REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE CONSEIL DE LA NATION ----------------------------------------------------------------------------------- ---------- COMMISSION DE LA DEFENSE NATIONALE Quatrièmes journées d’études parlementaires sur la défense nationale « La défense économique » ------------------------------------------------------------------- Alger, - CNA de Beni Messous 07 – 08 JUIN 2008 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------- SYNTHESE CONCLUSIVE ET RECOMMANDATIONS DES TRAVAUX -------------------------------------------------------------------------------- JUIN 2008 Outre le rappel du cadre général de ces quatrièmes journées d’études parlementaires sur la défense nationale, cinq thèmes majeurs ont structuré les travaux: Le concept émergent de défense économique comme dimension intégrante de la défense et de la sécurité nationales dans leur acception globale L’Algérie face aux vulnérabilités internes qui caractérisent le cadre endogène de sa sécurité économique L’Algérie face aux vulnérabilités externes qui marquent le contexte exogène de sa défense économique La sécurité énergétique de l’Algérie dans le contexte des enjeux internationaux La sécurité alimentaire de l’Algérie Le rappel à travers la synthèse des travaux depuis 2001 que la défense économique n’est qu’un aspect sectoriel, certes important de la sécurité et de la défense nationales, mais seulement un aspect de la problématique plus générale de la défense et de la sécurité nationales. Sur l’ensemble de ces thèmes les débats furent riches d’opinions exprimées et de recommandations formulées. La défense économique, c’est vaincre ses vulnérabilités. Il apparaît aujourd’hui que sans les hydrocarbures, l’Algérie aurait, à l’instar de beaucoup de pays dans le monde, connu elle aussi des émeutes de la faim ; c’est fort heureusement dans une conjoncture financière plutôt favorable que le futur lui renvoie la gravité de ses vulnérabilités actuelles. L’Algérie a-t-elle les moyens de vaincre ses vulnérabilités ? Oui, à condition d’y mettre aussi la volonté. Il faut reconnaître que depuis une dizaine d’années, elle est engagée dans la voie du salut. Elle construit des infrastructures, s’attaque au problème de l’eau, tente de ranimer l’agriculture et s’apprête à se réindustrialiser à travers la stratégie industrielle récemment mise en œuvre. En outre, elle s’est débarrassée de la dette extérieure qui était à l’origine de la crise et des dérives des années 90. Est-ce suffisant ? Assurément pas si les objectifs visés restent, dans l’ensemble ? très lointains et sans échéance. Or le temps presse et la construction d’une nouvelle économie est un pari audacieux car elle doit se réaliser dans le contexte de la mondialisation d’une part, et elle doit être soutenue par les revenus des hydrocarbures 2 mais pour une période déterminée, d’autre part. Elle est donc soumise à une double contrainte. Cependant, même en s’engageant résolument dans cette voie, il faut également que certaines conditions soient réunies. La première est que l’autorité de l’Etat soit affirmée. Elle doit être puissante pour résister aux vicissitudes de la conjoncture. Sans la stabilité, il est illusoire de mener un combat sans discontinuité contre les vulnérabilités qui représentent un danger mortel. L’Algérie a besoin d’une feuille de route de 20 ans pour les vaincre et s’imposer sur la scène internationale comme un acteur important pour assurer sa survie. La deuxième condition est que l’Algérie se débarrasse définitivement de sa frilosité pour s’engager dans la compétition internationale. Elle doit apprendre à se battre pour prendre des parts des marchés étrangers. Elle doit être à la fois audacieuse et ambitieuse. Sur un autre plan, il apparaît clairement que l’intelligence économique doit entrer dans les préoccupations des pouvoirs publics de manière à assurer la sécurité et la défense de notre économie. Cette préoccupation doit être prioritaire et placée au plus haut niveau de l’Etat, condition sine qua non, pour assurer l’efficacité et la pérennité des actions. L’intelligence économique doit se généraliser à toutes entreprises et autres organismes publics et privés à travers un travail de sensibilisation, de diffusion et d’essaimage qui ne peut provenir que des pouvoirs publics dans un premier temps puis se professionnaliser et être ouverte aux initiatives privées. La mise en œuvre de cette action passe, dans un premier temps, par la formation tout azimut (universités et centres de recherche) puis une spécialisation pointue en fonction des besoins spécifiques de notre pays dans les divers secteurs. A cet endroit, la coopération