Le décalage français
Le PIB allemand a baissé de 4,7 % en 2009, contre - 2,6 % pour le PIB français. A la fin de
l'année, l'Allemagne devrait afficher une croissance de + 3 %. La France attend + 1,4 %. " La
croissance moyenne, en glissement annuel, côté français, reste supérieure à celle observée
côté allemand : + 1,8 % sur la période 1998-2010, contre + 1,1 % ", insiste Mathilde
Lemoine.
La moindre performance trimestrielle française - relativement à l'Allemagne - tient pour une
large part, selon les économistes, à une moindre dépendance aux exportations : 30 % du PIB
côté français, 50 % côté allemand. En 2009, cette caractéristique a fait que l'économie
française a été un peu moins touchée par la crise.
Aujourd'hui que le commerce mondial repart, elle n'en profite pas pleinement. " En
Allemagne, les exportations sont en hausse de 18 % sur un an, contre 9,9 % en France ", note
Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. " La principale difficulté de la France c'est que,
contrairement à l'Allemagne, elle ne dispose pas de la capacité à s'accrocher à la dynamique
mondiale. Notamment à celle, très forte, des marchés émergents ", relève Nicolas Bouzou,
directeur de la société Asterès.
L'autre facteur qui explique le " décalage " français, c'est le poids du système social dans
l'économie nationale. Les transferts sociaux (prestations sociales, fiscalité), mais aussi la
structure du marché du travail, jouent un rôle d'" amortisseur en période de crise ", mais ont "
un effet boulet en période de reprise ", remarque Nicolas Bouzou.
Un coussin de sécurité
" Les prestations de protection sociale représentaient 44 % du revenu disponible brut des
ménages français en 2007 en France, détaille Mathilde Lemoine. L'ampleur des variations de
ce revenu, à la hausse comme à la baisse, est donc limitée par ces dépenses publiques. " Cela
a un impact sur la consommation, qui est la principale composante de la croissance en France
: pendant la crise, les transferts sociaux ont contribué à soutenir - relativement - les revenus et
donc la demande ; avec la reprise, " l'augmentation des recettes fiscales limite la croissance
du revenu disponible, les transferts se réduisent ", explique Mathilde Lemoine.
" La variation de l'emploi très faible " est une autre caractéristique française, rappelle Sylvain
Broyer. " C'est un coussin de sécurité en période de récession car cela soutient la
consommation. Mais, lorsque cela repart, il y a aussi une moindre hausse de l'emploi et donc
de la consommation, de l'investissement... " Ce qui se traduit dans les chiffres d'évolution du
PIB.
Le modèle allemand
Faut-il, dès lors, réformer ce " modèle social " ? C'est ce qu'a fait l'Allemagne ces dernières
années, rappellent les économistes, qui, pour un certain nombre, estiment qu'elle en tire
aujourd'hui les bénéfices. Avec les lois Hartz, entre 2003 et 2005, puis l'" Agenda 2010 ", les
Allemands ont réduit la durée des prestations chômage, les prestations sociales et les dépenses
d'assurance-maladie. " Ils ont aussi revu la fiscalité, augmenté la TVA, réformé des retraites ",
rappelle Sylvain Broyer.
La part des dépenses publiques dans le PIB en Allemagne est passée de 48,5 % en 2003 à 43,7
% en 2008 - remontant à 47,6 % en 2009 avec la crise, contre 55,6 % en France. Le taux de
prélèvements obligatoires était de 39,5 % en Allemagne en 2008, contre 42,8 % en France.