-1- INTRODUCTION Nous allons voir 4 auteurs importants en France et à l’étranger : - Boudon - Touraine - Crozier - Bourdieu Puis : - Latour - Dubet - Boltanski -2- PARTIE 1 -3Chapitre 1 De la mort de Durkheim (1917) à la création d’une filière de sociologie à l’université (1959). La naissance de la sociologie en Europe en général et en France en particulier provient de la rencontre et de l’affrontement de 2 courants idéologiques : courants réactionnaires et les courants progressistes. Le personnage qui a inventé le néologisme de la sociologie (différent de hapax : mot qu’on utilise qu’une fois) s’appelle Auguste Comte qui réconcilie les 2 courants de son œuvre en général. Le 1er est axé sur le principe d’ordre et de société : 2 penseurs réactionnaires, J de Maistre et L. de Bonald. L’autre courant est fondé sur la notion d’esprit critique et d’individu : 2 penseurs progressistes, Montesquieu et Condorcet. Comment arrive-t-il à les réunir ? Il a un instrument idéologique très hégémonique : le principe du positivisme (idée que la science peut connaître et dominer la nature et donc transformer la société). C’est à partir de cette base que Durkheim (1858-1917) va entreprendre d’autonomiser la sociologie de la philosophie et de la différencier des autres sciences sociales naissantes (surtout la psychologie). Il va y avoir de fortes tensions en sociologie. La grande préoccupation de D. est le processus de civilisation dont il décèle les symptômes dans la montée de l’individualisme, de l’effondrement des croyances religieuses (disparition religion 18 au 20ème mais réapparition) et aussi des sociabilité traditionnelles. Il fonde la sociologie : son postulat essentiel est qu’un fait social est irréductible à des phénomènes individuels, la société est supérieure aux agents la composant et le principe de causalité (a un même effet correspond toujours une même cause) né entre le 18ème et le milieu du 19ème mais on est pas si sûr que ça. En 1917, il a réussi quelque chose, en particulier à marginaliser deux de ses concurrents intellectuels qui sont Gabriel de Tarde (fondateur de la psychologie sociale sur une base d’idées assez éloignée de D. : imitation du comportement des individus (repris par Boudon)) et de F. Leplay (il reproche à D. et Tarde une approche trop théorique et globale, il veut étudier les comportements sociaux sur place donc mise au point d’une technique : la monographie (la principale technique aujourd’hui) des familles ouvrières car il considère la famille comme l’institution de base des sociétés européennes). Le durkheimisme est une victoire à la Pyrrhus, c'est-à-dire avec beaucoup de dégâts et de perte et qu’il n’a pas pu bénéficier de sa victoire. I – Une victoire et des défaites La discipline à marginaliser des concurrents et à diffusé des principes théoriques vers d’autres disciplines mais il ne réussit pas à se pérenniser institutionnellement. A) La marginalisation des principes La France connaît une déchristianisation très forte. Les disciples de Leplay sont des gens qui vont utiliser la monographie : les organicistes (Gustave Lebon), l’idée générale est que les foules ont un comportement irrationnel. De Tarde n’arrive pas à avoir de disciples, il utilise la méthode interactionniste. B) La diffusion des principes Une des grande réussite de l’école durkheimienne est d’avoir proposé des théories des faits sociaux qui est abstraite basée sur le principe de la causalité (puisque c’est général) qui permet à d’autres disciplines des sciences sociales de se créer comme une école historique française (l’école des Annales). En 1937, les disciples de D., 2 historiens médiévistes sont se détacher des autres : Marc Bloch et L. Febvre en s’intéressant aux faits sociaux qui durent et non pas aux événements (F. Braudel plus tard) : - l’anthropologie (Mauss) - l’ethnopsychiatrie - la psychologie - la vision des sociétés anciennes à changée (école Helléniste) Donc d’avoir influencé la sociologie mais aussi et surtout les autres disciplines -4C) Elle subit un échec institutionnel Si elle tient une légitimité scientifique en sociologie, la pensée de Durkheim ne parvient pas à s’incarner durablement dans une école et des institutions. Ses membres sont décimés pendant la grande guerre (14-18) : Robert Hert (1882-1915) sociologue de la religion est une personnalité importante va faire la continuité ; avec Marcel Mauss, il s’occupe de la revue centrale « l’année sociologique » de ce courant mais ça s’arrête en 1927. Le groupe durkheimien est constitué de chercheurs mais ne trouve pas de prestige à l’université, ce groupe qui s’est caractérisé pendant de belles années était caractérisé par une très forte cohésion malgré les thèmes différents et pour la plupart ils appartenaient à la même génération (qui ira à la guerre). Après la mort de Durkheim et la guerre, le groupe éclate et il y des relations amicales mais qui ne forment pas une école de pensée. II – Les Durkheimiens et la sociologie entre les 2 guerres mondiales. Cette éclatement est une forme de scission entre deux tendances entre anciens disciples et collègues de Durkheim : les « orthodoxes » : pensée de droite, proche de la pensée du maître et ils vont se placer comme continuateurs de la pensée de Durkheim ; les « dissidents » : plus ou moins proches du groupe de Durkheim, ce sont des chercheurs. Il se développe à distance d’autres courants de pensée qui vont se regrouper d’un petit noyau : « le collège de sociologie » (G. Bataille, M. Leiris, R. Caillois). Bataille va parler de la « part maudite » (partie de la société que l’on doit dilapider pour la faire fonctionner) en ethnologie. A) Les orthodoxes La figure centrale est Marcel Mauss (1872-1950) qui a un gros avantage : il vit longtemps donc il domine, il forme la continuité. C’est le neveu de Durkheim, il prend en charge « l’année sociologique » et son œuvre est considérable et diverse. Un texte émerge en 1925 « essai sur le don », c’est une réflexion sur le fait de donner quelque chose à quelqu’un et que tout don appelle un contre don : ce mouvement est un mécanisme qui permet le fonctionnement social. Ce texte a marqué la sociologie et l’anthropologie dans le monde entier dans des esprits et des langues variés. Il s’intéresse aux sociétés archaïques et il a marqué par une idée : le fait d’appréhender ces sociétés avec une vue d’ensemble y compris quand on observe un phénomène spécifique, c’est le fait social total. Etudier le don, voir commet ça fonctionne permet d’appréhender l’ensemble du social : c’est un fait social total. Il y a d’autres auteurs tels que Marcel Granet qui s’intéresse à la Chine ancienne (« la civilisation Chinoise » 1929), une Chine un peu fantasmée. Il s’intéresse aux manières d’appréhension du temps et de l’espace, il fait l’hypothèse que ça repose que les représentations sociales : les représentations du temps et de l’espace, il les connecte avec la représentation social. Le temps est rond en Chine mais l’espace est carré, c'est-à-dire hiérarchisé : ce qui est au centre c’est le pouvoir. Louis Gernet s’intéresse à la vieille civilisation Grecque et il l’a abordé avec l’angle du droit. B) Les dissidents Il vont se disperser mais une personnalité va laisser des traces particulières : Célestin Bouglé (1870-1940), c’est le politique tout d’abord car il se comporte dans les sciences comme un homme politique car il considère que la sociologie doit participer concrètement à la promotion de l’idée républicaine. Il va tenter et réussir quelques fois le rapprochement avec les leplaysiens et il va avoir une influence encore plus importante car il va former deux personnes : Georges Friedmann et Raymond Aron. F. Simiand (1873-1935) est un spécialiste des phénomènes économiques, ça a une importance considérable pour l’épistémologie des sciences sociales mais aussi pour les passerelles qu’il va instaurer avec les historiens des annales car ils tentent de développer les connaissances des civilisations passées à travers 2 aspects : l’Histoire des cultures et des comportements, l’appréhension du monde (Corbin) et l’Histoire économique avec un outil (les statistiques qui permet aux historiens d’avoir des séries chiffrées). La figure principale des dissidents est Maurice Halbwachs (1877-1945) qui va réintroduire des notions marxistes (la classe sociale) et va réfléchir à ce qui constitue la classe et la conscience de classe. Il travaille sur la mémoire collective. Deux textes : « les classes sociales et niveaux de vie » en 1913 « les cadres sociaux de la mémoire » en 1927. Il propose le fait que les groupes « de communauté » possèdent une mémoire commune à la mémoire individuelle. C’est l’un des fondateurs de la sociologie urbaine (« les expropriations » 1911). C) Le collège de sociologie -53 personnages sont si différents par rapport au fait qu’ils s’intéressent aux tabous, aux frontières alors que les autres s’intéressent aux récurrences. Bataille s’intéresse à ce qui fait exploser la société : la mort, le sexe, etc. Il écrit « l’érotisme ». M. Leiris part en Afrique chez les dogons pour changer de point de vue. Bataille, Leiris et Caillois veulent faire une hétérologie (une science de la différence). Ce qui les réunis c’est qu’ils pensent que quelque chose va permettre de réunir ces pôles opposés : c’est la notion de « sacré », pendant longtemps par rapport aux idéologies on avait essayé de régler le compte au roi et à Dieu et les penseurs vont essayer de s’y coller (Nietzsche, etc.). Bataille a un doute là-dessus : il est sûr que la religiosité est toujours là, les sociétés sont encore imprégnés par les idées religieuses. P. Legendre écrit comment le capitalisme intègre le discours religieux. La