justement, y a-t-il aujourd’hui un risque de pillage, de vols, de trafics à
Tombouctou?
M. H. : Maintenant que les troupes françaises sont sur le terrain et que les Maliens se
sont débarrassés de ces hordes obscurantistes - parce qu’il faut appeler un chat un
chat -, que cette ville est libérée, je pense qu’il n’y a plus de risques. Le risque qui
reste, c’est le trafic des criminels, des réseaux de crimes et les trafics en tous genres.
RFI : Vous expliquez que ces documents ont une valeur inestimable, mais ont-ils
une valeur marchande ?
M. H. : Bien sûr. Pour les collectionneurs, ils ont une valeur marchande. Ça peut
coûter et se vendre à prix d’or.
RFI : Est-ce que, par exemple, l’Unesco pourrait mettre en place une alerte, un
système de vigilance pour faire attention à ce que sur les enchères, et peut-être
demain dans les capitales européennes, ces documents soient mis en vente ?
M. H. : Je l’espère. En tout cas, j’ai téléphoné le 29 janvier dernier à quelques
collègues à l’Unesco. On n'y avait pas encore fait de communiqué. On attend, m’a-t-on
dit, de connaître l’ampleur des dégâts. Je pense que l’on aurait quand même pu faire
un communiqué en attendant de quantifier l’ampleur des dégâts, comme mes collègues
me l’ont dit. Aussi, on pourrait placer une alerte, en effet, pour dissuader les
trafiquants.
Souvenons-nous de la destruction des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan, qui
étaient, eux, classés patrimoine mondial. Ces gens-là n’hésitent devant rien pour
détruire. Ce monument-là du bouddhisme multimillénaire a été détruit. Il en est de
même à propos des manuscrits à Tombouctou. C’est pour cela qu’il faut, maintenant
que cette ville est plus ou moins libérée, vraiment veiller à ce que cette richesse du
Mali, du monde musulman et du monde en général, soit préservée de ces gens-là.
Il ne s’agit pas de criminels ou de fanatiques qui ne s’entendent pas et s’en prennent à
tout ce qui est de l’ordre du savoir. C’est dans leur réflexe d’agir ainsi. Je pense qu’il y
a aussi une stratégie derrière tout cela, parce que cet islam-là, cet islam maraboutique,
cet islam mystique, cet islam hautement spirituel, cet islam encyclopédique, c’est
l’ennemi mortel de l’autre islam, c’est-à-dire l’islam obscurantiste, l’islam wahhabite,
l’islam d’Ibn Taymiyya, l’islam d’Ibn al-Banna, l’islam en un seul mot, l’islam du
Qatar parce que c’est un islam wahhabite.
Il faut donc faire attention, parce que ces gens-là sont en manœuvre depuis des années.
Ils ne sont pas là depuis quelques mois, ils y sont depuis déjà quelque temps. Et il y a
une compétition, une tentative d’enrayer tout ce qui ressemble à cet islam de tolérance,
à cet islam des Lumières, à cet islam de l’acceptation, de l’autre, quel qu’il soit. Il est
en train d’être enrayé par ces foules d’obscurantistes pour qu’il se substitue à cet
islam-là. L’islam wahhabite contre l’islam malikite, sunnite et africain de ces régions-
là.
Propos recueillis par Caroline Paré