Selon Geertz, ce ne sont pas des « théories » ou des « méthodes » qui font les progrès de la
discipline, mais l’invention de « théâtres de langage » (ou régimes de discursivité…), c’est-à-
dire les solutions littéraires permettant d’affronter la situation paradoxale de l’ethnologue (qui
est à la fois « Ici » et « Là-bas »…). Il y a là une vision alternative de l’histoire de la
discipline, qui s’inscrit dans le tournant littéraire mais ne nie absolument pas les progrès
acquis.
A l’inverse Clifford, avec « Writing Culture », cherche à instaurer dans l’histoire de la
discipline une discontinuité radicale. Regna Darnell parle de « rhétorique de la discontinuité »
pour souligner que cette rupture réside largement dans une posture de nouveauté
autoproclamée, une myopie historique (peu de références bibliographiques anciennes) et une
tendance à faire converger vers Writing Culture des courants de pensée disparates.
J’ai valorisé les copies qui ont su prendre de la distance avec cette discontinuité, la replacer
comme moment critique dans un contexte historique particulier (moment où il fallait enterrer
des paradigmes…) et rapporter ces postures plus ou moins « conservatrices » à des positions
institutionnelles contrastées (Geertz est en fin de carrière, alors que les participants à
« Writing Culture » se lancent…).
Micro/macro
L’opposition « in/of the world-system » de Marcus renvoie à différentes postures face à une
question nécessairement problématique, celle des rapports entre les échelles « micro » et
« macro ». Le problème ne saurait être réglé par de simples formules normatives, générales et
floues (« il faut prendre en compte le changement », « il faut s’intéresser au local »). Ce genre
de slogan n’apporte rien, tant qu’on ne montre pas en quoi telle approche permet de saisir le
changement, en quoi elle y échoue… J’ai apprécié qu’on esquisse une mise en cause de la
notion de contexte (ou de l’opposition lifeworld/system qui est dans le texte, ce qui revient au
même). J’ai également valorisé que se trouve exprimée, d’une manière ou d’une autre, l’idée
de construction (production culturelle) ou celle de contenus culturels traversant des frontières.
Pour comprendre la nouveauté de la microstoria, il n’est pas suffisant de la contraster avec
l’histoire du 19ème siècle : c’est surtout l’approche des Annales qui était visée en tant
qu’historiographie « traditionnelle ». J’ai pénalisé ceux qui n’ont vu, dans l’approche de
Giovanni Levi, qu’un intérêt arbitraire pour le local ou pour l’étrange : pour Giovanni Levi,
« s’intéresser aussi aux marginaux » n’est pas une fin en soi. J’ai aimé qu’on insiste sur la
prise en compte de l’action des acteurs, dans des situations définies localement (contraintes),
mais comportant aussi une part d’incertitude (d’où l’éclairage anthropologique, qui permet
d’expliquer les comportements observés).
D’une manière générale, j’ai valorisé ceux qui ont compris l’idée d’engendrement dans le
local de phénomènes globaux, mais aussi ceux qui ont exprimé une vision plus
« multiscopique » (la variation d’échelle est éclairante en elle-même). La question invitait à
présenter les deux auteurs dans une même argumentation, et non à les juxtaposer. J’ai pénalisé
les réponses du type « les postmodernes font ceci parce qu’ils sont postmodernes et le
postmodernisme c’est ça ! ». La question invitait précisément à évoquer les vrais enjeux
théoriques associés à telle ou telle approche, en passant outre l’étiquetage de « tendances »
dans lesquelles les auteurs (G. Levi !!!…) ne se reconnaîtraient pas. Rappelez-vous la
tournure de Marcus : « the wave of intellectual capital labeled postmodern »…
Bonne année et bonne continuation !