religion est partout. A part Bataille, qui lui sait, et quelques auteurs, la plupart de ces sociologues ne vont pas anticiper à la catastrophe qui va venir : la 2ème guerre mondiale (« la divine surprise ») alors que la sociologie sert à anticiper. C’est une terrifiante défaite idéologique : tout est balayé car il y a beaucoup de morts. La sociologie française a beaucoup participé à la fondation de la sociologie qui va être décimée par cette seconde guerre mondiale. -6Chapitre 2 La Renaissance de la sociologie Française Cette Renaissance ne se passe pas si bien que ça : la sociologie est remise en question par la philosophie après la seconde guerre mondiale. Les penseurs émergeants en 1945 sont les sociologues dont un philosophe (J-P Sartre). Dans ces philosophie, il y a une avec le vent en poupe : l’existentialisme et de l’autre côté la théorie marxiste. La théorie de Marx a toujours été importante en France (Engels et Marx se sont réfugiés en France). En 1945, les communistes ont le vent en poupe (armée rouge), le 1er à avoir résisté c’est le parti communiste qui va s’offrir les cadres de la résistance et qui va laisser un lourd tribut. Il y a une remise en cause du positivisme durkheimien par les scientifique qui créaient des bombes, des armes au lieu de faire le contraire et les durkheimiens avaient ignoré les autres sociologues mais on commence à lire Max Weber (méthode inductive différent de Durkheim méthode hypothético-déductive) grâce à R. Aron, Hussert et Heidegger : les sociologues allemands vont avoir beaucoup d’influences. Un courant important va émerger en France : la psychanalyse par Sigmund Freud. Il y a donc une remise en cause de la sociologie donc la sociologie française va devoir chercher les outils ailleurs pour sa Renaissance. Pour renaître, la sociologie va devoir ouvrir ses portes a de nouvelles procédures méthodologie en provenance de l’influence anglo-saxonne. Il y a un retour vers 1945-1950 avec l’intérêt aux méthodes empiriques de la monographie et essentiellement des méthodes ethnographiques pour étudier nos métropoles. On va rapatrier la sociographie et l’ethnographie mais aussi les techniques comme le questionnaire, l’entretien, l’observation directe qui n’ont jamais été utilisées par la sociologue français auparavant (avant c’était juste des élaborations théoriques). La grande Révolution liée à la crise de 1929 fait que l’Etat et les entreprises veulent savoir ce qu’attendent les américains comme citoyens, consommateurs et salariés et les sociologues vont utiliser ces méthodes (surtout l’entretien et l’observation). Toutes ces techniques sont des techniques empiriques : une addition pour trouver des similitudes, des différences pour comprendre le fonctionnement de la société : des techniques dans lesquelles le sociologue s’adapte. I – Une victoire et des défaites Quels éléments sont mis en place pour cette Renaissance ? La mise en place d’institutions publiques. Le système de recensement de 1890 devient plus important en 1950 par l’INSEE (1946) qui gère le recensement qui sert à savoir de qui la société s’occupe. Cette question de population est traitée par un autre institut : l’INED. Ces institutions échappent aux universitaires c’est pour cela qu’un certain nombre de chercheurs vont fonder le CNRS en 1946 (Centre National de Rechercher Scientifiques) qui sont spécialisés dans les disciplines qui demandes de moins de monde aujourd’hui , moins adaptés aux nouvelles technologies (portables, informatiques). Un personnage singulier va intégrer la sociologie au CNRS : G. Gurvitch en 1940 ; le centre d’étude sociologique va bouger d’autres disciplines dans d’autres endroits. Par exemple, les historiens vont créer la section de science sociale qui existe dans une école singulière, l’école pratique des hautes études où il y a la création d’une 6ème section aux sciences sociales et à l’Histoire, on peut accéder à cette école même sans le BAC, c’est ouvert à ceux qui le veulent. Cette institution vieillotte va subir une révolution quand cette 6ème section va vouloir prendre son indépendance : l’école des hautes études en sciences sociales dans les années 1960. L’université tarde à ouvrir ses portes à la sociologie, c’est enseigné par des philosophes jusque dans les années 1950 sauf une chair de cette grande institution qu’est le collège de France : 4 chairs existaient en France à Bordeaux, Strasbourg et 2 en Sorbonne. Avant les années 1950, pour faire de la sociologie, il fallait bénéficier d’intentions planificatrices de l’Etat (France fonctionnée par plans qui tentaient de prévoir l’avenir), cette organisation a fait que certains sociologues ont étaient financés dans les années 1950 pour faire de la sociologie. Sinon, il fallait être dans les petits papiers de grandes institutions comme l’Unesco, l’ONU (qui financés une partie des études) soit de fondations privées : les chercheurs ont des conditions meilleures mais les rendements doivent être plus importants : c’est un système concurrentiel ultra capitaliste et qui sélectionne les meilleurs. Certaines institutions sont des fondations qui soutiennent des programmes (de recherche, etc.) mais c’est plus rencontré dans les Etats-Unis. -7Le 1er débouché de ce soutien à la sociologie c’est l’usage de techniques quantitatives avec les sondages (US dans les années 1930 pour la politique et le business) et ces techniques ont été importées en France par J. Stoezel qui a fondé l’IFOP (Institut français de l’Observation Politique) avec l’utilisation de techniques quantitatives pour les élections par exemple. Ça a plusieurs influences pour la Renaissance de la sociologie en France : les américains avec leurs techniques apportent de l’idéologie, ça se fait sous impulsion de l’institution étatique. L’Etat s’intéresse donc aux phénomènes urbains et aux phénomènes industriels. Il y a 2 ruptures après 1955 : -ces techniques qualitatives vont perdre de l’influence face aux techniques quantitatives et les maths avec la thèse de R. Boudon e et P. Lazarsfeld. - au plan académique, R. Aron est considéré comme un libéral mais il avait de nombreuses spécialisations (traductions entre autres) et va participer à la création de la licence puis du doctorat de sociologie. Un des lieux où se passe la sociologie, ce sont dans les revues spécialisées (1959 « sociologie du travail » ; 1960 « Revue française de sociologie » c’est le centre officiel de la sociologie française). II - Chombart de Lauwe ou la sociologie urbaine par accident En 1949, il est le fondateur d’une première équipe de sociologie urbaine par accident. Il cherchait à faire une enquête sur la classe ouvrière à Paris car pendant longtemps, les industries étaient dans les grandes villes (textile, etc.). En mettant en place sont équipe il voit qu’il lui manque les données de base de Paris, les éléments sociaux essentiels qui permettent de faire de la sociologie urbaine donc il lance la 1ère « recherche officielle de sociologie urbaine » et comme il est financé par l’Etat, il se lance dans une enquête inégalée sur la ville de Paris car il s’intéresse en plus à son agglomération (environ 9 millions d’habitants). Il se situe à la convergence des travaux de M. Halbwachs, il s’intéresse à un outil : le cadastre (le fait que l’on sache exactement le statut juridique des parcelles, etc.) qui permet de comprendre pourquoi il y a cela ici et pourquoi pas là et il utilise les technique de Marcel Mauss. Il va croiser les techniques d’Halbwachs avec les techniques anthropologiques de Mauss. Chombart est un ethnologue qui part en Asie et en Afrique (colonies françaises). Il est formé par Mauss. Il rentre en 1939 pour faire la guerre et en étant prisonnier et révolutionnaire ; les français vont se découvrir dans ces camps de prisonniers : les ouvriers et les bourgeois ne s’étaient jamais rencontrés auparavant, ils vivaient séparément. Son objectif va être atteint avec « la vie quotidienne des familles ouvrières », ouvrage collectif qui consiste, en parlant de l’étude des ouvriers dans la production, à étudier les rapports dans la vie de l’entreprise et du quartier d’habitation. Il va fonder le centre d’étude des groupes sociaux qui se transformera en CSV (Centre de Sociologie Urbaine) : un lieu de la sociologie urbaine en France. En faisant de la sociologie, il arrive à la même conclusion que 2 historiens : P. Ariès (grand démographe qui écrit que la famille dans l’ancien régime avec l’invention du statut social de l’enfant au 17ème) et L. Chevalier dans « classe laborieuse classe dangereuse ». En étudiant les différents modes d’appropriation de l’espace, ces chercheurs vont montrer le processus de ségrégation en cours de développement dans l’agglomération parisienne et en cela Chombart va connaître une situation connue : il va aller à l’encontre des volontés de gens qui ont financés l’étude ; donc il va s’opposer aux tendances lourdes des planificateurs qui ont les questions et les réponses et qui pensent que ces réponses sont les bonnes même si elles ne font pas de place aux aspirations de la population mais juste aux besoin de la société française. Mais il va discuter avec la population et s’aperçoit que les gens ont des besoins et des aspirations avec les techniques de Mauss : ça ne correspond pas aux villes, aux routes et aux administrations telles qu’on les fait ; il arrive un peu à instaurer une discussion, il va faire pour que l’on demande l’avis des gens pour les grands projets urbains. III – La sociologie du travail ou des travailleurs A) L’œuvre de Friedmann C’est un philosophe qui a travaillé avec Célestin Bouglé, il va partir partout pour voir comment l’industrie se développe, il est résistant pendant