des diverses croyances religieuses limitées et autres types de croyances des différents
groupes et individus. La capacité à présenter des raisons publiques et d’en débattre
publiquement est déjà présente dans la majorité des sociétés. À partir de là, j’en appelle
au développement de ce raisonnement public conscient et croissant dans le temps, plutôt
que de suggérer qu’il est totalement absent maintenant ou qu’il ne sera pas réalisé dans
un futur immédiat. J’espère que cet effort de promotion de la pratique de la raison
publique deviendra plus clair lors du développement de cette notion dans ce chapitre et
les chapitres suivants.
Avant d’aller plus avant, il faut clarifier un point de terminologie en ce qui
concerne les liens entre les principales propositions de mon livre et le concept de
« sécularisme ». La séparation entre islam et État qui constitue la première partie de mon
argument parait être similaire au sécularisme pris et compris dans son sens commun,
lequel est rejeté par de nombreux musulmans. Le lien entre islam et politique, sur lequel
je mets une emphase dans la seconde partie de ma proposition, est une tentative de
répondre aux attentes des musulmans en ce qui concerne le sécularisme. La perception
négative commune du sécularisme dans majeure partie du monde musulman ne fait pas la
distinction entre la séparation entre islam et État d’une part et le lien entre islam et
politique d’autre part. En manquant de reconnaître cette distinction, la séparation entre
islam et État est comprise seulement dans le sens d’une relégation totale de l’islam au
domaine purement privé et de son exclusion de la sphère de la politique publique. Étant
donné que ce n’est pas ce que je propose, il serait sage d’utiliser le terme de pluralisme à
la place de sécularisme afin d’éviter de confondre ma position avec la perception
commune négative du sécularisme qui existe au sein des musulmans. Cette utilisation est
inappropriée car le sécularisme est en fait nécessaire pour la réalisation pratique et sur le
long terme du pluralisme. La notion de pluralisme peut dès lors signifier l’acceptation
non qualifiée et institutionnalisée de valeurs religieuses, culturelles et d’autres formes de
diversité comme des valeurs sociales et politiques. En effet, les deux concepts requièrent
une neutralité religieuse de l’État. Cependant, j’utiliserai aussi le terme de sécularisme,
en plus du pluralisme tel que nous venons de le définir, afin de réhabiliter le concept et de
décourager des associations négatives chez les musulmans.
Toujours au sujet de la terminologie, j’utiliserai le terme d’ « État territorial » au
lieu d’ « État-nation », car l’aspect essentiel du modèle européen qui est maintenant
appliqué par toutes les sociétés islamiques est la juridiction exclusive de l’État sur un
territoire spécifique et une population qui réside sur ce dernier, en dépit du fait que cet
État constitue ou non une « nation » par la virtue de l’unité ethnique, linguistique ou
culturelle. Je considère aussi que l’emphase mise sur la « nation » mène souvent à des
politiques autoritaires qui violent le droit à l’auto-détermination de l’individu et de la
communauté, qui sont les rationnels sous-entendus de l’État en premier lieu. J’espère dès
lors aider à transformer les attitudes des musulmans à l’égard de la nature séculière
inhérente de l’État et le rôle critique des principes des droits de l’homme et de la
citoyenneté, en constante médiation et négociation de ces relations entre islam, État et
société. Le contexte de la constante négociation de ces relations dans les sociétés
islamiques actuelles est formé par de profondes transformations au sein des structures et
des institutions politiques, sociales et économiques, dans lesquelles tous les musulmans
vivent et entrent en contact avec les autres communautés. Une telle capacité à entrer en
contact et à se rapprocher est le résultat du colonialisme européen, et plus récemment, du