POSITION PAPER OING CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DROITS DE L'HOMME Réunion du GT du 21.01.13 et apports de Pax Romana Médias et politiques évoquent souvent le changement climatique et ses impacts sur les humains et la nature, mais rares sont les réflexions sur les atteintes aux droits de l’homme que ce phénomène induit. L'ONU et le Conseil de l'Europe ont initié un processus de recherche sur ce sujet au sein de leur institution, en y associant la société civile dans le cas de l'ONU (PNUE/UNEP1). Le devoir des Etats est de protéger leurs citoyens contre les dangers et, dans ce cas, ceux dus au changement climatique. Une réduction de l’accès à l’eau, à une alimentation suffisante, les impacts négatifs sur la santé, la dégradation des paysages et d’une manière plus générale une baisse de la qualité de vie sont autant de conséquences qui pourraient être restreintes ou contrées. L’application concrète des Conventions de Berne, du paysage et l’accord partiel EUROPA, pour ne citer que les instruments du Conseil de l’Europe, pourrait en effet en amoindrir les effets les plus graves. La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale comportent de bons principes, mais à la lumière des effets attendus du changement climatique, il apparaît que ces instruments ne couvrent plus l’ensemble des champs impactés. Les ONG proposent des réponses globales centrées sur les droits de l’homme Le droit à un environnement sain est un droit humain : En premier lieu, nous les ONG internationales membres de la Commission Démocratie, Cohésion sociale et enjeux mondiaux de la Conférence des OING du Conseil de l’Europe, rappelons notre déclaration contributive à la conférence Rio+20 « L’avenir que nous voulons »2. Nous accueillons le document final de la Conférence Rio+20 « l'avenir que nous voulons » qui instaure les Objectifs de Développement durable de L'ONU comme la suite des Objectifs de Développement du Millénaire (MDG). Nous apprécions aussi le fait que cette Conférence a renforcé le rôle et la responsabilité du Programme des Nations Unies pour l’Environnement pour les questions environnementales. Cependant, nous constatons que l'humanité chancelle des effets dévastateurs du changement climatique dont les scientifiques reconnaissent que l'activité humaine écologiquement non durable a intensifié les effets indésirables. Cette utilisation non durable de l'environnement démontre le manque de conscience par les États du besoin de respecter notre environnement naturel et ses écosystèmes. 1 2 PNUE = Programme des Nations Unies pour l’Environnement / UNEP = United Nations Environment Programme Cf. Rio+20: The future we want ! Nous recommandons vivement au PNUE et au CoE de préconiser que le droit à un environnement sain soit officiellement reconnu comme un droit humain3 et de mettre l'accent auprès de leurs membres pour montrer l'importance de mettre en place des programmes assurant la durabilité environnementale. Le droit à un environnement sain est un facteur de cohésion sociale d’égalité et de justice : Au sein des institutions européennes et mondiales, les ONG travaillent sur les trois générations de droits de l’homme. Elles sont particulièrement sensibles à la perte de la cohésion sociale, aux inégalités, à l’iniquité. Elles questionnent la définition de la croissance, du développement et de la durabilité et se préoccupent des responsabilités en matière de changement climatique. Les effets du changement climatique affectent directement un ensemble de droits fondamentaux comme le droit à la vie, à des conditions de vie décentes, à la sécurité, à la santé, à l’alimentation et à l’eau. Les populations les plus fragiles sont les premières à en souffrir. Les ONG recommandent d’utiliser les instruments juridiques existants et déplorent les manquements des Etats à les respecter. Et, comme les deux autres piliers du quadrilogue du Conseil de l’Europe que sont l’APCE4 et le CPLRE5, elles réclament un protocole additionnel à la Convention des droits de l'homme pour inscrire le droit à un environnement sain dans la 3ème génération des droits de l'homme. Agir ensemble de façon cohérente : Pour les ONG, il est indispensable d’agir ensemble pour le bien-être des habitants de la planète. Au niveau international une agence onusienne de l'environnement est réclamée depuis longtemps. Devant la résistance de certains pays, il serait souhaitable qu'au moins une agence du climat soit créée, qui soit en mesure de travailler en coordination avec toutes les autres agences. Le changement climatique concerne toute la planète et par conséquent la prise de conscience et la volonté politique doivent engager toutes les nations. Les ONG demandent instamment aux chefs d’Etat et de gouvernement : la gouvernance démocratique o de promouvoir la participation du public le plus en amont du processus décisionnel ; o de promouvoir les droits de l’homme, la démocratie, la solidarité et la qualité de vie dans chacun des points évoqués ; o de soutenir le droit à un environnement sain comme partie intégrante des droits Conformément à la Résolution du Conseil des Droits de l'homme de L'ONU 18/11 sur la création d'un Mandat de Rapporteur Spécial sur les implications pour les droits de l'homme d’une gestion d’un environnement sain et la disposition des substances dangereuses et des déchets. 