la guerre et il entre au CNAM (Centre National des Arts et des Métiers) où il est prof puis entre à Sciences Politique à Paris. Il aborde le travail comme une forme de relation au monde et aux collectivités, il critique l’école des « relations humaines » importante aux Etats-Unis qui a été inspirée par le patronat car ça a un problème de facteur humain. -8F. va s’employer à contredire cette école qui hérite de l’organisation tayloriste du travail (division du travail pour faire le travail à la chaîne) et il étudie l’organisation sociale et les organisations techniques dans son ensemble. Il ne s’arrête pas aux frontières de l’entreprise et s’intéresse à la place de l’entreprise dans la société. Il va écrire un certain nombre de livres tels que « le travail en miettes », « le traité de sociologie du travail » (1961 avec P. Naville) Friedmann et Naville nous pose la question du travail dans la période dominée par l’activité industrielle : la Révolution Industrielle qui est l’émergence du travail comme activité centrale de l’homme. Le travail des enfants a permis l’émergence du capitalisme américain donc le statut de l’enfant est créé et, dans cette même période, le système économique dans lequel se développe le capitalisme est le pire cauchemar de l’enfant. Donc cette société du travail se développe dans la période où la caractéristique qui domine le capitalisme (syndicat, Etat investit beaucoup pour l’industrie et dans l’école, logement (60-70’s)) est l’intervention massive de l’Etat qui joue son atout dans la carte individuelle. Le travail individuel a une place centrale dans la société d’après guerre. Les apports de Friedmann sont datés en rapport avec le contexte particulier mais permet de se poser la question sur les sociétés post-industrielles. « Aliénation au travail » peut nous servir à comprendre le fonctionnement de l’industrie des services parce que c’est lié à la production ou à la consommation de ces services : ce qui le différencie c’est le rapport à la consommation. Dans les sociétés de services, on a des phénomènes d’aliénation car l’horaire est flexible, la rémunération précaire et l’entraide diminue, le sentiment est remis en cause. Les règles individuelles capitaliste s’appliquent aux sociétés de services de plus en plus (sentiment d’isolement car on travaille seul et on se fait surveiller). B) L’œuvre de P. Naville Friedmann c’est caractérisé par son réemploie de la notion « aliénation », Naville c’est fait connaître par la notion d’ « automation » qui a été un texte en 1961 : « l’automation et le capital humain ». Il écrit ces 1ers ouvrages en même temps que Friedmann mais son parcours est plus original car il apparaît dans le cadre de son engagement politique (internationalisme ouvrier) et s’engage dans le mouvement surréaliste. Naville devient psychologue du comportement et il collabore avec Friedmann à l’édition du traité de sociologie en 1962, c’est une tradition qui se poursuit en France où les auteurs ont fait un article approfondi sur les différentes sociologies. On peut avoir un aperçu des connaissances sur ces questions à l’époque : c’est un ensemble d’activités collectives autour du travail pour Naville. IV – Figures marquantes de l’époque : les grands organisateurs de la sociologie sont des enseignants. On avait remarqué qu’un des problème de la diffusion sociologique durkheimienne était venue du fait que c’était beaucoup de chercheurs ; c’est une caractéristique décisive pour la sociologie ces enseignants. A) Gurvitch (1894-1965) C’est un philosophe Russe (fuit en 1917 pendant la révolution bolchevique), il écrit une thèse en France mais fuit pendant la seconde guerre mondiale et revient en 1946 ; il créé les « cahiers internationaux de sociologie » et enseignent à la Sorbonne la sociologie : il est éclectique et écrivain fécond. Il va avoir 2 disciples : Georges Balandier (patron de l’anthropologie en France et spécialiste de l’Afrique) et Jean Duvignaud (spécialiste société de consommation et des médias). Il organise sa pensée autour d’une idée pluraliste : multiplicité des façons d’aborder les phénomènes sociaux car la richesse collective tient à cette multiplicité. Il reste proche de Marx. Attention : notion de « dialectique » : Marx est un héritier de Hegel, la société est toujours en changement d’où une absence de fixité dans la culture et qu’il y a toujours un antagonisme qui provoque mouvements et changement. Il confronte le produit de l’énergie sociale. Le sociologue ne doit pas rester sensible à l’apport des autres disciplines selon Gurvitch. B) Raymond Aron C’est un passeur des œuvres des sociologues allemands Simmel, Weber, etc. et il a écrit « les étapes de la pensée sociologique ». C’est un philosophe de l’école Normale Supérieur (ENS) créée par -9Napoléon 1er pour former l’élite de la France (on y entre par concours et on est payés pendant la durée d’études, on habite dans l’Ecole ; l’ENA actuelle) où il rencontre J-P Sartre et P. Nizan. Aron va être connu pour sa lecture des sociétés industrielle (« 18 leçons sur la société industrielle ») et c’est un grand spécialiste des régimes totalitaires et des relations internationales. Il mènera des travaux de Crozier. - 10 Chapitre 3 La Révolution Structurale L’analyse structurale des faits sociaux commence à la fin des années 50 et continue à avoir des effets sur les modes de compréhension du monde (en partie par les campus US) dans la pensée postmoderne. La structure est une notion importante car elle permet de mettre en lien plein de disciplines différentes et de faire un pont entre la science physique et sociale (voire humaine) : c’est connu depuis longtemps. La définition de J. Piaget consiste à dire : « quelle soit sociale ou physique, elle est le produit d’un ensemble d’éléments réunis en une totalité et cette totalité excède les éléments qui la compose. Le tout est supérieur à la somme des parties, elle possède des éléments qui lui sont propre en tant que totalité mais les propriétés des éléments eux-mêmes dépendent des caractères de la totalité. » En sociologie, cette notion a pu avoir des sens variés selon l’école, la période ; elle s’est confondue avec la notion de cohérence social et du fonctionnement répétitif de différent système (parenté, économie, religion, etc.) mais le courant qui a le plus marqué par son usage est le structuralisme. Ça a été un mouvement car ça prenait à contre-pied des doctrines qui privilégiaient la description et l’expérience : ces doctrines privilégiées les analyses d’événements et l’importance de ses structures : la totalité a plus d’influence que chacun des événements pris 1 par 1, ça débouche par la Révolution structurale. I – Ferdinand de Saussure Il est le fondateur de la sémiologie (discours sur les signes) et donc l’analyse de la langue. Il va expliquer sur la langue ne peut se réduire à la simple addition d’éléments juxtaposés, c'est-à-dire de sons et de mots, elle constitue un véritable système de relations. Il va faire une comparaison de la langue aux jeux d’échecs : les règles ne sont pas modifiées lorsque l’on modifie la taille, la forme ou la couleur des pièce. De plus, aux échecs, analyser la position d’une seule pièce ne mène a rien puisque c’est la position relative aux autres pièces qui importe et il considère que c’est pareil pour la langue. L’analyse structurale doit privilégier non pas la diachronie (analyse des faits dans le temps) mais dans la synchronie (analyse des faits formant un système à un moment donné). Il propose une définition du signe : « c’est un rapport entre un signifiant et un signifié ». Le signifiant est l’image acoustique, le son structuré et un signifié est le sens du message, le concept qui représente la réalité. Ce qui est le plus fort chez cet auteur, c’est qu’il pose comme principe de base le fait que la relation entre signifiant et signifié soit arbitraire : la langue est un système abstrait de signe ; la parole est une expression verbale singulière : les deux réunis ensembles forment le langage. L’auteur l’exprime en 1915 dans le texte « le cours de linguistique général ». C’est le maître absolu du structuralisme mais avant la Révolution, il a fallu attendre que ce soit assimilé : ça a des conséquences et ça révolutionne la linguistique, la grammaire et l’Histoire des religions. Dumézil a écrit un texte important « les Dieux Indo-européens » en 1951 où il considère que pour rendre les mythes compréhensibles, il est plus éclairant de confronter leurs formes que leurs contenus. Dans ces travaux sur les peuples Indo-européens, qui sont l’enjeu d’une bagarre idéologique depuis 180-200ans, on considère que ceux-ci ont conquis les territoires entre les 2 et qui ont formés leur langue, la politique, etc. C’est utilisé par les idéologies allemandes pour justifier leur politique de conquête (les ariens sont un peuple indo-européens) et donc que c’est légitime. Il apprenait toutes les langues pour comprendre les mythes et à force de les comparer, il met en évidence 3 fonctions récurrentes dans l’organisation sociale : c’est lié à la souveraineté, à la guerre et à la fécondité. La force de Dumézil est de savoir transcender des différences linguistiques pour trouver des fonctions identiques à toutes. II - Lévi-Strauss Celui qui va donner les caractères révolutionnaires au structuralisme est Claude Lévi-Strauss qui a écrit, en 1958, « anthropologie structurale ». Il dit dans ce texte fondateur que la société doit être pensée comme un ensemble d’individus et de groupes qui communiquent entre eux : la tâche anthropologue est de déchiffrer le code invariant qui se cache derrière le jeu des apparences sociales, donc on s’intéresse à la forme générale