internationale est possible et souhaitable à ce niveau, tant les retards pris nous interpellent et les besoins immenses. La sécurité et la défense de l’économie de notre pays sont à ce prix, il est dès lors impératif d’accorder un tour de priorité à l’intelligence économique, d’autant que nous allons dans un monde où la compétition deviendra de plus en plus dure et ses répercussions ravageuses. L’Algérie vit une phase de transition et de mutations systémiques qui doivent conduire à des changements importants dans l’organisation des pouvoirs et de la société avec encore plus de démocratie, plus d’adhésion participative et plus de profondeur stratégique. La défense économique, qui revient à réformer l’Etat, passe par une nouvelle doctrine de celui-ci: les ingrédients de cette démarche sont à puiser aussi bien au niveau des réformes institutionnelles, politiques et économiques et dont les principaux impacts 3 sont de susciter des changements profonds dans la société, les systèmes relationnels et l’organisation des pouvoirs de façon à transformer l’Etat en une administration partenaire et de veille stratégique. Système d’acteurs, système d’information, système de veille, système de concertation sont les approches qui permettent de sédimenter les réseaux et qui passent par une information, une sensibilisation et un renforcement des capacités en une plus grande responsabilisation des acteurs. « C’est de cette nouvelle dynamique économique ascendante, associant collectivités locales et entreprises privées, qu’émergeront une nouvelle configuration du territoire, un nouveau mode de peuplement, une nouvelle localisation des activités, une nouvelle armature urbaine et donc de meilleures garanties pour une croissance économique. » Une des conditions de l’émergence de l’Etat stratège est de pouvoir donner plus de visibilité à l’action économique, politique et sociale et d’éviter de s’engluer dans le court terme et dans la quotidienneté. Pour cela, l’Etat a besoin de relais et de surfaces de transfert en mesure de l’accompagner dans ses politiques de réformes. Le principal objectif recherché est de faire de l’Algérie, une économie émergente avec un Etat fort sans être accapareur, une administration efficace sans être envahissante, une économique capable sans être soutenue. Une prise de conscience généralisée s’impose au niveau des pouvoirs publics et des opérateurs économiques que seules les combinaisons de capitaux, du savoir et de l’organisation constituent la clé de la productivité et la construction des avantages compétitifs. Plus que jamais le développement ne peut se laisser aller à des variations erratiques. Le développement dont le programme nécessite de réhabiliter les instruments et de requalifier la planification sous un aspect rénové, avec, pour toile de fond, la restructuration de l’information en réseau. La défense économique, c’est assurer la sécurité alimentaire du pays L’Algérie vit une situation de grande dépendance, par conséquent d’insécurité alimentaire, mise en lumière par la crise que traverse le monde et qui touche prés de 90 pays. L’insécurité alimentaire qui caractérise l’Algérie ne renvoie pas seulement à cette crise mondiale qu’elle contribue à nourrir et dont elle vit les néfastes retombées, mais surtout à l’incapacité structurelle de l’agriculture algérienne à répondre aux besoins de ses populations. Les contraintes internes sont nombreuses et sonnent comme autant d’explications fatales ou non fatales à cette situation ; un grand déséquilibre de distribution des populations entre le nord fortement peuplé et le sud du pays, des conditions naturelles difficiles, liées au climat méditerranéen sec et aride et au relief généralement escarpé ; des ressources foncières limitées avec une dotation de 0,23 hectare par habitant, là ou il faut en moyenne 0,6 hectare pour nourrir la population ; le déficit hydrique ; la 4 tendance à la désertification ; les calamités naturelles comme la sécheresse, les inondations, les dégâts des criquets et autres prédateurs ; le déclin des systèmes de production comme l’agriculture, la pêche et l’élevage sous l’effet combiné de la dégradation écologique et de l’exode rural ; l’inertie du système traditionnel blé mouton à très faible rendement ; cela dans un contexte de programmes de privatisation et de développement de l’investissement dans les domaines agroindustriels qui n’ont pas atteint leurs objectifs. En bout de ligne, près de 70% des besoins caloriques algériens sont importés, la dépendance algérienne pour les céréales importées étant de 70% pour la consommation humaine et 30% pour l’alimentation animale. Si l’on considère, de surcroît, que la