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La Passion du rural | Tome 2 | chapitre IX
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54. La nouvelle politique de développement régional : déceptions,
inquiétudes et espoirs
Le Conseil des ministres donnait le 18 décembre dernier (1991), le feu vert à la nouvelle
politique de développement régional du ministre Yvon Picotte
. Depuis longtemps
attendue, cette réforme provoque des réactions. Au-delà des absences et des faiblesses du
document Développer les régions du Québec, des potentialités réelles suscitent de
l’espoir. Aux régions de s’approprier, à travers une démarche crédible et engagée, de ce
pouvoir de concertation, de priorisation et de coordination impliquant les ministères à
titre de partenaires de leurs stratégies. Aux ministères et au Secrétariat général associé
aux Affaires régionales à respecter « l’esprit » de la réforme Picotte.
Déceptions et inquiétudes
À la lecture du document, il y a lieu de regretter que le projet soumis ne soit pas plus
novateur et ambitieux. L’occasion était pourtant propice à la formulation d’une approche
avant-gardiste qui aurait intégré les nouvelles tendances du développement économique,
la logique déconcentrée de localisation d’un nombre croissant d’activités de production,
les aptitudes d’accueil des espaces non métropolitains de plus en plus valorisés pour le
redéploiement économique, la volonté et la capacité accrues des collectivités à participer
au processus de leur développement, le rôle grandissant des services et de l’environ-
nement naturel et bâti comme facteurs de localisation des entreprises et des familles, etc.
On regrette aussi l’absence d’un énoncé politique ferme, audacieux, courageux, tra-
duisant un engagement résolu du gouvernement en faveur du développement de la société
québécoise fondé sur l’occupation et la redynamisation économique, sociale et culturelle
de toutes les régions du Québec.
Lorsque le ministre déclare en entrevue « ... on ne peut pas laisser les régions continuer à
péricliter comme elles périclitent actuellement parce que, en ce faisant, on affaiblit le
Québec au complet », on voudrait être certain que cela corresponde à une vision gou-
vernementale et que l’ensemble du Conseil des ministres y adhère.
On voudrait, d’autre part, avoir la certitude que le Québec périphérique (Bas-St-Laurent,
Gaspésie/Iles-de-la-Madeleine, Côte-nord, Abitibi-Témiscamingue, Saguenay/Lac-St-
Jean) soit enfin un enjeu de cette réforme. Lorsque le ministre Johnson, en écho à son
collègue Picotte, répète encore que Montréal doit être la locomotive du Québec, faut-il
VACHON, Bernard ; Texte publié dans la revue Relations, avril 1992. Dans un numéro ultérieur, Guy
Paiement, directeur de ce mensuel, écrivait en éditorial : « Tout se passe, comme si nous avions pris notre
parti de favoriser les régions en croissance économique et de fortifier les villes de banlieue, laissant à leur
sort les villes et les régions qui se vident et qui tombent rapidement dans le sous-développement social et
économique. Les résidents de l’Abitibi, de l’Outaouais, du Saguenay/Lac Saint-Jean et de la Gaspésie
n’eurent pas de peine à se reconnaître dans notre troisième dossier intitulé « Pas de pays sans les régions »
(avril 1992). L’urgence de développer autrement s’imposait. »
Ministre sous le gouvernement libéral de Robert Bourassa.