du livre, aux petites apparences. La traduction anthropologique de ce terme de rapport c’est l’échange. - 11 Il recense 3 types d’échanges qui permettent de tisser le lien social : de femmes, des biens et des mots. Strauss considère que l’on doit assimiler les règles de mariage et de parenté à une sorte de langage destiné à assurer une communication entre les individus et les groupes donc l’anthropologue se propose de chercher les structures de ce langage et analyser ses transformations. Il pose un postulat : la structure est une unité omniprésente, inconsciente et les formes culturelles en sont des représentations (ça permet ç un anthropologue de rechercher les structures) donc les effets de ces structures n’apparaissent pas consciemment aux individus : ça a beaucoup d’influence et ça apporte de l’intérêt à faire de la sociologie. Cette approche remet en cause les approches classiques de la mythologie. Le spécialiste de roman merveilleux est V. Propp qui propose de dire que « ce n’est pas comment les hommes pensent les mythes mais comment les mythes se pensent dans les hommes et à leur insu qui est important ». III - Auteurs considérablement inspirés de Lévi-Strauss J. Lacan a une idée qui va connaître du succès : le lien entre la pensée psychanalyste et la révolution structuraliste et il va adapter la psychanalyse : il cherche dans la révolution des outils pour faire basculer la psychanalyse dans le structuralisme et que l’inconscient soit structuré comme un langage (chez le psy). En philosophie, celui qui va transposer les acquis du structuralisme est Louis Althusser (philosophe marxiste français du milieu du siècle) mais ce normalien a tué sa femme et ce meurtre est utilisé par les opposants de la pensée structuraliste et plus particulièrement contre sa pensée. Lucien Goldmann étudie la science littéraire sur la base structuraliste. Une des théorie faite à cette théorie c’est que ça semble laisser peu de place à la liberté individuelle. Petit à petit, ils sont conscients des limites du structuralisme (notamment Lévi-Strauss) : il y a une forme de dérive et un effet boomerang. En effet, dans des disciplines, les auteurs ont tendance à utiliser le jargon structuraliste et à faire des discours fermés : à force de chercher des invariabilités, certains auteurs se sont éloignés de la réalité d’où une déréalisation des travaux scientifiques. La pensée et ses dérives s’est décrédibilisée La France s’est connectée avec la pensée matérialiste : il y a une remise en cause simultanément en 1970 dans un contexte où on a critiqué la révolution sexuelle, à la laïcité, l’Etat donc le monde est dominé par une pensée néo-conservatrice. Il y a un boomerang car ces grands penseurs français ont connu une remise en cause complète à l’université et la société française dans les années 1970-1980. Par contre, ces penseurs ont trouvé un territoire accueillant, moderne, attirant : les universités américaines. Les étudiants ont commencé à lire ces auteurs : invention du net en partie par ces auteurs. C’était la « french theory », il était peu envisageable de finir sa 1ère année sans lire un texte d’un de ces auteurs. Tous ces auteurs ont une influence extravagante dans des styles différents et se sont mis à s’intéresser à des sujets passionnants comme les USA pour les études culturelles : beaucoup de mobilisations sociales, sexuelles, féministes, etc. Beaucoup d’étudiants, étrangers ou américains, ont trouvé un moyen théorique pour les rapports de force et les outils théoriques pour les pays du nord par rapport aux pays du sud donc c’est novateur pour les luttes. Comme souvent, ces auteurs sont mis au banc car la société intellectuelle française renvient en force par le biais de l’ethnologie, la sociologie, etc. donc sous des formes plus adaptées. Il y a un effet de balancier et de circulation : les pensées évacuées sont retournées sous des formes différentes. On a beaucoup reproché à l’école structuraliste l’idée qu’il fallait trouver des structures cachées : derrière les contingences ce sont les procédés qui dominaient les acteurs. En sociologie, ça a pris le nom de la Sociologie du Soupçon. En sociologie urbains, les travaux ont essayé de montrer qu’un système de domination se traduisait dans l’espace et que le pouvoir, pour s’exercer, devait avoir une emprise sur l’espace (les hommes, la circulation des ressources, etc. donc celui qui contrôle ça, contrôle l’essentiel de la société) : on appelait ça le capitalisme d’Etat. Deux des grands théoriciens de ce capitalisme est Jean Lojkine et Manuel Castells (grand théoricien de la sociologie d’Internet). Cette sociologie du soupçon a eu une influence dans la théorie de l’éducation et du travail social. Dans la sociologie de l’école, C. Baudelot et R. Establet (« l’école capitaliste en France ») tape sur l’enseignement plutôt que sur les travailleurs sociaux : avant le secteur professionnel et général, il y a une séparation non légitime ; ils ont proposé un schéma théorique entre le secteur primaire et le secteur secondaire supérieur : ce n’était pas égalitaire (Bourdieu : l’école est un outil de la reproduction sociale). - 12 Un des travaux fondateurs sur le travail social a été mené par M. Foucault dans « surveiller et punir », il a eu un énorme mérite car il s’est intéressé aussi à la médecine, à la sexualité, à l’Etat autour de la notion américaine qu’est la bio politique qui est la manière sont les pouvoirs publics mettent en place une politique pour gérer les vivants, cet ensemble de technologies (fin 18ème : révolution du génie génétique) permet d’agir sur sa propre existence avec les moyens précédents. Dans le domaine des études des différentes sociétés du tiers-monde. Le structuralisme a donné des outils pour renouveler les études du centre et de la périphérie : ces études culturelles prises pour sciences sociales propres aux sociétés indigènes comme les « subalternes studies » (l’Histoire vue de ces pays). C’est le marxisme althussérien qui a eu le plus d’influence là-dessus mais aussi R. Debray (fait guerre révolutionnaire avec les gens des pays du tiers-monde en Amérique latine et il s’est fait arrêter en Bolivie mais laissé tranquille parce que fils de bonne famille). Le sous-courant dans le structuralisme qui a eu le moins d’influence est celui d’Henri Lefebvre car il est identifié comme un rénovateur de la sociologie urbaine et il écrit « le droit à la vie ». Il est le maître à penser urbain ultra contestataire ; les structuralistes vont avoir la capacité à anticiper sur des phénomènes que l’on ne pouvait pas anticiper : les révoltes urbaines (capacité à comprendre les émeutes dans le cadre d’une réflexion sur la société du spectacle) ; G. Debord, structuraliste important, écrit en 1968 « la société du spectacle », son idée est que ce qui est important dans la société c’est plus les objets mais les signes traduisent la consommation et le capacité de se mettre en spectacle donc ça renouvelle la pensée. Mai 1968 : un texte sur la « misère sexuelle des étudiants » est fait par un structuraliste, c’est l’effet déclencheur sur la société étudiante. Il y a une mise en évidence de la collectivité étudiante. Les structuralistes sont donc des provocateurs. IV - Auteurs contre cette sociologie du soupçon : les sociologues du changement. Les sociologues du changement s’intéressent au système et moins aux institutions : ils se préoccupent des acteurs qui sont capables d’influer sur l’environnement : la capacité des individus à mettre en place des « stratégies de contrôle du changement » (M. Crozier). - 13 - PARTIE 2 Les 4 coins de la sociologie - 14 - Une des premières manières de renouvellement la sociologie : la place de l’acteur principale et sortir des représentations sociales en terme de conflits, se poser des questions en terme de connaissance et d’enjeux culturels. Mise en évidence de 4 coins de la sociologie (Alain Touraine) autour de 2 types de choix sociologique. INTEGRATION CONFLIT SYSTEME (société) Le structuralisme critique - Bourdieu Le rationalisme utilitariste - Boudon ACTION (acteur) La sociologie de l’action - Touraine L’analyse stratégique - Crozier - 15 Chapitre 1 Bourdieu Il est devenu un personnage public : un intellectuel total, ses discours avaient une influence sur le système politique et passaient à la télé : il est devenu plus qu’un intellectuel mais une personne publique. Bourdieu avait tendance de pouvoir parler sur tout mais celle-ci énerver du monde. I – Les éléments biographiques et les filiations théoriques Il considère que les informations biographiques sont cruciales pour comprendre la démarche des sociologues. Né en 1930 dans une famille de fonctionnaires, il est le produit de la méritocratie française qui l’amène à intégrer l’Ecole Normale Supérieure et à avoir son agrégation de philosophie. Il comparera sa situation de jeune étudiant de province venant étudier à Paris à la situation des migrants coloniaux : mépris de l’élite parisienne. Il va faire une carrière exceptionnelle alors que c’est un fils de fonctionnaire de province. Après son agrégation de philosophie, il enseigne dans des écoles de province à Moulin en 1951 puis à Alger (passage obligatoire) où il fait 3ans puis il va à l’université de Lille et est nommé à l’école des sciences sociales (Ecole des Hautes Etudes) dans la 6ème section. En 1981, il atteint le sommet en intégrant la chaire de sociologie du Collège de France : la leçon sur la leçon, c’est le successeur de Raymond Aron. La pensée de Bourdieu est marquée par la tradition structuraliste : il hérite d’abord de l’idée que le système de relation entre l’individu et la classe sociale sont décisifs pour comprendre les phénomènes sociaux. Il considère que la tradition structuraliste néglige le sens des significations que l’individu confère à leurs pratiques, il va ajouter l’idée de règles présentes dans le structuralisme : la notion de stratégie qui rend compte de la capacité des individus à s’adapter à des situations imprévues et changeantes. 