population algérienne s’accroît de quelques 450.000 âmes chaque année, que notre pays comptera près de 60 millions d’habitants en 2050, que le rythme actuel de la croissance démographique est de loin supérieur à celui avec lequel évolue la superficie des terres cultivées ou celui avec lequel évoluent les rendements agricoles, on ne peut que mieux cerner l’ampleur des problématiques alimentaires qui nous préoccupent en tant qu’Algériens. La défense économique, c’est assurer la sécurité énergétique de l’Algérie dans le contexte des enjeux internationaux. Dans un contexte énergétique mondial de plus en plus marqué par l’accroissement des besoins, l’essoufflement de l’offre et l’aggravation de la dépendance des pays consommateurs vis-à-vis des pays exportateurs, il est clair que ces derniers, l’Algérie en particulier, subiront de plus en plus de pressions pour augmenter leur production au-delà des limites fixées par la nécessité de prolonger la vie de leurs gisements et d’assurer les besoins en énergie des générations futures. Les mutations actuelles du marché pétrolier imposent que soit transcendée la confrontation traditionnelle producteurs/consommateurs. La raréfaction des hydrocarbures et la nécessité de développer de nouvelles sources d’énergie rendent inéluctable une forte augmentation des prix du pétrole et du gaz naturel. Une augmentation devenue inévitable pour rendre rentables et possibles les investissements énergétiques colossaux estimés à plus de 16.481 milliards de dollars sur la période 2001-2030. Le problème des prix ne doit et ne peut donc plus être une pomme de discorde entre les producteurs, y inclus l’Algérie, et les consommateurs, puisque ces derniers ont fini par prendre conscience du fait qu’ils ne peuvent pas continuer à exiger à la fois la sécurité des approvisionnements, c’est-à-dire essentiellement la diversification des sources d’énergie, et un pétrole bon marché. Un énorme potentiel de coopération s’ouvre alors, et on peut espérer que les pays exportateurs prendront les initiatives qui s’imposent pour amorcer le dialogue et les actions nécessaires à une vraie coopération fondée sur les atouts dont disposent les 5 uns et les autres : technologie et know how d’un côté, capitaux et/ou ressources énergétiques de l’autre, et sur la complémentarité de leurs intérêts. Compte tenu de cette nouvelle donne du système énergétique mondial, le pétrole et le gaz naturel deviennent plus que jamais un formidable atout et une excellente ‘arme’ pour les pays qui les possèdent. Un atout et une arme à utiliser tous les jours pour tisser des rapports d’échanges et des alliances politiques avec les pays qui en ont besoin et établir avec ces pays des relations fondées sur l’équilibre des intérêts. Si les pays consommateurs doivent désormais relever le défi qui consiste à trouver et à développer de nouvelles sources d’énergie, les pays actuellement exportateurs de pétrole comme l’Algérie sont, pour leur part, confrontés à un défi autrement plus redoutable ; ils doivent eux aussi, trouver et développer de nouvelles sources d’énergie qui puissent compenser l’épuisement de leurs réserves. Ils doivent aussi, et surtout, utiliser le pétrole et ses revenus, pour développer d’autres sources de revenus : industrie, agriculture, tourisme, et autres. Ils doivent enfin préserver cette ressource providentielle au profit des générations futures. Cette ressource ne doit en aucun cas profiter à une ou deux générations seulement. C’est aussi cela la ‘défense économique’. Les débats sur ce thème ont mis en exergue la nécessité qu’il y a d’asseoir la sécurité énergétique de notre pays sur une politique qui : 1) préserve tout d’abord les ressources énergétiques existantes et intensifie les programmes de prospection et d’exploration pour accroître ces ressources, un juste équilibre devant être trouvé entre la nécessité de continuer à couvrir une partie des besoins mondiaux et l’impératif qu’il y a de conserver nos gisements pour nos générations futures et assurer l’avenir énergétique du pays. 2) valorise la production pétrolière et gazière en créant autour de ce secteur d’activité encore plus de valeur ajoutée industrielle et par conséquent d’emploi. 3) valorise à l’externe l’expérience et les know how technologiques capitalisés par les grandes entreprises algériennes qui oeuvrent dans le domaine des hydrocarbures et de l’énergie d’une façon générale, à travers leur pénétration accrue des marchés étrangers d’exploration, d’exploitation, de transport, de transformation et de commercialisation de l’énergie. 