4 Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe 5 ??? 3 de l’Homme et prendre les mesures nécessaires à son inscription dans le droit positif ; o d’inviter les autorités publiques et les décideurs économiques à intégrer une dimension éthique dans leurs actions et politiques la sensibilisation, l’éducation, l’information, la culture, l'accès aux données scientifiques et techniques : o d’intégrer à la biodiversité, la diversité humaine liée à la culture (incluant le patrimoine culturel, la diversité culturelle, le paysage et le développement territorial) ; o de considérer la valeur patrimoniale des services éco systémiques dans l’élaboration des politiques, programmes et mesures à prendre ; o de reconnaître l’importance du recueil et de la diffusion de géo-information pour permettre la prise de conscience des enjeux et une prise de décision positive à toutes les échelles ; la prise en compte des catégories sociales les plus vulnérables et les plus pauvres (dont les populations autochtones et les réfugiés climatiques) : o de tenir compte de la nécessaire cohésion territoriale et sociale tant au niveau local, national que planétaire et ainsi traduire la solidarité entre Nord et Sud, riches et pauvres, par des politiques et des mesures équitables fondées sur la notion de bien public ; la réflexion et l’action en matière d’aménagement du territoire : tourisme et loisirs, agriculture et jardins, économie verte, infrastructures énergétiques et de transport, habitat, santé, protection du sol, de l’air, de l’eau et des forêts… o de mettre en relation les principales questions évoquées dans ce document où l’intégration est un thème axial (ex : sécurité alimentaire et énergie, forêts et changement climatique) ; o de considérer les biens essentiels et la sécurité comme des biens communs non marchands (ex. biodiversité, eau, paysage, sols, prévention contre les risques naturels et industriels, etc.) ; o de considérer les services essentiels comme un devoir fondamental des Etats et des autorités locales envers les citoyens afin de leur assurer une vie digne ; o de refuser une liste de services essentiels jugés prioritaires et laissés à la discrétion des gouvernements ; La mise en œuvre de plans d’action o la diffusion des actions déjà réalisées dans le but de mettre en avant les meilleures pratiques ; o le soutien à des mesures individuelles tout comme la participation à des actions des collectivités ; o la promotion d’actions par filières pour assurer la cohérence et permettre un effet de levier ; la surveillance des plans d’action ; o d’introduire le long terme dans la planification et la programmation, gardant à l’esprit le changement climatique et la finitude de la planète et de ses ressources ; o de promouvoir un véritable usage durable des ressources issues des énergies renouvelables afin d’éviter les “éco-blanchiments” ; o de promouvoir un organisme mondial qui agrège toutes les conventions environnementales ; o de transformer le PNUE en une agence spécialisée de l’ONU pour l’environnement avec un mandat revu et renforcé, qui en fasse un organe capable d’intervenir comme les autres agences spécialisées de l'Organisation ; la gouvernance économique : o de promouvoir le nécessaire recours à un nouvel index du développement durable pour mesurer le bien être (tel que l’indice de développement humain déjà développé au niveau local) remplaçant ou au moins amendant les indicateurs économiques tels que le PIB ; o de donner à l’économie verte une place prépondérante qui ait une influence holistique sur l’ensemble des activités économiques, lui assignant un rôle aussi protecteur de la planète que des personnes les plus démunies, veillant à ne pas la considérer comme une panacée en soi ; o d’élaborer et financer de manière adéquate les politiques et les mesures concrètes, comprenant l'éducation, de conservation et d’amélioration de la biodiversité, de restauration du fonctionnement des écosystèmes dégradés, d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des