2ème influence : ses travaux anthropologiques. Il utilise ses critiques comme ethnologue dans 2 séries de recherches très importantes et proches l’un de l’autres. La 1 ère porte sur les milieux ruraux en France et la 2ème sur la société coloniale (Kabyle). « Le bal des célibataires » : recherches de fin 1950 dans une revue « l’ethnologie rurale ». Ce texte traite des conditions de célibat dans les campagnes françaises : modification des comportements matrimoniaux dans ces campagnes (exode rurale des femmes) d’où la difficulté de trouver une femme. Bourdieu étudie le moment clé : le bal des campagnes. « Esquisse d’une théorie de la pratique » (1972) : c’est probablement le meilleur texte sur l’Algérie. Ce texte étudie, dans une perspective proche de Mauss, le défi. Bourdieu étudie les sociétés segmentaires (les clans, etc.) et 2 phénomènes : la parenté où il remet en cause l’approche structuraliste car les techniques de parenté sont des stratégies, des techniques d’adaptation en fonction de circonstance ; la maison Kabyle : comment est-elle organisée ? Bourdieu fait l’hypothèse que la maison Kabyle est une image inversée du monde extérieur (tradition classique de la sociologie). Il fait une hiérarchie sur un couple binaire : la femme domine à l’intérieur et est dominée à l’extérieur (très bonne théorie pour étudier la pratique Mauss Halbwachs). Bourdieu emprunte une partie de ses outils au structuralistes mais aussi à Marx auquel il prend « l’idée du conflit entre les classes sociales » (dialectique), la manière dont Bourdieu la traduit : le conflit n’est pas forcément physique mais aussi symbolique. Il prends aussi des Outils chez Weber : le concept de légitimité de l’autorité dans le sens d’une analyse des processus de domination et notamment d’un des mécanismes les plus énigmatiques (sciences politiques) : l’acceptation de la domination. Mais il emprunte de plus à Durkheim car il a voulu poursuivre ses objectifs. Il se dit l’héritier de Durkheim, il lui reprend 2 idées : il faut prendre les faits sociaux comme des choses mais aussi qu’il faut les expliquer les un par les autres. Bourdieu essaie de révéler par un travail sociologique un ordre caché derrière le désordre apparent et il va appliquer ces règles dans quelques ouvrages comme « le métier de sociologue » (1968, avec Passeron et Chamboredon). Passeron : connu pour avoir écrit le livre d’épistémologie « le raisonnement sociologique » en 1995 : capacité que la règle pouvant être falsifiée puisse être non scientifique (ex : religion). Chomboredon : spécialiste des cabanons, c’est un poète de la sociologie « question de sociologie » (années 70). II – Les apports méthodologiques Bourdieu rappelle les contraintes de la démarche proprement sociologique : rompre avec le sens comment de son objet, il faut construire le fait social avant de l’analyser (d’où le nom de sa - 16 théorie le structuralisme constructiviste). Le sens commun est les différentes croyances communément admises (les « prénotions »). Bourdieu di que ces croyances sont des représentations essentiellement, ce sont des idées toutes faites qui sont des obstacles à la connaissance scientifique. Il prêtant que les catégories de description du monde sont socialement construites et les individus apportent des significations incomplètes à leurs actions car ils n’ont pas conscience de l’influence sociale qui les détermine. Le sociologue doit mettre en doute ces explications et ces motivations (les opinions toutes faites et comment les gens expliquent leurs réactions) et il doit même ne pas y ajouter sa propre position socialement constituée sous peine de juger les individus et les groupes en fonction des valeurs propres à sa classe : la « réflexivité sociologique ». Tous les physiciens savent que les conditions changent le résultat, c’est pareil en sociologie ; Bourdieu dit que les représentations sociales du sociologue changent les résultats de la recherche et donc à une influence sur la manière dont les questions sociologiques sont posées ("Homo academicus", 1964, comment l'espace universitaire était structuré face au pouvoir). La 2ème tâche du sociologue est de construire le fait social. Bourdieu propose différentes étapes pour construire un fait social : découper une partie de la réalité : on ne peut pas appréhender l’ensemble du réel. Définir une problématique : on s’interroge sur la genèse du discours commun : construction d’hypothèses, c'est-à-dire que l’on va proposer des solutions avec des concepts propres à la sociologie ; définition de la démarche hypothético-déductive (confirmer ou infirmer les hypothèses en les confrontant au réel). L’objectivation du fait social : prendre soin d’utiliser la technique que l’on maîtrise parfaitement car toute une série de techniques existent qui ont des avantages mais aussi des lacune (risque de manipulation des résultats) : le sociologue doit les connaître afin de les corriger si possible. III – La partie théorique Pour Bourdieu, la société est un espace à plusieurs dimensions au sein duquel se positionnent les groupes sociaux, les positions relatives des individus différencient et discriminent les individus et leurs pratiques sociales. Les 1ers travaux proposent une vision déterministe de la fonction de la société mettent en évidence un phénomène de reproduction des inégalités malgré les transformations sociales : les conditions de vie de la classe ouvrière sont très nettement améliorées entre 1950 et 2000 mais l’écart dans la société française est plus important qu’il ne l’a jamais était car les améliorations dans la classe aisée sont encore plus importantes. L’approche de Bourdieu a évolué pour démontrer que les stratégies que pratiquent des individus, non pas dans la lutte des classes, dans la « lutte des classements ». A – Une théorie culturelle de la reproduction Une grande part de ses œuvres cherche à dévoiler l’aspect caché du fonctionnement social : le phénomène de reproduction des inégalités d’une génération à l’autre. Pour se faire, il a étudié les différentes aspects de la société : la culture, la philosophie, la Haute Couture, la littérature, le cinéma, les arts plastiques, la question scolaire (école primaire, les grandes Ecoles, le personnel scolaire), la consommation, la télé, etc. C’est un des théoriciens majeurs de la politique : il a aussi étudié la Noblesse d’Etat, l’ENA, la classe populaire. Il n’étudie donc pas qu’une seule dimension et a multiplié les travaux. Il a utilisé 3 notions pour rendre compte de cette démarche de mise au jour des principes de reproduction et de perpétuation de la domination : 1) L’Habitus Bourdieu appelle à rompre avec le sens commun en utilisant un terme non utilisé dans la langue courante. C’est principe central pour comprendre la sociologie de Bourdieu, c’est un principe qui structure la perception et l’action des agents sociaux ; en cela elle est une structure structurante mais c’est aussi la forme incorporée de l’action des structures et notamment de la classe sociale d’appartenance, pour cette raison, c’est une structure structurée. Ex : la consommation, l’identité de l’individu dans la société dépend plus de la place des individus dans la consommation que dans la production. La pratique des consommations est déterminée par des goûts socialement définis par un habitus de classe. Dans son texte « la distinction » (1979), il montre les différences de comportement entre l’abondance des repas dans les catégories populaires mais la - 17 pratique de restriction mesurée des classes moyennes ; le repas dans l’élite va mentionner un du luxe et de la rareté (petites quantités) mis en valeur et sophistiqués. Ex : le rapport au corps est différent selon la classe sociale, une des raisons de la tendance de vie plus courte chez les ouvriers tend par le fait qu’ils ne s’occupent pas de leurs corps (soucis et consommation de soins), la force est primordiale. Les œuvres de Bourdieu permettent donc de comprendre ces discriminations, ces différences. L’habitus assure une cohérence et une articulation entre la société et l’individu. Il témoigne d’un fondement de la production de l’ordre social, la socialisation, à la fois par les grandes instances de socialisation (écoles, l’armée, l’Eglise et l’Etat) qui assurent l’incorporation de l’habitus de classe, et produit 2 effets simultanés d’abord en déterminant l’appartenance des individus à une classe puis en reproduisant la classe en tant que groupe de même habitus. La dernière classe est les élus. Il y a 2 notions qui vont avec la notion d’habitus, et tirés du même registre linguistique, ont été proposées par Bourdieu pour comprendre l’effet de socialisation : L’ethos permet surtout de comprendre la fonction de l’habitus. Ça équivaut à l’étique. Ce sont les principes moraux dans leurs formes de pratiques, c'est-à-dire intériorisées et non conscientes, qui président à la conduite habituelle : une forme théorisée morale. Cet ethos intervient dans les critères de jugements sociaux quotidiens en les formulant explicitement le plus souvent. L’origine est intériorisée et consciente, ces normes évoluent et ne sont pas partagées de la même manière partout (ex : l’odeur, le rapport poids/taille) : c’est le produit d’ethos intériorisés. Les hexis corporels sont des postures, des dispositions et des rapports aux corps qui sont progressivement intériorisés par l’éducation comme la manière de marcher. C’est fait pour se rapprocher ou se dissocier des autres, c’est donc un moyen de se discriminer les uns les autres. L’hystérésis désigne l’effet d’inertie (d’entraînement) de l’habitus, c'est-à-dire d’un certain nombre de codes intériorisés lorsqu’un agent social change de classe sociale : les manières de faire ne changent pas même après une longue période dans celle-ci donc ça a un caractère déplacé, incongru. Ce sont des codes inférieurs minimisant. L’habitus est le produit à la fois de la position et de la trajectoire sociale des individus. Il structure les acquisitions et les adaptations aux changements et il permet d’expliquer les logiques de fonctionnement de la société comme la régulation et la reconnaissance sociale. 