernés.
III La qualité en psychiatrie libérale ambulatoire
Le colloque singulier que réalise l’entretien psychiatrique individuel échappe par nature à tout
regard extérieur. La relation médecin - patient est régie par le code de déontologie d’une part,
et par le versement d’honoraires par le patient au praticien libéral d’autre part. Pour autant,
l’état regrette de ne pouvoir intervenir plus avant dans ce dialogue et souhaiterait, pour la sé-
curité du patient sans doute, pouvoir connaître et évaluer la nature des propos tenus de part et
d’autres. D’où l’intérêt, pour l’ANAES, de définir des référentiels qui permettront d’étalonner
le fonctionnement des cabinets par rapport à un standard de qualité. Un certain nombre de
référentiels ont déjà été rédigés pour les établissements hospitaliers, et s’appliquent de fait aux
établissements psychiatriques : le droit à l’information du patient en est un exemple. Or, le
droit à l’information du patient est, en psychiatrie, étroitement lié au diagnostic posé : com-
ment ne pas adapter l’information prévue pour un schizophrène, un déprimé, un paniqueur, un
phobique social ou un anxieux généralisé, au handicap cognitif que lui confère le trouble dont
il souffre ?
Le diagnostic occupera donc une place centrale dans les référentiels prévus pour la psychiatrie
ambulatoire, puisque c’est d’un diagnostic bien posé que découlera, comme dans les autres
spécialités médicales, une prise en charge adaptée, voire efficace. Par ailleurs, comme nous
l’avons vu, l’information au patient occupera une place importante dans la démarche qualité
des psychiatres libéraux, et c’est naturellement le diagnostic qui sera le point de départ d’une
information appropriée et efficace.
Au-delà de la thérapeutique des pathologies aiguës, l’information sera cruciale lorsque arrive-
ra l’heure du traitement préventif des rechutes et des récidives, et évidemment orientée sur le
diagnostic du trouble dont souffre le patient.
IV Le diagnostic en psychiatrie
La question du diagnostic a de tous temps constitué un problème épineux en psychiatrie. Con-
sidéré il y a plus de 30 ans comme un « étiquetage » des patients, qui permet au psychiatre de
s’affranchir de l’écoute par Gonzales (1971), elle reste encore l’objet de débats animés au-
jourd’hui. Pourtant, dans toutes les sociétés au cours de l’histoire, les réactions spontanées de
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