impacts anthropiques sur l’évolution climatique, et ce aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural ; I – Priorité à la gouvernance démocratique et à la participation du public le plus en amont du processus décisionnel Les ONG promeuvent un changement de paradigme par rapport à l’évolution actuelle. Comme le propose le Bhoutan avec le Bonheur national brut, d’autres indicateurs tels que l’IDH6 sont à privilégier pour évaluer le développement humain, social, économique et culturel. Cela nécessite le renforcement de la gouvernance institutionnelle du développement durable au niveau mondial et régional. La démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit sont des conditions sine qua non du développement durable. La pleine application de la Convention d'Aarhus est une nécessité pour encourager la société civile à participer aux décisions à prendre afin de définir les mesures d'adaptation au changement climatique. Cela implique : une priorité donnée aux stratégies territoriales qui ont le plus fort impact sur 6 Indice de Développement Humain l’adaptation au changement climatique. C’est au niveau local que se perçoivent les vulnérabilités et les impacts du changement climatique liés aux spécificités … … (Agenda 21) II – Nos priorités en matière de gouvernance économique Les ONG demandent que les ressources naturelles, le climat, la planète entière soient considérés comme des biens communs et soient gérés en tant que tels dans une perspective de développement futur ; Les ONG dénoncent le dérèglement financier et ses conséquences, la marchandisation des biens communs, le mécanisme de marché relatif au Protocole de Kyoto. Elles s'inquiètent de la colonisation économique des ressources des pays en développement (privatisation de grandes superficies de terres et des ressources naturelles par des intérêts étrangers).1 Les ONG sont favorables au concept d’économie verte préconisé par l'ONU mais souhaitent qu’il ne soit pas considéré comme une seule et unique solution avec le risque d'éco blanchiment, entre autres conséquences, qu'il peut entraîner. Le ONG reconnaissent : o que le développement durable peut seulement être effectif s'il respecte une intégration équilibrée de trois piliers fondamentaux : environnement, économie et impact social ; o qu'il est facile de parler de « l'Économie Verte », cependant elles recommandent vivement de parler de « l'Économie Sociale Verte » pour rappeler le troisième pilier de développement durable, lequel est d'une importance primordiale. Les ONG sont favorables à l’étude des financements requis pour l’adaptation de chaque pays au changement climatique….. (Anne-Marie Chavanon) III - Priorités en matière de cohésion sociale et territoriale Les ONG souhaitent que des stratégies territoriales soient élaborées solidairement par l’ensemble des acteurs. L’équilibre social, écologique et économique des pays et la survie des populations, en particulier les plus menacées, en dépendent. De notre point de vue, traiter les seuls GES7 sans prendre en compte les services éco systémiques n’a pas de sens. Il nous paraît prioritaire d’anticiper les effets des bouleversements climatiques par l’adaptation des territoires, notamment en ce qui concerne la destination des sols, la protection contre les événements extrêmes, l’utilisation des ressources naturelles et l’évolution des activités économiques. Le maintien de la santé des écosystèmes est un impératif car la capacité de la nature à modérer les impacts des changements climatiques est plus efficace et moins onéreuse que les réponses techniques. Les infrastructures vertes doivent devenir de manière systématique un des outils de 7 Gaz à Effet de Serre l’aménagement du territoire à prendre en compte dans toutes les politiques sectorielles. Les ONG demandent que le changement climatique soit effectivement intégré à la politique d'aménagement du territoire et que les différentes politiques sectorielles soient intégrées. Des études sur l’impact de nouveaux investissements par rapport au risque climatique devraient accompagner ces chantiers ; Les ONG demandent que les populations à risque soient prioritaires pour les mesures de prévention et d'adaptation aux effets du changement climatique, indépendamment des enjeux économiques ; Notre préoccupation est la protection des droits des Peuples Indigènes. Pour nous, le Protocole de Nagoya semble insuffisant pour protéger les droits des peuples indigènes sur les ressources génétiques de leur terre. Les peuples indigènes ont la connaissance de leurs ressources naturelles et de leurs utilisations diverses incluant leurs capacités de guérison. Aujourd'hui