2) Le Capital Pour comprendre le phénomène de différenciation sociale au cœur du fonctionnement de la société industrielle, Bourdieu propose de synthétiser l’approche de Marx en terme de classes et l’approche de Weber en terme de strates en explicitant une vision spatiale de la société, cet espace est hiérarchisé par une inégale distribution de capitaux. Il y a plusieurs types de capital selon Bourdieu : Le capital économique qui est composé des facteurs de production et des biens économiques. Le capital culturel qui est composé de la qualification intellectuelle acquise à l’école ou transmise par la famille (pour les plus faiblement dotés : l’accent ; les plus fortement dotés : les dispositions comme les manières d’être, la possession (œuvre d’art, etc.)) et une manière de suivre ce phénomène c’est de regarder le titre scolaire des parents des individus. Le capital social qui est le déterminant de l’ensemble des relations sociales et les manières de les instaurer et de les entretenir – comme incarné par l’égalité de réussite aux concours – mais ce qui est important dans la vie dans l’occident c’est avoir des relations et c’est discriminant de manière croissante (les relations vont aux relations). Le capital symbolique sont des rituels de connaissances et d’expression de l’autorité et, cette autorité, est liée à la détention des autres formes de capital. C’est décisif (ex : la connaissance). 3) L’espace social Avec ces 4 formes de capitaux, on classe les gens dans l’espace social qui est un espace sur 2 dimensions. Bourdieu fait un schéma classique qui est une manière de couper le monde social et le projet de position des différents individus. Ça dépend du volume et de la structure de leur capital. Su l’axe vertical, on a les capitaux sociaux et économiques (le capital global). Sur l’axe horizontal, on a les capitaux culturels. - 18 - On place et on différencie les individus ayant fait les grandes Ecoles ou non, etc. Bourdieu ajoute à cette vision spatiale une analyse en terme de champ : il essaie de rendre compte du processus de différenciation de la société en différents domaines, ce processus en accélération dans les sociétés (post-industrielles ; post-modernes, post-nationales, etc.). Dans chacun des espaces des sociétés, il y a un phénomène de spécialisation (le sport devient une pratique professionnelle ; l’art ; la mode ; etc.). Aujourd’hui il y a une double différenciation : spatiale et sociale. Ce processus a rendu nécessaire cette notion de champ « c’est un système spécifique de relations objectives qui peuvent être d’alliances et/ou de conflits de concurrences et/ou de coopérations entre les positions différenciées, socialement définies et instituées largement indépendantes de l’existence physique des agents qui les occupent ». Le champ n’est pas soumis à l’existence de tel ou tel de ses membres. B – une théorie conflictuelle de la pratique 1) L’analogie du jeu C’est que dans ce champ, il existe des enjeux spécifiques (différents les uns des autres), les agents s’y comportent comme des joueurs dans un marché qui cherchent, par mobilisation de capitaux, à assurer leur domination. Il n’ a pas une règle, une loi explicite. - 19 Cette absence de règles a beaucoup d’importance car l’enjeu est le produit de la compétition entre les joueurs et il produit, en raison de l’investissement demandé, un effet particulier que Bourdieu appelle l’illusio : le fait de jouer et d’être le jouet à la fois. Les joueurs ne participent et ne s’affrontent que parce qu’ils ont en commun d’accorder au jeu une valeur qui elle-même échappe au jeu. Ex : le champ universitaire, la sociologie est un champ différencié avec des endroits plus prestigieux. Le 1er effet de différenciation extrême est les différentes sociologies (travail, emploi, profession, politique, etc.) et dans chacun des champs spécifiques, ils s’affrontent pour la meilleure position, le meilleur endroit. Mais le champ lui-même n’est pas le champ de l’enjeu qui est la doxa : langage, discours (essentiellement), c’est la valeur que prête l’ensemble des acteurs au jeu auquel ils participent. Les enjeux sont très forts mais pas seulement financiers à certains endroits mais symboliques d’où une différenciation à l’intérieur du champ et la création de sous champs autonomes comme en politique par exemple. 2) Les influences et les critiques L’œuvre et l’enseignement de Bourdieu ont eu une large influence autant du point de vue national qu’international. L’œuvre la plus utilisée est la 1ère partie, anthropologique, de l’œuvre de Bourdieu qui a eu une influence dans de nombreux domaines de la sociologie. Son influence a dépassé la sociologie comme la science politique, l’Histoire, etc. Ses travaux ont un impact sur certains secteurs sur lesquels ils ont portés (PCS, école, etc.) mais son engagement politique (comme J-P Sartre) se situe dans la marge de la société (pour la question de la pauvreté, la critique de la mondialisation, de la télé, etc.) : il a étendu son aura au delà de la sociologie. Mais les critiques portant sur son œuvre, et parfois sur l’individu, n’en ont été que plus virulentes. On lui a reproché l’archaïsme de sa vision de classe et de lutte des classes (cas d’Alain Touraine), il ne s’intéresse pas aux groupes sociaux en dehors de la confrontation. On lui a reproché de sous estimer les transformations historiques et l’importance du rôle des acteurs. On lui a aussi reproché d’une sorte de personnalisation abusive de son œuvre : une partie importante est collective. Mais on lui a aussi reproché son engagement politique où il est pertinent et parfois méprisant (engagement pour la cause des chômeurs : c’est rare chez les intellectuels). - 20 Chapitre 2 Michel Crozier (1922- ) C’est l’un des plus contemporains des 4 coins de la sociologie, il enseigne aux USA. Il a été directeur du Centre des Organisations (CSO) et professeur à sciences politiques à Paris. Il a écrit de nombreux ouvrages de sociologie et d’analyse stratégique. Il est l’auteur de la sociologie française de 1970 à 1990 : des best-sellers (au-delà du public habituel de la sociologie), c’est un des gros vendeur de la sociologie française dans les pays émergeants, etc. Ses textes principaux : 1970 « la société bloquée » qui est le plus connu dans la discipline sociologique et il l’entreprend et l’écrit avec son confrère Friedberg puis en 1981 « l’acteur et le système » et « le mal américain » fin des années 70. Avant de connaître cette carrière, il est formé dans un cadre de développement de la sociologie du travail et étudie l’Histoire du mouvement ouvrier : il est assez classique « mouvement ouvrier et socialiste » mais il va sortir du lot par un travail publié en 1956 sur un monde méconnu par la sociologie du travail et souvent caricaturée : le monde des employés « petit fonctionnaires au travail ». En 1965, il écrit « le monde des employés de bureaux » mais il est aussi influencé par la recherche culturaliste et fonctionnaliste. Dans les années 50, il mène plusieurs études au USA et dès 1951, il écrit « usines et syndicats d’Amérique » puis il porte une analyse sur le modèle démocratique américain avec S. Huntington (connu pour avoir commit un texte sur l’affrontement des civilisations, ça a un écho considérable après la chute du mur de Berlin (base du renouveau américain). Aux USA, il est important d’avoir un gros ennemi militaire (internat créé dans le cadre militaire) donc les US dominent la toile mondiale par l’investissement militaire. Il a publié des 1970 avec Huntington « the crisis of democraty » (le mal américain). Sa proximité avec le personnage de la sociologie française des années 1970 : Raymond Aron (connu pour avoir produit une œuvre sur l’histoire de la société industrielle et des stratégies « sur la guerre » et il a enseigné les relations internationales à l’ENA, etc.). Il va opérer une fusion entre ses travaux sur le modèle économique et les principes stratégique : c’est l’héritier de Durkheim par rapport à la division du travail social et l’héritier de R. Aron et un grand lecteur de M. Weber. I – L’analyse des organisations comme un phénomène autonome C’est surtout avec « l’acteur et le système » que Friedberg qu’il propose cette analyse. Les 1ers à proposer ce type d’approches, c'est-à-dire considérer que les organisations obéissent à des règles de fonctionnement spécifique et non en étant déterminé par des contraintes extérieures. En cela, il critiquait le système dominant de la sociologie du travail (aussi critiqué par Friedmann et Naville : la difficulté de résoudre le facteur humain) : le modèle de facteur humain. Au contraire, Crozier et Friedberg vont critiquer ceci en disant que le gros défaut est de ne pas s’intéresser aux stratégies des individus et aux organisation concrètes : caractéristiques des organisation selon Crozier. A – Les organisations selon Crozier C’est caractérisé par la division des tâches