4) exploite de façon intensifiée pour assurer l’après-pétrole et l’après-gaz énergétique, le potentiel des énergies alternatives, notamment l’énergie nucléaire par la valorisation des gisements uranifères du Hoggar et les énergies renouvelables que sont notamment l’énergie solaire, thermique et photovoltaïque, l’énergie éolienne et la géothermie. 6 5) concilie surtout l’impératif d’une utilisation à long terme de nos ressources avec les besoins du pays en ressources extérieures immédiates pour financer les ambitieux programmes de développement initiés par l’Etat. 6) consacre la sécurité et la défense économiques comme composantes essentielles de la sécurité et de la défense nationales. La réflexion menée dans le cadre des journées d’études parlementaires depuis 2001 nous amène à considérer que nous devons de plus en plus mettre en avant la sécurité nationale comme notion centrale autour de laquelle doivent s’articuler les différentes composantes de la sécurité et de la défense nationales. En mettant l’accent durant toutes les éditions de ces journées sur le traitement préalable prioritaire et urgent de nos vulnérabilités dans tous les domaines, nous avons en réalité posé le principe du primat de la sécurité nationale. La défense nationale ne sera cependant ni négligée ni occultée ; bien au contraire elle reste le pivot et le noyau dur de notre concept et de notre doctrine en la matière, en ce que seule la défense nationale permet d’exprimer de manière lisible et crédible la volonté de la collectivité nationale à défendre ses valeurs et intérêts fondamentaux ; c’est le lieu par excellence où s’exprime cette volonté souveraine. Les journées d’études parlementaires depuis 2001, nous ont permis, avec cette 4ème édition consacrée à la défense économique, d’explorer et de revisiter notre conception de notre sécurité et de notre défense nationales et il apparaît ainsi présentement plus que nécessaire de passer dans ce domaine à un niveau qualitativement supérieur dans le respect de notre histoire, notamment pour proposer le concept de défense citoyenne, de résistance citoyenne, de défense par sanctuarisation citoyenne, de défense dissuasive par sanctuarisation citoyenne. Cette évolution constitue non pas une rupture mais la continuité et l’approfondissement de notre conception en la matière depuis le 1er novembre 1954. Pour conclure, il y a lieu insister sur une vertu transversale et fondamentale qui, à notre sens, a toujours fait, peu ou prou, défaut aux gouvernants que nous sommes ou avons été : le pouvoir d’anticipation. Il est bien plus efficace et en tous cas plus durable de préparer l’avenir en anticipant ses contraintes que de gérer, sans une totale liberté de moyens, le présent et ses problèmes. 2040, ce n’est pas le lointain futur sur l’échelle de nos projections temporelles ! 2040, c’est demain ! 2040, c’est même aujourd’hui ! car ceux qui seront les acteurs de 2040 sont déjà nés ! nous les côtoyons tous les jours et c’est leur avenir qui est en débat. 7 Recommandations Les participants suggèrent : 1. de réserver une attention toute particulière, un statut adéquat et une place de choix dans la conduite des affaires publiques aux secteurs de la sécurité nationale ci-après : - la sécurité alimentaire ; la sécurité sanitaire ; la sécurité énergétique ; la sécurité environnementale. 2. il serait souhaitable d’éditer non seulement les actes de cette quatrième rencontre mais également de procéder à une réédition et une large diffusion des actes des précédentes journées ainsi que ceux du colloque international sur la mondialisation et la sécurité ; une telle diffusion devrait toucher aussi largement que possible le public intéressé, notamment les bibliothèques des universités, centres universitaires et centres de recherche sur tout le territoire national. En outre il serait judicieux, pour qu’un plus large public soit atteint, que le Conseil de la Nation cède à titre gracieux les droits d’édition qu’il détient et inhérents à l’ensemble de ces actes au profit d’un éditeur public ou même privé, à la seule condition qu’il en réalise une version en langue arabe dans une traduction fidèle. 3. les participants émettent le vœu que les pouvoirs publics puissent trouver dans la réflexion initiée depuis 2001 et la matière qu’elle a permis de produire, une source d’inspiration pour l’élaboration de nos textes juridiques dans le domaine de la sécurité et de la défense, tant les concepts sont en constante évolution. 4. compte tenu de l’importance capitale de la formation des hommes et des citoyens, les participants souhaitent vivement que la prochaine édition soit consacrée au système éducatif et universitaire dans sa relation avec la culture de sécurité et de défense ainsi que son apport à la citoyenneté. 8