M. Théry, Lycée St-Rémi, Roubaix
L'indicatif tend à éliminer toute idée de doute, de
possibilité (Chevalier, p. 160), de subjectivité et met
l'accent sur le verbe et la RÉALITÉ de l'action
subordonnée :
- Vous êtes le seul à qui je peux demander ce service.
- Il a construit le plus bel hôtel qu'il y a dans la ville.
- Il y a peu d'hommes qui ont eu un tel courage.
Mais dans toute subordonnée complément d'un
superlatif, l'usage moderne préfère l'emploi du
subjonctif.
- "Tu es la seule à qui j'aie osé vouloir plaire et peut-
être la seule à qui j'ai plu." (Lettre de Flaubert à Louise
Colet)
5) par des tournures qui impliquent une idée
d'APPRECIATION (le subjonctif met l'accent sur
cet élément d'appréciation) :
SUPERLATIFS, expressions à valeur superlative (le
seul, l'unique, le premier, le dernier, l'ultime, un
des rares qui ...), tours restrictifs (le peu, ne ... que ...)
- Vous êtes le seul à qui je puisse demander ce service.
- Il a construit le plus bel hôtel qu'il y ait dans la ville.
- Armstrong et Aldrin sont les premiers qui aient
marché sur la lune.
- Il y a peu d'hommes qui aient eu un tel courage.
(antécédent plus proche de la virtualité que de la
réalité ; on insiste sur le grand nombre des autres)
- Je ne connais qu'une personne qui soit capable d'un
tel exploit.
- "Tu es la seule à qui j'aie osé vouloir plaire et peut-
être la seule à qui j'ai plu." (Lettre de Flaubert à Louise
Colet)
La langue classique joue subtilement de la valeur propre des modes indicatif et subjonctif pour nuancer
la pensée lorsqu'elle s'exprime par un SUPERLATIF complété d'une RELATIVE :
L'INDICATIF dans la subordonnée
met l'accent sur le VERBE
Le SUBJONCTIF fait porter
l'accent sur le SUPERLATIF
M. Jourdain déclare à sa fille :
"C'est une affaire fort sérieuse et la plus pleine
d'honneur pour vous qui se peut souhaiter."
(M. Jourdain souligne un FAIT pour lui
indiscutable : le fils du Grand Turc est pour Lucile le
meilleur parti qui soit)
De même Malherbe écrit dans la Consolation à M. du
Perrier sur la mort de sa fille :
"Vouloir ce que Dieu veut est la seule science / Qui
nous met en repos."
(C'est pour lui un FAIT d'expérience, la constatation
d'une évidence : sa résignation aux volontés de Dieu
lui a procuré le repos de l'âme)
- Il est le plus sot que j'ai vu.
(J'ai vu bien des sots, qui l'étaient moins que lui)
Madame de Sévigné rapporte ces paroles :
"Voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j'aie
jamais lu."
(Il ne s'agit pas , en effet, d'insister sur le fait qu'il a
lu le madrigal, mais sur le degré de sottise et de
ridicule de celui-ci, c'est-à-dire sur une
CONCEPTION DE L'ESPRIT.)
Malherbe aurait pu écrire :
"... la seule science qui nous mette en repos."
(le subjonctif détournerait l'esprit de cette
constatation d'une évidence pour l'attacher à l'idée
marquée par le seul superlatif "la seule")
- Il est le plus sot que j'aie vu.
(De plus sots n'existent pas ; et pourtant j'ai vu
nombre de sots)
Références bibliographiques : Chevalier, Grammaire du français contemporain, Larousse, 1966, n° 262-274 ; Courault, Manuel
pratique de l'art d'écrire, Hachette, 1956, tome I, p. 106, tome II, p. 185, 190, 203. Le Robert et Nathan, Grammaire, 1995.