qui est au principe de l’organisation et différencie un groupe structuré d’une foule. Chacun doit savoir le travail qu’il a à exécuter ; la distribution des rôles, chaque membre se voit distribué une tâche mais chacun peut l’accomplir de la manière qu’il veut donc le monde de l’organisation interprète la mission qui lui a été confiée ; le système d’autorité qui doit veiller à la conformité du comportement de l’individu aux buts que les organisateurs ont fixés à l’organisation (les objectifs des dirigeants). Ces caractéristiques désacralise l’autorité du chef d’entreprise, c’est important car depuis la fin du 18ème les chefs d’entreprise ne sont pas n’importe qui, les régimes d’autorité dans l’entreprise est d’une très grande brutalité fin 17ème jusqu’au 19ème car il est le patron, le propriétaire de la ville de la maison de ses ouvriers, etc. Le patron fiance tout et influence tout : c’est un peu l’incarnation de Dieu. Avec Crozier, la rationalité sociologique dit que le patron a une fonction précise et non qu’il est l’incarnation de Dieu. C’est aussi caractérisé par le système de communication destiné à mettre les individus en relation les uns avec les autres : on se fixe à la tâche pour éviter les problèmes. Mais, en général, dans les organisations, la circulation soutenue est celle des ordres des autorités donc une communication verticale au détriment d’une communication horizontale. Non seulement la communication verticale mais dans un seul sens : ça descend du haut vers le bas d’où 2 limites importantes : difficulté à faire circuler les informations et à faire remonter les informations vers le haut. C’est grave voire mortel car - 21 une circulation fluide et rapide de l’information est vitale pour l’organisation. Les patrons répondent par la routine (cause de la mortalité) car c’est la manière la moins coûteuse de réagir aux problèmes c’est donc une catastrophe. C’est un effet mais aussi un symptôme : c’est une solution de secours. C’est aussi caractérisé par le système de rétribution : ça précise que les membres de l’organisation doivent apporter mais aussi recevoir ; il révise la question des sources de la légitimité : qu’est ce qui fait que l’on accepte l’autorité ? B – les postulats de l’analyse stratégique Crozier, comme Friedberg, proposent des travaux qui reposent sur une philosophie de l’acteur (« le pouvoir et le règle en 1993). La philosophie de l’acteur : les acteurs sociaux disposent toujours d’une marge de liberté donc la liberté n’est pas absolue et elle est soumise) des contingences et des contraintes. Ils sont lucides quand ils disent que cette marge de liberté est utilisée pour avoir plus de pouvoir dans les organisations. Ces travaux fonctionnent sur 3 concepts clés : le concept de stratégie, c'est-à-dire le fait que les organisations, plus ou moins explicitement, cherchent à atteindre des objectifs et mettent en jeu des moyens pour les atteindre, le pouvoir, on s’intéresse à des formes de relations qui sont déséquilibrées, le pouvoir n’existe que parce qu’il existe A et B, le concept de système : ça sous entend l’idée de complexité qui combine une infinité de variables. Il fait plusieurs postulats : les hommes n’acceptent jamais d’être traités comme des moyens au service de buts que les organisateurs fixent à l’organisation, chacun a ses objectifs propres y compris dans des organisation contraignantes : chacun a des objectifs propres et sa propre stratégie, les acteurs ont une liberté relative, dans une organisation, tout acteur garde une possibilité de jeu autonome qu’il utilise plus ou moins y compris dans un camp de réfugiés, de concentration. C’est l’utilisation de cette marge qui intéresse l’analyse stratégique, les stratégies des acteurs sont toujours rationnelles mais d’une rationalité limité et contingente, c'est-à-dire que l’acteur avec ses stratégies rationnelles doit toujours tenir compte des stratégies des autres et des multiples contraintes de l’environnement par rapport à des contraintes particulière, l’acteur a toujours des solutions multiples possibles et d’après l’auteur, l’acteur choisit la moins insatisfaisante (ça va à l’encontre d’une des règles de Ford et Taylor qui ont dit qu’il y avait qu’une bonne solution « one best way »). Il y a une rationalité limitée : remise en perspective de travaux, ça signifie en matière de prise de décision que l’on s’arrête toujours à la 1ère acceptable, ça permet de réintégrer un comportement que l’on considère comme irrationnel. Tout les membres des organisations sont dotés d’une gamme de capacités cognitives (compréhension) qui connaissent des limites pour faire face à une gamme variées de situations ils recourent à des routines ou des répertoires d’actions : ça permet d’habiller une idée de routines (les solutions qui se proposent à nous qu’on a en mémoire). II – l’analyse des relations de pouvoir A – Le dysfonctionnement bureaucratique La signification la plus complexe du terme de dysfonctionnement. Dans son ouvrage, « le phénomène bureaucratique » (1963), il élargit les réflexions sur le dysfonctionnement bureaucratique (Merton) à la théorie des relations de pouvoir : il développe un recherche théorique étayée par l’investigation de la SEITA, Altadis. En menant cette enquête, il s’intéresse aux relations des différents groupes de l’atelier, il y a une hostilité importante entre les ouvriers de production, les ouvriers d’entretien et les chefs d’ateliers. L’auteur cherche à montrer que les relations entre ces groupes sont des relations de pouvoir qui se manifestent particulièrement lors des pannes qui les mettent en rapport. Dans ces situations, les relations hiérarchiques sont court-circuitées car le chef est avec les ouvriers et c’est quelqu’un qui n’est pas chef qui va régler le problème : ça suscite de la frustration car l’ouvrier répare mais aussi pour le chef car il n’a pas su régler le problème. Ce cas de figure permet à Crozier de conclure à l’existence d’un cercle vicieux bureaucratique : les règles impersonnelles ne parviennent pas à tout prévoir ce qui génère des zones d’incertitudes. Les membres de l’organisation cherchent à contrôler ces zones de l’incertitude. Pourquoi veulent-ils les contrôler ? Pour augmenter le pouvoir qui entraîne une frustration pour ceux qui suscitent cette nouvelle répartition qui génèrent de nouvelles règles impersonnelles. Crozier cherchent donc à montrer que les - 22 relations entre les différents groupes, lors des pannes le plus souvent, mettent en contact ces groupes alors qu’ils ne le sont jamais : c’est une situation imprévue pour lesquelles aucunes réponses codifiées pour la solution : met en évidence des tension entre l’organisation. B – Les sources de pouvoir Il s’attache à montrer que la vie quotidienne des organisations est constituée de conflits de pouvoir et il va, pour la mettre en évidence, chercher à comprendre le caractère relationnel et réciproque du pouvoir. Qu’est ce qui donne du pouvoir dans une organisation ? C’est la possession d’une compétence difficilement remplaçable. Celui qui a une compétence et qui va régler les problèmes de la vie de l’organisation dispose d’une partie du pouvoir et seulement q’il est reconnu que son expertise en la matière est valable. On a du pouvoir que si on est un as en la matière, ce sont souvent les experts généralistes qui sont le moins experts. L’adhésion du groupe aux conclusions de l’experts, il peut proposer des solutions mais elles ne sont efficaces que si ceux qui sont chargés de les appliquer les acceptent comme telles : ça doit être légitime. L’organisation d’un réseau de communication dans l’organisation : plusieurs éléments rendent déterminants l’organisation et le réseau de communication, comment les membres de l’organisation vont réussir à rendre légitime et à obtenir des compétences ? Par l’organisation de réseaux de communication, c'est-à-dire que l’on doit connaître l’organisation elle-même, son environnement et ce qui va lui permettre de mieux connaître les zones cruciales. Pour les obtenir, il y a une seule solution : constituer un réseau d’informations. Dans les organisations les plus bureaucratiques, les règles font la différence : l’organisation interne permet de connaître comment l’organisation a prévu de réagir face aux différentes situations, ça permet d’agir. La complexification des organisations entraîne une multiplication des procédés car personne ne connaît par cœur toutes les procédures. On a donc des champs très complexes qui se développent : le champs des procédures. La meilleure solution est d’être partie prenant de plusieurs systèmes d’actions que l’on peut croiser pour garder ou augmenter son pouvoir. III – La partie critique La critique la plus théorique : c’est une approche trop culturaliste des phénomènes de pouvoir, son analyse stratégique est influencée par le culturalisme américain, il dresse un tableau sur la bureaucratie française surtout qu’il prêtait à la culture française des spécificités en matière bureaucratique : la culture française produit de la crainte aux individus par rapport aux relations de face à face, répugnance aux relation hiérarchique. La critique plus idéologique : on considérait que Crozier prend partie avec le manager, de tenir un discours récupéré par le champ politique et de dire que la société française est trop étatisée et centralisée. Il est l’inspirateur de beaucoup de travaux (Padioleau et Sain Saulieu) : il reste un des théoriciens les plus engagés en politique pour lequel il y aurait moins d’état. - 23 Chapitre 3 Raymond Boudon (1934 - ) Il fait un parcours classique. C’est le chef de la file de l’individualisme méthodologique. Il entre à l’Ecole Normale Supérieur et il obtient son agrégation de philosophie en 1958. C’est l’élève de R. Aron auprès duquel il côtoie des auteurs qui vont le marquer fortement comme Simmel, Weber, Tocqueville et Parito. Il obtient une bourse à l’université de Colombia dans laquelle il va travailler avec Paul Lazarsfeld et élabore sa thèse de doctorat « l’analyse mathématique des faits sociaux ». A partir du milieu des années 60 et sous l’influence de Lazarsfeld, il va tenter de formaliser l’analyse des conséquences inattendues des actions individuelles. 