cependant, des peuples indigènes sont opprimés par quelques sociétés de fabrication pharmaceutique et cosmétique qui ont tendance à violer leurs droits particulièrement leur héritage et droits de propriété intellectuelle. Les ONG recommandent vivement aux États membres du PNUE et du CoE d'agir plus efficacement pour proposer une législation internationale protégeant les droits des peuples indigènes particulièrement ceux droits qui touchent à la protection de l'environnement. Pour les ONG, il est urgent que des actions soient entreprises pour lutter contre la sécheresse, la désertification, les inondations et autres catastrophes le plus souvent d'origine anthropique. Les politiques agricoles mondiales et en particulier européenne devraient encourager des pratiques culturales à même de contribuer à l’adaptation aux changements climatiques. Les pratiques commerciales devraient également être réorientées pour permettre aux agricultures locales de se redéployer dans les pays en développement afin de contribuer davantage à l’auto-alimentation de leur population; Les entreprises qui ont détérioré l'environnement seront mises à contribution pour rétablir la qualité de l'eau, de l'air et des sols afin que les cultures locales puissent se redéployer La peur de ne pas survivre corrélée à celle d'être envahi par les cortèges de déplacés climatiques doit être sérieusement prise en compte. Les ONG se préoccupent du respect des droits des populations affectées. 2 IV- la sensibilisation, l’éducation et l’information ainsi que la culture Nul n'est besoin d'insister sur la nécessité de sensibiliser, d'informer et d'éduquer la population au sens large afin qu'elle puisse participer en toute connaissance de cause à la prise de décisions et à l'application des politiques publiques. En matière climatique, force est de reconnaître que l'accumulation des données scientifiques et techniques et le nombre d'experts n'ont pas porté leurs fruits en matière de résultats. Or il y a urgence et les solutions toutes prêtes n'existent pas. Dans d'autres circonstances, la pédagogie de la catastrophe a pu être appliquée, mais l'accélération des impacts privera peut- être du temps d’adaptation nécessaire. Comme il est nécessaire de faire admettre qu’il n’y a pas de risque zéro, il est indispensable d'expliquer la différence entre phénomènes naturels et catastrophes naturelles qui sont en fait des phénomènes naturels créés ou aggravés par l’action anthropique. En effet, le comportement des personnes et leur mode de vie ont une influence directe sur les émissions de gaz à effet de serre dans la perspective du changement climatique en lien avec l’énergie, les émissions de polluants, l’achat irréfléchi et le gaspillage de nourriture, les déchets, le papier, les plastiques, l'habitat, et les transports. Une évolution dans le bon sens existe déjà mais n’est pas encore visible. La crise économique des dernières années pourrait certes avoir pour effet bénéfique de baisser la consommation et donc indirectement les émissions nuisibles au climat. Cet effet ne suffira évidemment pas. Il s'agit de gagner l'opinion publique et de lui proposer un futur, une vision de l'avenir à laquelle elle pourra s'identifier. Mais il faudra insister tant sur les devoirs que sur les droits. L'accès aux données scientifiques et techniques est également indispensable. En effet, le changement climatique est un défi dont la perception et la compréhension sont aisément facilitées à travers les systèmes d’informations géographique. On utilise le GIS pour aider à organiser des millions d'éléments de données géographiques, à visualiser l'information et à donner du sens aux modèles géographiques qui émergent. Prendre des décisions concernant le climat nécessite d'être fondé sur une pensée spatiale. Le meilleur moyen pour comprendre le changement climatique et de préparer les citoyens à des futurs incertains est de les éduquer à l'information géographique. Elle sera nécessaire pour permettre une compréhension des processus physiques complexes qui forment notre planète en combinaison avec les interactions complexes que les humains ont avec leur environnement. Relier les sciences physiques et humaines dans une perspective interdisciplinaire est fondamental pour le futur de la planète. Les technologies numériques de la terre nous donnent le potentiel de visualiser, évaluer, interpréter et prédire les scénarios du futur. Les citoyens doivent être capables d'interagir avec cette information de façon interactive, collaborative, et à base d’enquête. Ceci implique que cette information géographique soit disponible pour chacun gratuitement, partout et à toute heure. 3