s’exercer les activités de la politique pétrolière du général. En apparence, l’égalité
dans le dialogue ; en réalité, une quasi-dépendance entre l’ex-métropole et l’ex-
colonie sur arrière-fond pétrolier. À bien lire le texte, on a l’impression que celle-ci a
été au cœur de sa pensée politique et qu’il en a été un acteur déterminant. Cette
référence au pétrole est d’autant plus surprenante que les biographies consacrées à de
Gaulle n’y font pas toujours référence et que dans ses écrits ; et lui-même en parle
peu ou même pas du tout. Or nous savons d’une façon certaine que de Gaulle n’a pas
négligé ces problèmes d’intendance, d’abord quand il crée le BRP à la Libération,
ensuite quand la France affronte les Anglo-Saxons
entre 1946 et 1948, une première
fois à propos de la violation de « l’accord de la ligne rouge », une seconde fois quand,
après avoir créé ELF-ERAP, à 100 % de capitaux d’État, Elf conquiert le contrat de la
prospection du champ de Roumeilah en Irak en 1968 face à l’IPC. Faut il rappeler son
action politique au sujet du Sahara durant la guerre d’ Algérie,après 1961 ? Sa
vigilance à propos de la question du Sahara pétrolier quand les Français négocient
avec le FLN aux Rousses entre décembre 1961 et mars 1962 ? Celle-ci est attestée par
Bernard Tricot dans une lettre qu’il m’a adressée sur ce point. Cette vigilance s’exerce
aussi quand il oblige les filiales des pétroliers anglo-saxons à se plier aux injonctions
du gouvernement de Pompidou pour reprendre le pétrole saharien baptisé
« national ». Il est attentif également aux négociations menées avec Alger par notre
ambassadeur, qui aboutissent à l’accord de juillet 1965 qui remplace celui d’Évian.
Alors, peut-on parler d’un de Gaulle « pétrolier » ? Quelle est sa part et celle de
Guillaumat, son homme de confiance ? Il est difficile de dire ce qui revient à l’un ou à
l’autre, car ni l’un ni l’autre ne se sont expliqué clairement.
En effet, dans le numéro consacré à Guillaumat par les Annales des Mines
, à aucun
moment ne sont évoqués les problèmes africains pas plus d’ailleurs que dans la
monographie d’ELF rédigée par deux historiens
. Ce silence ou cette discrétion sur
une activité qui a accaparé l’attention des responsables d’ELF, au premier rang
desquels se trouve Guillaumat, mérite réflexion, d’autant plus que je me suis heurté
au refus d’ELF à chaque fois que j’ai demandé les documents susceptibles de répondre
à mes questions, entre 1970 et 1980. Ce refus avait-il pour intention de jeter le
manteau sur des dossiers compromettants ? Cette convergence dans la discrétion
correspondait aussi à la volonté de De Gaulle de refuser au Parlement qui
l’interrogeait de communiquer le capital de la société après qu’elle eût été créée en
1966. Effectivement et pendant longtemps, les documents publiés par ELF
n’apportent aucune réponse sérieuse aux questions qu’on pourrait se poser sur la
composition du conseil d’administration, sur son capital, son chiffre d’affaires, ses
bénéfices, ses investissements, etc., alors que, dans les années précédentes, le
Parlement avait été informé sur les activités du BRP et de la RAP, qui recevaient des
fonds publics, tout comme ELF-ERAP ultérieurement
.
4. La mise en place des réseaux liés aux activités pétrolières en Afrique
Effectivement, depuis qu’il a été créé, le BRP travaille avec persévérance un peu
partout dans le monde colonial ; il découvre ainsi au Sahara et en Afrique du gaz et du
Pour tout cela, cf. André Nouschi, La France et le pétrole, Paris, Picard, 2002.
Réalités industrielles, n° de septembre 1992.
Emmanuel Terrée et Alain Beltran, Elf Aquitaine, des origines à 1989, Paris, Fayard, 1998.
Sur ce point, voir les Dossiers du Canard enchaîné, ELF, Fric, Politique, Barbouzes.
L’empire d’essence. Enquête sur un super-scandale d’État, Paris, 1998.