1973 « l’inégalité des chances » et « la mobilité sociale dans les sociétés industrielles » : sa thèse principale est le système scolaire français qui ne va pas contribuer à résorber l’inégalité sociale. Depuis ce moment là, il émerge sur la scène politique et élabore un paradigme sociologique fort : l’individualisme méthodologique (Schumpeter). C’est une démarche essentiellement économique qui consiste à partir du comportement des individus sans présupposer une théorie de l’individu ou de la société (différent de Durkheim). I – L’individualisme méthodologique Pour expliquer un fait social quelconque, il est indispensable de reconstruire les motivations des individus concernés par le phénomène en question et d’appréhender ce phénomène comme le résultat de l’agrégation de comportements individuels dictés par ses motivations. Cet individualisme méthodologique se structure selon l’auteur autour de 3 concepts clés : A – Le terme d’action Une action (lignée de Weber « économie et société ») est un comportement dans lequel les agents communiquent un sens subjectif, c’est un comportement doté d’intentions ou motivé. Ses agents sont des sujets sociologiques (R. Dahrendorf homo sociologicus) qui mû par les objectifs qu’ils désirent atteindre et par la représentation qu’il a des moyens susceptibles de lui permettre d’atteindre des objectifs. Qui sont-ils ? Ce sont des individus pris isolément et amenés quotidiennement à prendre des décisions qui ont des conséquences pour eux-mêmes et autrui mais aussi les entités collectives (ex : l’Etat). Le contexte relationnel : l’action dépend de l’intention du sujet, ses objectifs mais aussi de sa capacité à s’adapter à la situation dans laquelle il se trouve, l’individu n’est pas tout seul car il est pris dans un ensemble d’individualités dynamiques. B – La rationalité Il se place dans la lignée des travaux de Weber. Dans la démarche de Boudon, l’identification de la nature de l’action et des contextes particuliers suppose la rationalité des acteurs. Le sociologue soit reconstruire les raisons microsociologiques (liés aux intentions) des phénomènes macrosociologiques qu’il cherche à expliquer. D’après lui (comme Crozier), les acteurs ne peuvent pas avoir des comportements irrationnels (le libre arbitre) et il est critiqué pour ça. Puisque la rationalité est importante et il en propose plusieurs types : (sujet X : quelles sont ses raisons de faire ça ?) rationalité dite utilitaire : X a raison car il y a un intérêt. rationalité dite téléologique : X a raison car c’est le meilleur moyen d’atteindre son objectif. rationalité dite axiologique : X a raison car ça correspond à un principe normatif. rationalité dite traditionnelle : X a raison car il a l’habitude de la faire. rationalité dite cognitive : X a raison car c’est théoriquement approprié. C – L’agrégation des actions individuelles (microsociologique) Le sociologue cherche à étudier le macro social. Boudon pose un postulat dans la tradition philosophique auquel il appartient : les phénomènes sociaux doivent être expliqués dans la mesure du possible comme le résultat non intentionnel des actions individuelles. Dans « effets pervers et ordre social », pour expliquer ces phénomènes sociaux, Boudon va proposer à réfléchir aux effets de l’agrégation des actions individuelles : deux types d’effets d’agrégation : les effets simples : l’effet de la prédiction créatrice, exemple, une banque est en bonne santé mais si les gens racontent qu’elle ne pourra pas payer ce qu’elle doit, les personnes vont demander de récupérer leurs économies donc elle fait faillite. Autre exemple, deux pays frontalier qui ne sont ni amis ni ennemis mais, pour une rumeur, un pays décide de mettre ses - 24 troupes à la frontière et l’autre pays fait donc de même : il suffit d’un malentendu pour que la guerre éclate. Les effets complexes : il y a un paradoxe pour l’expliquer, celui du prisonnier : 2 personnes sont associées pour réaliser un hold-up, ils se font arrêter et sont interrogés à part : on leur propose de collaborer pour alléger leur peine. Autre exemple : chez le boulanger (cf. TD) ou le phénomène scolaire inégalitaire : tous les individus considèrent que la réussite sociale passe par la réussite scolaire mais, pour Boudon, la concurrence scolaire est exacerber bien avant. II – Les défauts de la théorie de Boudon Le principe de la rationalité des acteurs : il est plus que probable que toute une série de nos actions ne soient pas si rationnelles que ça. Les chercheurs vont considérer que, contrairement à Boudon, l’acteur est conditionné par la logique de la situation. L’acteur est pris dans une structure d’interaction qui lui laisse seulement l’illusion de la liberté et le logique des effets pervers est que plus il est libre, plus les effets pervers débouchent sur la contraire de ses objectifs selon Boudon (ex : la politique scolaire). Boudon VS Crozier : même thème de la rationalité avec la présence d’une main invisible (Smith). Boudon (individualisme) VS Bourdieu (holisme) : la théorie tient pour certain que la structure de l’ensemble a les propriétés qui ne résident dans les éléments de l’ensemble. On peut dire que c’est structuraliste car l’agence des éléments du système a des effets déterminants, mais aussi constructiviste car ça va de la théorie vers le réel. - 25 - Chapitre 4 Les nouvelles sociologies : Bruno Latour et M. Calon La problématique constructiviste n’est pas une école homogène mais unie qui regroupe une diversité de chercheurs, de travaux, de méthodes malgré cette multiplicité d’objets, il y a certains points communs entre les différents auteurs : Les réalités sociales sont conçues à la fois comme des constructions historiques mais aussi quotidiennes pour les acteurs (individuel ou collectif). Ces derniers n’ont pas nécessairement une volonté consciente et un contrôle de ces constructions : elles sont anciennes et en train de s’effectuer. Les constructivistes placent au cœur de leur raisonnement la notion d’historicité (hérité de la tradition marxiste). Il y a un double mouvement, ils héritent des conditions passés et il les reproduisent, les transforment, se les approprient ce qui ouvre la voie à l’avenir. Dans ce processus, les réalités sociales sont objectivées (matérialisées, repérables) par la pratique langagière et on va repérer la problématique par ce qu’en disent les acteurs donc par des règles institutionnelles. Ceux-ci limitent et favorisent à la fois la liberté des acteurs : ces pratiques et règles sont intériorisées dans la structure individuelle, les sensibilités, les perceptions, les connaissances pourtant les représentations ne suffisent pas à rendre compte de la réalité à elles seules. Le constructivisme se doit d’abord d’avoir un temps de sa démarche consacré à la déconstruction, c'est-à-dire à une interrogation de ce qui est présenté comme évident, de donné, de naturel comme un phénomène intemporel, nécessaire, homogène donc une démarche critique, de contestation. Mais une fois passé ce temps d’intellection, le constructivisme doit pratiquer une reconstruction de la réalité sociale où il fait preuve d’un réalisme pluriel car il laisse émerger une pluralité des réalités : il y en a plusieurs, tout dépend de la position de l’acteur. A – Latour Sociologue qui a été le plus loin dans la remise en cause de la réalité du monde unique d’om la violence des critiques. Latour et Calon sont des chercheurs installés depuis les années 1980 dans l’école des Mines, ils ont développés un cadre d’analyse sociologique original en combinant de nombreuses enquêtes empiriques et un certain nombre de travaux contemporains. Ils ont particulièrement observés des labos scientifiques et ils se sont inspirés de 2 auteurs Michel SERRES (travaux sur la notion de communication « Hermès, la communication » 1968) et David BLOOR (‘sociologie de la logique » 1982) de cette combinaison et de travaux philosophiques, ils créaient la notion de traduction. C’est la notion centrale qui a fait connaître leur point de vue : les acteurs travaillent constamment à traduire leur réalité et leur identité dans le langage des autres (exemple : ado). Ce processus est permanent de constructions et de déconstructions du monde qui l’entoure, les acteurs s’entre définissent, se déplacent les unes par rapport aux autres, il se forme donc ainsi provisoirement des réseaux qui sont eux même en redéfinition permanente. Lorsqu’un réseau se stabilise, le sociologue doit considérer cette rigidification comme une boîte noire. Ce programme de travail a des conséquences philosophiques et politiques très importantes car le fait de s’être inspirés de la sociologie de la logique oblige de reposer sur 2 principes du relativisme méthodologique qui est une bombe à retardement logique et évolutive : le principe d’impartialité : position politique du chercheur entre le vrai et le faux donc on ne peut pas prendre parti et rester impartial entre le réussite et l’échec dans l’analyse d’une controverse scientifique la symétrie, l’équidistance entre les idéologies ou encore entre les croyances qu’elles soient vraies ou fausses. C’est donc un programme politique ravageur.